Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 01 mars 2021

Extrait de l'arrêt n° 5/2021 du 14 janvier 2021 Numéros du rôle : 7295, 7316, 7318, 7320, 7324 et 7326 En cause : les recours en annulation partielle du décret de la Région flamande du 26 avril 2019 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 ma La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merc(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2021200340
pub.
01/03/2021
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
liens
Conseil d'État (chrono)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 5/2021 du 14 janvier 2021 Numéros du rôle : 7295, 7316, 7318, 7320, 7324 et 7326 En cause : les recours en annulation partielle du décret de la Région flamande du 26 avril 2019 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009 en ce qui concerne le déploiement de compteurs numériques et modifiant les articles 7.1.1, 7.1.2 et 7.1.5 du même décret », introduits par le service autonome doté de la personnalité juridique « Vlaamse Regulator voor de Elektriciteits- en Gasmarkt », par Inti De Bock et autres, par l'ASBL « Fédération Belge des Entreprises Electriques et Gazières », par la Commission de régulation de l'électricité et du gaz, par l'ASBL « Liga voor Mensenrechten » et par le Conseil des ministres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 14 novembre 2019 et parvenue au greffe le 18 novembre 2019, le service autonome doté de la personnalité juridique « Vlaamse Regulator voor de Elektriciteits- en Gasmarkt », assisté et représenté par Me D. Verhoeven, Me F. Judo, Me T. Souverijns et Me J. Van Orshoven, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 17, partim, et 31 du décret de la Région flamande du 26 avril 2019 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009 en ce qui concerne le déploiement de compteurs numériques et modifiant les articles 7.1.1, 7.1.2 et 7.1.5 du même décret » (publié au Moniteur belge du 5 juin 2019). b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 2 décembre 2019 et parvenue au greffe le 3 décembre 2019, un recours en annulation des articles 2, 17, 18, 19, 20, 21 et 35 du même décret a été introduit par Inti De Bock, Vera De Moor, Ilias Sfikas, Jean Albert Solon et Marleen Verbruggen, assistés et représentés par Me M. Deweirdt, avocat au barreau de Flandre occidentale. c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 décembre 2019 et parvenue au greffe le 4 décembre 2019, l'ASBL « Fédération Belge des Entreprises Electriques et Gazières », assistée et représentée par Me P.Peeters et Me P. Gérard, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l'article 43 du même décret. d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 décembre 2019 et parvenue au greffe le 5 décembre 2019, la Commission de régulation de l'électricité et du gaz, assistée et représentée par Me P.de Bandt et Me J. Dewispelaere, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l'article 42 et, subsidiairement, de l'article 31 du même décret. e. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 décembre 2019 et parvenue au greffe le 6 décembre 2019, l'ASBL « Liga voor Mensenrechten », assistée et représentée par Me F.Carron, avocat au barreau de Flandre occidentale, a introduit un recours en annulation totale ou partielle du même décret. f. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 décembre 2019 et parvenue au greffe le 9 décembre 2019, le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me G.Block et Me K. Wauters, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l'article 42 du même décret.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 7295, 7316, 7318, 7320, 7324 et 7326 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) B.1. Les recours sont dirigés contre diverses dispositions du décret de la Région flamande du 26 avril 2019 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009 en ce qui concerne le déploiement de compteurs numériques et modifiant les articles 7.1.1, 7.1.2 et 7.1.5 du même décret ». Le décret sur l'énergie, qui est modifié par le décret attaqué, est le décret de la Région flamande du 8 mai 2009 « portant les dispositions générales en matière de la politique de l'énergie ».

A la différence des compteurs mécaniques, les compteurs numériques mémorisent la consommation. Non seulement ils mesurent les flux énergétiques, mais ils les enregistrent également. Les données peuvent être lues sur place et à distance, « de manière à ce que le compteur soit en mesure, sur la base des données qu'il reçoit localement ou à distance, d'exécuter certaines actions » (article 1.1.3, 25°/2, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 2, 4°, du décret attaqué).

C'est la raison pour laquelle on utilise également la dénomination de « compteur intelligent ».

Traditionnellement, l'électricité est acheminée depuis une installation de production centrale. En revanche, la production d'électricité à partir de sources renouvelables, comme l'énergie solaire et l'énergie éolienne, est appelée « production décentralisée » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1654/1, p. 4).

L'instauration du compteur numérique s'inscrit dans le cadre de la transition vers un système énergétique décentralisé : « Le compteur numérique est une pierre angulaire de cette transition.

Une gestion efficace de ce système énergétique nécessite dès lors une grande quantité de données. Afin d'assurer que les investissements dans le réseau se fassent aussi efficacement que possible, nous devons pouvoir ' mesurer ' les endroits où des problèmes risquent d'apparaître. Cela permet également d'intervenir rapidement avant que ces problèmes surviennent, indépendamment des investissements ou dans l'attente d'investissements. En outre, un sondage actif des besoins sera nécessaire pour faire un usage optimal de l'offre variable d'énergie verte. Cela permettra de réguler des flux qui apparaissent à divers endroits et dans des proportions différentes. L'avancée technologique en matière de mesurage ouvre de nouvelles occasions d'améliorer le fonctionnement du marché et les services fournis aux clients, en obtenant par exemple des informations plus précises sur leur consommation personnelle » (ibid.).

B.2. La troisième directive sur l'électricité (directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE ») a imposé aux Etats membres d'instaurer le compteur intelligent. Ils pouvaient soumettre cette instauration à une analyse des coûts et des bénéfices.

Cette analyse a révélé qu'en Région flamande, le déploiement complet et progressif du compteur numérique procurerait les avantages les plus importants (ibid., p. 43). Le décret attaqué organise ce déploiement.

Les principaux choix politiques, parmi lesquels le principe d'un déploiement universel et une série de règles de protection des données, figurent dans le décret lui-même. Certaines mesures d'exécution sont confiées au Gouvernement flamand.

B.3. Le déploiement des compteurs numériques va de pair avec le passage, pour les « prosumers », du mécanisme de compensation existant vers un système de rachat.

Le « prosumer » (ou prosommateur) est un « utilisateur du réseau de distribution d'électricité disposant d'un point d'accès pour le prélèvement, raccordé directement ou non à un transformateur, et ayant une unité de production décentralisée, d'une puissance CA maximale inférieure ou égale à 10 kVA, lui permettant d'injecter de l'électricité sur le réseau de distribution d'électricité » (article 1.1.3, 104°, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 2, 14°, du décret attaqué). L'abréviation CA signifie « courant alternatif ». Il s'agit de la forme d'électricité qui est fournie aux ménages et à l'industrie par le réseau électrique. L'abréviation kVA, qui signifie « kilovoltampère », exprime la puissance électrique.

Le mécanisme de compensation consiste en ce que la quantité d'énergie prélevée, exprimée en kilowatts-heures (kWh), est compensée par la quantité d'énergie injectée sur le réseau. Le client paie uniquement sa consommation nette. Le compteur mécanique, équipé d'un « compteur inverseur », mesure cette consommation. En compensation de cet avantage, les « prosumers » paient dans ce cas un supplément en plus des tarifs pour la consommation nette, appelé le tarif pour les « prosumers ».

La quatrième directive sur l'électricité (directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (refonte) ») dispose que les Etats membres ne peuvent plus accorder de nouveaux droits dans le cadre de tels mécanismes de compensation après le 31 décembre 2023. Tous les clients soumis à un système existant doivent également avoir la possibilité de choisir un nouveau système qui comptabilise séparément l'électricité injectée sur le réseau et l'électricité consommée à partir du réseau comme base pour calculer les redevances d'accès au réseau (article 15, paragraphe 4).

Le compteur numérique enregistre les deux flux d'énergie séparément.

Le client paie pour sa consommation brute. Pour l'électricité qui est injectée sur le réseau, le décret attaqué prévoit un système de rachat. Le Gouvernement flamand doit préciser les modalités de ce système et déterminer celui qui doit effectuer le rachat et le montant de l'indemnité (article 43 du décret attaqué). Le tarif pour les « prosumers » n'a plus de raison d'être dans ce cas.

B.4. Les griefs des parties requérantes portent sur : - le maintien temporaire du mécanisme de compensation et du tarif pour les « prosumers »; - l'instauration d'un système de rachat; - la facturation de certains coûts aux utilisateurs du réseau; - la protection contre le rayonnement électromagnétique; - la protection contre l'arrêt de la fourniture d'électricité; - le respect de la vie privée.

Quant à la recevabilité B.5.1. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt de l'ASBL « Fédération Belge des Entreprises Electriques et Gazières » (la FEBEG), partie requérante dans l'affaire n° 7318, à l'annulation de l'article 43 du décret attaqué.

B.5.2. Comme il est dit en B.3, l'article 43 prévoit un système de rachat qui remplacera le mécanisme de compensation. Il insère dans le décret sur l'énergie un article 15.3.5/13, qui dispose : « En ce qui concerne les installations de production d'énergie solaire d'une puissance CA maximale de 10 kVA installées à partir du 1er janvier 2021, la production d'électricité qui est injectée sur le réseau de distribution doit être rachetée.

Le Gouvernement flamand précise les modalités et détermine qui doit racheter moyennant quelle indemnité minimale ».

B.5.3. Après la publication au Moniteur belge, le 15 octobre 2020, de l'arrêté du Gouvernement flamand du 18 septembre 2020 « modifiant l'arrêté relatif à l'énergie du 19 novembre 2010 en ce qui concerne l'instauration d'une prime à l'installation de panneaux solaires photovoltaïques et contenant des modifications relatives aux primes URE », la partie requérante a introduit une demande de désistement de son recours en annulation.

Rien ne s'oppose à ce que la Cour décrète ce désistement.

Les autres recours ne comportent pas de griefs à l'encontre de l'article 43 du décret attaqué. L'instauration d'un système de rachat ne relève dès lors pas de l'examen effectué ultérieurement par la Cour.

B.6. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7316 demandent l'annulation des articles 2, 17, 18, 19, 20, 21 et 35 du décret attaqué. Cependant, elles n'invoquent des moyens qu'à l'égard des articles 17, 21 et 35.

Le recours est irrecevable en ce qu'il est dirigé contre les articles 2, 18, 19 et 20.

B.7. La partie requérante dans l'affaire n° 7324 demande l'annulation de l'ensemble du décret attaqué. Cependant, elle n'invoque qu'un moyen dirigé contre l'article 17.

Le recours est irrecevable en ce qu'il est dirigé contre les autres dispositions du décret attaqué.

Quant au maintien temporaire du mécanisme de compensation et du tarif pour les « prosumers » B.8. L'article 42 du décret attaqué maintient temporairement le mécanisme de compensation pour les clients qui produisent également de l'électricité à l'aide de certaines installations, appelés les « prosumers ». Cet article insère dans le décret sur l'énergie un article 15.3.5/12, qui dispose : « Dans le cas d'installations existantes de production décentralisées d'une puissance CA maximale de 10 kVA et d'installations de production décentralisées d'une puissance CA maximale de 10 kVA installées jusqu'au 31 décembre 2020, la production d'électricité de l'installation qui est injectée sur le réseau de distribution est déduite annuellement du prélèvement pendant quinze ans à partir de la mise en service de l'installation. Si le délai de quinze ans expire avant le 31 décembre 2020, cette production d'électricité est déduite jusqu'à cette date.

La déduction visée à l'alinéa 1er est opérée au maximum à concurrence du prélèvement. Pour la détermination de la limite de puissance citée, il n'est pas tenu compte de la limitation de la puissance par logiciel.

La déduction visée à l'alinéa 1er ne se rapporte pas aux tarifs des réseaux de distribution.

Les utilisateurs des installations de production visées à l'alinéa 1er peuvent toutefois choisir, à tout moment, de passer au système applicable aux mêmes installations de production décentralisées installées à partir du 1er janvier 2021, visées à l'article 15.3.5/13.

Cet abandon de droit visé à l'alinéa 1er est irrévocable.

Le Gouvernement flamand peut préciser les modalités relatives à la déduction de la production par les installations de production décentralisées visées à l'alinéa 1er ».

En vertu de la disposition attaquée, le mécanisme de compensation reste donc maintenu temporairement, pendant quinze ans à partir de la mise en service de l'installation, pour les installations de production d'une puissance CA maximale de 10 kVA qui ont été installées avant le 1er janvier 2021, à moins que les utilisateurs optent pour le nouveau système.

B.9.1. Dans la première branche du premier moyen dans l'affaire n° 7326, le Conseil des ministres fait valoir que cette disposition porte atteinte à la compétence fédérale en matière de tarifs de transport.

B.9.2. Dans le modèle de marché qui a été mis en place en Belgique lors de la libéralisation du secteur de l'énergie, plusieurs acteurs concourent à fournir le consommateur en électricité et en gaz. Le fournisseur achète l'énergie au producteur ou à l'importateur. Pour pouvoir la livrer au consommateur, le fournisseur doit utiliser les réseaux de transport et de distribution. Ces réseaux permettent d'acheminer physiquement l'énergie du producteur ou de l'importateur jusqu'au client final.

B.9.3. Avant la réforme opérée par la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat (Moniteur belge, 31 janvier 2014), la matière des tarifs de distribution d'électricité et de gaz était réglée par le législateur fédéral.

Depuis le 1er juillet 2014, date d'entrée en vigueur de la loi spéciale du 6 janvier 2014, les régions sont compétentes pour les aspects régionaux de l'énergie, en vertu de l'article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel qu'il a été modifié par l'article 19 de cette loi spéciale du 6 janvier 2014. Les aspects régionaux de l'énergie comportent : « a) La distribution et le transport local d'électricité au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts, y compris les tarifs des réseaux de distribution d'électricité, à l'exception des tarifs des réseaux ayant une fonction de transport et qui sont opérés par le même gestionnaire que le réseau de transport; b) La distribution publique du gaz, y compris les tarifs des réseaux de distribution publique du gaz, à l'exception des tarifs des réseaux qui remplissent aussi une fonction de transport du gaz naturel et qui sont opérés par le même gestionnaire que le réseau de transport du gaz naturel; [...] ».

La compétence relative à la distribution de l'énergie comporte en principe également le déploiement des nouveaux compteurs numériques et la gestion des données collectées par les compteurs (numériques, analogiques ou électroniques) (voir l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat sur l'avant-projet de décret qui a abouti au décret attaqué, Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1654/1, p. 186).

B.9.4. En vertu du second alinéa de l'article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980, tel qu'il a été modifié par l'article 19 de la loi spéciale du 6 janvier 2014, l'autorité fédérale est toutefois compétente pour les matières dont l'indivisibilité technique et économique requiert une mise en oeuvre homogène sur le plan national, parmi lesquelles : « d) les tarifs, en ce compris la politique des prix, sans préjudice de la compétence régionale en matière de tarifs visée à l'alinéa 1er, a) et b) ». B.9.5. Les régions sont donc compétentes pour les tarifs du réseau de distribution. L'autorité fédérale est compétente pour les tarifs du réseau de transport.

L'autorité fédérale est également compétente, de manière plus générale, pour la politique des prix, « à l'exception de la réglementation des prix dans les matières qui relèvent de la compétence des régions et des communautés, sous réserve de l'article 6, § 1er, VII, alinéa 2, d) » (article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980).

B.9.6. La disposition attaquée permet au client de ne payer que sa consommation nette pendant une période transitoire d'une durée de quinze ans maximum. En d'autres termes, la disposition dispense le client de payer la différence entre sa consommation nette et sa consommation brute.

B.9.7. Selon le système dit « de la cascade tarifaire », le gestionnaire du réseau de transport facture ses tarifs au gestionnaire du réseau de distribution. Celui-ci facture à son tour au fournisseur ses propres tarifs, qui comprennent les coûts liés à l'utilisation du réseau de transport. Le fournisseur fait de même en adressant au client final une facture qui comprend l'ensemble des coûts qu'implique la fourniture d'énergie, à savoir la valeur de l'énergie consommée, les tarifs liés à l'utilisation des réseaux de transport et de distribution et les taxes et prélèvements. Le client final reçoit donc une facture unique, malgré l'intervention de plusieurs acteurs dans le processus de fourniture d'énergie.

B.9.8. En permettant au client de ne payer que sa consommation nette, la disposition attaquée accorde une exonération partielle des tarifs mentionnés. En effet, le client ne paie pas ces tarifs sur la différence entre sa consommation nette et sa consommation brute, alors que chaque consommation entraîne l'utilisation du réseau de transport, même si toutes les composantes de cette consommation n'ont pas circulé sur le réseau de transport.

Comme il est dit en B.9.5, le législateur décrétal n'est compétent que pour exonérer le client des tarifs de distribution et non des tarifs de transport. La disposition attaquée viole dès lors l'article 6, § 1er, VII, alinéa 2, d), de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.9.9. En permettant au client de ne payer que sa consommation nette, la disposition attaquée accorde également une exonération partielle des taxes sur l'utilisation du réseau.

Outre la cotisation établie par la loi du 22 juillet 1993 « instaurant une cotisation sur l'énergie en vue de sauvegarder la compétitivité et l'emploi », une « cotisation fédérale » a été instaurée par l'article 21bis de la loi du 29 avril 1999 « relative à l'organisation du marché de l'électricité », inséré par l'article 63 de la loi du 20 juillet 2005 « portant des dispositions diverses », pour financer certaines obligations de service public et les coûts liés à la régulation et au contrôle du marché de l'électricité. Cette cotisation fédérale est due par les clients finaux établis sur le territoire belge sur chaque kilowatt-heure (kWh) qu'ils prélèvent du réseau pour leur usage personnel. En outre, la fourniture d'électricité est soumise à la TVA. En vertu de l'article 26, alinéa 1er, du Code de la TVA, la TVA est calculée sur tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir du bien de la part de celui à qui le bien est fourni.

La compétence des régions relative à l'instauration du compteur numérique ne les autorise pas à porter atteinte aux taxes que l'Etat fédéral a instaurées en vertu de la compétence fiscale qui lui est attribuée par l'article 170, § 1er, de la Constitution. En effet, l'exercice de cette compétence fiscale fédérale est indépendant des compétences matérielles de l'Etat, des communautés et des régions.

Partant, seul le législateur fédéral est compétent pour exonérer le client des taxes et redevances fédérales et pour en modifier la base imposable. La disposition attaquée viole dès lors l'article 170, 1er, de la Constitution.

B.9.10. En dépit de ce que soutient le Gouvernement flamand, la disposition attaquée ne trouve aucun fondement de compétence dans l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, qui dispose : « Les décrets peuvent porter des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles les Parlements ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires à l'exercice de leur compétence ».

Pour que l'article 10 puisse s'appliquer, il est requis que la législation adoptée soit nécessaire à l'exercice des compétences de la région, que la matière se prête à un régime différencié et que l'incidence des dispositions attaquées sur la matière ne soit que marginale.

Toutefois, le maintien temporaire du mécanisme de compensation ne saurait être considéré comme étant nécessaire, dès lors que le compteur numérique permet - à la différence du compteur inverseur auparavant - d'enregistrer séparément les deux flux d'énergie (prélèvement et injection), de sorte que la consommation brute peut être soumise à tous les tarifs, taxes et redevances et qu'aucune atteinte n'est portée aux compétences fédérales. De plus, la matière ne se prête pas à un régime différencié, les taxes fédérales devant être perçues de la même manière dans toutes les entités fédérées. En outre, l'incidence de la disposition attaquée n'est pas purement marginale, mais elle affecte l'essence même de la compétence de l'autorité fédérale en matière de tarifs de transport et de taxes, en ce qu'elle exonère durant une longue période des tarifs et taxes fédéraux certains utilisateurs qui injectent de l'énergie sur le réseau, alors que les tarifs énergétiques doivent refléter le plus fidèlement possible les coûts réels.

B.9.11. Le moyen pris de la violation de l'article 170, § 1er, de la Constitution et de l'article 6, § 1er, VII, alinéa 2, d), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles est fondé.

L'article 42 du décret attaqué doit être annulé.

Il n'y a pas lieu d'examiner les deuxième et troisième moyens dans l'affaire n° 7326 et le premier moyen dans l'affaire n° 7320, l'examen de ces moyens ne pouvant conduire à une annulation plus étendue.

Afin de limiter les charges administratives et financières de l'annulation pour les clients, les fournisseurs et les gestionnaires de réseaux de distribution, la Cour maintient, en application de l'article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les effets de la disposition annulée pour ce qui concerne les montants facturés avant la date de la publication du présent arrêt au Moniteur belge. Il n'y a pas lieu de maintenir également les effets de la disposition annulée pour l'avenir.

B.10.1. Dans le second moyen dans l'affaire n° 7320, la Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz (ci-après : la CREG) fait valoir que l'article 31 du décret attaqué porte une atteinte à la compétence fédérale en matière de tarifs de transport qui est analogue à l'atteinte portée par l'article 42 du décret attaqué.

B.10.2. L'article 31 du décret attaqué prévoit la poursuite, durant la période transitoire visée à l'article 42, du « tarif pour les ' prosumers ' », qui vise à neutraliser l'avantage du client qui ne paie que sa consommation nette. Il insère dans le décret sur l'énergie un article 4.1.30/1, qui dispose : « Par dérogation à l'article 4.1.31, § 3, 2°, pendant une période de 15 ans suivant la mise en service de l'installation pour les prosommateurs disposant d'une installation mise en service au plus tard le 31 décembre 2020, la base tarifaire est la puissance de l'installation exprimée en kilowatts ou, dans le cas d'une installation à base d'énergie solaire, la puissance CA maximale du transformateur exprimée en kilowatt. Si le prélèvement net du prosommateur entre deux factures de décompte est supérieur à 0 kWh, la base tarifaire pour cette partie du prélèvement est déterminée sur la base du prélèvement exprimé en kilowattheure.

Toutefois, le prosommateur disposant d'une installation mise en service au plus tard le 31 décembre 2020 a la faculté de choisir irrévocablement à tout moment, pour la période de 15 ans suivant la mise en service de l'installation, une structure tarifaire définie par la VREG, assortie ou non d'une autre base tarifaire, basée sur le prélèvement réel. Elle est alors applicable après le premier relevé de compteur qui suit la demande auprès du gestionnaire du réseau de distribution.

Sans préjudice des dispositions des alinéas 1er et 2, le prosommateur disposant d'une installation mise en service au plus tard le 31 décembre 2020 peut choisir irrévocablement, à tout moment, une troisième structure tarifaire définie par la VREG, assortie ou non d'une autre base tarifaire. Elle est alors applicable après le premier relevé de compteur qui suit la demande auprès du gestionnaire du réseau de distribution.

Sans préjudice des dispositions des alinéas 1er et 2, la VREG définit la base tarifaire pour les coûts de l'activité de mesurage, y compris la collecte, la validation et la transmission des données mesurées ».

B.10.3. La conservation du tarif pour les « prosumers » trouve sa raison d'être dans le maintien temporaire du mécanisme de compensation précité.

L'article 31 étant ainsi indissociablement lié à l'article 42, annulé, du décret attaqué, il y a lieu de l'annuler également.

Il n'y a pas lieu d'examiner le premier moyen dans l'affaire n° 7295, l'examen de ce moyen ne pouvant conduire à une annulation plus étendue.

Afin de limiter les charges administratives et financières de l'annulation pour les clients, fournisseurs et gestionnaires de réseau de distribution, la Cour maintient, en application de l'article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les effets de la disposition annulée pour ce qui concerne les montants déjà facturés avant la date de la publication du présent arrêt au Moniteur belge. Il n'y a pas lieu de maintenir également les effets de la disposition annulée pour l'avenir.

Quant à la facturation de certains coûts aux utilisateurs du réseau B.11. Dans le second moyen dans l'affaire n° 7295, le « Vlaamse Regulator voor de Elektriciteits- en Gasmarkt » (l'autorité de régulation flamande pour les marchés de l'électricité et du gaz, ci-après : la VREG) fait valoir que l'article 17 du décret attaqué viole son indépendance de régulateur et sa compétence exclusive en matière de tarifs de distribution, en ce qu'il détermine qui doit prendre en charge les coûts de l'installation et de la mise en service du compteur numérique et du compteur de production.

L'article 17 du décret attaqué insère dans le décret sur l'énergie un article 4.1.22/2, qui dispose : « Le gestionnaire de réseau installe un compte numérique chez les utilisateurs du réseau disposant d'un raccordement basse tension < 56 kVA et, par priorité, dans les cas suivants : 1° en cas de construction neuve et de rénovation substantielle;2° en cas de remplacement obligatoire du compteur;3° en cas d'installation de nouvelles installations de production décentralisées d'une puissance CA maximale de 10 kVA;4° en cas de remplacement de compteurs à budget actifs existants et d'installation de nouveaux compteurs à budget;5° auprès de prosommateurs existants;6° en cas de remplacement des compteurs installés dans le cadre du projet pilote de compteurs intelligents et du projet pilote de compteur à budget numérique des gestionnaires du réseau de distribution;7° à la demande de l'utilisateur du réseau. Si le compteur est installé à la demande de l'utilisateur du réseau, celui-ci prendra en charge les coûts de l'installation et de la mise en service de ce compteur.

A la demande explicite de l'utilisateur du réseau dans la situation visée aux points 3° et 5°, le compteur de production est remplacé par le gestionnaire de réseau et, le cas échéant, relié au compteur numérique. L'utilisateur du réseau prend en charge les coûts de ce compteur de production, de l'installation et de la mise en service.

Sur la base d'une analyse coûts-avantages, le Gouvernement flamand peut déterminer les cas supplémentaires dans lesquels le gestionnaire de réseau installe un compteur numérique par priorité.

Le Gouvernement flamand détermine le timing et les modalités de l'installation des compteurs visés aux alinéas 1er et 4 ».

B.12.1. La disposition prévoit l'installation obligatoire de compteurs numériques ainsi qu'un régime de priorité lors de cette installation.

Le grief porte sur le deuxième alinéa et sur la seconde phrase du troisième alinéa de cette disposition.

L'installation d'un compteur numérique ne dépend pas de la demande de l'utilisateur du réseau, mais si celui-ci en demande l'installation, le compteur numérique doit être installé « par priorité » (alinéa 1er, 7°). Dans ce cas, l'utilisateur du réseau doit prendre en charge les coûts d'installation et de mise en service du compteur (alinéa 2).

Si, en plus, il demande au gestionnaire du réseau de remplacer le compteur de production et de le connecter au compteur numérique, l'utilisateur du réseau doit prendre en charge les coûts du compteur de production ainsi que de son installation et de sa mise en service (alinéa 3). Un compteur de production est un compteur distinct qui relève de la catégorie « sous-compteur » et qui, « monté en aval du compteur principal », « peut mesurer et enregistrer les flux énergétiques dans une partie limitée du réseau d'énergie » (article 1.1.3, 114°/3, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 2, 17°, du décret attaqué).

B.12.2. Dans son arrêt n° 71/2016 du 25 mai 2016, relatif au décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 « modifiant le décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité », la Cour a déjà rappelé que l'Union européenne a voulu réaliser l'indépendance fonctionnelle du régulateur national de l'énergie, en l'espèce pour le marché de l'électricité. Cette indépendance lors de l'exercice des missions du régulateur est garantie non seulement vis-à-vis des acteurs du marché, mais aussi vis-à-vis de toutes les autorités.

L'exigence d'une indépendance fonctionnelle totale du régulateur national de l'énergie en ce qu'il doit être soustrait à toute influence extérieure est un élément essentiel au regard des objectifs de la directive 2009/72/CE, parmi lesquels la réalisation d'un marché intérieur de l'énergie qui soit compétitif (arrêt n° 71/2016, B.9.1 et B.9.2).

B.12.3. Le régulateur a notamment pour mission de « fixer ou approuver, selon des critères transparents, les tarifs de transport ou de distribution ou leurs méthodes de calcul » (article 37, paragraphe 1, point a), de la directive 2009/72/CE). Il est compétent pour fixer ou approuver, suffisamment à l'avance avant leur entrée en vigueur, au moins les méthodes utilisées pour calculer ou établir « les conditions de raccordement et d'accès aux réseaux nationaux, y compris les tarifs de transport et de distribution ou leurs méthodes » (article 37, paragraphe 6, point a), de la même directive).

Cette mission et cette compétence sont confirmées dans l'article 57, paragraphe 1, point a), et paragraphe 7, point a), de la quatrième directive sur l'électricité (directive (UE) 2019/944).

Le décret sur l'énergie prévoit la transposition de cette réglementation européenne en disposant que la VREG a notamment pour mission de réguler « l'accès au et [le] fonctionnement du marché de l'électricité et du gaz, y compris les tarifs des réseaux de distribution d'électricité et de gaz naturel ou les mesures transitoires y afférentes, conformément aux dispositions du présent décret » (article 3.1.3, alinéa 1er, 2°, du décret sur l'énergie). A cette fin, la VREG est compétent pour « l'approbation de tarifs des réseaux de distribution d'électricité et de gaz naturel et [pour] l'établissement des méthodes de calcul y afférentes, selon des critères transparents, ou [pour] la prise de mesures transitoires à ce sujet, conformément aux dispositions du présent décret » (article 3.1.4, § 2, 12°, du même décret). En vertu de l'article 4.1.29 du même décret, « le raccordement et l'accès au réseau de distribution pour le prélèvement et/ou l'injection d'électricité, de gaz naturel ou de biogaz, les activités en matière de gestion de données le cas échéant, des services auxiliaires et des obligations de service public, font l'objet de tarifs régulés ».

B.12.4. La facturation des coûts d'installation et de mise en service du compteur numérique à l'utilisateur du réseau a une incidence sur les tarifs de distribution qui sont appliqués aux consommateurs finaux.

En ce que l'article 4.1.22/2, alinéa 2, du décret sur l'énergie, inséré par la disposition attaquée, dispose que l'utilisateur du réseau prendra en charge les coûts d'installation et de mise en service du compteur, le législateur décrétal porte atteinte à l'indépendance du régulateur.

B.12.5. En revanche, le remplacement du compteur de production, qui est installé en aval du compteur principal, et sa connexion au compteur numérique n'ont pas de rapport direct avec la gestion du réseau de distribution.

Certes, la gestion du réseau de distribution couvre « la mise à disposition, l'installation, l'activation, la désactivation, l'entretien, la réparation et la gestion active de compteurs numériques, électroniques et analogiques » (article 4.1.6, § 2, du décret sur l'énergie), mais cette disposition ne permet pas de déduire que les « sous-compteurs » font également partie de la gestion du réseau de distribution.

Dès lors que l'article 4.1.22/2, alinéa 3, seconde phrase, du décret sur l'énergie, inséré par la disposition attaquée, dispose que l'utilisateur du réseau prendra en charge les coûts du compteur de production, ainsi que de son installation et de sa mise en service, le législateur décrétal ne porte pas atteinte à l'indépendance du régulateur.

Il n'est pas non plus discriminatoire de faire en sorte que l'utilisateur du réseau qui demande le remplacement du compteur de production en assume le coût.

B.12.6. Le moyen est fondé en ce qu'il porte sur l'article 4.1.22/2, alinéa 2, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 17 du décret attaqué.

Le moyen n'est pas fondé en ce qu'il porte sur l'article 4.1.22/2, alinéa 3, seconde phrase, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 17 du décret attaqué.

L'article 17 doit être annulé, en ce qu'il insère l'article 4.1.22/2, alinéa 2, dans le décret sur l'énergie.

Quant à la protection contre le rayonnement électromagnétique B.13. Dans le premier moyen dans l'affaire n° 7316, les parties requérantes font valoir que l'article 17 du décret attaqué viole les articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique et avec le principe de la confiance, en ce qu'il a pour effet, sans régime transitoire, que l'utilisateur du réseau est exposé au rayonnement électromagnétique du compteur numérique sans fil.

B.14.1. L'article 23 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : [...] 4° le droit à la protection d'un environnement sain; [...] ».

Cette disposition contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le degré de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.

B.14.2. Comme il est dit en B.12.1, l'article 17 du décret attaqué prévoit l'installation obligatoire de compteurs numériques. Le législateur décrétal décrit le compteur numérique comme « un compteur électronique qui mesure et enregistre les flux énergétiques et les quantités physiques apparentées et qui est équipé d'un dispositif de communication bidirectionnel permettant une lecture non seulement locale mais aussi à distance des données de manière à ce que le compteur soit en mesure, sur la base des données qu'il reçoit localement ou à distance, d'exécuter certaines actions » (article 1.1.3, 25°/2, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 2, 4°, du décret attaqué).

Comme le relève le Gouvernement flamand, cette description ne permet pas de déterminer si le moyen de communication dont le compteur numérique est équipé communique au moyen d'un câblage ou sans fil.

L'article 4.1.22/3, alinéa 3, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 18 du décret attaqué, charge le Gouvernement flamand de préciser les conditions auxquelles les compteurs numériques doivent répondre.

B.14.3. Il ressort de l'arrêté du Gouvernement flamand qu'un compteur numérique qui communique sans fil est installé en règle générale, mais qu'« au plus tard à partir du 1er janvier 2023 tout usager du réseau a le droit d'opter pour l'installation d'un compteur numérique qui communique avec le gestionnaire de réseau de distribution au moyen de câblage » (article 3.1.52, § 1er, alinéa 11, de l'arrêté du Gouvernement flamand du 19 novembre 2010 « portant des dispositions générales en matière de la politique de l'énergie », inséré par l'arrêté du Gouvernement flamand du 17 mai 2019 « modifiant l'arrêté relatif à l'énergie du 19 novembre 2010, en ce qui concerne le déploiement de compteurs numériques » et modifié par l'article 3, 4°, de l'arrêté du Gouvernement flamand du 17 juillet 2020 « modifiant l'arrêté relatif à l'énergie du 19 novembre 2010, en ce qui concerne le déploiement maximal de compteurs numériques »).

La Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur un arrêté du Gouvernement flamand. Toutefois, l'habilitation conférée au Gouvernement flamand doit être interprétée de manière conforme à la Constitution.

B.14.4. Comme il est dit plus haut, le décret lui-même ne permet pas de déterminer si le moyen de communication dont le compteur numérique est équipé communique au moyen d'un câblage ou sans fil.

L'exposition potentielle au rayonnement électromagnétique peut entraîner, pour la catégorie de personnes pour laquelle cette exposition présente un risque pour la santé, un recul significatif du degré de protection existant du droit à un environnement sain. Il peut être nécessaire, pour les personnes sensibles aux champs électromagnétiques, de limiter dès le début, et autant que possible, leur exposition à un tel rayonnement.

Ce recul significatif causé par les compteurs numériques ne saurait être raisonnablement justifié, dès lors qu'on peut aisément éviter le rayonnement électromagnétique en prévoyant la possibilité d'une communication au moyen d'un câblage au lieu d'une communication sans fil.

B.14.5. En conséquence, la disposition attaquée viole l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle l'installation obligatoire de compteurs numériques ne doit pas prévoir, pour chaque utilisateur du réseau, la possibilité d'opter pour une communication au moyen d'un câblage au lieu d'une communication sans fil.

B.14.6. La disposition attaquée peut toutefois aussi être interprétée de manière conforme à la Constitution, en ce sens que l'installation obligatoire de compteurs numériques doit prévoir, pour chaque utilisateur du réseau, la possibilité d'opter pour une communication au moyen de câblage au lieu d'une communication sans fil.

Il ressort de l'examen du second moyen dans l'affaire n° 7295 que ce n'est pas au législateur décrétal, ni au Gouvernement flamand, mais bien au régulateur qu'il appartient de fixer les coûts éventuels de ce choix.

B.14.7. Le moyen n'est pas fondé, sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.14.6.

Quant à la protection contre l'arrêt d'approvisionnement en électricité B.15. Dans le deuxième moyen dans l'affaire n° 7316, les parties requérantes font valoir que l'article 35 du décret attaqué viole les articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, en ce qu'il a pour effet qu'un utilisateur du réseau qui empêche l'installation d'un compteur numérique peut être débranché du réseau électrique sans l'avis de la commission consultative locale.

B.16.1. Avant sa modification par l'article 35 du décret attaqué, l'article 6.1.2, § 1er, du décret sur l'énergie disposait : « Le gestionnaire de réseau ne peut débrancher l'électricité ou le gaz naturel du client domestique que dans les cas suivants : 1° en cas de menace immédiate pour la sécurité, tant que cette situation perdure;2° en cas d'une habitation abandonnée, après avoir suivi la procédure fixée par le Gouvernement flamand; 3° en cas de fraude à l'énergie telle que visée à l'article 1.1.3, 40°/1, a), b), c), d) et g) du client domestique, après avoir suivi la procédure fixée par le Gouvernement flamand; 4° lorsque le client domestique n'est pas un mauvais payeur et refuse de conclure un contrat de fourniture, après avoir suivi la procédure fixée par le Gouvernement flamand;5° lorsque le client domestique refuse l'accès à l'espace où est installé le compteur électrique ou le compteur de gaz naturel au gestionnaire du réseau et dont il a le droit de propriété ou d'utilisation, en vue de l'installation, du branchement, du contrôle ou du relevé du compteur, y compris le compteur d'électricité à budget et le limiteur de courant ou du compteur de gaz naturel, y compris le compteur de gaz naturel à budget;6° lorsque le client domestique refuse l'accès à l'espace où est installé le compteur électrique à budget au gestionnaire du réseau et dont il a le droit de propriété ou d'utilisation, en vue du débranchement du limiteur de courant dans le compteur d'électricité à budget;7° lorsque le client domestique refuse de conclure un plan de paiement avec le gestionnaire du réseau ou lorsqu'il ne respecte pas le plan de paiement conclu avec le gestionnaire du réseau, aux conditions fixées par le Gouvernement flamand et après avoir suivi la procédure fixée par le Gouvernement flamand;8° lorsque le plan de fourniture du client domestique a été résilié pour une autre raison que le non-paiement et lorsque le client domestique n'a pas conclu un contrat de fourniture dans le délai fixé par le Gouvernement flamand sauf si le client concerné peut prouver qu'il n'a pas pu conclure un contrat de fourniture. Dans les cas visés aux points 5°, 6°, 7° et 8°, de l'alinéa 1er, le débranchement ne peut se faire qu'après avis de la commission consultative locale.

Dans les cas, visés aux 5°, 6°, 7° et 8°, du premier alinéa, le Gouvernement flamand peut limiter ou interdire le débranchement d'électricité ou de gaz naturel pendant certaines périodes.

Le gestionnaire du réseau ne peut déroger à l'avis de la commission consultative locale qu'à l'avantage du client domestique ».

B.16.2. L'article 35 du décret attaqué dispose : « A l'article 6.1.2, § 1er, du même décret, modifié par le décret du 24 février 2017, les modifications suivantes sont apportées : 1° au point 5°, les mots ' ou pour des travaux au raccordement ' sont ajoutés;2° au point 6°, les mots ' en vue du débranchement du limiteur de courant dans le compteur d'électricité à budget ' sont remplacés par les mots ' en vue d'interventions techniques au compteur qui sont nécessaires pour permettre les réglementations imposées dans le cadre des obligations sociales de service public et qui ne peuvent pas être effectuées à distance ';3° l'alinéa 2 est remplacé par ce qui suit : ' Dans les cas visés aux points 6°, 7° et 8°, de l'alinéa 1er, le débranchement ne peut se faire qu'après avis de la commission consultative locale.'; 4° un alinéa est inséré entre les alinéas 2 et 3, libellé comme suit : ' Dans le cas visé à l'alinéa 1er, 5°, le débranchement ne peut se faire qu'après avis de la commission consultative locale, sauf dans les cas visés à l'article 4.1.22/2, alinéa 1er, et sans préjudice des dispositions applicables aux compteurs à budget, visées à l'article 4.1.22, alinéa 1er, 4°, in fine. ' ».

B.16.3. Depuis sa modification par l'article 35 du décret attaqué, l'article 6.1.2, § 1er, du décret sur l'énergie est libellé ainsi : « Le gestionnaire de réseau ne peut débrancher l'électricité ou le gaz naturel du client domestique que dans les cas suivants : 1° en cas de menace immédiate pour la sécurité, tant que cette situation perdure;2° en cas d'une habitation abandonnée, après avoir suivi la procédure fixée par le Gouvernement flamand; 3° en cas de fraude à l'énergie telle que visée à l'article 1.1.3, 40°/1, a), b), c), d) et g) du client domestique, après avoir suivi la procédure fixée par le Gouvernement flamand; 4° lorsque le client domestique n'est pas un mauvais payeur et refuse de conclure un contrat de fourniture, après avoir suivi la procédure fixée par le Gouvernement flamand;5° lorsque le client domestique refuse l'accès à l'espace où est installé le compteur électrique ou le compteur de gaz naturel au gestionnaire du réseau et dont il a le droit de propriété ou d'utilisation, en vue de l'installation, du branchement, du contrôle ou du relevé du compteur, y compris le compteur d'électricité à budget et le limiteur de courant ou du compteur de gaz naturel, y compris le compteur de gaz naturel à budget ou pour des travaux au raccordement;6° lorsque le client domestique refuse l'accès à l'espace où est installé le compteur électrique à budget au gestionnaire du réseau et dont il a le droit de propriété ou d'utilisation, en vue d'interventions techniques au compteur qui sont nécessaires pour permettre les réglementations imposées dans le cadre des obligations sociales de service public et qui ne peuvent pas être effectuées à distance;7° lorsque le client domestique refuse de conclure un plan de paiement avec le gestionnaire du réseau ou lorsqu'il ne respecte pas le plan de paiement conclu avec le gestionnaire du réseau, aux conditions fixées par le Gouvernement flamand et après avoir suivi la procédure fixée par le Gouvernement flamand;8° lorsque le plan de fourniture du client domestique a été résilié pour une autre raison que le non-paiement et lorsque le client domestique n'a pas conclu un contrat de fourniture dans le délai fixé par le Gouvernement flamand sauf si le client concerné peut prouver qu'il n'a pas pu conclure un contrat de fourniture. Dans les cas visés aux points 6°, 7° et 8°, de l'alinéa 1er, le débranchement ne peut se faire qu'après avis de la commission consultative locale.

Dans le cas visé à l'alinéa 1er, 5°, le débranchement ne peut se faire qu'après avis de la commission consultative locale, sauf dans les cas visés à l'article 4.1.22/2, alinéa 1er, et sans préjudice des dispositions applicables aux compteurs à budget, visées à l'article 4.1.22, alinéa 1er, 4°, in fine.

Dans les cas, visés aux 5°, 6°, 7° et 8°, du premier alinéa, le Gouvernement flamand peut limiter ou interdire le débranchement d'électricité ou de gaz naturel pendant certaines périodes.

Le gestionnaire du réseau ne peut déroger à l'avis de la commission consultative locale qu'à l'avantage du client domestique ».

B.16.4. L'article 6.1.2, § 1er, du décret sur l'énergie permet au gestionnaire du réseau, dans des cas déterminés, de couper l'approvisionnement en électricité ou en gaz naturel. Dans certains de ces cas, la coupure ne peut se faire qu'après avis de la commission consultative locale.

En vertu de l'article 7, § 1er, du décret du 20 décembre 1996 « réglant le rôle de la commission consultative locale dans le cadre de la livraison minimale d'électricité, de gaz et d'eau et d'énergie thermique », une commission consultative locale est créée dans chaque commune. Dans les trente jours civils après réception de la demande et après un examen contradictoire, cette commission émet un avis répondant à la question de savoir si le client résidentiel ne se trouve pas dans une situation dans laquelle la coupure serait injustifiée. L'article 7, § 2, du décret précité dispose : « En ce qui concerne la fourniture ininterrompue d'électricité et de gaz, visée à l'article 6.1.1 du Décret sur l'Energie, la commission consultative locale émet un avis relatif aux cas mentionnés ci-après dans les trente jours calendaires après réception de la demande et après une enquête contradictoire répondant à la question si le client domestique ne se trouve pas dans une situation dans laquelle le débranchement serait injustifié : a) la demande d'un gestionnaire de réseau de débrancher le client domestique, dans les cas visés à l'article 6.1.2, § 1er, premier alinéa, 5°, 6°, 7° et 8°, du Décret sur l'Energie; b) la demande de rebrancher le client domestique, au terme des cas, visés à l'article 6.1.2, § 1er, premier alinéa, du Décret sur l'Energie.

A défaut d'un avis dans le délai précité, l'avis sur la demande du gestionnaire de réseau, visé au premier alinéa, a), est censé être négatif.

A défaut d'un avis dans le délai précité, l'avis sur la demande de rebrancher le client domestique, visé au premier alinéa, b), est censé être positif ».

En vertu de l'article 2 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 16 septembre 1997 « relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission locale d'avis en matière de la fourniture minimale d'électricité et de la fourniture d'énergie thermique », la commission consultative locale est composée de : « 1° l'assistant(e) en chef social(e) du Service Social du CPAS, ou son délégué, qui assure la présidence de la commission; 2° un membre du Comité spécial du Service Social du CPAS de la commune dans laquelle le client domestique, client domestique de gaz naturel ou abonné domestique, selon le cas a son domicile;3° un représentant du gestionnaire de réseau, gestionnaire de réseau de gaz naturel, exploitant ou fournisseur de chaleur ou de froid, selon le cas concerné;4° un représentant de l'institution agréée de dettes, lorsque le client domestique, client domestique de gaz naturel, abonné domestique ou client domestique d'énergie thermique, selon le cas a fait appel à une telle institution en vue d'obtenir un accompagnement social ». B.16.5. Le grief de la partie requérante porte sur la cinquième hypothèse dans laquelle le gestionnaire du réseau peut couper l'approvisionnement en électricité ou en gaz naturel en vertu de l'article 6.1.2, § 1er, du décret sur l'énergie, modifié par la disposition attaquée, à savoir lorsque le client résidentiel refuse de donner au gestionnaire du réseau un accès à l'espace où est installé le compteur électrique ou le compteur de gaz naturel, en vue de l'installation, du branchement, du contrôle ou du relevé du compteur.

La disposition attaquée vise en premier lieu à préciser que cette hypothèse comprend également les travaux de raccordement : « Dans le cadre des obligations sociales de service public, il est ajouté dans l'article 6.1.2, § 1er, du décret sur l'Energie, au 5°, que le gestionnaire du réseau peut couper l'approvisionnement en électricité ou en gaz naturel si le client résidentiel refuse de lui donner accès pour effectuer des travaux de raccordement, par exemple pour installer un compteur numérique ou pour remplacer un compteur » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1654/1, p. 56).

La disposition attaquée vise en outre à faire en sorte que la cinquième hypothèse déroge à l'obligation de recueillir l'avis de la commission consultative locale dans tous les cas dans lesquels un compteur numérique doit être placé en priorité. Il s'agit des cas visés à l'article 4.1.22/2 du décret sur l'énergie, comme il est dit en B.11. Cette modification a pour effet « que l'intéressé n'est pas renvoyé devant la commission consultative locale s'il refuse de donner accès pour l'installation d'un compteur numérique qui ne fonctionne pas en mode compteur à budget ou pour le remplacement d'un compteur à budget déjà en service par un compteur numérique fonctionnant en mode compteur à budget » (ibid.).

La suppression de l'obligation, dans le cas où l'accès est refusé pour l'installation du compteur numérique, de recueillir l'avis de la commission consultative locale avant que le gestionnaire du réseau puisse couper l'électricité entraîne une réduction significative du degré de protection existant du droit à un logement décent.

B.16.6. L'article 23 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : [...] 3° le droit à un logement décent; [...] ».

Comme il est dit en B.14.1, cette disposition contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le degré de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.

B.16.7. Certes, le Gouvernement flamand fait valoir que, pour que le déploiement du compteur numérique soit efficace en termes de coûts, il faut que les gestionnaires des réseaux de distribution puissent le mettre en oeuvre progressivement de manière rationnelle et efficace.

Toutefois, il ne démontre pas que le fait de recueillir l'avis de la commission consultative locale, qui doit répondre dans les trente jours civils après réception de la demande, pourrait gravement perturber ce déploiement.

En outre, l'article 7, § 2, alinéa 1er, a), du décret du 20 décembre 1996, mentionné en B.16.4, dispose toujours que la commission consultative locale émet un avis « dans les cas visés à l'article 6.1.2, § 1er, premier alinéa, 5°, 6°, 7° et 8°, du Décret sur l'Energie ».

B.16.8. Le moyen est fondé.

L'article 35, 3° et 4°, du décret attaqué doit être annulé.

Quant au respect de la vie privée B.17.1. Dans le moyen unique dans l'affaire n° 7324, la partie requérante fait valoir que l'article 17 du décret attaqué viole les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 7, 8 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Selon la partie requérante, le compteur numérique entraîne une ingérence disproportionnée dans la vie privée, en ce que l'utilisateur du réseau ne peut pas en refuser l'installation (première branche). En outre, la disposition attaquée conférerait une délégation trop étendue au Gouvernement flamand (seconde branche).

La partie requérante n'expose pas en quoi la disposition attaquée viole le principe d'égalité et de non-discrimination, de sorte que le moyen n'est pas recevable en ce qu'il repose sur les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.17.2. Dans le troisième moyen dans l'affaire n° 7316, les parties requérantes font valoir que l'article 21 du décret attaqué viole l'article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 7, 8 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Selon les parties requérantes, la disposition attaquée entraîne une ingérence disproportionnée dans la vie privée, en ce qu'elle donne un accès étendu aux données fournies par le compteur numérique.

Les parties requérantes dénoncent également la violation de l'article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec d'autres dispositions du droit de l'Union européenne, mais elles ne puisent aucun grief concret de ces dispositions. Partant, le moyen est irrecevable en ce qu'il est fondé sur ces dispositions du droit de l'Union. La demande visant à poser une question préjudicielle à la Cour de justice qui en découle est sans objet.

B.17.3. Les deux moyens portent à titre principal sur le droit au respect de la vie privée. Ils visent l'installation obligatoire du compteur numérique (première branche du moyen unique dans l'affaire n° 7324) et l'accès étendu aux données fournies par le compteur numérique (troisième moyen dans l'affaire n° 7316). Par ailleurs, le moyen unique dans l'affaire n° 7324 (seconde branche) porte sur le principe de la légalité.

B.18.1. L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».

B.18.2. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». B.18.3. Le Constituant a recherché la plus grande concordance possible entre l'article 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2).

La portée de cet article 8 est analogue à celle de la disposition constitutionnelle précitée, de sorte que les garanties que fournissent ces deux dispositions forment un tout indissociable.

B.18.4. Le droit au respect de la vie privée, tel qu'il est garanti par les dispositions constitutionnelle et conventionnelle précitées, a pour but essentiel de protéger les personnes contre les ingérences dans leur vie privée.

Ce droit a une portée étendue et englobe notamment la protection des données à caractère personnel et des informations personnelles.

B.19.1. L'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ».

B.19.2. L'article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose : « 1. Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant. 2. Ces données doivent être traitées loyalement, à des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d'un autre fondement légitime prévu par la loi.Toute personne a le droit d'accéder aux données collectées la concernant et d'en obtenir la rectification. 3. Le respect de ces règles est soumis au contrôle d'une autorité indépendante ». B.19.3. L'article 52, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dispose : « Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui ».

B.19.4. L'article 52, paragraphe 3, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dispose : « Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue ».

B.19.5. Le droit au respect de la vie privée n'est pas absolu. Les dispositions constitutionnelles et conventionnelles n'excluent pas une ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée, mais exigent que cette ingérence soit prévue par une disposition législative suffisamment précise, qu'elle réponde à un besoin social impérieux dans une société démocratique et qu'elle soit proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit.

Le législateur dispose en la matière d'une marge d'appréciation. Cette marge n'est toutefois pas illimitée : pour qu'une norme soit compatible avec le droit au respect de la vie privée, il faut que le législateur ait ménagé un juste équilibre entre tous les droits et intérêts en cause.

B.20.1. Le compteur numérique peut mesurer et enregistrer les flux énergétiques et leur qualité, il peut communiquer à distance avec le gestionnaire du réseau de distribution, il possède la possibilité technique de communiquer avec des applications d'autres acteurs du marché et il peut régler à distance la capacité d'accès et accorder et interrompre l'accès au réseau de distribution (article 4.1.22/3, alinéa 1er, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 18 du décret attaqué).

L'enregistrement et la communication des données de mesure contenues dans un compteur numérique peuvent concerner des informations personnelles de l'utilisateur du réseau.

B.20.2. L'instauration du compteur numérique est « une pierre angulaire » de la transition vers un système énergétique décentralisé (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1654/1, p. 4). Le législateur décrétal a posé un choix légitime, après une analyse des coûts et des bénéfices, en optant pour l'installation obligatoire du compteur numérique. Comme il est dit en B.2, cette analyse a révélé que le déploiement complet et progressif du compteur numérique procurerait les avantages les plus importants. La transmission des données de mesure est d'une importance cruciale pour une gestion efficace du système énergétique décentralisé, alimenté en partie par des sources d'énergie renouvelable.

Toutefois, la Cour doit encore vérifier si la réglementation attaquée ne comporte pas une ingérence disproportionnée dans la vie privée en ce qu'elle protégerait insuffisamment l'accès aux données de mesure du compteur numérique.

B.20.3. Les activités en matière de gestion de données comprennent (1) le relevé et la lecture des compteurs numériques, électroniques et analogiques aux points d'accès au réseau de distribution, notamment pour la facturation et la gestion du réseau; (2) la gestion du registre d'accès; (3) la gestion, le traitement, la sécurisation et la conservation des données techniques, relationnelles et de mesure concernant les points d'accès au réseau de distribution et la garantie de leur véracité et de leur exactitude; (4) la définition et la validation de l'injection et du prélèvement des producteurs et des clients qui sont raccordés au réseau de distribution; (5) la communication des données nécessaires aux autres gestionnaires de réseau, au gestionnaire du réseau de transport, à l'entreprise de transport et au gestionnaire du réseau de transport local dans le cadre de la gestion du réseau et de la sécurité opérationnelle; (6) la facilitation du développement de services et de produits novateurs si cela est conforme à la réglementation relative au traitement de données à caractère personnel; (7) la communication des données nécessaires, notamment, aux producteurs, aux responsables de l'équilibre, aux affréteurs, aux intermédiaires, aux fournisseurs, au gestionnaire du réseau de transport local, au gestionnaire du réseau de transport et aux fournisseurs de services énergétiques afin de remplir leurs tâches ou de faciliter le marché de l'énergie; (8) la communication des données nécessaires aux autorités pour exercer leur tâche; (9) la communication de données anonymisées à des fins de recherche scientifique (article 4.1.8/2, alinéa 1er, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 11 du décret attaqué).

Le gestionnaire de réseau a la responsabilité d'assurer le droit d'accès et le droit de rectification en ce qui concerne les données qu'il gère, traite, valide et conserve (article 4.1.8/2, alinéa 2, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 11 du décret attaqué).

Le gestionnaire de réseau et sa société d'exploitation ne peuvent pas utiliser les données obtenues dans l'exécution de leurs tâches en matière de gestion de données, visées à l'article 4.1.8/2, en vue de proposer des services commerciaux (article 4.1.8/4 du décret sur l'énergie, inséré par l'article 13 du décret attaqué). Une société d'exploitation est « la société de droit privé dans laquelle participe le gestionnaire du réseau de distribution ou la personne morale de droit public qui participe dans le gestionnaire du réseau de distribution, qui est chargée, au nom et pour le compte du gestionnaire du réseau de distribution, de l'exploitation de son réseau et de l'application des obligations de service public » (article 1.1.3, 138°, du décret sur l'énergie).

Sans préjudice de l'application de l'article 82 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) » (ci-après : le règlement général sur la protection des données), le gestionnaire de réseau est tenu d'indemniser la personne concernée pour le dommage qu'elle a subi par suite d'une violation des données à caractère personnel que le gestionnaire de réseau gère, valide et conserve. A cet effet, la personne concernée doit uniquement prouver le dommage et le lien de causalité entre la violation et le dommage (article 4.1.11/6, alinéa 1er, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 14 du décret attaqué).

La personne concernée conserve le contrôle sur les données à caractère personnel la concernant issues du compteur numérique, du compteur électronique et du compteur analogique « conformément aux divers droits et devoirs prévus par le législateur, sauf dans les cas, aux conditions et aux garanties définis par ou en vertu d'une loi ou d'un décret » (article 4.1.22/4 du décret sur l'énergie, inséré par l'article 20 du décret attaqué).

B.20.4. En ce qui concerne en particulier l'accès aux données recueillies, l'article 4.1.22/5 du décret sur l'énergie, inséré par l'article 21 du décret attaqué, dispose : « Le gestionnaire de réseau ou sa société d'exploitation accorde aux parties suivantes, compte tenu de l'alinéa 2 et des dispositions de l'article 4.1.8/2, l'accès aux données collectées à partir du compteur numérique, électronique ou analogique : 1° les autorités pour les données qu'elles sont habilitées à connaître en vertu d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance;2° les organismes et les personnes physiques ou les personnes morales pour les informations nécessaires à l'accomplissement de missions d'intérêt public qui leur sont confiées par ou en vertu d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance;3° les gestionnaires du réseau de distribution et leur société d'exploitation, les gestionnaires d'un réseau de distribution fermé, le gestionnaire du réseau de transport, l'entreprise de transport, le gestionnaire du réseau de transport local, les producteurs, les fournisseurs, les intermédiaires, les affréteurs, les responsables de l'équilibre et la VREG;4° l'utilisateur du réseau et, le cas échéant, la personne physique dont les données à caractère personnel sont traitées;5° une autre partie, à condition que l'utilisateur du réseau et, le cas échéant, la personne physique dont les données à caractère personnel sont traitées aient donné leur accord à cette partie;6° toute partie dans la mesure où les données traitées ont été entièrement anonymisées. Le gestionnaire de réseau ou sa société d'exploitation n'accorde aux parties visées à l'alinéa 1er l'accès qu'aux données strictement nécessaires à l'exécution de leurs tâches respectives. Ces données sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles seront utilisées.

Le Gouvernement flamand peut préciser les conditions et modalités relatives à l'échange de données entre le gestionnaire de réseau ou sa société d'exploitation et les autres parties légitimées ».

Il ressort de cette disposition attaquée que l'accès aux données de mesure est soumis à des conditions strictes. Dans certains cas, une habilitation légale est requise. Dans tous les cas, l'accès n'est autorisé qu'aux données strictement nécessaires pour effectuer certaines tâches. En outre, les données fournies doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles seront utilisées.

Par ailleurs, le législateur décrétal a prévu que les acteurs du marché avec lesquels le compteur numérique peut communiquer ne peuvent traiter que les données strictement nécessaires pour fournir leurs services et au sujet desquelles un accord a été conclu avec la personne concernée. Ces données doivent elles aussi être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles seront utilisées (article 4.1.22/3, alinéa 2, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 18 du décret attaqué).

B.20.5. Si un compteur numérique est installé, le gestionnaire du réseau doit veiller à ce que l'utilisateur du réseau et, le cas échéant, la personne concernée soient suffisamment informés et conseillés quant (1) aux informations obligatoires concernant le traitement de leurs données à caractère personnel qui doivent être fournies en vertu du Règlement général sur la protection des données et (2) au potentiel du compteur dans son intégralité, à l'utilisation des données du compteur numérique et à la possibilité de contrôler leur consommation d'énergie (article 4.1.22/13, alinéa 1er, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 29 du décret attaqué).

B.20.6. Enfin, toutes les parties concernées doivent respecter le règlement général sur la protection des données. Celui-ci s'applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu'au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier (article 2, paragraphe 1, du règlement précité).

Pour le traitement des données à caractère personnel, les gestionnaires de réseau, les fournisseurs, les prestataires de services énergétiques et les autres personnes morales de droit privé ou de droit public concernées sont les responsables du traitement, visés à l'article 4, point 7), du règlement général sur la protection des données. Ils établissent un système continu de maîtrise des risques concernant la probabilité et la gravité des divers risques pour les droits et libertés des personnes physiques. Ils informent les personnes concernées de la durée pendant laquelle les données à caractère personnel les concernant seront conservées ou, lorsque ce n'est pas possible, des critères utilisés pour déterminer cette durée.

S'ils recourent à des techniques de recherche telles que l'exploration de données, le profilage et la prise de décision automatisée, ils le mentionnent explicitement et ils donnent accès aux choix méthodologiques utilisés (article 4.1.22/13, alinéa 2, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 29 du décret attaqué).

B.20.7. Il découle de ce qui précède qu'en ce qui concerne l'accès aux données fournies par le compteur numérique, le législateur décrétal a prévu une réglementation suffisamment précise et a ménagé un juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée et les objectifs poursuivis en matière de gestion énergétique efficace et durable.

B.20.8. Le moyen unique dans l'affaire n° 7324, en sa première branche, et le troisième moyen dans l'affaire n° 7316 ne sont pas fondés.

B.21.1. En réservant au législateur compétent le pouvoir de fixer dans quels cas et à quelles conditions il peut être porté atteinte au droit au respect de la vie privée, l'article 22 de la Constitution garantit à tout justiciable qu'aucune ingérence dans l'exercice de ce droit ne peut avoir lieu qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

Une délégation à un autre pouvoir n'est toutefois pas contraire au principe de la légalité, pour autant que l'habilitation soit définie de manière suffisamment précise et qu'elle porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels ont été fixés préalablement par le législateur.

B.21.2. La branche du moyen qui porte sur le principe de la légalité est uniquement dirigée contre l'article 17 du décret attaqué. Cette disposition prévoit l'installation obligatoire de compteurs numériques ainsi qu'un régime de priorité lors de cette installation. Elle habilite le Gouvernement flamand à déterminer, « sur la base d'une analyse coûts-avantages, [...] les cas supplémentaires dans lesquels le gestionnaire de réseau installe un compteur numérique par priorité » ainsi que « le timing et les modalités de l'installation des compteurs ».

B.21.3. Il ressort de l'examen de la première branche du moyen dans l'affaire n° 7324 et du troisième moyen dans l'affaire n° 7316 que le législateur décrétal a réglé de manière précise la protection des données de mesure.

Le fait de déterminer le moment et les modalités de l'installation des compteurs numériques n'emporte pas en soi une ingérence dans la vie privée, pas plus que celui d'ajouter des cas dans lesquels l'installation doit être effectuée en priorité. La délégation de la compétence de prendre ces mesures ne viole pas l'article 22 de la Constitution.

B.21.4. Le moyen unique dans l'affaire n° 7324, en sa seconde branche, n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour 1. annule : - l'article 17 du décret de la Région flamande du 26 avril 2019 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009 en ce qui concerne le déploiement de compteurs numériques et modifiant les articles 7.1.1, 7.1.2 et 7.1.5 du même décret », en ce qu'il insère l'article 4.1.22/2, alinéa 2, dans le décret du 8 mai 2009 « portant les dispositions générales en matière de la politique de l'énergie »; - les articles 31, 35, 3° et 4°, et 42 du même décret du 26 avril 2019; 2. sous réserve de l'interprétation de l'article 17 du même décret mentionnée en B.14.6, rejette les recours pour le surplus; 3. maintient les effets des articles 31 et 42 du même décret pour ce qui concerne les montants facturés avant la date de la publication du présent arrêt au Moniteur belge. Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 14 janvier 2021.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux L. Lavrysen

^