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Arrêt
publié le 02 mars 2021

Extrait de l'arrêt n° 164/2020 du 17 décembre 2020 Numéro du rôle : 7286 En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 29 mars 2019 « relatif au transport particulier rémunéré », introduit par la SA « Taxis Autolux » La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merc(...)

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02/03/2021
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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 164/2020 du 17 décembre 2020 Numéro du rôle : 7286 En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 29 mars 2019 « relatif au transport particulier rémunéré », introduit par la SA « Taxis Autolux » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, T. Giet, R. Leysen, M. Pâques et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 novembre 2019 et parvenue au greffe le 14 novembre 2019, un recours en annulation du décret de la Région flamande du 29 mars 2019 « relatif au transport particulier rémunéré » (publié au Moniteur belge du 14 mai 2019) a été introduit par la SCA « Taxis Autolux », la SA « Deurnese Taximaatschappij », la SPRL « Huur een Stuur », la SPRL « V-Tax », la SPRL « Taxi Julien », la SCRLI « Rupel-Taxi », la SPRL « Louckx », la SPRL « Armon », la SPRL « Ducheel », la SPRL « DW & Partners », la SPRL « F.T.R. », la SPRL « Unitax Brabant », la SPRL « T. 29 », la SA « Legado », la SPRL « Oostendse Taxionderneming », la SPRL « Hasseltse Taxi Maatschappij Groep », la SPRL « Dubble Ltd », la SA « J & F Express », la SPRL « A.A.A. Taxis - Taxi Abby Albert Autolux Ceremoniebedrijf, B.T.M. Brugse Taxi Maatschappij, Taxi snel », la SPRL « Pro Kora », Dirk Van Noten, Daniel Vandecasteele, Philippe Spiece, Werner Verhertbrugge, Thierry Willekens, Albert Frangot, Martine Elsocht, Gerrit Poels, Ana Paula Ferreira Pinto, Hayri Sezer, l'ASBL « Groupement national des entreprises de voitures de taxis et de location avec chauffeur », le « Fonds Social des entreprises de taxis et des services de location de voitures avec chauffeur », le syndicat « CSC Transports et Communications » et le syndicat « Belgische Transportbond (BTB) », assistés et représentés par Me F. Vlassembrouck et Me Y. Laghmiche, avocats au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant à la recevabilité et à l'étendue du recours en annulation B.1.1. Le décret de la Région flamande du 29 mars 2019 « relatif au transport particulier rémunéré » (ci-après : le décret du 29 mars 2019) règle l'offre de services de transport rémunéré avec chauffeur. B.1.2. L'article 2 du décret attaqué définit les notions clés de la réglementation et dispose : « Dans le présent décret, on entend par : [...] 4° transport particulier rémunéré : le transport de personnes pour lequel une rémunération est demandée, qui est supérieure aux frais de transport;5° services de transport particulier rémunéré : les services de transport particulier rémunéré au moyen de véhicules à conducteur, qui remplissent toutes les conditions suivantes : a) le véhicule est, en termes de construction et d'équipement, adapté au transport d'au maximum neuf personnes, y compris le conducteur, et est affecté à cette fin;b) le véhicule est mis à la disposition du public, les catégories suivantes de mise à disposition pouvant être distinguées : i) taxi de rue : le véhicule est mis à la disposition du public sur la voie publique, telle que visée à l'article 1er de l'arrêté royal du 1er décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière et de l'usage de la voie publique ou à tout autre emplacement non ouvert à la circulation publique dont l'exploitant dispose; ii) taxi de station : le véhicule est mis à la disposition du public à un emplacement sur la voie publique, réservé aux services de transport particulier rémunéré; iii) transport cérémoniel : le véhicule est mis à la disposition du public dans le cadre de cérémonies sur la base d'un contrat écrit; iv) taxi public personne : le véhicule est mis à la disposition du public par l'intermédiaire de la centrale de mobilité (' Mobiliteitscentrale ') dans le cadre du transport public de personnes offert collectivement et répondant à des demandes de mobilité individuelles spécifiques de personnes; c) la mise à disposition peut concerner le véhicule ou chacun de ses emplacements;d) la destination est déterminée par le client ou par la personne transportée; [...] ».

B.2. Le décret du 29 mars 2019 tend à actualiser et à moderniser, de manière technologiquement neutre, les règles existantes en matière de services de taxis et de location de véhicules avec chauffeur, en vue de ménager un équilibre entre innovation et flexibilité, d'une part, et qualité, sécurité, viabilité et impact socio-économique des services, d'autre part (Doc. parl., Parlement flamand, 2018-2019, n° 1780/1, p. 3). La nouvelle réglementation est axée sur les principes suivants : créer des conditions équivalentes pour permettre une prestation de services comparable, garantir la qualité, la simplicité et la viabilité de la prestation de services dans l'intérêt du client, exploiter de manière optimale la capacité des taxis, donner un rôle régulateur aux pouvoirs locaux en ce qui concerne les services de taxis et intégrer à l'avenir les services de taxis dans le concept de transport de l'accessibilité de base (ibid., pp. 6-11).

B.3.1. Le Gouvernement flamand allègue que le recours en annulation n'est pas recevable à l'égard des parties requérantes le « Fonds social des entreprises de taxis et des services de location de voitures avec chauffeur » (ci-après : le « Fonds social »), le syndicat « CSC Transports et Communications » et le syndicat « Belgische Transportbond (BTB) », en ce que ces parties ne disposeraient pas de la qualité, de la capacité, de la qualité ou de l'intérêt requis pour introduire ce recours.

B.3.2. Les vingt-deuxième à trente-et-unième parties requérantes sont des personnes physiques qui travaillent dans le secteur des taxis.

Elles justifient de l'intérêt requis pour demander l'annulation de dispositions qui règlent l'accès à leur profession et les conditions pour l'exercice de services de transport particulier rémunéré. Leur recours étant recevable, il n'y a pas lieu d'examiner si tel est également le cas pour les parties mentionnées en B.3.1.

B.4.1. Bien que leur critique soit dirigée contre certaines parties du décret du 29 mars 2019, les parties requérantes demandent l'annulation totale de ce décret.

B.4.2. La Cour peut uniquement annuler des dispositions législatives explicitement attaquées contre lesquelles des moyens sont invoqués et, le cas échéant, des dispositions qui ne sont pas attaquées mais qui sont indissociablement liées aux dispositions qui doivent être annulées. La Cour doit déterminer l'étendue du recours en annulation en fonction du contenu de la requête, et en particulier sur la base de l'exposé des moyens.

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.5. Le premier moyen est pris de la violation, par les articles 43 et 44 du décret du 29 mars 2019, des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, du principe de la sécurité juridique et du principe de la confiance légitime. Selon les parties requérantes, il serait porté atteinte aux attentes légitimes des personnes visées par le décret, en ce que les conditions pour l'obtention d'une licence, d'une autorisation ou d'un passe de conducteur peuvent être modifiées « du jour au lendemain ».

B.6. L'article 43 du décret attaqué dispose : « Les titulaires d'une licence pour un service de taxi ou pour un service de location de véhicules avec chauffeur délivrée en vertu du décret du 20 avril 2001 relatif à l'organisation du transport de personnes par la route, tel qu'il était en vigueur avant l'entrée en vigueur du présent décret, sont autorisés à continuer à exploiter leurs services conformément aux conditions et pour la durée restante de la licence actuelle ».

L'article 44 du décret attaqué dispose : « Le présent décret entre en vigueur à une date à fixer par le Gouvernement flamand, et au plus tard le 1er janvier 2020 ».

B.7.1. Selon la partie intervenante, le moyen est irrecevable, faute d'un exposé clair des griefs.

B.7.2. Comme l'observe la partie intervenante, les parties requérantes n'exposent pas en quoi les dispositions attaquées porteraient atteinte à l'article 23 de la Constitution. Le moyen est donc irrecevable, en ce qu'est alléguée la violation de cette disposition constitutionnelle. Par ailleurs, le moyen doit être compris en ce sens qu'est alléguée une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique et avec le principe de la confiance légitime.

B.8.1. Les griefs formulés par les parties requérantes sont d'abord dirigés contre le régime transitoire contenu dans l'article 43 du décret du 29 mars 2019.

B.8.2. Il appartient en principe au législateur, lorsqu'il décide d'introduire une nouvelle réglementation, d'estimer s'il est nécessaire ou opportun d'assortir celle-ci de dispositions transitoires. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'est violé que si le régime transitoire ou son absence entraîne une différence de traitement dénuée de justification raisonnable ou s'il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime.

B.9.1. En ce qui concerne l'article 43 du décret du 29 mars 2019, les travaux préparatoires indiquent : « La disposition transitoire contenue dans ce projet de décret prévoit que les licences existantes pour les services de taxis et les licences pour la location de véhicules avec chauffeur restent valables pendant la durée de validité restante des licences et qu'elles restent soumises aux dispositions du décret relatif au transport de personnes.

Les exploitants peuvent donc choisir, à partir de l'entrée en vigueur du nouveau décret et de son arrêté d'exécution, soit de continuer à exploiter leur service conformément à leur licence de taxi ou à leur licence de location de véhicules avec chauffeur existante, soit de demander une nouvelle licence pour les services de transport particulier rémunéré » (Doc. parl., Parlement flamand, 2018-2019, n° 1780/1, p. 37).

Le décret respecte dès lors les attentes légitimes des personnes qui ont obtenu une licence avant l'entrée en vigueur du nouveau décret.

B.9.2. Les parties requérantes font valoir que ce régime transitoire n'est applicable que pour les licences qui ont été accordées sur la base de l'ancienne réglementation, alors qu'il n'est pas applicable pour l'autorisation visée aux articles 12 à 16 du décret du 29 mars 2019, ni pour les passes de conducteurs visés aux articles 17 et 18 de ce décret.

B.9.3. Aux termes de l'article 12 du décret du 29 mars 2019, nul ne peut stationner un taxi de station sur un emplacement sur la voie publique, spécialement réservé à cette fin, sans l'autorisation de cette commune. Selon l'article 26, § 5, du décret du 20 avril 2001 « relatif à l'organisation du transport de personnes par la route », tel qu'il était applicable avant l'entrée en vigueur du décret attaqué, les autorisations mentionnent notamment s'il peut être fait usage ou non d'emplacements sur la voie publique. Les personnes dont la licence contient une telle mention peuvent donc continuer à faire usage des emplacements pendant la durée restante de leur licence, conformément à l'article 43, précité, du décret du 29 mars 2019.

B.9.4. Aux termes de l'article 17 du décret du 29 mars 2019, tout conducteur qui fournit des services de transport particulier rémunéré doit être titulaire d'un passe de conducteur. Cette condition étant nouvelle, il ne saurait être reproché à la disposition attaquée que les règles précédemment en vigueur ne soient pas maintenues temporairement à titre de mesures transitoires, comme c'est le cas pour les licences précédemment accordées.

B.9.5. En ce que la critique formulée par les parties requérantes est dirigée contre l'article 43 du décret du 29 mars 2019, le moyen n'est pas fondé.

B.10.1. Les griefs formulés par les parties requérantes sont ensuite dirigés contre l'article 44 du décret du 29 mars 2019, qui règle l'entrée en vigueur du décret. Selon cette disposition, le décret entre en vigueur à une date à fixer par le Gouvernement flamand et au plus tard le 1er janvier 2020.

B.10.2. Le décret attaqué a été publié au Moniteur belge du 14 mai 2019. A compter de cette date, les prestataires de services concernés sont informés de ce que, dans l'hypothèse où ils ne peuvent bénéficier des mesures transitoires mentionnées en B.9, ils doivent satisfaire aux conditions imposées par le décret, au plus tard pour la date du 1er janvier 2020.

B.10.3. Pour le reste, le législateur décrétal laisse une marge d'appréciation au Gouvernement flamand pour fixer la date effective d'entrée en vigueur. L'habilitation ainsi conférée au Gouvernement flamand ne saurait être interprétée comme autorisant celui-ci à régler l'entrée en vigueur du décret de telle sorte qu'il porterait une atteinte discriminatoire au principe de la sécurité juridique et au principe de la confiance légitime à l'égard de la catégorie de personnes à laquelle il s'applique.

Il n'appartient toutefois pas à la Cour de se prononcer sur un arrêté du pouvoir exécutif.

B.11. Le premier moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le deuxième moyen B.12. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec le principe de la sécurité juridique et avec le principe de la confiance légitime, par le décret du 29 mars 2019, en ce qu'il ferait naître une différence de traitement injustifiée entre, d'une part, les « exploitants » et, d'autre part, les « intermédiaires ».

B.13. Les parties requérantes n'exposent pas en quoi le décret attaqué porterait atteinte à l'article 23 de la Constitution, ni en quoi le principe de la sécurité juridique et le principe de la confiance légitime seraient violés. En ce qu'il est demandé à la Cour d'apprécier la compatibilité du décret attaqué avec l'article 23 de la Constitution et avec les principes précités, le deuxième moyen n'est donc pas recevable. L'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme peut uniquement être invoqué en combinaison avec un droit ou une liberté mentionnés dans la Convention, ce que les parties requérantes ont omis de faire.

La Cour limite son examen du moyen à la compatibilité du décret attaqué avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.14.1. L'article 2 du décret du 29 mars 2019 dispose : « Dans le présent décret, on entend par : [...] 6° exploitant : toute personne physique ou morale qui exploite un service de transport particulier rémunéré; [...] 10° intermédiaire : toute personne physique ou morale qui, de quelle façon que ce soit, intervient contre rémunération, dans la mise à disposition sur le marché de services de transport particulier rémunéré, assure la promotion de services de transport particulier rémunéré sur le marché ou offre des services permettant aux exploitants et aux candidats-clients d'entrer directement en contact; [...] ».

B.14.2. Les parties requérantes reprochent au décret du 29 mars 2019 d'imposer des obligations presque exclusivement aux exploitants des services de transport particulier rémunéré et de n'imposer quasiment aucune obligation aux intermédiaires, alors que ces catégories de personnes seraient comparables, en ce qu'elles fournissent toutes les deux des services de transport.

B.14.3. A l'appui de leur point de vue selon lequel l'exploitant et l'intermédiaire offrent des services comparables, les parties requérantes renvoient à des arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 20 décembre 2017 et du 10 avril 2018.

Par un arrêt du 20 décembre 2017, la Cour de justice a jugé qu'un service d'intermédiation par lequel des informations sur la réservation d'un service de transport sont échangées entre le passager et le chauffeur du véhicule doit, en principe, constituer un service distinct du service de transport qui consiste en l'acte physique de déplacement de personnes ou de biens d'un endroit à un autre au moyen d'un véhicule. Les deux services sont réglés par des dispositions distinctes du droit de l'Union européenne (CJUE, 20 décembre 2017, C-434/15, Asociación Profesional Elite Taxi, point 34). Selon la Cour de justice, un service d'intermédiation remplit en principe les critères pour être qualifié de « service de la société de l'information » au sens de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 « relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ». Par contre, un service de transport non collectif, tel qu'un service de taxi, doit être qualifié de « service dans le domaine des transports » au sens de l'article 2, paragraphe 2, d) de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 « relative aux services dans le marché intérieur », de sorte qu'un tel service ne relève pas de l'application de cette directive. La Cour de justice constate, dans les circonstances concrètes de l'affaire, que le fournisseur du service d'intermédiation crée toutefois en même temps une offre de services de transport, dont il organise et contrôle le fonctionnement général (point 38). Dans un tel cas, ce service d'intermédiation doit être considéré comme faisant partie intégrante d'un service global dont l'élément principal est un service de transport et, partant, comme répondant à la qualification d'un « service dans le domaine des transports » et non comme un « service de la société de l'information » (point 40). La Cour de justice a statué dans le même sens par un arrêt du 10 avril 2018 (CJUE, 10 avril 2018, C-320/16, Uber France SAS).

B.14.4. Contrairement à ce que les parties requérantes soutiennent, il ne saurait être déduit de ces arrêts que les intermédiaires et les exploitants proposent des services de transport comparables et que le législateur décrétal devrait les soumettre aux mêmes obligations.

B.15.1. La critique exprimée par les parties requérantes est essentiellement dirigée contre les conditions qui sont imposées aux exploitants pour l'obtention d'une licence.

Aux termes de l'article 6 du décret du 29 mars 2019, nul ne peut exploiter un service de transport particulier rémunéré sans licence.

L'article 21 du décret fixe les conditions pour l'obtention d'une telle licence. Aux termes de l'article 22, la licence n'est accordée qu'à une personne propriétaire du véhicule ou l'ayant à sa disposition en vertu d'un contrat.

B.15.2. Il ressort des notions mentionnées à l'article 2 du décret du 29 mars 2019 que le législateur décrétal a clairement fait une distinction entre l'« exploitant » et l'« intermédiaire ». Alors que l'exploitant est celui qui exécute effectivement le service physique de transport individuel de personnes, l'intermédiaire assure simplement une fonction d'intermédiation dans la relation entre l'exploitant et les candidats-clients.

B.15.3. Les conditions pour l'obtention d'une licence qui sont fixées à l'article 21 du décret du 29 mars 2019 concernent essentiellement l'exploitant du service de transport, les chauffeurs, les véhicules et leur équipement et leur performance environnementale, ainsi que la relation entre l'exploitant et l'utilisateur. En ce que ces conditions portent sur le service de transport physique proprement dit, le législateur décrétal utilise un critère de distinction objectif et pertinent en rendant la licence obligatoire pour l'exploitant, sans prévoir cette même obligation pour l'intermédiaire. Les implications des conditions imposées ne sauraient être considérées comme disproportionnées pour le titulaire de la licence.

B.15.4. Du reste, les intermédiaires, en ce qu'ils exploiteraient en même temps aussi un service de transport particulier rémunéré, au sens du décret, doivent disposer d'une licence sur la base des conditions et des exigences que le décret attaqué impose à cette fin à tous les exploitants.

B.15.5. Enfin, il ne saurait être déduit du fait que le décret du 29 mars 2019 n'impose pas les mêmes conditions aux exploitants et aux intermédiaires que les exploitants sont favorisés. Ainsi, les intermédiaires, en ce qu'ils répondent à la qualification de « services de la société de l'information », sont aussi soumis à d'autres conditions et à d'autres règles, qui ne font toutefois pas l'objet du recours en annulation.

B.16. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le troisième moyen B.17.1. Les parties requérantes prennent un troisième moyen de la violation, notamment par les articles 12, 21, § 2, 23, 28, 33 et 34, du décret du 29 mars 2019, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe de proportionnalité, en ce que serait créée une différence de traitement injustifiée entre, d'une part, les exploitants de « taxis de rue » et, d'autre part, les exploitants de « taxis de station ».

B.17.2. Pour les motifs exposés en B.13, le moyen est irrecevable, en ce qu'il est pris de la violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.18.1. Comme il est dit en B.1.2, les notions de « taxi de rue » et de « taxi de station » sont définies à l'article 2 du décret du 29 mars 2019. On peut monter dans un taxi de rue sur la voie publique, en faisant un signe de la main, mais le véhicule peut aussi être commandé à l'avance, par la voie numérique ou non. Un taxi de station, en revanche, est mis à disposition sur un emplacement de la voie publique spécialement réservé à cette fin par la commune sur son territoire, où on peut monter à bord.

B.18.2. L'article 6, § 1er, du décret du 29 mars 2019 dispose : « Sans licence, nul ne peut exploiter un service de transport particulier rémunéré à partir de la voie publique ou à partir de tout autre emplacement non ouvert à la circulation publique, situé sur le territoire de la Région flamande ».

L'article 12, § 1er, du décret du 29 mars 2019 dispose : « Nul ne peut stationner un taxi de station sur un emplacement sur la voie publique, spécialement réservé à cette fin, sur le territoire d'une commune dans la Région flamande sans l'autorisation de cette commune.

Seuls les titulaires d'une licence peuvent demander une autorisation ».

Aux termes de l'article 12, § 2, du décret, la commune fixe les conditions pour l'obtention de cette autorisation dans un règlement communal.

B.19.1. Compte tenu de l'emplacement mis à leur disposition sur la voie publique par la commune, à partir duquel ils proposent leur service de transport de manière stationnaire, il n'est pas sans justification raisonnable que, contrairement aux autres prestataires de services, les taxis de station puissent être soumis par les communes à des conditions supplémentaires liées spécifiquement à la localisation de leur prestation de service.

B.19.2. Les articles 21, § 2, 23 et 28, attaqués, du décret du 29 mars 2019 portent respectivement sur la définition des conditions d'exploitation auxquelles il y a lieu de satisfaire pour obtenir une licence, sur le règlement des tarifs et sur le traitement des plaintes. Les parties requérantes critiquent ces dispositions, en ce qu'elles laissent au Gouvernement flamand le soin de prévoir les modalités permettant notamment de tenir compte des différences qui existent entre le taxi de rue et le taxi de station.

B.19.3. Ainsi qu'il a été mentionné en B.2, le législateur décrétal a voulu poser un cadre réglementaire moderne en matière de transport particulier rémunéré, dans un but de flexibilité et d'innovation. Eu égard à cet objectif, il a pu juger qu'il y avait lieu de tenir compte non seulement des règles générales applicables à tous les services, mais aussi de la nature spécifique de certains services.

B.19.4. Le texte même des dispositions attaquées ne fait aucune distinction entre les conditions qui peuvent être imposées aux taxis de rue et aux taxis de station. Elles ne font qu'habiliter le Gouvernement flamand à tenir compte, le cas échéant, des différences entre les deux services pour fixer d'autres conditions et règles. Une telle habilitation ne dispense pas le Gouvernement flamand de l'obligation de respecter le principe d'égalité et de non-discrimination, dans l'hypothèse où il imposerait des conditions différentes aux taxis de rue et aux taxis de station.

Il n'appartient toutefois pas à la Cour de se prononcer sur un arrêté du pouvoir exécutif.

B.20. Le troisième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 décembre 2020.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen

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