Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 04 août 2003

Extrait de l'arrêt n° 10/2003 du 22 janvier 2003 Numéro du rôle : 2396 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 28, § 3, alinéa 2, de la loi du 28 (...)

source
cour d'arbitrage
numac
2003200378
pub.
04/08/2003
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

Extrait de l'arrêt n° 10/2003 du 22 janvier 2003 Numéro du rôle : 2396 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 28, § 3, alinéa 2, de la loi du 28 décembre 1992 portant des dispositions fiscales, financières et diverses, et à l'article 244, 2o, du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 15 mars 2002 en cause de H. Driane contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 21 mars 2002, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 28, § 3, alinéa 2, de la loi du 28 décembre 1992 [portant des dispositions fiscales, financières et diverses], applicable pour l'exercice d'imposition 1991, et l'article 244, 2o, du Code des impôts sur les revenus 1992, applicable pour l'exercice d'imposition 1992, violent-ils le principe d'égalité contenu aux articles 10 et 11 de la Constitution dans l'interprétation selon laquelle, pour les exercices d'imposition 1991 et 1992, les habitants du Royaume bénéficient d'une bonification pour les versements anticipés, en application des articles 93bis du CIR/64 (exercice d'imposition 1991) et 175 à 177 du CIR/92 (exercice d'imposition 1992), cependant que les non-résidents sans foyer d'habitation en Belgique dont les revenus professionnels imposables en Belgique représentent moins de 75 p.c. du total de leurs revenus professionnels de sources belge et étrangère ne bénéficient pas de cette bonification, alors que l'avantage est le même pour l'Etat belge puisque, dans les deux cas, des versements anticipés sont effectués dans la même mesure ? » (...) IV. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle concerne l'article 28, § 3, alinéa 2, de la loi du 28 décembre 1992 portant des dispositions fiscales, financières et diverses, tel qu'il était applicable pour l'exercice d'imposition 1991, et l'article 244, 2o, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après « C.I.R. 1992 »), tel qu'il était applicable pour l'exercice d'imposition 1992.

L'article 28, § 3, alinéa 2, originaire, de la loi du 28 décembre 1992 et l'article 244, alinéa 2, du C.I.R. 1992, remplacé par l'article 12 de la même loi, ont toutefois été annulés par la Cour, par son arrêt no 34/94 du 26 avril 1994 pour les motifs exposés au B.3.3 de cet arrêt.

Avant cette annulation, l'article 28 de la loi du 28 décembre 1992 énonçait : «

Art. 28.§ 1er. Par dérogation à l'article 150 du Code des impôts sur les revenus, l'impôt des non-résidents est calculé pour l'exercice d'imposition 1991, en ce qui concerne les personnes physiques, conformément aux §§ 2 à 5. § 2. Dans les cas visés à l'article 143 du Code des impôts sur les revenus, l'impôt est calculé suivant le barème visé aux articles 7, § 1er, et 8 de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre.

Sur l'impôt ainsi calculé, les réductions prévues à l'article 87ter du même Code sont accordées, dans les limites et aux conditions fixées par cette disposition, étant entendu que l'impôt auquel elles correspondent est également calculé conformément à l'alinéa 1er.

Ces réductions ne sont accordées qu'une fois pour les deux conjoints et sont déterminées en tenant compte de l'ensemble des revenus, y compris les revenus étrangers.

Les articles 73, 75, 92 et 93 du même Code et les articles 1er et 2 de la loi du 7 décembre 1988 sont également applicables. § 3. Par dérogation au § 2, l'impôt est calculé suivant les règles prévues aux articles 73 à 76, au titre II, chapitre III, du même Code, et aux articles 1er à 8 de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre, lorsque le contribuable a maintenu un foyer d'habitation en Belgique durant toute la période imposable.

Ces règles sont également applicables aux contribuables non résidents qui n'ont pas maintenu un foyer d'habitation en Belgique et qui ont exercé en Belgique pendant au moins neuf mois entiers au cours de la période imposable une activité professionnelle dont ils ont tiré des rémunérations visées à l'article 140, § 2, 6o ou 7o, du même Code ou qui, pendant le même laps de temps, ont recueilli des pensions visées à l'article 140, § 2, 6o, du même Code, pour autant que ces revenus s'élèvent à 75 p.c. au moins du total des revenus professionnels de sources belge et étrangère. § 4. Pour l'application des §§ 2 et 3, les personnes mariées sont considérées non comme des conjoints mais comme des isolés, lorsqu'un seul des conjoints recueille en Belgique des revenus soumis à l'impôt et que l'autre conjoint a des revenus professionnels de source belge ou étrangère qui sont exonérés conventionnellement, d'un montant supérieur à 270 000 francs.

Les suppléments pour personnes à charge visées à l'article 6, § 1er, 3o, et § 2, de la loi du 7 décembre 1988, ne sont accordés que lorsque le conjoint soumis à l'impôt est celui des conjoints qui a le plus de revenus. § 5. L'impôt établi conformément aux §§ 2 à 4 est augmenté de six centimes additionnels au profit de l'Etat, qui sont calculés suivant les modalités fixées à l'article 353 du même Code. § 6. Le dégrèvement des impositions établies en contravention aux dispositions du § 1er, est accordé par le directeur des contributions ou le fonctionnaire délégué par lui, soit d'office lorsque les surtaxes ont été constatées par l'administration ou signalées par le redevable à celle-ci dans le délai d'un an à compter de la publication de la présente loi au Moniteur belge , soit ensuite d'une réclamation motivée présentée dans le même délai auprès du directeur des contributions de la province ou de la région dans le ressort duquel l'imposition a été établie.

Aucun intérêt moratoire n'est alloué en cas de restitution d'impôt accordée en application de l'alinéa 1er. § 7. Sont visés par le présent article, les articles du Code des impôts sur les revenus, tels qu'ils étaient applicables pour l'exercice d'imposition 1991. » L'article 12 de la même loi, qui remplaçait l'article 244 du C.I.R. 1992, disposait, avant cette annulation : «

Art. 244.Par dérogation à l'article 243, l'impôt est calculé suivant les règles prévues au titre II, chapitre III, et en prenant en considération les articles 86 à 89 et 126 à 129, lorsque le contribuable a maintenu un foyer d'habitation en Belgique durant toute la période imposable, étant entendu que le total des revenus de sources belge et étrangère entrent en ligne de compte pour l'application des articles 86 à 89 et 146 à 154.

L'alinéa 1er est également applicable aux contribuables non résidents qui n'ont pas maintenu un foyer d'habitation en Belgique et qui ont exercé en Belgique pendant au moins 9 mois entiers au cours de la période imposable une activité professionnelle dont ils tirent des rémunérations visées à l'article 228, § 2, 6o ou 7o, ou qui, pendant le même laps de temps, ont recueilli des pensions visées à l'article 228, § 2, 6o, pour autant que ces revenus s'élèvent à 75 p.c. au moins du total des revenus professionnels de sources belge et étrangère. » B.1.2. La loi du 30 janvier 1996 modifiant diverses dispositions en matière d'impôt des non-résidents a remplacé ces dispositions annulées.

L'article 7 de cette loi dispose : « L'article 244 du même Code partiellement annulé par la Cour d'arbitrage dans son arrêt no 34/94 du 26 avril 1994, est remplacé par la disposition suivante : '

Article 244.Par dérogation à l'article 243, l'impôt est calculé suivant les règles prévues au titre II, chapitre III et en prenant en considération les articles 86 à 89 et 126 à 129, étant entendu que le total des revenus de sources belge et étrangère entre en ligne de compte pour l'application des articles 86 à 89 et 146 à 154 : 1o lorsque le contribuable a maintenu un foyer d'habitation en Belgique durant toute la période imposable; 2o lorsque le contribuable a obtenu ou recueilli des revenus professionnels imposables en Belgique visés à l'article 228, § 2, 3o, a, b et c , et 4o à 7o, qui s'élèvent au moins à 75 p.c. du total de ses revenus professionnels de sources belge et étrangère. ' » L'article 9 de la même loi énonce : « L'article 28, § 3, alinéa 2, de la même loi, annulé par la Cour d'arbitrage dans son arrêt no 34/94 du 26 avril 1994, est rétabli dans la rédaction suivante : 'Ces règles sont également applicables aux contribuables non résidents qui n'ont pas maintenu un foyer d'habitation en Belgique et qui ont obtenu ou recueilli des revenus professionnels imposables en Belgique visés à l'article 140, § 2, 3o, a, b et c, et 4o à 7o, pour autant que ces revenus s'élèvent au moins à 75 p.c. du total de leurs revenus professionnels de sources belge et étrangère.' » En vertu de l'article 11 de la loi précitée, l'article 7 produit ses effets à partir de l'exercice d'imposition 1992. Compte tenu de la formulation de l'article 9 et conformément à l'exposé des motifs (Doc. parl. , Chambre, 1995-1996, no 288/1, p. 6), cet article rétroagit pour l'exercice d'imposition 1991.

B.1.3. De la référence faite par le juge a quo à l'article 244, 2o, du C.I.R. 1992 et de la nature de la différence de traitement que le juge a quo soumet à la Cour, à savoir le fait que la bonification pour le versement anticipé de l'impôt a été refusée aux non-résidents pour les exercices d'imposition 1991 et 1992 seulement, alors qu'elle était accordée aux habitants du Royaume, la Cour déduit que la question préjudicielle porte en réalité sur l'article 28, § 3, alinéa 2, de la loi du 28 décembre 1992, modifié par l'article 9 de la loi du 30 janvier 1996, et sur l'article 244, 2o, du C.I.R. 1992, remplacé par l'article 7 de cette même loi.

B.2.1. L'article 28, § 3, alinéa 2, de la loi du 28 décembre 1992 et l'article 244, 2o, du C.I.R. 1992 sont des dispositions qui ont trait à l'impôt des non-résidents personnes physiques et concernent en particulier la catégorie des non-résidents qui n'ont pas maintenu un foyer d'habitation en Belgique durant toute la période imposable (dénommés ci-après « non-résidents sans foyer d'habitation ») mais qui sont assimilés aux non-résidents ayant maintenu un foyer d'habitation en Belgique durant toute la période imposable (dénommés ci-après « non-résidents ayant un foyer d'habitation »). Cette assimilation est subordonnée à la condition que les non-résidents sans foyer d'habitation aient obtenu ou recueilli des revenus professionnels imposables en Belgique tels que définis dans les dispositions en cause, pour autant que ces revenus représentent au moins 75 p.c. du total de leurs revenus professionnels de sources belge et étrangère (la « règle des 75 p.c. »).

Il ressort des faits de la cause et de la formulation de la question préjudicielle, dans laquelle il est fait référence aux « non-résidents sans foyer d'habitation en Belgique dont les revenus professionnels imposables en Belgique représentent moins de 75 p.c. du total de leurs revenus professionnels de sources belge et étrangère », que la requérante dans l'instance principale ne peut bénéficier de cette assimilation.

B.2.2.1. En ce qui concerne l'exercice d'imposition 1991, l'article 28, § 3, de la loi du 28 décembre 1992 est interprété par le juge a quo en ce sens qu'il y est fait référence aux règles « prévues aux articles 73 à 76 du titre II, chapitre III, du même Code et aux articles 1er à 8 de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre » : dans cette interprétation, il n'est pas fait application des règles visées à l'article 93bis du Code des impôts sur les revenus 1964 (ci-après « C.I.R. 1964 »), en matière de bonification pour versement anticipé de l'impôt.

La Cour déduit toutefois de la contradiction qui existe entre les textes français et néerlandais de l'article 28, § 3, de la loi du 28 décembre 1992 publiés au Moniteur belge et des travaux préparatoires que l'article 28, § 3, alinéa 1er, doit être lu en ce sens qu'il fait référence aux règles « prévues aux articles 73 à 76, au titre II, chapitre III, du même Code, et aux articles 1er à 8 de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre » : parmi ces règles figure alors l'article 93bis du C.I.R. 1964, qui prévoit l'octroi d'une bonification pour versement anticipé de l'impôt. Dans cette interprétation, les non-résidents ayant un foyer d'habitation et les non-résidents sans foyer d'habitation mais assimilés à la première catégorie parce qu'ils satisfont à la règle des 75 p.c. bénéficient bien de la bonification pour versement anticipé de l'impôt pour l'exercice d'imposition 1991.

B.2.2.2. Pour l'exercice d'imposition 1992, les non-résidents ayant un foyer d'habitation en Belgique et les non-résidents sans foyer d'habitation en Belgique mais qui sont assimilés aux premiers parce qu'ils satisfont à la règle des 75 p.c. bénéficient également d'une telle bonification : l'article 244 du C.I.R. 1992 fait en effet référence aux règles visées au titre II, chapitre III, du C.I.R. 1992, dans lesquelles sont compris les articles 175 à 177 du C.I.R. 1992 qui concernent la bonification pour versement anticipé de l'impôt.

B.2.3. La Cour examine les dispositions en cause dans l'interprétation du juge a quo selon laquelle, puisqu'elles sont exclusivement applicables à la catégorie des non-résidents sans foyer d'habitation qui peuvent être assimilés aux non-résidents ayant un foyer d'habitation parce qu'ils satisfont à la règle des 75 p.c., ces dispositions ont pour effet qu'aucune bonification pour versement anticipé de l'impôt ne peut être accordée aux non-résidents sans foyer d'habitation en Belgique dont les revenus professionnels imposables représentent moins de 75 p.c. du total de leurs revenus professionnels de sources belge et étrangère.

B.3. La question préjudicielle invite à comparer, pour ce qui concerne les bonifications pour versement anticipé de l'impôt afférentes aux exercices d'imposition 1991 et 1992, la catégorie des habitants du Royaume, d'une part, et celle des non-résidents sans foyer d'habitation en Belgique dont les revenus professionnels imposables en Belgique définis dans les dispositions en cause représentent moins de 75 p.c. du total de leurs revenus professionnels de sources belge et étrangère, d'autre part.

Alors que la première catégorie a pu prétendre à une bonification pour versement anticipé de l'impôt, tant pour l'exercice d'imposition 1991, en vertu des règles prévues à l'article 93bis du C.I.R. 1994, que pour l'exercice d'imposition 1992, en vertu des articles 175 à 177 du C.I.R. 1992, il n'en va pas de même pour la seconde catégorie.

B.4. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5. L'impôt des non-résidents a été fondamentalement modifié par l'article 314 de la loi du 22 décembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1989 pub. 20/03/2009 numac 2009000181 source service public federal interieur Loi relative à la protection du logement familial fermer portant des dispositions fiscales. Les non-résidents personnes physiques ont à cette occasion été classés dans deux catégories, à savoir les non-résidents qui ont maintenu un foyer d'habitation en Belgique durant toute la période imposable et les non-résidents qui n'ont pas maintenu un foyer d'habitation en Belgique durant toute la période imposable. Aux non-résidents ayant maintenu un foyer d'habitation et aux catégories de contribuables y assimilées s'appliquaient en principe les mêmes règles de calcul que celles applicables aux habitants du Royaume. Le régime fiscal des non-résidents sans foyer d'habitation était par contre caractérisé par une dépersonnalisation très poussée de l'impôt, en ce sens que les intéressés ne pouvaient bénéficier des quotités exemptées d'impôt et des majorations de ces quotités pour charges de famille ni du régime du revenu du conjoint aidant ou du coefficient conjugal. Par cette dépersonnalisation ou matérialisation de l'impôt, le législateur entendait éviter qu'un non-résident bénéficiât à la fois dans son Etat de résidence et en Belgique des réductions et déductions en fonction de sa situation personnelle ou familiale (cf. rapport de la commission des Finances, Doc. parl. , Chambre, 1989-1990, no 1026/5, p. 89; exposé des motifs de la loi du 28 décembre 1992, Doc. parl. , Chambre, 1992-1993, no 717/1, p. 6).

Par la loi du 28 décembre 1992 portant des dispositions fiscales, financières et diverses, le législateur entendait notamment apporter des améliorations au régime fiscal des contribuables soumis à l'impôt des non-résidents (personnes physiques) en assimilant, sous certaines conditions, à partir de l'exercice d'imposition 1992, certaines catégories de non-résidents sans foyer d'habitation aux non-résidents ayant un foyer d'habitation : « La troisième modification (article 244, alinéa 2, C.I.R. 1992), concerne le régime fiscal des non-résidents sans foyer d'habitation en Belgique qui est caractérisé par une dépersonnalisation très poussée de l'impôt, de sorte que les intéressés ne peuvent bénéficier des quotités exemptées d'impôt et des majorations de ces quotités pour charges de famille.

La dépersonnalisation se justifie principalement par le fait qu'il appartient à l'Etat de résidence, au sein duquel le non-résident est soumis à l'impôt sur son revenu mondial, d'accorder des déductions de l'espèce; il convient d'éviter que de telles réductions soient accordées deux fois, c'est-à-dire à la fois dans l'Etat de résidence et dans l'Etat de la source.

Cet argument perd cependant sa pertinence lorsqu'il s'agit de non-résidents qui recueillent exclusivement ou presque exclusivement des rémunérations ou pensions de source belge.

On propose donc d'appliquer le régime actuel des non-résidents sans foyer d'habitation uniquement aux non-résidents qui recueillent occasionnellement ou dans une mesure limitée des revenus de source belge et qui jouissent de revenus importants dans leur Etat de résidence. » (Doc. parl. , Chambre, 1992-1993, no 717/1, pp. 5 et 6).

Cette assimilation concernait tant le calcul de l'impôt (Doc. parl. , Chambre, 1992-1993, no 717/1, pp. 6 et 7) que les dépenses déductibles (Doc. parl. , Chambre, 1992-1993, no 717/3, pp. 12 et 13).

Pour l'exercice d'imposition 1991, un régime transitoire a été prévu.

Le législateur souhaitait également anticiper sur les modifications apportées au régime de l'impôt des non-résidents par l'article 31, 2o, de la loi du 28 juillet 1992, lequel visait à rendre applicables aussi aux non-résidents sans foyer d'habitation, à partir de l'exercice d'imposition 1993, les dispositions du Code des impôts sur les revenus concernant les versements anticipés et les impositions distinctes (Doc. parl. , Chambre, 1992-1993, no 717/3, p. 14; Doc. parl. , Chambre, 1991-1992, no 444/1, p. 23, et Doc. parl. , Chambre, 1991-1992, no 444/9, p. 156).

B.6. La distinction entre les catégories présentées au B.3 repose certes sur un critère objectif, mais la Cour n'aperçoit pas quel pourrait être le lien entre le fait de ne pas accorder la bonification pour versement anticipé de l'impôt et la « dépersonnalisation » de l'impôt des non-résidents voulue par le législateur. Puisque le système de la bonification pour versement anticipé de l'impôt tend à accorder un avantage à ceux qui paient leur impôt plus tôt qu'ils ne le doivent, lorsque certaines conditions sont remplies - système que l'Administration qualifie elle-même de nouveau régime de « volontariat fiscal » (circ. 8.2.1983, no Ci.RH.331/335.299; Bull. contr. , 1983, no 615) -, il n'est pas justifié d'accorder seulement cet avantage aux habitants du Royaume et d'en priver les non-résidents : cette bonification ne présente, en tant que telle, aucun lien avec la qualité « d'habitant » du contribuable mais avec le fait que celui-ci a payé l'impôt anticipativement ou non et qu'il satisfait aux conditions pour pouvoir bénéficier de la bonification. B.7.1. Refuser la bonification pour versement anticipé de l'impôt à la catégorie des non-résidents sans foyer d'habitation en Belgique visée au B.3, pour les exercices d'imposition 1991 et 1992, ne saurait par conséquent raisonnablement se justifier.

B.7.2. La Cour observe par ailleurs que les corrections apportées par la loi du 28 décembre 1992 au principe de la dépersonnalisation confirment cette thèse : la Cour constate - avec le Conseil des ministres - qu'à la suite de l'article 31, 2o, de la loi du 28 juillet 1992 portant des dispositions fiscales et financières, les non-résidents sans foyer d'habitation peuvent aussi bénéficier, à partir de l'exercice d'imposition 1993, de la bonification pour versement anticipé de l'impôt. Il est dit dans l'exposé des motifs de cette loi que : « le projet tend à mieux délimiter le cadre de cette dépersonnalisation et [à] permettre à ces contribuables de bénéficier de dispositions qui n'ont pas de rapport avec leur situation personnelle, comme les dispositions relatives aux versements anticipés et aux impositions distinctes » (Doc. parl. , Chambre, 1991-1992, no 444/9, p. 156).

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 28, § 3, alinéa 2, de la loi du 28 décembre 1992, modifié par l'article 9 de la loi du 30 janvier 1996, et l'article 244, 2o, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été modifié par l'article 7 de la loi du 30 janvier 1996 et tel qu'il était applicable pour l'exercice d'imposition 1992, violent les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 22 janvier 2003.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

^