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Arrêt
publié le 11 mai 2021

Extrait de l'arrêt n° 160/2020 du 26 novembre 2020 Numéros du rôle : 7256, 7258, 7265, 7274, 7275 et 7348 En cause: les questions préjudicielles relatives à l'article 376, § § 1 er et 2, du Code des impôts sur les revenus La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merc(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 160/2020 du 26 novembre 2020 Numéros du rôle : 7256, 7258, 7265, 7274, 7275 et 7348 En cause: les questions préjudicielles relatives à l'article 376, § § 1er et 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par la Cour d'appel d'Anvers, par le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, par la Cour d'appel de Gand et par le Tribunal de première instance de Louvain.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par arrêt du 24 septembre 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 1er octobre 2019, et par arrêt du 7 octobre 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 15 octobre 2019, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 376, § § 1er et 2, du CIR 1992 viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que cette disposition doit être interprétée en ce sens : - qu'un arrêt de la Cour constitutionnelle rendu sur question préjudicielle, par lequel une norme fiscale est déclarée inconstitutionnelle dans son intégralité ou dans certaines de ses interprétations, est considéré comme un fait nouveau (et n'est donc pas considéré comme un nouveau moyen de droit ou un changement de jurisprudence) et donne donc lieu ou peut donc donner lieu à un dégrèvement d'office des surtaxes qui avaient été établies à charge du contribuable en vertu de cette norme fiscale inconstitutionnelle et - qu'une décision des cours et tribunaux ordinaires belges par laquelle une norme fiscale est déclarée inconstitutionnelle dans son intégralité ou dans certaines de ses interprétations sur la base de l'article 159 de la Constitution, décision que l'administration fiscale a expressément admise ou à laquelle elle s'est expressément ralliée, n'est pas considérée comme un fait nouveau (et est donc considérée comme un nouveau moyen de droit ou un changement de jurisprudence) et ne donne donc pas lieu ou ne saurait donc donner lieu à un dégrèvement d'office des surtaxes qui avaient été établies à charge du contribuable en vertu de cette norme fiscale inconstitutionnelle ? ».b. Par jugement du 30 septembre 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 8 octobre 2019, le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 376, § § 1er et 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution dans des circonstances telles que celles du présent litige, en ce qu'il prive du dégrèvement d'office, au sens de cette disposition législative, les redevables de l'impôt des personnes physiques à l'égard desquels des surtaxes apparaissent à la lumière d'un ou de plusieurs arrêts des cours d'appel, passés en force de chose jugée et rendus envers d'autres redevables de l'impôt des personnes physiques, dans lesquels il a été jugé inter partes qu'une norme juridique fiscale prévue par un arrêté du pouvoir exécutif viole le principe constitutionnel d'égalité, violation ayant été reconnue par l'administration dans une circulaire et ayant donné lieu à une modification de cette norme juridique pour l'avenir, par voie d'arrêté royal, alors que le dégrèvement d'office, au sens de la disposition législative précitée, est accordé aux redevables de l'impôt des personnes physiques à l'égard desquels les surtaxes apparaissent à la lumière d'un arrêt préjudiciel de la Cour constitutionnelle, qui constate l'inconstitutionnalité d'une disposition législative (fiscale) ? ».c. Par deux arrêts du 22 octobre 2019, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 4 novembre 2019, la Cour d'appel de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 376, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle cette disposition : - interdit au directeur des contributions ou au fonctionnaire délégué par lui d'accorder d'office le dégrèvement d'une surtaxe qui apparaîtrait à la lumière d'une décision des cours et tribunaux passée en force de chose jugée qui, sur la base de l'article 159 de la Constitution, écarte l'application d'un arrêté ou d'un règlement général, provincial ou local en raison de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination, - alors que cet article n'interdit pas au directeur des contributions ou au fonctionnaire délégué par lui d'accorder d'office le dégrèvement d'une surtaxe qui apparaîtrait à la lumière d'un arrêt de la Cour constitutionnelle jugeant, en réponse à une question préjudicielle, qu'une disposition législative est incompatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination ? ».d. Par jugement du 17 janvier 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 23 janvier 2020, le Tribunal de première instance de Louvain a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 376, § § 1er et 2, du Code des impôts sur les revenus viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que cet article est interprété en ce sens : 1) qu'un dégrèvement d'office est refusé au contribuable à l'égard duquel ont été établies des surtaxes qui apparaissent de décisions des cours et tribunaux ordinaires passées en force de chose jugée qui constatent l'inconstitutionnalité de normes fiscales non législatives et que cette inconstitutionnalité a été reconnue par l'administration fiscale dans une circulaire et que la norme fiscale a été adaptée pour les exercices d'imposition ultérieurs;2) qu'un dégrèvement d'office est accordé au contribuable à l'égard duquel ont été établies des surtaxes qui apparaissent d'un arrêt préjudiciel de la Cour constitutionnelle qui constate l'inconstitutionnalité d'une norme fiscale législative ? ». Ces affaires, inscrites sous les numéros 7256, 7258, 7265, 7274, 7275 et 7348 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1.1. Les questions préjudicielles portent sur l'article 376, § § 1er et 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992), qui règle le dégrèvement d'office de surtaxes et qui dispose : « § 1. Le conseiller général de l'administration en charge de l'établissement des impôts sur les revenus ou le fonctionnaire délégué par lui, accorde d'office le dégrèvement des surtaxes résultant d'erreurs matérielles, de doubles emplois, ainsi que de celles qui apparaîtraient à la lumière de documents ou faits nouveaux probants, dont la production ou l'allégation tardive par le redevable est justifiée par de justes motifs, à condition que : 1° ces surtaxes aient été constatées par l'administration ou signalées à celle-ci par le redevable, par son conjoint sur les biens duquel l'imposition est mise en recouvrement ou par le codébiteur visé à l'article 2 du Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales, dans les cinq ans à partir du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'impôt a été établi;2° la taxation n'ait pas déjà fait l'objet d'une réclamation ayant donné lieu à une décision définitive sur le fond. § 2. N'est pas considéré comme constituant un élément nouveau, un nouveau moyen de droit ni un changement de jurisprudence ».

B.1.2. L'article 376, § 1er, du CIR 1992 permet notamment un dégrèvement d'office de surtaxes « qui apparaîtraient à la lumière de documents ou faits nouveaux probants, dont la production ou l'allégation tardive par le redevable est justifiée par de justes motifs ». Selon l'article 376, § 2, « un nouveau moyen de droit [ou] un changement de jurisprudence » n'est toutefois pas considéré comme constituant un élément nouveau et, dans un tel cas, un dégrèvement d'office n'est pas possible.

B.2.1. En réponse à une question préjudicielle relative à l'article 376, § 2, du CIR 1992, la Cour a jugé, par son arrêt n° 160/2006 du 8 novembre 2006 : « - Interprété comme interdisant au directeur des contributions ou au fonctionnaire délégué par lui d'accorder le dégrèvement d'office d'une surtaxe qui apparaîtrait à la lumière d'un arrêt de la Cour d'arbitrage considérant, en réponse à une question préjudicielle, qu'une disposition législative est incompatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination, l'article 376, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été remplacé par l'article 33 de la loi du 15 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/1999 pub. 27/03/1999 numac 1999003180 source ministere des finances Loi relative au contentieux en matière fiscale fermer relative au contentieux en matière fiscale, viole les articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution. - Interprété comme n'interdisant pas au directeur des contributions ou au fonctionnaire délégué par lui d'accorder le dégrèvement d'office d'une surtaxe qui apparaîtrait à la lumière d'un arrêt de la Cour d'arbitrage considérant, en réponse à une question préjudicielle, qu'une disposition législative est incompatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination, le même article 376, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 ne viole pas les articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution ».

B.2.2. Par le même arrêt, la Cour a également jugé qu'un arrêt statuant sur question préjudicielle n'est ni « un nouveau moyen de droit », ni un « changement de jurisprudence » et qu'il peut être considéré comme un « fait nouveau » au sens de l'article 376 du Code des impôts sur les revenus 1992.

B.3.1. Les juridictions a quo interrogent la Cour sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution. Dans les affaires nos 7256, 7265 et 7348, la Cour est également interrogée sur la compatibilité de cette disposition avec l'article 172 de la Constitution, qui garantit le principe d'égalité en matière fiscale.

B.3.2. Les questions préjudicielles visent à demander à la Cour si l'article 376 du CIR 1992 comporte une discrimination, dans l'interprétation selon laquelle un arrêt de la Cour constitutionnelle rendu sur question préjudicielle qui constate l'inconstitutionnalité d'une norme fiscale législative est considéré comme un fait nouveau susceptible de donner lieu à un dégrèvement d'office de surtaxes, alors que tel ne serait pas le cas pour : - une décision des cours et tribunaux ordinaires par laquelle, sur la base de l'article 159 de la Constitution, une norme fiscale d'exécution est déclarée inconstitutionnelle dans son intégralité ou dans une certaine interprétation, décision à laquelle l'administration fiscale s'est expressément ralliée (affaires nos 7256 et 7265); - des arrêts des cours d'appel, passés en force de chose jugée et rendus envers d'autres redevables de l'impôt des personnes physiques, dans lesquels il a été jugé inter partes qu'une norme fiscale d'exécution viole le principe d'égalité, violation ayant été reconnue par l'administration dans une circulaire et ayant donné lieu à une modification de cette norme juridique pour l'avenir (affaire n° 7258); - une décision des cours et tribunaux passée en force de chose jugée qui, sur la base de l'article 159 de la Constitution, écarte l'application d'un arrêté ou d'un règlement général, provincial ou local en raison de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination (affaires nos 7274 et 7275); - des décisions des cours et tribunaux ordinaires passées en force de chose jugée qui constatent l'inconstitutionnalité de normes fiscales non législatives, inconstitutionnalité qui a été reconnue par l'administration dans une circulaire et qui a donné lieu à une modification de cette norme (affaire n° 7348).

B.3.3. Dans les affaires soumises aux juges du fond, des demandes de dégrèvement d'office ont été introduites par rapport à des surtaxes qui, sur la base de l'article 18, § 3, point 2, alinéa 2, de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : l'AR/CIR 1992), avaient été établies sur des avantages de toute nature, à savoir la mise à disposition d'un bien immobilier par une personne morale. Après que plusieurs cours d'appel ont écarté l'application de la disposition réglementaire précitée en raison de sa contradiction avec le principe constitutionnel d'égalité, l'administration fiscale a décidé dans la circulaire 2018/C/57 du 15 mai 2018 que l'inconstitutionnalité constatée devait disparaître et qu'en attendant une modification réglementaire, elle se conformerait à la jurisprudence précitée. L'arrêté royal du 7 décembre 2018 a modifié l'article 18, § 3, point 2, alinéa 2, de l'AR/CIR 1992, supprimant la discrimination constatée.

En ce qui concerne l'introduction d'une demande de dégrèvement de surtaxes à la suite des arrêts précités des cours d'appel, la circulaire 2018/C/57 mentionne : « Les demandes de dégrèvement d'office introduites après l'expiration des délais de réclamation prévus par l'article 371, CIR 92 et les procédures judiciaires qui en découlent doivent en revanche être rejetées, étant donné qu'il n'est pas satisfait aux conditions de l'article 376, § 1er et § 2, CIR 92. L'article 376, § 2, CIR 92 stipule qu'un changement de jurisprudence n'est jamais considéré comme un élément nouveau » (point V.8).

B.3.4. Dans les affaires soumises aux juridictions a quo, les demandes de dégrèvement d'office de surtaxes ont été introduites par des redevables qui n'étaient pas parties aux affaires devant les cours d'appel précitées, mais qui font valoir que les arrêts de ces juridictions constatant l'inconstitutionnalité d'un acte administratif réglementaire doivent être considérés comme un fait nouveau. Les demandes ont toutefois essuyé un refus de l'administration fiscale, conformément à ce que prévoit la circulaire précitée, au motif que les décisions des cours d'appel sur la constitutionnalité de la disposition contestée ont été considérées comme un « changement de jurisprudence », au sens de l'article 376, § 2, du CIR 1992, et non comme un fait nouveau, au sens de l'article 376, § 1er, du CIR 1992.

B.4.1. La faculté de demander le dégrèvement d'office d'une surtaxe en alléguant un fait nouveau, telle qu'elle est organisée par l'article 376, § § 1er et 2, du CIR 1992, trouve ses origines dans l'article 61, § 8, alinéa 1er, des lois relatives aux impôts sur les revenus, coordonnées le 15 janvier 1948.

B.4.2. L'article 61, § 8, alinéa 1er, des lois coordonnées le 15 janvier 1948 devait permettre « d'accélérer dans une certaine mesure la résorption de l'arriéré en matière de contentieux et de contribuer à l'apurement des impôts restant dus pour les exercices écoulés » (Doc. parl., Chambre, 1952-1953, n° 277, p. 1). Ce texte accordait « dans des cas réellement exceptionnels et dans un esprit d'humanité, le dégrèvement de surtaxes manifestes que le contribuable n'[avait] pu faire constater et dégrever dans les délais normaux » (ibid., p. 6).

La « négligence ou l'ignorance » des redevables ne pouvaient être « considérées comme le juste motif ou la circonstance de force majeure » visés par cette disposition (ibid., p. 11). Celle-ci fut présentée comme une « heureuse innovation qui permettra de redresser des situations véritablement iniques » ou comme une « disposition d'équité » (Doc. parl., Chambre, 1952-1953, n° 363, p. 5).

B.5. Aux fins de l'application de l'article 376, § § 1er et 2, du CIR 1992, seuls les faits ou documents de nature à apporter une preuve qui n'a pas été faite antérieurement et que le redevable n'était pas en mesure de produire ou d'alléguer avant l'expiration des délais de réclamation constituent des documents ou faits nouveaux (Cass., 21 décembre 2017, F.15.0098.N). Bien que le dégrèvement d'office de surtaxes soit présenté comme une « disposition d'équité », le législateur souligne également qu'il n'est destiné qu'à des « cas réellement exceptionnels ». En effet, un redevable qui n'est pas d'accord avec une imposition établie à son nom peut, conformément aux articles 366 et suivants du CIR 1992, introduire un recours administratif auprès du conseiller général et peut aussi, le cas échéant, intenter une action devant le tribunal de première instance, avec la possibilité d'interjeter appel et de se pourvoir en cassation.

En outre, une disposition réglementaire en matière fiscale qui serait contraire à la Constitution peut faire l'objet d'un recours en annulation auprès du Conseil d'Etat.

B.6.1. En vertu de l'article 142 de la Constitution et de l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, il appartient exclusivement à la Cour de statuer, à titre préjudiciel et dans les limites des articles précités, sur la constitutionnalité d'une norme législative en matière fiscale.

B.6.2. Toutefois, ni les dispositions précitées ni aucune autre disposition constitutionnelle ou législative ne confèrent à la Cour le pouvoir de statuer à titre préjudiciel sur la question de savoir si un acte du pouvoir exécutif est conforme à la Constitution. Conformément à l'article 159 de la Constitution, il appartient aux cours et tribunaux ordinaires de ne pas appliquer les dispositions d'un arrêté ou d'un règlement qui ne seraient pas conformes à la Constitution.

B.6.3. Selon l'article 28 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la juridiction qui a posé une question préjudicielle, ainsi que toute autre juridiction appelée à statuer dans la même affaire sont tenues, pour la solution du litige à l'occasion duquel a été posée la question, de se conformer à l'arrêt rendu par la Cour constitutionnelle.

De plus, il ressort de l'article 26, § 2, 2°, de la même loi spéciale que, lorsqu'une question relative à la constitutionnalité d'une norme législative est soulevée devant une juridiction, cette juridiction ne doit pas poser de question préjudicielle si la Cour constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant un objet identique, à condition que la juridiction se conforme à l'arrêt rendu par la Cour. Ainsi, le juge qui est confronté à une norme législative ayant été déclarée inconstitutionnelle doit en écarter l'application ou poser une nouvelle question préjudicielle s'il estime ne pas pouvoir se conformer à l'arrêt.

B.6.4. En outre, une norme déclarée inconstitutionnelle en réponse à une question préjudicielle peut faire l'objet d'un recours en annulation introduit sur la base de l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989. Enfin, tant dans un arrêt d'annulation que dans un arrêt rendu sur question préjudicielle, la Cour peut maintenir les effets de la norme législative déclarée inconstitutionnelle, ce qui peut avoir pour effet de rendre impossible le dégrèvement d'office de surtaxes.

B.6.5. Partant, un arrêt préjudiciel de la Cour constitutionnelle, tout en ne faisant pas disparaître la disposition inconstitutionnelle de l'ordre juridique, a un effet qui dépasse le seul litige pendant devant le juge qui a posé la question préjudicielle.

B.7.1. L'article 159 de la Constitution dispose : « Les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois ».

B.7.2. Cette disposition constitutionnelle peut uniquement entraîner l'inapplication d'un arrêté ou règlement déclaré inconstitutionnel dans le litige soumis au juge et entre les parties au procès concernées. La norme déclarée inconstitutionnelle continue d'exister et peut encore être appliquée dans un autre litige entre d'autres parties. La décision juridictionnelle a donc une autorité relative de chose jugée et s'applique inter partes.

B.7.3. L'article 6 du Code judiciaire dispose : « Les juges ne peuvent prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ».

B.8.1. Lorsque, dans le cadre du litige particulier dont ils sont saisis, les cours et tribunaux constatent l'inconstitutionnalité d'une disposition réglementaire en matière fiscale, les redevables impliqués dans ce litige ne peuvent pas être imposés en application de cette norme.

B.8.2. Si l'article 376 du CIR 1992 devait être interprété en ce sens qu'une telle décision des cours et tribunaux, en dehors du litige dans lequel l'inconstitutionnalité a été constatée, doit être considérée par l'administration fiscale comme un élément nouveau susceptible de donner lieu à un dégrèvement d'office de surtaxes, la décision juridictionnelle précitée se verrait attribuer une autorité qui n'est pas conforme à l'article 159 de la Constitution.

B.8.3. Par conséquent, la différence de traitement qui est soumise au contrôle de la Cour résulte d'un choix effectué par le Constituant, au sujet duquel la Cour ne peut se prononcer.

Le fait que l'administration fiscale déciderait, dans une circulaire, de supprimer pour l'avenir la discrimination constatée par les cours et tribunaux ou que les autorités adaptent la réglementation pour l'avenir ne modifie pas ce constat.

B.9. L'article 376 du CIR 1992 n'est dès lors pas incompatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle les décisions des cours et tribunaux constatant l'inconstitutionnalité d'une disposition réglementaire en matière fiscale ne constituent pas un élément nouveau qui entre en considération pour le dégrèvement d'office de surtaxes.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 376 du Code des impôts sur les revenus 1992 ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle les décisions des cours et tribunaux constatant l'inconstitutionnalité d'une disposition réglementaire en matière fiscale ne constituent pas un élément nouveau qui entre en considération pour le dégrèvement d'office de surtaxes.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 26 novembre 2020.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, L. Lavrysen

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