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Arrêt
publié le 26 juillet 2000

Extrait de l'arrêt n° 64/2000 du 30 mai 2000 Numéros du rôle : 1651 et 1684 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 1 er bis, § 2, de la loi du 18 mars 1838 organique de l'Ecole royale militaire, inséré par La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, L(...)

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26/07/2000
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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 64/2000 du 30 mai 2000 Numéros du rôle : 1651 et 1684 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 1erbis, § 2, de la loi du 18 mars 1838 organique de l'Ecole royale militaire, inséré par la loi du 6 juillet 1967, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, L. François, J. Delruelle, H. Coremans et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles a. Par arrêt n° 78.995 du 26 février 1999 en cause de E. Lecocq contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 25 mars 1999, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 1erbis, § 2, de la loi du 18 mars 1838 organique de l'Ecole royale militaire, inséré par la loi du 6 juillet 1967, méconnaît-il les articles 10, 11 et 24 de la Constitution ? » Cette affaire est inscrite sous le numéro 1651 du rôle de la Cour. b. Par arrêt n° 80.099 du 5 mai 1999 en cause de E. Lecocq contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 20 mai 1999, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 1erbis, § 2, de la loi du 18 mars 1838 organique de l'Ecole royale militaire, inséré par la loi du 6 juillet 1967, méconnaît-il les articles 10, 11 et 24 de la Constitution envisagés isolément, d'une part, et combinés avec l'article 182 de la Constitution, d'autre part ? » Cette affaire est inscrite sous le numéro 1684 du rôle de la Cour. (...) IV. En droit (...) B.1.1. L'article 1erbis de la loi du 18 mars 1838 organique de l'Ecole royale militaire, dont le paragraphe 2 fait l'objet de la question préjudicielle, dispose : « § 1er. Le programme de la section polytechnique comprend : A. Pendant les deux premières années d'études : 1° les matières définies par l'article 29 des lois coordonnées sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires en ce qui concerne l'examen pour le grade de candidat ingénieur civil;2° le calcul graphique, la nomographie et les éléments de recherche opérationnelle;3° la deuxième langue nationale et une langue étrangère;4° des éléments de droit, y compris le droit pénal militaire. B. Pendant les trois années d'études suivantes, les matières communes et les matières spéciales énumérées ci-après : a) Matières communes : 1° les matières définies par l'article 31, I, des lois sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires en ce qui concerne les examens pour les divers grades d'ingénieur civil;2° l'analyse numérique, les statistiques et des compléments d'analyse mathématique;3° les servo-mécanismes;4° les compléments de physique;5° la chimie des explosifs;6° les compléments de topographie;7° les compléments de graphostatique;8° les principes généraux d'organisation;9° l'histoire des guerres;10° la psychologie générale et le commandement.b) Matières spéciales : 1° Pour la spécialité ` Armement ' : a.les compléments de mécanique appliquée; b. l'électronique;c. la fatigue des constructions mécaniques et des structures;d. la balistique, la technique du tir et la technique de l'armement.2° Pour la spécialité ` Mécanique ' : a.l'électronique; b. la fatigue des constructions mécaniques et des structures;c. la mécanique-transport qui comprend les moteurs à combustion interne, y compris les turbines à gaz, les cellules des engins de transport, les combustibles liquides, les huiles et les graisses;d. des éléments de balistique, la technique du tir et la technique de l'armement.3° Pour la spécialité ` Télécommunications ' : a.les compléments de mécanique appliquée; b. des éléments de balistique, la technique du tir et la technique de l'armement;c. les télécommunications.4° Pour la spécialité ` Génie ' : a.les compléments de mécanique appliquée; b. l'électronique;c. la mécanique des sols et les fondations, la stabilité des constructions, les constructions métalliques, les constructions en bois, en maçonnerie, en béton;d. les techniques du génie civil et militaire.5° Les officiers-élèves doivent présenter lors de l'épreuve finale un travail sur une question se rapportant au groupe de matières de leur spécialité. § 2. Le programme des matières enseignées à la section ` Toutes Armes ', du même niveau que celui des études universitaires conduisant au diplôme scientifique de licencié, est fixé par le Roi. » Quant aux questions préjudicielles B.1.2. La question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 26 février 1999 et reformulée dans son arrêt du 5 mai 1999 porte sur la conformité de l'article 1erbis, § 2, précité aux articles 10, 11 et 24 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 182 de celle-ci.

B.1.3. La Cour ayant été valablement saisie par le Conseil d'Etat, il ne lui appartient pas de subordonner son contrôle, comme le Conseil des ministres l'y invite, à un examen de l'intérêt du requérant devant le Conseil d'Etat, qu'il s'agisse de l'intérêt que cette partie aurait à critiquer la différence de traitement qu'elle dénonce ou de l'absence d'intérêt qu'aurait, pour elle, la réponse de la Cour.

B.1.4. Les parties n'ayant pas la possibilité de modifier la teneur des questions préjudicielles adressées à la Cour, il ne peut être donné suite à la prétention du requérant devant le Conseil d'Etat selon laquelle devrait être vérifiée la conformité de la disposition en cause aux articles 10, 11 et 24 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 12 et 30 de celle-ci.

Quant à l'article 24 de la Constitution B.2.1. Il apparaît de la motivation de l'arrêt par lequel la Cour est interrogée que la question préjudicielle porte sur la conformité de l'article 1erbis, § 2, de la loi du 18 mars 1838 à l'article 24 de la Constitution, combiné avec l'article 182 de celle-ci, en ce qu'il délègue au Roi le pouvoir de déterminer le programme des matières enseignées à la section « Toutes armes » alors que, selon le requérant devant le Conseil d'Etat, l'article 24 précité, confirmé en ce qui concerne les militaires par l'article 182 de la Constitution, réserve cette matière au législateur.

B.2.2. L'article 24, § 5, de la Constitution, aux termes duquel « l'organisation, la reconnaissance ou le subventionnement de l'enseignement par la communauté sont réglés par la loi ou le décret », n'est pas applicable à l'enseignement dispensé à l'Ecole royale militaire, cette matière étant réservée au législateur fédéral en vertu de l'article 182 de la Constitution.

B.2.3. En ce qu'elle porte sur l'article 24 de la Constitution, la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant aux articles 10 et 11 de la Constitution B.3.1. Il apparaît de la motivation de l'arrêt par lequel la Cour est interrogée que la question préjudicielle porte sur la conformité de l'article 1erbis, § 2, de la loi du 18 mars 1838 aux articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 182 de celle-ci, en ce qu'il habilite le Roi à fixer le programme des matières enseignées à la section « Toutes armes » et établit ainsi une différence de traitement entre les élèves de cette section et ceux de la section polytechnique, pour lesquels l'article 1erbis, § 1er, de la loi en cause établit lui-même le programme d'études.

B.3.2. Les travaux préparatoires de la loi du 6 juillet 1967 qui a inséré l'article 1erbis en cause dans la loi du 18 mars 1838 font apparaître que le législateur a entendu, notamment, « donner aux officiers, non polytechniciens en particulier, un enseignement de niveau universitaire dans lequel les disciplines relatives aux sciences humaines prennent la plus grande part » (Doc. parl., Sénat, 1964-1965, n° 228, p. 1) et, de manière plus générale, reconnaître l'existence légale des sections polytechnique et « Toutes armes », la loi du 9 avril 1965 portant diverses mesures en faveur de l'expansion universitaire ayant en effet, en son article 3, prévu que les officiers issus de la section polytechnique de l'Ecole royale militaire pourraient porter le titre d'ingénieur civil et que ceux issus de la section « Toutes armes » pourraient porter celui de licencié (avec la qualification déterminée par le Roi).

B.3.3. La différence de traitement consistant en ce que la loi entre dans plus de précisions pour la section polytechnique que pour la section « Toutes armes » est liée à la circonstance qu'au moment où les dispositions en cause ont été prises, les grades académiques étaient distingués des grades scientifiques.

B.4.1. S'il est vrai que l'article 182 de la Constitution dispose : « Le mode de recrutement de l'armée est déterminé par la loi. Elle règle également l'avancement, les droits et les obligations des militaires » et qu'en attribuant au pouvoir législatif les compétences précitées, le Constituant a voulu éviter que le pouvoir exécutif règle seul la force armée et garantir ainsi à tout militaire qu'il ne pourrait être soumis à des obligations sans que celles-ci aient été décidées par une assemblée délibérante démocratiquement élue, il n'en reste pas moins que cette disposition constitutionnelle n'exclut pas que le législateur attribue au Roi un pouvoir d'exécution limité. En tant qu'elle précise que le programme des matières enseignées à la section « Toutes armes » est du même niveau que celui des études universitaires conduisant au diplôme scientifique de licencié, la disposition en cause a, à la fois, arrêté le niveau de la formation et fixé les limites de l'habilitation sur l'essentiel.

B.4.2. En ce qu'elle porte sur les articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec l'article 182 de celle-ci, la question appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 1erbis, § 2, de la loi du 18 mars 1838 organique de l'Ecole royale militaire, inséré par la loi du 6 juillet 1967, ne viole pas les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, lus isolément ou combinés avec l'article 182 de celle-ci.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 30 mai 2000.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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