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Arrêt
publié le 23 janvier 2004

Extrait de l'arrêt n° 144/2003 du 5 novembre 2003 Numéro du rôle : 2516 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 61, § 7, alinéa 4, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordon La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, E(...)

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23/01/2004
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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 144/2003 du 5 novembre 2003 Numéro du rôle : 2516 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 61, § 7, alinéa 4, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, posées par le Tribunal du travail de Bruges.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 30 août 2002 en cause de l'Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) contre la s.p.r.l. Medisch Laboratorium Raepsaet, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 4 septembre 2002, le Tribunal du travail de Bruges a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 61, § 7, alinéa 4, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il déroge pour l'INAMI à la règle prévue à l'article 1153 du Code civil, selon laquelle la réparation des dommages résultant du retard dans l'exécution ne consiste jamais que dans les intérêts légaux ? 2. L'article 61, § 7, alinéa 4, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, - interprété en ce sens que les sommes encore dues doivent comprendre toutes les sommes et, partant, également les sommes pour lesquelles le jour de l'échéance n'a pas encore expiré - viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il déroge ainsi, pour l'INAMI, au principe selon lequel les dettes non payées ne rapportent des intérêts au créancier qu'à compter du jour de l'échéance ? 3.L'article 61, § 7, alinéa 4, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 - interprété en ce sens que le juge n'aurait en la matière aucun pouvoir modérateur -, lu en combinaison avec l'article 1153 du Code civil, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution ? » (...) III. En droit (...) B.1. Le juge a quo pose trois questions préjudicielles au sujet de la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution de l'article 61, § 7, alinéa 4, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. Il appert de la motivation de la décision de renvoi que c'est l'intérêt de retard de 12 p.c., dont il est question dans la première phrase, qui est spécialement visé.

B.2.1. La disposition en cause énonce : « En cas de non-paiement dans les délais et/ou suivant les modalités visées à l'alinéa 3, la totalité des sommes encore dues rapportent un intérêt de retard de 12 p.c. l'an, à compter du jour qui suit le jour de l'échéance non respectée jusqu'au jour du paiement. [...] » B.2.2. L'alinéa 3 de l'article 61, § 7, auquel renvoie la disposition en cause, dispose quant à lui : « Le solde débiteur est payable dans les trente jours suivant notification au laboratoire concerné. Néanmoins, le Roi peut fixer d'autres délais et arrêter des modalités de paiement des sommes dues.

A l'expiration de ces délais et/ou en cas de non-respect des modalités, le laboratoire est mis en demeure de plein droit de payer la totalité des sommes encore dues. » B.2.3. Cette disposition a été adoptée à la suite d'un amendement du Gouvernement, qui était justifié comme suit : « L'article 61 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, règle la récupération auprès des laboratoires de biologie clinique, du dépassement du budget des moyens financiers pour l'ensemble du Royaume destiné aux prestations de biologie clinique dispensées à des patients non hospitalisés.

Le présent amendement vise à créer la possibilité d'étaler dans le temps la récupération de la ristourne et à créer ainsi les circonstances afin de pouvoir réaliser au maximum cette récupération. » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, no 1722/8-97/98, pp. 6-7; Doc. parl., Chambre, 1998-1999, no 1722/14-97/98, p. 56) B.2.4. L'article 61, § 7, alinéa 4, première phrase, a également été adopté à la suite d'un amendement du Gouvernement, qui était justifié comme suit : « Le présent amendement suit le précédent. Si le laboratoire ne respecte pas les délais et/ou les modalités fixées, il perd le bénéfice de l'étalement des paiements. » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, no 1722/8-97/98, p. 7) Le rapport de la commission de la Chambre indique : « Cette disposition, insérée par l'amendement [...] du Gouvernement, précise [...] qu'en cas de non-paiement dans les délais et/ou selon les modalités prévues, la totalité des sommes encore dues par les laboratoires de biologie clinique rapportent un intérêt de retard de 12 % l'an.

Le président s'interroge sur les motifs pour lesquels les intérêts moratoires considérés sont si élevés, sachant que les intérêts judiciaires sont sensiblement inférieurs (7 % en l'occurrence). Le juge saisi en cas de litige portant sur la récupération des sommes encore dues pourrait en effet considérer que ces intérêts constituent en fait une sanction supplémentaire à l'égard des laboratoires en question.

La ministre indique que le montant des intérêts prévu par l'amendement no 49 est conforme à celui prévu par les autres dispositions de la loi coordonnée relative à l'assurance [obligatoire] soins de santé et indemnités. » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, no 1722/14-97/98, pp. 56-57) Quant aux première et troisième questions préjudicielles B.3. Ces questions se fondent sur une comparaison des règles relatives aux intérêts prévues par la disposition en cause avec celles inscrites à l'article 1153 du Code civil. Le principe d'égalité et de non-discrimination serait violé en ce que la disposition litigieuse, d'une part, déroge, pour l'INAMI, à la règle selon laquelle la réparation des dommages résultant du retard dans l'exécution ne consiste jamais que dans les intérêts légaux (première question) et, d'autre part, n'autorise pas le juge à modérer l'intérêt de retard de 12 p.c. (troisième question).

B.4. L'article 1153 du Code civil énonce : « Dans les obligations qui se bornent au payement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans les intérêts légaux, sauf les exceptions établies par la loi.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Ils sont dus à partir du jour de la sommation de payer, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.

S'il y a dol du débiteur, les dommages et intérêts peuvent dépasser les intérêts légaux.

Sous réserve de l'application de l'article 1907, le juge peut, d'office ou à la demande du débiteur, réduire l'intérêt stipulé à titre de dommages-intérêts pour retard dans l'exécution si cet intérêt excède manifestement le dommage subi à la suite de ce retard. En cas de révision, le juge ne peut condamner le débiteur à payer un intérêt inférieur à l'intérêt légal. Toute clause contraire aux dispositions du présent alinéa est réputée non écrite. » B.5.1. Indépendamment de la circonstance que l'article 1153 prévoit lui-même, en son alinéa 1er, que le législateur peut prévoir des exceptions à cette disposition, et que, en vertu de l'alinéa 8 de l'article 67, § 7, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, l'INAMI est lui aussi redevable du même intérêt de retard de 12 p.c. en cas de non-paiement du solde créditeur aux laboratoires concernés, la Cour constate que l'article 1153 du Code civil figure à la section IV « Des dommages et intérêts résultant de l'inexécution de l'obligation » du chapitre III « De l'effet des obligations » du titre III « Des contrats ou des obligations conventionnelles en général » de ce Code.

B.5.2. La règle inscrite à l'alinéa 5 de l'article 1153 du Code civil porte sur des intérêts qui ont été « stipulés » entre les parties contractantes à titre de dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation relative au paiement d'une certaine somme. L'intérêt de retard critiqué de 12 p.c. a, en revanche, été fixé par le législateur lui-même et ce dans l'intérêt général, à savoir dans le cadre de la lutte contre les dépassements budgétaires dans certains secteurs de la biologie clinique, les montants réclamés étant directement affectés à l'assurance maladie-invalidité.

B.5.3. La règle prévue par la disposition en cause et celle inscrite à l'article 1153 du Code civil sont à ce point différentes qu'elles ne sauraient être utilement comparées en vue d'un contrôle au regard des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5.4. Les première et troisième questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Quant à la deuxième question préjudicielle B.6. La seconde question préjudicielle porte sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution de la disposition litigieuse, en ce que celle-ci « déroge [...], pour l'INAMI, au principe selon lequel les dettes non payées ne rapportent des intérêts au créancier qu'à compter du jour de l'échéance ».

B.7.1. La disposition litigieuse prévoyant explicitement que la totalité des sommes encore dues rapportent un intérêt de retard de 12 p.c. l'an à compter du jour qui suit le jour de « l'échéance non respectée », la seconde question préjudicielle procède d'une lecture erronée de cette disposition. Par ailleurs, l'alinéa 3 de l'article 61, § 7, de la loi litigieuse prévoit qu'à l'expiration des délais fixés, le laboratoire concerné est mis en demeure de plein droit de payer la totalité des sommes encore dues.

B.7.2. La deuxième question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 61, § 7, alinéa 4, première phrase, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 5 novembre 2003.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, A. Arts.

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