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Arrêt
publié le 07 décembre 2000

Extrait de l'arrêt n° 96/2000 du 20 septembre 2000 Numéro du rôle : 1694 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 80, § 1 er , de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances, posée La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, (...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 96/2000 du 20 septembre 2000 Numéro du rôle : 1694 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 80, § 1er, de la loi du 9 juillet 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 09/07/1975 pub. 24/12/2014 numac 2014000890 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 09/07/1975 pub. 23/10/2015 numac 2015000557 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative au contrôle des entreprises d'assurances, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, E. Cerexhe, A. Arts, M. Bossuyt et E. De Groot, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 28 mai 1999 en cause de J. Orenbuch, C. Vanderstraeten et S. Orenbuch contre le Fonds commun de garantie automobile, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 3 juin 1999, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 80, § 1er, de la loi du 9 juillet 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 09/07/1975 pub. 24/12/2014 numac 2014000890 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 09/07/1975 pub. 23/10/2015 numac 2015000557 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative au contrôle des entreprises d'assurances viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant que cette disposition législative instaure une différence de traitement entre, d'une part, les victimes d'un accident de la circulation qui n'ont pas été indemnisées parce qu'aucune entreprise d'assurances n'était obligée à ladite réparation en raison du fait qu'il ne pouvait être établi lequel des conducteurs impliqués dans l'accident était responsable, pour lesquelles l'article 80, § 1er, de la susdite loi ne prévoit pas la possibilité d'obtenir du Fonds commun de garantie la réparation de leurs dommages résultant de lésions corporelles et, d'autre part, les victimes d'un accident de la circulation qui n'ont pas été indemnisées parce que l'identité du véhicule automoteur qui a causé l'accident n'a pas été relevée ou parce qu'aucune entreprise d'assurances autorisée n'était obligée à ladite réparation, soit en raison d'un cas fortuit ayant mis hors cause le conducteur du véhicule qui a causé l'accident, soit parce que l'obligation d'assurance n'a pas été respectée, pour lesquelles l'article 80, § 1er, de la susdite loi prévoit, par contre, la possibilité d'obtenir du Fonds commun de garantie la réparation de leurs dommages résultant de lésions corporelles ? » IV. En droit B.1. La question porte sur la compatibilité de l'article 80, § 1er, de la loi du 9 juillet 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 09/07/1975 pub. 24/12/2014 numac 2014000890 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 09/07/1975 pub. 23/10/2015 numac 2015000557 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative au contrôle des entreprises d'assurances avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

L'article 80, § 1er, énonce : « Toute personne lésée peut obtenir du Fonds commun de garantie la réparation des dommages résultant de lésions corporelles causées par un véhicule automoteur : 1° lorsque le véhicule qui a causé l'accident n'est pas identifié; dans ce cas, le Fonds est substitué à la personne responsable; 2° lorsqu'aucune entreprise d'assurances [ .] n'est obligée à ladite réparation en raison soit d'un cas fortuit exonérant le conducteur du véhicule qui a causé l'accident, soit du fait que l'obligation d'assurance n'a pas été respectée; 3° lorsque, en cas de vol, de violence ou de recel, la responsabilité civile à laquelle le véhicule peut donner lieu n'est pas assurée, conformément à l'exclusion légalement permise;4° lorsque l'entreprise d'assurances agréée ou dispensée de l'agrément, débitrice des indemnités, ayant renoncé à l'agrément en Belgique ou y ayant fait l'objet d'une mesure de révocation ou d'une décision d'interdiction, d'activité en application de l'article 71, § 1er, alinéa 3 et § 2, est en défaut d'exécuter ses obligations;5° lorsque l'entreprise d'assurances est déclarée en faillite. L'étendue et les conditions d'octroi de ce droit à réparation sont déterminées par le Roi.

Dans les cas prévus aux 2°, 3°, 4° et 5°, le Roi peut étendre les obligations du Fonds commun de garantie à l'indemnisation des dégâts matériels dans les limites spéciales qu'Il détermine. » B.2. La question préjudicielle invite la Cour à déterminer s'il est justifié, en ce qui concerne l'intervention du Fonds commun de garantie visant à indemniser le dommage découlant de lésions corporelles causées par un véhicule automoteur, de faire une distinction entre les deux catégories de personnes suivantes : - d'une part, les victimes d'un accident de roulage lorsque l'identité du véhicule automoteur qui a causé l'accident n'a pas été relevée ou lorsqu'aucune entreprise d'assurances n'est obligée à une réparation, soit parce que l'obligation d'assurance n'a pas été respectée, soit en raison d'un cas fortuit ayant mis hors cause le conducteur du véhicule qui a causé l'accident; - d'autre part, les victimes d'un accident de roulage lorsqu'il n'a pas pu être établi lequel des conducteurs impliqués dans l'accident est responsable.

Les dispositions en cause, en particulier l'article 80, § 1er, alinéa 1er, 1° et 2°, ont pour effet que le Fonds commun de garantie doit intervenir à l'égard de la catégorie de personnes citée en premier lieu, alors que cette intervention n'est pas prévue vis-à-vis de la deuxième catégorie de personnes.

B.3. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.4.1. Il ressort des travaux préparatoires des articles 79 et 80 de la loi du 9 juillet 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 09/07/1975 pub. 24/12/2014 numac 2014000890 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 09/07/1975 pub. 23/10/2015 numac 2015000557 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer que, de façon générale, le législateur avait pour objectif de suppléer au défaut de couverture de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, secteur dans lequel l'assurance a été rendue obligatoire; à cette fin, il a prévu la création d'un Fonds commun de garantie, ayant pour mission de réparer les dommages causés par un véhicule automoteur dans les hypothèses visées à l'article 80. Ainsi a-t-il été relevé : « Ces articles mettent sur pied un système d'intervention lorsque, pour un secteur où l'assurance est imposée par la loi la responsabilité civile en matière de véhicules automobiles il y a absence de couverture. Cette absence de couverture peut résulter de plusieurs situations, dont les plus importantes résultent certainement du fait que le responsable et donc l'assureur n'est pas connu, ou que l'assureur est en faillite. » (Doc. parl., Sénat, 1970-1971, n° 269, p. 48) Le législateur s'est fondé sur le caractère obligatoire de l'assurance de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs (article 79, § 4) pour mettre à charge des entreprises d'assurances qui pratiquent ladite assurance le financement du Fonds commun de garantie. B.4.2. Alors qu'en 1971 le législateur a voulu garantir l'intervention du Fonds commun de garantie parce que, « pour des raisons de justice sociale, il ne convient pas de laisser sans réparation les victimes d'accidents de la circulation qui ne peuvent être dédommagées » (Doc. parl., Sénat, 1970-1971, n° 570, p. 52), en 1975 il a prévu une intervention limitée du Fonds commun de garantie, et ce sur la base de la justification suivante de l'amendement du Gouvernement qui est devenu la disposition en cause : « Le texte du 2° du § 1er de l'article 50, tel qu'il était rédigé dans le Doc. 570 obligeait le Fonds Commun de garantie à intervenir dans n'importe quelle hypothèse de non-intervention d'une compagnie d'assurance agréée; cela visait, par exemple, toutes les restrictions apportées à l'indemnisation des personnes lésées par la législation sur l'assurance de responsabilité civile automobile.

Les conséquences pécuniaires de cette disposition auraient été très lourdes. C'est pourquoi l'amendement reprend le texte du projet de loi primitif sur le contrôle des entreprises d'assurance (Doc., Sénat 269) qui prévoyait l'intervention du Fonds lorsque l'obligation d'assurance n'ayant pas été respectée, aucune entreprise d'assurance agréée n'est obligée par la loi à ladite réparation. Cette version est d'ailleurs celle du projet de loi relatif à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile (art. 20, § 1er, 2°), qui a déjà été adopté à la Chambre.

L'amendement introduit en outre une disposition qui traduit la volonté des membres de la Commission des Affaires économiques d'étendre l'obligation d'intervention du Fonds à la réparation des dommages provoqués par un accident de la circulation imputable à un événement fortuit (Doc. Sénat, 570, p. 52). » (Doc. parl., Sénat, 1974-1975, n° 468-2, p. 19) B.5.1. Compte tenu du but visé par la réglementation et des possibilités budgétaires du Fonds commun de garantie, qui doit être financé par les contributions des entreprises d'assurances autorisées à assurer la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs (article 79, § 4), il n'est pas déraisonnable que le législateur limite l'intervention du Fonds.

B.5.2. Le législateur n'a ainsi accordé l'intervention du Fonds que dans chacune des hypothèses décrites à l'article 80, § 1er, alinéa 1er.

B.5.3. C'est à la lumière des objectifs décrits au B.4.2 et en tenant compte des limitations qu'ils impliquent qu'il convient d'examiner la constitutionnalité des dispositions en cause.

B.6. Il n'appartient pas à la Cour de dire s'il serait équitable d'ajouter d'autres hypothèses à celles qui sont limitativement prévues par la loi ou d'apprécier l'opportunité d'aggraver les obligations du Fonds. Elle peut seulement examiner si, en ce qu'elles ne permettent pas à la catégorie de personnes indiquée dans la décision de renvoi d'obtenir l'intervention du Fonds, les dispositions litigieuses créent une différence de traitement injustifiée.

B.7.1. Il s'agit de la catégorie des personnes qui ont été blessées alors qu'elles se trouvaient dans un véhicule dont le conducteur n'a commis aucune faute, à la suite d'un accident causé par un autre véhicule couvert par une assurance obligatoire, mais qui ne sont pas indemnisées pour l'unique raison que ni les déclarations des personnes impliquées, ni des témoignages, ni aucun élément matériel ne permettent de déterminer, parmi les conducteurs du deuxième véhicule et d'un troisième également présent sur les lieux de l'accident, lequel a commis une faute en relation avec celui-ci.

B.7.2. Ces personnes se trouvent dans une situation qui, au regard des objectifs du législateur, est en tous points semblable à celles qui sont mentionnées à l'article 80, § 1er, alinéa 1er, de la loi. La seule circonstance qu'il n'a pas été possible de déterminer le responsable de l'accident, alors que cet article ne mentionne que l'hypothèse où ce responsable n'a pas été identifié, n'est pas pertinente pour justifier la différence de traitement critiquée.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse positive dans les limites précisées en B.7.1.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 80, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 9 juillet 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 09/07/1975 pub. 24/12/2014 numac 2014000890 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 09/07/1975 pub. 23/10/2015 numac 2015000557 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative au contrôle des entreprises d'assurances viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il refuse l'intervention du Fonds commun de garantie à la catégorie de personnes décrite en B.7.1.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 20 septembre 2000, par le siège précité, dans lequel le juge E. Cerexhe est remplacé, pour le prononcé, par le juge R. Henneuse, conformément à l'article 110 de la même loi.

Le greffier, Le président, L. Potoms. G. De Baets.

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