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Arrêt
publié le 09 décembre 2020

Extrait de l'arrêt n° 110/2020 du 16 juillet 2020 Numéro du rôle : 7245 En cause : la question préjudicielle concernant l'article II.204, § 3, du Code flamand de l'enseignement supérieur, coordonné par l'arrêté du Gouvernement flamand du La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 110/2020 du 16 juillet 2020 Numéro du rôle : 7245 En cause : la question préjudicielle concernant l'article II.204, § 3, du Code flamand de l'enseignement supérieur, coordonné par l'arrêté du Gouvernement flamand du 11 octobre 2013 « portant codification des dispositions décrétales relatives à l'enseignement supérieur », posée par le Conseil pour les contestations relatives aux décisions sur la progression des études.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 14 août 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 22 août 2019, le Conseil pour les contestations relatives aux décisions sur la progression des études a posé la question préjudicielle suivante : « L'article II.204, § 3, du Code de l'enseignement supérieur viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'un étudiant qui a participé à toutes les sessions d'examen pour une subdivision de formation n'a pas droit à la restitution de crédits de cours, même s'il s'avère, après la participation à cet examen, que l'étudiant se trouvait dans une situation de force majeure dont il n'était pas conscient au moment de l'examen ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. Le juge a quo demande à la Cour si l'article II.204, § 3, du Code flamand de l'enseignement supérieur, coordonné par l'arrêté du Gouvernement flamand du 11 octobre 2013 « portant codification des dispositions décrétales relatives à l'enseignement supérieur » (ci-après : le Code flamand de l'enseignement supérieur), est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution « en ce qu'un étudiant qui a participé à toutes les sessions d'examen pour une subdivision de formation n'a pas droit à la restitution de crédits de cours, même s'il s'avère, après la participation à cet examen, que l'étudiant se trouvait dans une situation de force majeure dont il n'était pas conscient au moment de l'examen », alors que cette possibilité est prévue pour un étudiant qui n'a pas participé à toutes les sessions d'examen, en ce que, parce qu'il se trouvait dans une situation de force majeure, il s'est désinscrit de l'examen d'une subdivision de formation.

B.1.2. Il ressort des éléments de l'affaire et de la motivation de la décision de renvoi que la partie demanderesse devant le juge a quo demande la restitution de ses crédits de cours pour toutes les subdivisions de formation, pour des raisons médicales. Le juge a quo a considéré que ces raisons, dont la preuve est apportée par la production d'un certificat médical, établissent indubitablement que la partie demanderesse a participé aux sessions d'examen sans réelle chance de succès.

Après avoir examiné la législation pertinente et tenu compte de la demande spécifique de restitution de crédits de cours, le juge a quo a conclu que les raisons médicales invoquées doivent être considérées comme constituant un cas de force majeure au sens de l'article II.204, § 3, du Code flamand de l'enseignement supérieur.

La Cour examine la question préjudicielle en ce sens.

B.2. L'article II.204, § 3, du Code flamand de l'Enseignement supérieur dispose : « Le crédit d'apprentissage d'un étudiant qui se trouve dans une situation de force majeure et pour lequel un règlement des examens adapté n'apporte pas de solution comme établi dans le cadre d'une procédure devant le Conseil pour les contestations relatives aux décisions sur la progression des études, est restitué à l'étudiant pour les unités d'études engagées qui portent sur les subdivisions de formation pour lesquelles l'étudiant n'a pas pu passer l'examen ».

B.3.1. Par le système des crédits d'apprentissage, le législateur décrétal visait à responsabiliser tant les étudiants que les établissements d'enseignement dans une perspective financière, en ce qui concerne la progression des études (Doc. parl., Parlement flamand, 2007-2008, n° 1468/1, p. 15).

La responsabilité de chaque étudiant dans la progression de ses études s'exprime en un crédit d'apprentissage individuel de 140 unités d'études comme point de départ, sachant que des unités d'études de ce crédit d'apprentissage, qui peuvent être récupérées par l'obtention d'un crédit pour cette subdivision de formation pendant la même année académique, sont intégrées par année académique pour chaque subdivision de formation (article II.203 du Code flamand de l'enseignement supérieur). En cas de non-obtention d'un crédit, les unités d'études intégrées du crédit d'apprentissage sont perdues, ce qui a une influence sur le solde individuel du crédit d'apprentissage.

Seuls les étudiants qui disposent d'un solde positif de crédits d'apprentissage sont finançables (article III.3, § 1er, 3°, du Code flamand de l'enseignement supérieur).

L'établissement d'enseignement ne reçoit ni un financement « input » ni un financement « output » pour les étudiants qui disposent d'un solde insuffisant de crédits d'apprentissage. Compte tenu de cet impact financier important (ibid., p. 47), les établissements d'enseignement ont eu la possibilité de refuser l' inscription à des étudiants disposant d'un solde insuffisant de crédits d'apprentissage ou de les admettre tout de même, en leur demandant, le cas échéant, de payer des droits d'inscription plus élevés (article II.205 du Code flamand de l'enseignement supérieur).

B.3.2. Le législateur décrétal entendait toutefois prévoir une protection juridique au bénéfice des étudiants qui perdraient leur crédit d'apprentissage en raison des circonstances : « [Une règle décrétale est nécessaire pour permettre, dans des cas exceptionnels de force majeure - par exemple, une maladie grave ou de longue durée, un grave accident de la route, etc. -, une modification de la situation du crédit d'apprentissage de l'étudiant. Il est en effet raisonnable qu'une solution équitable soit recherchée pour les étudiants qui, en raison d'une telle situation de force majeure, ne peuvent ou n'ont pas pu participer à des examens, ce qui, dans des circonstances normales, entraîne une perte du crédit d'apprentissage » (Doc. parl., Parlement flamand, 2009-2010, n° 526/1, p. 52); et « Les étudiants qui, parce qu'ils se trouvent dans une situation de force majeure, ne peuvent pas participer aux examens, et dont l'établissement n'est pas non plus en mesure, pour des raisons d'organisation, de prévoir de nouvelles sessions spécifiques, perdent dès lors leur crédit d'apprentissage. Cette situation n'est ni équitable ni correcte vis-à-vis des étudiants. C'est pourquoi il est nécessaire de prévoir une procédure pour que les étudiants qui se trouvent dans une telle situation obtiennent la restitution de leur crédit d'apprentissage pour les subdivisions de formation pour lesquelles ils n'ont pas pu passer d'examen » (Doc. parl., Parlement flamand, 2010-2011, n° 1082/1, pp. 62-63).

B.3.3. La protection juridique concrète consiste actuellement à permettre aux étudiants qui se trouvent dans une situation de force majeure les empêchant de participer aux examens de demander une restitution du crédit d'apprentissage perdu, auprès d'un organe indépendant des pouvoirs publics et des établissements, à savoir le Conseil pour les contestations relatives aux décisions sur la progression des études.

En tant que juridiction administrative, le Conseil statue sur les demandes que les étudiants introduisent directement auprès de lui, en exécution de l'article II.204 du Code flamand de l'enseignement supérieur, en vue de l'adaptation de leur crédit d'apprentissage parce qu'ils se trouvaient dans une situation de force majeure et que l'institution ne leur a pas proposé un règlement d'examens adapté (article II.285 du Code flamand de l'enseignement supérieur).

B.4. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5.1. Selon l'établissement d'enseignement et selon le Gouvernement flamand, les catégories d'étudiants visées dans la question préjudicielle ne sont pas comparables.

B.5.2. Pour apprécier la compatibilité d'une norme législative avec les articles 10 et 11 de la Constitution, la Cour examine en premier lieu si les catégories de personnes entre lesquelles une inégalité est alléguée sont suffisamment comparables.

B.5.3. Le régime que le législateur décrétal a prévu à l'article II.204, § 3, du Code flamand de l'enseignement supérieur tend à protéger les étudiants qui, en raison d'une situation de force majeure, n'ont pas participé à toutes les sessions d'examen. En conséquence, les étudiants qui ont participé à toutes les sessions d'examen, qu'il s'avère ou non par la suite qu'ils se trouvaient aussi dans une situation de force majeure au moment de l'examen, sont exclus de la protection juridique offerte par l'article précité.

B.5.4. L'exception est rejetée.

B.6. La Cour doit se prononcer sur la différence de traitement entre les étudiants qui, en raison d'une situation de force majeure, n'ont pas participé à toutes les sessions d'examen et les étudiants considérés comme se trouvant dans une situation de force majeure qui ont néanmoins participé aux sessions d'examen. Seuls les premiers peuvent obtenir la restitution de leur crédit d'apprentissage.

B.7. La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir le fait qu'un étudiant a participé ou non à toutes les sessions d'examen.

B.8. Le système des crédits d'apprentissage mis au point par le législateur décrétal doit être praticable et efficace, notamment en ce qui concerne la détermination concrète des situations dans lesquelles les étudiants perdent ou se voient restituer des crédits d'apprentissage.

En ce qui concerne la récupération de plein droit de crédits d'apprentissage en cas de force majeure, le législateur décrétal a donc pu considérer que seule la force majeure justifiant l'absence aux sessions d'examen rencontrait cet objectif, alors que la force majeure invoquée a posteriori par l'étudiant qui a présenté l'examen serait difficile à prouver, donnerait lieu à des controverses concrètes considérables et pourrait dérégler le système de restitution des crédits.

Ce critère objectif est donc pertinent pour atteindre l'objectif d'efficacité poursuivi par le législateur décrétal.

B.9. Enfin, il n'apparaît pas que les étudiants qui sont censés se trouver dans une situation de force majeure, mais qui ont néanmoins participé aux sessions d'examen soient désavantagés de manière disproportionnée, dès lors qu'un crédit d'apprentissage insuffisant n'a pas nécessairement pour effet que l'étudiant concerné ne pourrait plus étudier.

Tout d'abord, l'article II.205, alinéa 1er, du Code flamand de l'enseignement supérieur prévoit qu'un institut supérieur ou une université peut refuser l'inscription d'un étudiant s'il a un crédit d'apprentissage inférieur ou égal à zéro. L'établissement d'enseignement n'est toutefois pas tenu de le faire.

En outre, un établissement d'enseignement ne peut refuser l'inscription d'un étudiant ayant un crédit d'apprentissage inférieur ou égal à zéro à une formation initiale de master si l'étudiant remplit les conditions d'admission à cette formation de master et s'il n'a pas encore obtenu un diplôme de master (article II.205, alinéa 2, du Code flamand de l'enseignement supérieur). Si - dans les autres cas - un établissement d'enseignement décide de manière discrétionnaire de refuser l'inscription d'un étudiant au motif que son crédit d'apprentissage est insuffisant, l'étudiant peut, après avoir épuisé la procédure interne de recours, introduire un recours auprès du Conseil pour les contestations relatives aux décisions sur la progression des études (article II.285 du Code flamand de l'enseignement supérieur, lu en combinaison avec l'article I.3, 69°, i), du même Code). A cet égard, le règlement de l'établissement d'enseignement ne peut exclure de plein droit l'inscription de l'étudiant qui, après avoir participé à toutes ses sessions d'examen, invoque la force majeure et le Conseil peut vérifier si la décision de refus est raisonnablement justifiée, compte tenu des éléments concrets du dossier de l'étudiant, comme une participation à toutes les sessions d'examen dans les circonstances, constatées par la suite, qui hypothéquaient sérieusement les chances de réussite.

Enfin, la possibilité de demander des droits d'études supplémentaires limités pour les unités d'études pour lesquelles l'étudiant ne dispose pas d'un crédit d'apprentissage suffisant au moment de son inscription ne constitue qu'une faculté pour l'établissement d'enseignement et ne saurait en aucun cas être considérée comme une obligation (article II.209, § 2, du Code flamand de l'enseignement supérieur).

B.10. Sous réserve de ce qui est dit en B.9, la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Sous réserve de ce qui est dit en B.9, l'article II.204, § 3, du Code flamand de l'enseignement supérieur, coordonné par l'arrêté du Gouvernement flamand du 11 octobre 2013 « portant codification des dispositions décrétales relatives à l'enseignement supérieur », ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 16 juillet 2020.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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