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Arrêt
publié le 28 octobre 2020

Extrait de l'arrêt n° 95/2020 du 25 juin 2020 Numéro du rôle : 6913 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 346 du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de première instance de Namur, division Namur.

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 95/2020 du 25 juin 2020 Numéro du rôle : 6913 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 346 du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de première instance de Namur, division Namur.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, R. Leysen, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 19 avril 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 30 avril 2018, le Tribunal de première instance de Namur, division Namur, a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 346 du C.I.R. 1992, interprété comme réputant tardives les observations formulées par le contribuable à l'appui de son désaccord sur l'avis de rectification au moyen d'une lettre recommandée remise aux services de la poste avant l'expiration du délai d'un mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit l'envoi de cet avis mais parvenue aux services de taxation après l'expiration de ce délai ne viole-t-il pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec les principes généraux de sécurité juridique et de respect des droits de la défense et l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et, le cas échéant, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme lorsque la rectification porte sur des accroissements d'impôts ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 346 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992), tel qu'il était applicable lors de l'exercice d'imposition 2010 et après sa modification par l'article 7 de la loi du 19 mai 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/05/2010 pub. 28/05/2010 numac 2010003319 source service public federal finances Loi portant des dispositions fiscales et diverses type loi prom. 19/05/2010 pub. 02/06/2010 numac 2010024175 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de santé fermer « portant des dispositions fiscales et diverses », dispose : « Lorsque l'administration estime devoir rectifier les revenus nets et les autres éléments que le contribuable a soit mentionnés dans une déclaration répondant aux conditions de forme et de délais prévues aux articles 307 à 311 ou aux dispositions prises en exécution de l'article 312, soit admis par écrit, elle fait connaître à celui-ci, par lettre recommandée à la poste, les revenus et les autres éléments qu'elle se propose de substituer à ceux qui ont été déclarés ou admis par écrit en indiquant les motifs qui lui paraissent justifier la rectification.

Lorsque l'administration fait usage du moyen de preuve prévu à l'article 342, § 1er, alinéa premier, elle communique de la même manière le montant des bénéfices ou profits de trois contribuables similaires ainsi que les éléments nécessaires pour établir proportionnellement le montant des bénéfices ou profits du contribuable concerné.

Un délai d'un mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit l'envoi de cet avis, ce délai pouvant être prolongé pour de justes motifs, est laissé au contribuable pour faire valoir ses observations par écrit; la cotisation ne peut être établie avant l'expiration de ce délai, éventuellement prolongé, sauf si le contribuable a marqué son accord par écrit sur la rectification de sa déclaration ou si les droits du Trésor sont en péril pour une cause autre que l'expiration des délais d'imposition. [...] Au plus tard le jour de l'établissement de la cotisation, l'administration fait connaître au contribuable, par lettre recommandée à la poste, les observations que celui-ci a formulées conformément à l'alinéa 3 du présent article, et dont elle n'a pas tenu compte, en indiquant les motifs qui justifient sa décision ».

B.2.1. La question préjudicielle porte sur la compatibilité de l'article 346, alinéa 3, du CIR 1992 précité avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les principes généraux de sécurité juridique et des droits de la défense, avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et, le cas échéant, avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle sont réputées tardives les observations formulées par le contribuable à l'appui de son désaccord sur un avis de rectification de sa déclaration fiscale au moyen d'une lettre recommandée remise à la poste avant l'expiration du délai d'un mois mais parvenue à l'administration fiscale après l'expiration de ce délai.

B.2.2. Il ressort de la motivation de la décision de renvoi ainsi que des faits soumis au juge a quo que la question préjudicielle porte, en outre, sur la compatibilité de l'article 346, alinéa 5, du CIR 1992 avec les normes de référence précitées, dans l'interprétation selon laquelle, dans l'hypothèse visée en B.2.1, à défaut d'avoir reçu les observations du contribuable dans le délai légal, l'administration fiscale n'est pas tenue de lui adresser une décision motivée de taxation.

La Cour examine la question préjudicielle en ce sens.

B.3. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne s'applique pas, sous son aspect civil, aux procédures fiscales (CEDH, 12 juillet 2001, Ferrazzini c. Italie; 23 février 2006, Stere c.

Roumanie; 3 août 2006, Stîngaciu et Tudor c. Roumanie; 14 avril 2009, S.C. Ghepardul S.R.L. c. Roumanie; 23 juillet 2009, Joubert c. France; 6 octobre 2009, Poniatowski c. France).

B.4.1. Bien que la question préjudicielle ne précise pas explicitement les catégories de personnes qu'il convient de comparer, il ressort de la motivation de la décision de renvoi que la Cour est invitée à comparer la situation du contribuable qui fait valoir ses observations sur l'avis de rectification de sa déclaration fiscale par lettre recommandée en vertu de l'article 346 du CIR 1992, avec la situation du contribuable qui introduit une réclamation contre un avertissement-extrait de rôle par lettre recommandée en vertu de l'article 371 du CIR 1992.

B.4.2. L'article 371 du CIR 1992 dispose : « Les réclamations doivent être motivées et introduites, sous peine de déchéance, dans un délai de six mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit la date d'envoi de l'avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation, telle qu'elle figure sur ledit avertissement-extrait de rôle, ou qui suit la date de l'avis de cotisation ou de la perception des impôts perçus autrement que par rôle.

Dans le cas visé à l'article 302, alinéa 2, le délai commence à courir à la date à laquelle l'avertissement-extrait de rôle est mis à disposition du contribuable au moyen d'une procédure utilisant des techniques informatiques.

Si la réclamation est introduite par lettre recommandée, la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi vaut comme date d'introduction ».

B.4.3. Alors que, dans l'interprétation de l'article 346, alinéa 3, du CIR 1992 donnée par le juge a quo, le contribuable qui fait valoir ses observations sur l'avis de rectification de sa déclaration par lettre recommandée doit faire parvenir celles-ci à l'administration dans le délai d'un mois prévu par cette disposition, le contribuable qui introduit une réclamation contre un avertissement-extrait de rôle par lettre recommandée en vertu de l'article 371, alinéa 3, du CIR 1992, doit envoyer celle-ci dans le délai de six mois prévu à l'article 371, alinéa 1er, du CIR 1992, la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi valant comme date d'introduction.

B.4.4. L'alinéa 3 de l'article 371 du CIR 1992 a été introduit par l'article 16 de la loi du 25 avril 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/04/2014 pub. 19/08/2014 numac 2014000465 source service public federal interieur Loi visant à corriger plusieurs lois réglant une matière visée à l'article 78 de la Constitution fermer « visant à corriger plusieurs lois réglant une matière visée à l'article 78 de la Constitution ».

Les travaux préparatoires indiquent : « L'article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR92) accorde au contribuable un délai de six mois pour introduire toute réclamation en matière d'impôt des personnes physiques. Selon l'interprétation actuelle de l'administration, cet article implique que toute réclamation doit effectivement parvenir au fisc dans ce délai. Dès lors, tout contribuable qui introduit une réclamation par pli simple ou par recommandé pourrait peut-être ne pas disposer de l'intégralité de ce délai. En effet, le contribuable ne peut pas prévoir avec certitude à quel moment les services postaux remettront sa réclamation. Aujourd'hui, toute réclamation envoyée dans le délai précité, par recommandé ou non, mais qui ne parvient au fisc qu'après l'expiration du délai prévu, est tardive, de sorte que le contribuable doit prévoir une marge de sécurité qui écourte de facto le délai de six mois.

Il ressort des plaintes reçues à ce sujet par le Collège des médiateurs fédéraux qu'un nombre considérable de contribuables envoient la réclamation par courrier recommandé le dernier jour du délai imparti. Ils supposent ainsi, à tort, avoir introduit leur réclamation dans le délai prescrit, notamment parce que tel est le cas dans d'autres systèmes de computation des délais.

Aussi le Collège des médiateurs fédéraux propose-t-il de modifier l'article 371 du CIR92 en sorte que la date d'envoi de la réclamation vaut comme date d'introduction, et non le jour de la réception effective de la réclamation par l'administration fiscale. Cette recommandation a été formulée une première fois en 2003, et répétée en 2007.

La présente proposition technique vise à faire en sorte que le contribuable puisse introduire la réclamation par courrier recommandé en étant certain de la date d'introduction. Dans ce cas, la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi pourrait valoir comme date d'introduction.

La proposition ne modifie pas les autres modes d'introduction, tels que la remise en personne au directeur régional. Par ailleurs, la proposition ne concerne que le courrier recommandé classique, et non les formes d'envoi électroniques » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3098/001, pp. 7-8).

B.5. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.6. L'article 172, alinéa 1er, de la Constitution est une application particulière, en matière fiscale, du principe d'égalité et de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.7. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.8.1. L'article 346, alinéa 3, du CIR 1992 laisse un délai d'un mois au contribuable pour faire valoir ses observations par écrit sur un avis de rectification de sa déclaration qui lui est adressé par l'administration fiscale. Ce délai constitue également un délai d'attente pour l'administration, la cotisation ne pouvant être établie avant l'expiration de ce délai.

B.8.2. La même disposition prévoit toutefois deux cas dans lesquels la cotisation peut être établie avant l'expiration de ce délai : lorsque le contribuable a marqué son accord par écrit sur la rectification de sa déclaration, d'une part, et lorsque les droits du Trésor sont en péril pour une cause autre que l'expiration des délais d'imposition, d'autre part.

B.8.3. L'article 346, alinéa 5, du CIR 1992 prévoit qu'au plus tard le jour de l'établissement de la cotisation, l'administration notifie au contribuable, par lettre recommandée à la poste, une décision motivée de taxation, qui reprend les observations formulées conformément à l'alinéa 3 de cet article par le contribuable, et dont l'administration n'a pas tenu compte, ainsi que les motifs qui justifient sa décision.

B.8.4. Le délai de réponse d'un mois laissé au contribuable à l'article 346, alinéa 3, du CIR 1992 (Cass., 12 septembre 2014, RABG, 2015/10, p. 749) et la notification de la décision motivée de taxation visée à l'article 346, alinéa 5, du CIR 1992 (Q.R., Chambre, 2001-2002, 8 janvier 2002, QRVA50-105, p. 12331) constituent des formalités substantielles, dont le non-respect entraîne la nullité de la cotisation.

B.9.1. Par son arrêt n° 66/2010 du 2 juin 2010, la Cour s'est prononcée sur la constitutionnalité du point de départ du délai de réponse prévu par l'article 346, alinéa 3, du CIR 1992. La Cour a jugé cette disposition, dans sa version précédente, contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle prévoyait que le délai d'un mois dont dispose le contribuable pour répondre à un avis de rectification s'ouvre lors de l'envoi de cet avis.

Par l'article 7 de la loi du 19 mai 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/05/2010 pub. 28/05/2010 numac 2010003319 source service public federal finances Loi portant des dispositions fiscales et diverses type loi prom. 19/05/2010 pub. 02/06/2010 numac 2010024175 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de santé fermer « portant des dispositions fiscales et diverses », le législateur a modifié l'article 346, alinéa 3, du CIR 1992 en ce sens que le délai de réponse prévu par cette disposition commence à courir le troisième jour ouvrable qui suit l'envoi de l'avis de rectification.

B.9.2. La présente affaire porte sur le devoir que la loi impose au contribuable d'accomplir dans le délai de réponse prévu par l'article 346, alinéa 3, du CIR 1992 afin d'exercer utilement son droit de réponse. La Cour est invitée à se prononcer sur la constitutionnalité de l'obligation faite, en vertu de cette disposition, dans l'interprétation du juge a quo, au contribuable qui exprime ses observations par lettre recommandée, de veiller non seulement à déposer ces observations à la poste dans le délai fixé, mais aussi de faire en sorte qu'elles parviennent à l'administration dans ce délai, compte tenu de la solution donnée par le législateur figurant à l'article 371, alinéa 3, du CIR 1992 lorsque le contribuable introduit une réclamation contre un avertissement-extrait de rôle par lettre recommandée.

B.10. Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 66/2010 précité, le contribuable qui introduit une réclamation contre un avertissement-extrait de rôle et celui qui répond à un avis de rectification ne se trouvent pas dans la même situation : le premier doit se soumettre à un délai sous peine de se voir atteint dans son droit de défense puisqu'il se trouverait privé, s'il ne respectait pas ledit délai, d'un recours juridictionnel; le second doit répondre à un avis de rectification qui n'implique pas de décision définitive de l'administration, mais constitue le point de départ de négociations avec le contribuable en vue de déterminer le revenu imposable.

B.11. Toutefois, l'article 346, alinéa 1er, du CIR 1992 dispose que l'avis de rectification est envoyé « par lettre recommandée à la poste » et l'article 351 du même Code attache des effets propres au défaut du contribuable de répondre dans le délai d'un mois.

B.12. L'article 351 du CIR 1992 dispose : « L'administration peut procéder à la taxation d'office en raison du montant des revenus imposables qu'elle peut présumer eu égard aux éléments dont elle dispose, dans les cas où le contribuable s'est abstenu : - soit de remettre une déclaration dans les délais prévus par les articles 307 à 311 ou par les dispositions prises en exécution de l'article 312; - soit d'éliminer, dans le délai consenti à cette fin, le ou les vices de forme dont serait entachée sa déclaration; - soit de communiquer les livres, documents ou registres visés à l'article 315 ou les dossiers, supports ou données visés à l'article 315bis; - soit de fournir dans le délai les renseignements qui lui ont été demandés en vertu de l'article 316; - soit de répondre dans le délai fixé à l'article 346 à l'avis dont il y est question.

Avant de procéder à la taxation d'office, l'administration notifie au contribuable, par lettre recommandée à la poste, les motifs du recours à cette procédure, le montant des revenus et les autres éléments sur lesquels la taxation sera basée, ainsi que le mode de détermination de ces revenus et éléments.

Sauf dans la dernière éventualité visée à l'alinéa 1er ou si les droits du Trésor sont en péril pour une cause autre que l'expiration des délais d'imposition ou s'il s'agit de précomptes mobilier ou professionnel, un délai d'un mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit l'envoi de cette notification est laissé au contribuable pour faire valoir ses observations par écrit et la cotisation ne peut être établie avant l'expiration de ce délai ».

B.13. En vertu de cette disposition, dans toutes les hypothèses où l'administration peut procéder à la taxation d'office, le contribuable dispose d'un délai d'un mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit l'envoi de la notification des motifs du recours à cette taxation pour faire valoir ses observations par écrit, sauf dans l'hypothèse où il n'a pas répondu dans le délai fixé à l'article 346.

Il s'ensuit que, lorsque le contribuable remet ses observations aux services postaux dans le délai légal mais que celles-ci parviennent à l'administration après l'expiration de ce délai - c'est l'hypothèse du litige soumis au juge a quo - il pourra être taxé d'office, ce qui, en vertu de l'article 352 du même Code, a pour effet de renverser la charge de la preuve, le contribuable n'échappant à cette sanction que s'il a été empêché pour « de justes motifs » de répondre dans le délai d'un mois.

B.14. L'article 346, alinéa 3, du CIR 1992, dans l'interprétation donnée par le juge a quo, prive le contribuable qui fait part de ses observations sur l'avis de rectification par lettre recommandée d'une partie du délai d'un mois prévu par cette disposition, puisque le contribuable doit envoyer ses observations plusieurs jours avant le dernier jour du délai pour être certain que celles-ci parviendront à l'administration dans le délai. En outre, cette disposition, dans cette interprétation, est susceptible d'affecter les droits de défense du contribuable dans un éventuel recours ultérieur, puisqu'elle prive le contribuable de la notification d'une décision motivée de taxation, conformément à l'article 346, alinéa 5, du CIR 1992 et qu'en cas de taxation d'office, la charge de la preuve sera inversée.

B.15. Dans cette interprétation donnée par le juge a quo, l'article 346, alinéa 3, du CIR 1992 a des effets disproportionnés en raison des conséquences spécifiques qui s'attachent à l'écoulement du délai qu'il prévoit.

B.16. L'article 346, alinéa 3, du CIR 1992 peut toutefois faire l'objet d'une autre interprétation.

B.17. Cette disposition prévoit que le contribuable fait valoir ses observations « par écrit » dans un délai d'un mois, sans préciser les modalités d'introduction de ces observations.

Il s'ensuit que l'article 346, alinéa 3, du CIR 1992 peut être interprété en ce sens que les observations formulées par le contribuable à l'appui de son désaccord sur l'avis de rectification sont introduites à temps, dans le délai d'un mois, lorsqu'elles sont introduites par lettre recommandée remise à la poste avant l'expiration de ce délai, la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi faisant foi.

B.18. Dans cette interprétation, l'article 346, alinéa 3, du CIR 1992 ne limite pas de manière disproportionnée les droits de la défense des contribuables.

B.19. Un contrôle de l'article 346, alinéas 3 et 5, du CIR 1992 au regard des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ne conduit pas à une autre conclusion.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 346, alinéas 3 et 5, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il était applicable lors de l'exercice d'imposition 2010 et après sa modification par l'article 7 de la loi du 19 mai 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/05/2010 pub. 28/05/2010 numac 2010003319 source service public federal finances Loi portant des dispositions fiscales et diverses type loi prom. 19/05/2010 pub. 02/06/2010 numac 2010024175 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de santé fermer « portant des dispositions fiscales et diverses », viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les principes généraux de sécurité juridique et des droits de la défense et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle sont réputées tardives les observations formulées par le contribuable à l'appui de son désaccord sur l'avis de rectification au moyen d'une lettre recommandée remise à la poste avant l'expiration du délai d'un mois mais parvenue à l'administration fiscale après l'expiration de ce délai. - La même disposition ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les principes généraux de sécurité juridique et des droits de la défense et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle les observations formulées par le contribuable à l'appui de son désaccord sur l'avis de rectification sont introduites dans le délai d'un mois lorsqu'elles sont introduites par lettre recommandée remise à la poste avant l'expiration de ce délai, la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi faisant foi.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 25 juin 2020.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut F. Daoût

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