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Arrêt
publié le 04 février 2003

Extrait de l'arrêt n° 147/2002 du 15 octobre 2002 Numéros du rôle : 2209 et 2294 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 205 et suivants, 265 et 266 du chapitre XXII de la loi générale sur les douanes et accises, coor La Cour d'arbitrage, composée du président A. Arts et du juge L. François, faisant fonction de (...)

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Extrait de l'arrêt n° 147/2002 du 15 octobre 2002 Numéros du rôle : 2209 et 2294 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 205 et suivants, 265 et 266 du chapitre XXII de la loi générale sur les douanes et accises, coordonnée par arrêté royal du 18 juillet 1977, posées par la Cour d'appel d'Anvers et par le Tribunal correctionnel de Turnhout.

La Cour d'arbitrage, composée du président A. Arts et du juge L. François, faisant fonction de président, et des juges M. Bossuyt, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles a. Par arrêt du 27 juin 2001 en cause du ministère public et du Ministère des Finances contre J.Jansen et M. Van Neer, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 2 juillet 2001, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle visant à savoir : « si les articles 205 et suivants du chapitre XXII de la loi générale du 18 juillet 1977 relative aux douanes et accises violent les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que, contrairement à l'action publique et à la procédure pénale en général, l'action publique et la procédure en matière de douanes et accises ne garantissent pas d'indépendance à l'inculpé-administré puisque l'Administration des douanes et accises, en plus des recherches, effectue aussi unilatéralement et de manière non contradictoire l'examen chimique de laboratoire et l'enquête comptable dont les résultats sont de nature à établir ou à supprimer la prévention ».

Cette affaire est inscrite sous le numéro 2209 du rôle de la Cour. b. Par jugement du 19 novembre 2001 en cause du ministère public et du Ministère des Finances contre la s.p.r.l. Kempenaers Brandstoffen et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 3 décembre 2001, le Tribunal correctionnel de Turnhout a posé les questions préjudicielles suivantes : « - Les articles 205 et suivants du chapitre XXII de la loi générale du 18 juillet 1977 relative aux douanes et accises violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que, contrairement à l'action publique et à la procédure pénale en général, l'action publique et la procédure en matière de douanes et accises ne garantissent pas d'indépendance à l'inculpé administré, puisque l'Administration des douanes et accises fait office de celui qui, en plus des recherches, effectue aussi unilatéralement et de manière non contradictoire l'examen technique et l'enquête comptable dont les résultats sont de nature à établir ou à supprimer la prévention ? - L'article 265 de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il est discriminatoire au regard du droit pénal général, en tant que cette disposition retient une responsabilité pénale objective et quasi absolue de certaines personnes pour les faits de leurs employés, ouvriers, domestiques ou autres personnes salariées par elles ? - Les articles 265, § 3, et 266 de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises, articles qui concernent la responsabilité pénale, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils sont discriminatoires au regard du droit pénal général en tant que ces dispositions considèrent que le juge pénal est encore compétent pour statuer sur l'action civile à l'issue d'un prononcé au pénal ? » Cette affaire est inscrite sous le numéro 2294 du rôle de la Cour. (..) IV. En droit (...) La question préjudicielle dans l'affaire n° 2209 et la première question préjudicielle dans l'affaire n° 2294 (articles 205 et suivants du chapitre XXII de la loi générale sur les douanes et accises) B.1. La question préjudicielle dans l'affaire n° 2209 et la première question préjudicielle dans l'affaire n° 2294 portent sur la compatibilité des articles 205 et suivants du chapitre XXII de la loi générale sur les douanes et accises (L.G.D.A.) avec les articles 10 et 11 de la Constitution en tant que, contrairement au droit pénal commun, en matière de douanes et accises, l'action publique et la procédure pénale de façon générale, l'examen chimique en laboratoire, l'examen technique et l'enquête comptable en particulier, n'offriraient pas à l'« inculpé-administré » les garanties d'indépendance et d'impartialité, du fait que l'Administration des douanes et accises, « en plus des recherches, effectue aussi unilatéralement et de manière non contradictoire l'examen... dont les résultats sont de nature à établir ou à supprimer la prévention ».

B.2. Les articles 205 et suivants du chapitre XXII de la L.G.D.A. énoncent : «

Art. 205.Lorsque les agents des douanes et accises constatent que les livres comptables, les écritures commerciales ou les documents commerciaux d'un commerçant contiennent des données qui ne sont pas concordantes concernant l'achat et la vente de marchandises soumises à des droits, des montants à octroyer à l'importation ou à l'exportation ou à des droits d'accise, ces livres, écritures et documents peuvent être invoqués à l'appui d'une fraude des droits jusqu'à preuve contraire. » «

Art. 206.§ 1er. Les agents peuvent prélever gratuitement des échantillons lors de la vérification de marchandises se trouvant sous régime de douane ou d'accise. Ils peuvent également prélever gratuitement dans les usines soumises à leur surveillance, des échantillons des matières destinées à la fabrication, des matières en cours de travail et des produits obtenus. § 2. Les déclarants et les exploitants des usines sont tenus, s'ils en sont requis, de fournir gratuitement les récipients destinés à renfermer les échantillons. § 3. Les contestations sur la façon de procéder aux prélèvements ou sur la quantité à prélever sont tranchées par les agents désignés par le Ministre des Finances. » «

Art. 207.§ 1er. Sous peine d'une amende de mille à dix mille francs, les industriels et commerçants qui se livrent à la fabrication ou au commerce de produits soumis à des droits d'accise sont tenus, à toute réquisition des agents, de communiquer, sans déplacement, leurs factures, livres et autres documents de comptabilité dont la production serait jugée nécessaire. § 2. Le Ministre des Finances détermine les catégories d'agents spécialement qualifiés pour requérir la communication des factures, livres ou documents précités. » «

Art. 208.§ 1er. En vue de prévenir la fraude, le Ministre des finances est autorisé à organiser, d'après les bases qu'il détermine, la surveillance et la réglementation des travaux dans les établissements ou usines dont les produits sont soumis à des droits d'accise. A moins qu'elles ne soient déjà sanctionnées par une autre dispositions légale, les infractions aux mesures qu'il arrête sont punies d'une amende de cinq mille à vingt-cinq mille francs. § 2. Il peut aussi faire rembourser par les intéressés les frais occasionnés par la surveillance de leurs établissements ou usines.

Eventuellement ces frais peuvent être recouvrés par voie de contrainte conformément aux dispositions des articles 313 et 314. » «

Art. 209.Il est accordé aux agents du service d'enquêtes du Comité supérieur de contrôle, pour la recherche et la constatation de la fraude, des pouvoirs identiques à ceux dont jouissent les agents de l'administration des douanes et accises. » «

Art. 210.§ 1er. Les services administratifs de l'Etat, y compris les parquets et les greffes des cours et tribunaux, les administrations des provinces et des communes, ainsi que les organismes et établissements publics, sont tenus, lorsqu'ils en sont requis par un fonctionnaire de l'une des administrations de l'Etat chargées de l'établissement ou du recouvrement des impôts, de lui fournir tous renseignements en leur possession, de lui communiquer, sans déplacement, tous actes, pièces, registres et documents quelconques qu'ils détiennent et de lui laisser prendre tous renseignements, copies ou extraits, que ledit fonctionnaire juge nécessaires pour assurer l'établissement ou la perception des impôts perçus par l'Etat.

Par organismes publics, il faut entendre, au voeu de la présente loi, les institutions, sociétés, associations, établissements et offices à l'administration desquels l'Etat participe, auxquels l'Etat fournit une garantie, sur l'activité desquels l'Etat exerce une surveillance ou dont le personnel de direction est désigné par le gouvernement, sur sa proposition ou moyennant son approbation.

Toutefois, les actes, pièces, registres et documents ou renseignements relatifs à des procédures judiciaires, ne peuvent être communiqués sans l'autorisation expresse du procureur général ou de l'auditeur général.

L'alinéa 1er n'est pas applicable à l'Office des chèques postaux, à l'Institut national de statistique, ni aux établissements de crédit.

D'autres dérogations à cette disposition peuvent être apportées par des arrêtés royaux contresignés par le Ministre des Finances. § 2. Tout renseignement, pièce, procès-verbal ou acte découvert ou obtenu dans l'exercice de ses fonctions, par un agent d'une administration fiscale de l'Etat, soit directement, soit par l'entremise d'un des services désignés ci-dessus, peut être invoqué par l'Etat pour la recherche de toute somme due en vertu des lois d'impôts.

Néanmoins la présentation à l'enregistrement des procès-verbaux et des rapports d'expertise relatifs à des procédures judiciaires ne permet à l'administration d'invoquer ces actes que moyennant l'autorisation prévue au § 1er, alinéa 3. § 3. Tout agent d'une administration fiscale de l'Etat, régulièrement chargé d'effectuer chez une personne physique ou morale un contrôle ou une enquête se rapportant à l'application d'un impôt déterminé, est de plein droit habilité à prendre, rechercher ou recueillir, tous renseignements propres à assurer l'exacte perception de tous autres impôts dus par cette personne. » B.3.1. Le Conseil des ministres fait valoir que les articles 205 et suivants du chapitre XXII de la L.G.D.A. ne concernent pas l'examen chimique en laboratoire, l'examen technique ou l'enquête comptable, de sorte que la Cour doit limiter son contrôle de constitutionnalité à la comparaison de l'action publique et de la procédure pénale en général en matière de douanes et accises avec l'action publique et la procédure pénale en droit pénal commun.

B.3.2. Les articles 205 et suivants du chapitre XXII de la L.G.D.A. ont pour objet d'attribuer des compétences particulières aux agents de l'Administration des douanes et accises dans le cadre de la recherche et de la constatation des infractions à la législation en matière de douanes et accises. Les dispositions litigieuses portent sur des mesures de contrôle que ces agents peuvent prendre.

Il peut cependant se déduire des décisions de renvoi et des mémoires des parties que les questions préjudicielles ne concernent que les articles 205 et 206 de la L.G.D.A. B.3.3. La Cour limite dès lors son examen aux articles 205 et 206 de la L.G.D.A. En ce qui concerne l'article 205 de la L.G.D.A. B.4. L'article 205 de la L.G.D.A. permet d'invoquer des éléments « à l'appui d'une fraude des droits » (entendez : « afin de prouver cette fraude ») à charge du commerçant dont les livres comptables, les écritures commerciales ou les documents commerciaux contiennent des données qui ne sont pas concordantes concernant l'achat et la vente de marchandises soumises à des droits, des montants à octroyer à l'importation ou à l'exportation ou à des droits d'accises; ces éléments valent « jusqu'à preuve contraire ».

B.5. Les éléments du dossier font apparaître que la Cour est interrogée sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution d'une « présomption de fraude » et d'un « renversement de la charge de la preuve », qui dérogeraient à la présomption d'innocence qui prévaut en droit commun.

B.6.1. En adoptant les dispositions de la loi générale sur les douanes et accises, le législateur entendait établir un système spécifique de recherche et de poursuites pénales, en raison de l'ampleur et de la fréquence des fraudes en cette matière, particulièrement technique, relative à des activités souvent transfrontalières et régie en grande partie par une abondante réglementation européenne. Le fait que dans cette matière spécifique le législateur ait dérogé au droit commun n'est pas discriminatoire en soi.

B.6.2. Il convient toutefois de vérifier si la disposition en cause ne crée pas une différence de traitement injustifiée entre les personnes qui sont poursuivies pour des infractions à la L.G.D.A. et les personnes qui sont poursuivies pour des infractions à d'autres dispositions répressives.

B.7.1. Les travaux préparatoires de la loi du 22 juin 1976, qui a inséré la disposition litigieuse dans la L.G.D.A., font ressortir que le législateur a entendu empêcher certains fraudeurs fiscaux de se retrancher derrière l'allégation que les pièces et données trouvées en leur possession sont sans rapport avec la fraude dont ils sont soupçonnés. En outre, la présomption de fraude n'affecte que les seules opérations pour lesquelles des pièces discordantes seront découvertes (Doc. parl. , Chambre, 1975-1976, n° 709/2, pp. 5-6).

B.7.2. Lorsqu'il est établi que les livres comptables, les écritures commerciales ou les documents commerciaux d'un commerçant contiennent des données qui ne sont pas concordantes concernant l'achat et la vente de marchandises soumises à des droits, des montants à octroyer à l'importation ou à l'exportation ou à des droits d'accises, le législateur peut admettre qu'il y a eu fraude et que le commerçant qui est propriétaire des livres comptables, des écritures commerciales ou des documents commerciaux est normalement la personne qui a commis la fraude. Sans doute cette règle établit-elle une différence de traitement en ce qu'elle déroge au principe selon lequel la charge de la preuve pèse sur la partie poursuivante. Cette dérogation est toutefois justifiée, compte tenu des raisons mentionnées aux B.6.1 et B.7.1, vu la difficulté de prouver les infractions à la législation en matière de douanes et accises, par suite de la mobilité des biens sur lesquels sont dus des droits de douanes et accises.

S'il peut advenir que la discordance constatée soit l'effet d'une erreur purement matérielle ou que la fraude ait été commise à l'insu du commerçant, la disposition en cause ne porte pas d'atteinte disproportionnée à la présomption d'innocence, étant donné, d'une part, qu'elle permet d'apporter la preuve contraire par tous les moyens que le juge doit prendre en considération, et, d'autre part, que le renversement de la charge de la preuve n'a lieu qu'en présence d'un indice de fraude dans les écrits visés à l'article 205 de la L.G.D.A. que l'intéressé a établis ou dû établir.

B.7.3. L'article 205 de la L.G.D.A. n'est pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

En ce qui concerne l'article 206 de la L.G.D.A. B.8. La Cour est interrogée à propos de la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 206 de la L.G.D.A., qui habilite les agents de l'Administration des douanes et accises à prendre gratuitement des échantillons, étant donné que l'échantillonnage serait « unilatéral » et « non contradictoire ».

B.9.1. Le Conseil des ministres estime qu'il n'y a pas de distinction entre la catégorie des personnes qui sont soupçonnées d'avoir commis une infraction à la législation en matière de douanes et accises et la catégorie des personnes qui sont soupçonnées d'avoir commis une infraction de droit commun du fait que, qu'il s'agisse ou non d'une infraction en matière de douanes ou d'une infraction de droit commun, l'inculpé n'a pas droit au contradictoire s'agissant du prélèvement d'échantillons au cours de l'instruction préparatoire.

B.9.2. L'expertise en droit pénal commun peut, au stade de l'information ou de l'instruction, être contradictoire lorsque le magistrat qui l'ordonne estime que le caractère contradictoire ne porte pas atteinte à la procédure que le législateur a voulue inquisitoire à ces stades afin, d'une part, compte tenu de la présomption d'innocence, d'éviter de jeter inutilement le discrédit sur les personnes, d'autre part, dans un souci d'efficacité, d'être en mesure d'agir vite, sans alerter les coupables.

B.9.3. L'exception du Conseil des ministres est rejetée.

B.10.1. La différence de traitement entre une personne qui fait l'objet d'une prise d'échantillon selon le droit pénal commun et une personne qui fait l'objet d'une prise d'échantillon en matière de douanes et accises repose sur un critère de distinction objectif fondé sur la nature des infractions définies par la loi. Ce critère de distinction est pertinent. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 30 juin 1951, qui a inséré la disposition litigieuse dans la L.G.D.A., que le législateur a voulu éviter que la douane ne puisse convenablement remplir sa tâche s'il ne lui était pas permis de prélever des échantillons des marchandises sous régime de douanes aux fins d'en reconnaître l'espèce, le degré alcoolique, la teneur en sucre, etc. (Doc. parl. , Chambre, 1950-1951, n° 10, p. 3), étant donné que ces prises d'échantillons sont indispensables dans le dépistage de certaines fraudes (Doc. parl. , Sénat, 1950-1951, n° 329, pp. 1 et 3).

B.10.2. La Cour doit encore examiner si cet échantillonnage ne porte pas d'atteinte disproportionnée aux droits de la défense.

B.10.3. Les résultats de l'échantillonnage ne peuvent être contestés par les inculpés que devant le juge du fond, sans que les agents de l'Administration des douanes et accises soient tenus d'assurer le contradictoire au cours de l'instruction préparatoire. En outre, l'article 206, § 3, de la L.G.D.A. dispose que les agents désignés par le ministre des Finances tranchent les contestations sur la façon de procéder aux prélèvements ou sur la quantité à prélever.

B.10.4.1. Le législateur a voulu s'opposer à certaines fraudes en agissant vite, dans un souci d'efficacité, sans alerter les inculpés.

Cet objectif est tel que le législateur a pu le considérer comme primordial.

Même la circonstance que les résultats du prélèvement d'échantillons sont reproduits dans un procès-verbal qui a, en vertu de l'article 272 de la L.G.D.A., une force probante particulière, n'est pas de nature à priver l'article 206 de la L.G.D.A. de sa justification. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, s'agissant de ces procès-verbaux, la preuve contraire peut être apportée par toutes voies de droit, lesquelles doivent être examinées par le juge.

B.10.4.2. La disposition en vertu de laquelle les contestations sur la façon de procéder au prélèvement ou sur la quantité à prélever sont tranchées par les agents désignés par le ministre des Finances ne prive pas les intéressés du droit de contester lesdites décisions devant le juge. Par ailleurs, lorsque ce dernier a à statuer, aucun texte ne l'oblige à suivre les décisions des agents, car la valeur légale probante particulière du procès-verbal qui reproduit les résultats de l'échantillonnage n'est attachée qu'aux constats personnels effectués par le verbalisant.

B.10.5. L'article 206 de la L.G.D.A. n'est pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.11. La question préjudicielle dans l'affaire n° 2209 et la première question préjudicielle dans l'affaire n° 2294 appellent une réponse négative.

La deuxième question préjudicielle dans l'affaire n° 2294 (article 265 de la L.G.D.A.) B.12. La deuxième question préjudicielle dans l'affaire n° 2294 porte sur la compatibilité de l'article 265 de la L.G.D.A. avec les articles 10 et 11 de la Constitution « en tant que cette disposition retient une responsabilité pénale objective et quasi absolue de certaines personnes pour les faits de leurs employés, ouvriers, domestiques ou autres personnes salariées par elles ».

B.13. L'article 265 de la L.G.D.A. dispose : « § 1er. Tous négociants, fabricants, trafiquants, commerçants en détail, bateliers, voituriers et autres personnes qui, relativement à leur commerce ou profession, et les particuliers qui, concernant leurs propres affaires, auraient quelques relations avec l'administration, seront, sous ce rapport, responsables des faits de leurs employés, ouvriers, domestiques ou autres personnes salariées par eux, pour autant que ces faits seraient relatifs à la profession qu'ils exercent. § 2. Dans le cas où les négociants ou autres personnes plus amplement dénommées au § 1er seraient repris pour fraude ou autres infractions à la présente loi ou aux lois spéciales, et qu'ils voulussent avancer, pour leur justification, que ladite fraude ou infraction aurait eu lieu par leurs employés, domestiques et ouvriers, sans qu'ils en eussent connaissance, ces premiers n'encourront pas moins, et sans égard à leur ignorance du fait, l'amende prononcée contre lesdites infractions. § 3. Les personnes physiques ou morales seront civilement et solidairement responsables des amendes et frais résultant des condamnations prononcées en vertu des lois en matière de douanes et accises contre leurs préposés ou leurs administrateurs, gérants ou liquidateurs du chef des infractions qu'ils ont commises en cette qualité. » B.14.1. Le Conseil des ministres soutient que la question préjudicielle manque en fait en ce qui concerne l'article 265, § 3, de la L.G.D.A., étant donné que la règle contenue dans cette disposition ne traite que de la responsabilité civile et solidaire du commettant.

B.14.2. L'article 265, § 3, de la L.G.D.A. est effectivement étranger à la responsabilité pénale du commettant, laquelle est réglée à l'article 265, §§ 1er et 2. La Cour n'examine dès lors pas la constitutionnalité de cette disposition.

B.15. La responsabilité établie dans l'article 265, § 1er, est, comme le constate la Cour de cassation, de nature pénale et elle est générale en ce sens qu'elle s'étend aux faits de tous ceux, salariés ou non, qui assistent ou suppléent dans son activité ou entreprise la personne désignée dans cet article, dénommée ci-après « le commettant », pour autant que ces infractions soient relatives à la profession du commettant.

Selon la même jurisprudence, cette responsabilité s'étend à toutes les sortes de peines, en ce compris l'emprisonnement. Elle est toutefois limitée au paiement de l'amende si le commettant peut prouver que l'infraction a eu lieu à son insu (article 265, § 2, de la L.G.D.A.).

B.16. En adoptant les dispositions précitées, le législateur voulait garantir que le commettant ne puisse se prévaloir de son innocence en alléguant qu'il est demeuré étranger à l'infraction commise par son personnel. Le législateur entendait à cet effet rendre responsable le commettant qui, à son estime, serait le premier à profiter de la fraude qu'il dirait avoir ignorée.

B.17.1. Les droits et libertés reconnus aux Belges doivent, en vertu de l'article 11 de la Constitution, être assurés sans discrimination.

Ces droits et libertés contiennent les garanties résultant des principes généraux du droit pénal.

B.17.2. En rendant le commettant pénalement responsable des actes de ses préposés, le législateur présume non seulement qu'il a bénéficié de la fraude, mais aussi qu'il y a collaboré.

B.17.3. D'une part, les dispositions générales du chapitre VII du Code pénal traitant « De la participation de plusieurs personnes au même crime ou délit » permettent aux autorités de poursuite d'établir que le commettant est, éventuellement, coauteur ou complice du délit douanier. Sans doute le législateur peut-il établir, sans violer le principe d'égalité, un système spécifique de recherche, de constatation et de poursuite, dérogatoire au droit commun, en vue de combattre l'ampleur et la fréquence des fraudes en matière de douanes et accises. Il peut également déterminer les éléments constitutifs propres aux infractions à ces règles, leur répression étant souvent rendue difficile par le nombre de personnes qui interviennent dans le commerce et le transport des marchandises sur lesquelles les droits sont dus. Mais par son caractère général et irréfragable, la présomption établie par la disposition en cause atteint cet objectif en portant une atteinte grave au principe fondamental de la personnalité des peines.

B.17.4. D'autre part, en ce qui concerne le souci du législateur de faciliter le paiement effectif des amendes et d'inciter le commettant à interdire à ses préposés de commettre des infractions douanières, il y a lieu de relever que l'article 265, § 3, de la L.G.D.A. rend le commettant civilement responsable des amendes et frais auxquels ses préposés sont condamnés. Cette disposition est de nature à persuader le commettant de ne s'entourer que de collaborateurs de confiance et d'exercer sur eux une surveillance efficace.

B.17.5. Il s'ensuit que la présomption critiquée, qui va à l'encontre du principe de la personnalité des peines, porte, malgré l'atténuation contenue au paragraphe 2 de la disposition en cause, une atteinte disproportionnée aux principes qui doivent régir la charge de la preuve en matière pénale.

B.18. La deuxième question préjudicielle dans l'affaire n° 2294, s'agissant de la responsabilité pénale du commettant, appelle une réponse affirmative.

La troisième question préjudicielle dans l'affaire n° 2294 (article 265, § 3, et 266 de la L.G.D.A.) B.19. La troisième question préjudicielle dans l'affaire n° 2294 porte sur la compatibilité des articles 265, § 3, et 266 de la L.G.D.A. avec les articles 10 et 11 de la Constitution, « en tant que ces dispositions considèrent que le juge pénal est encore compétent pour statuer sur l'action civile à l'issue d'un prononcé au pénal ».

B.20. L'article 266 de la L.G.D.A. énonce : « § 1er. Sauf disposition contraire dans les lois particulières et sans préjudice aux amendes et confiscations au profit du trésor, les délinquants et leurs complices et les personnes responsables de l'infraction sont tenus solidairement au paiement des droits et taxes dont le trésor a été ou aurait été frustré par la fraude ainsi que des intérêts de retard éventuellement dus. § 2. Les sommes récupérées dans une affaire sont imputées par priorité sur les intérêts de retard et sur les droits et taxes. » B.21.1. Le Conseil des ministres soutient que la question préjudicielle manque en fait, dès lors que ces dispositions sont étrangères à la règle, applicable en matière de douanes et accises, selon laquelle le juge qui est saisi de l'action publique statue, même en cas d'acquittement, sur l'action civile en paiement des droits et accises éludés. Cette compétence est prévue à l'article 283 de la L.G.D.A. B.21.2. Les articles 265, § 3, et 266 de la L.G.D.A. sont effectivement étrangers à la règle, applicable en matière de douanes et accises, selon laquelle le juge qui est saisi de l'action publique statue, même en cas d'acquittement, sur l'action civile en paiement des droits et accises éludés. Cette matière est régie à l'article 283 de la L.G.D.A., disposition sur laquelle la Cour s'est prononcée dans son arrêt n° 38/2002 du 20 février 2002.

La troisième question préjudicielle posée dans l'affaire n° 2294 n'appelle par conséquent pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. Les articles 205 et 206 de la loi générale sur les douanes et accises ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.2. L'article 265, §§ 1er et 2, de la même loi viole les articles 10 et 11 de la Constitution.3. La troisième question préjudicielle posée dans l'affaire n° 2294 n'appelle pas de réponse. Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 octobre 2002, par le siège précité, dans lequel le juge J.-P. Moerman est remplacé, pour le prononcé, par le juge R. Henneuse, conformément à l'article 110 de la même loi.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Arts

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