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Arrêt
publié le 13 juillet 2004

Extrait de l'arrêt n° 109/2004 du 23 juin 2004 Numéros du rôle : 2721 et 2740 En cause : les recours en annulation des articles 2 à 5 et 32, § 1 er , alinéa 1 er , de la loi du 24 décembre 2002 « modifiant le régime La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 109/2004 du 23 juin 2004 Numéros du rôle : 2721 et 2740 En cause : les recours en annulation des articles 2 à 5 et 32, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale », introduits par la s.p.r.l. en liquidation Kris Vanstappen et par K. Vanstappen, et par la s.p.r.l. W. Cools et par W. Cools.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 16 et 27 juin 2003 et parvenues au greffe les 17 et 30 juin 2003, un recours en annulation des articles 2 à 5 et 32, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale » (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2002, deuxième édition) a été introduit, respectivement par : - la s.p.r.l. en liquidation Kris Vanstappen, dont le siège est établi à 1981 Hofstade, Weerstandersstraat 18, et K. Vanstappen, demeurant à la même adresse; - la s.p.r.l. W. Cools, dont le siège est établi à 2600 Anvers, Flor Alpaertstraat 12, et W. Cools, demeurant à la même adresse.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 2721 et 2740 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à l'objet du recours B.1. La loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale » a instauré un impôt sur les revenus et un précompte mobilier de 10 p.c. sur les bonis en cas de liquidation totale ou partielle d'une société ou en cas d'acquisition d'actions ou de parts propres.

Les articles 2 à 5 de la loi modifient respectivement l'article 18, alinéa 1er, l'article 21, 2°, l'article 22, § 1er, alinéa 2, et l'article 171, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après C.I.R. 1992). Par suite de cette modification, les bonis qui sont considérés comme des dividendes en cas d'acquisition d'actions ou de parts propres (article 186 du C.I.R. 1992), en cas de partage partiel par suite du décès, de la démission ou de l'exclusion d'un associé (article 187 du C.I.R. 1992) ou en cas de partage total de l'avoir social d'une société (article 209 du C.I.R. 1992) sont soumis à un impôt de 10 p.c. dans le chef du bénéficiaire. La société distributrice retient un précompte mobilier à concurrence de ce pourcentage sur les bonis considérés comme des dividendes.

En vertu de l'article 32, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer, l'impôt et le précompte mobilier précités sont applicables aux revenus qui sont attribués ou mis en paiement, ou à considérer comme tels, à partir du 1er janvier 2002 et pour autant, quand il s'agit de partage total de l'avoir social, que la liquidation n'ait pas été clôturée avant le 25 mars 2002. Conformément à l'article 33 de la loi, le précompte mobilier qui se rapporte à des revenus attribués ou mis en paiement, ou à considérer comme tels, avant la date de publication de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer au Moniteur belge , soit le 31 décembre 2002, est payable au plus tard dans les quinze jours de cette publication et la déclaration de revenus y afférente doit être remise au plus tard à la même date.

Quant à la recevabilité B.2.1. Le Conseil des ministres fait valoir que le recours en annulation n'est pas recevable, faute d'intérêt, dans le chef, respectivement, de la s.p.r.l. en liquidation Kris Vanstappen et de la s.p.r.l. W. Cools, parce que les bonis de liquidation et d'acquisition sont taxés dans le chef du bénéficiaire et non dans le chef de la société qui a payé les bonis.

Pour la même raison, le Conseil des ministres considère que la requête en intervention de la s.a. en liquidation Dielman Frozen Seafoods n'est pas non plus recevable.

B.2.2. Le recours en annulation dans l'affaire n° 2721 et le recours en intervention sont introduits, entre autres, par une société en liquidation. Le recours en annulation dans l'affaire n° 2740 est introduit, entre autres, par une société en activité.

En vertu de l'article 261, 1°, du C.I.R. 1992, sont notamment redevables du précompte mobilier les personnes morales débitrices de revenus de capitaux et biens mobiliers. Les sociétés requérantes justifient donc d'un intérêt.

B.2.3. L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

Quant au fond S'agissant du premier moyen B.3. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11, combinés ou non avec l'article 172, de la Constitution.

En ce qui concerne la première branche B.4.1. Dans une première branche, les parties requérantes allèguent la violation des dispositions précitées en ce que les bonis de liquidation sont soumis à un impôt, alors que les plus-values réalisées à la suite d'une vente d'actions ou de parts d'une société en activité sont exonérées d'impôt et que la Cour de cassation considère les bonis de liquidation et les bonis d'acquisition comme des plus-values sur actions ou parts.

B.4.2. Depuis la loi du 22 décembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1989 pub. 20/03/2009 numac 2009000181 source service public federal interieur Loi relative à la protection du logement familial fermer « portant des dispositions fiscales », les bonis de liquidation et d'acquisition sont considérés, à l'impôt des sociétés, « comme un dividende distribué » (articles 186, 187 et 209 du C.I.R. 1992). Cette modification législative visait à ce que « les sommes réparties aux actionnaires ou associés [soient] imposées comme tous autres bénéfices distribués avec retenue du précompte mobilier » (Doc. parl., Sénat, 1989-1990, n° 806/1, p. 63).

Parce que, en dépit de l'objectif poursuivi par le législateur, on ne voyait pas clairement si un précompte mobilier était ou non dû sur ces bonis, la loi du 23 octobre 1991 « transposant en droit belge la Directive du Conseil des Communautés européennes du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales » a exonéré du précompte mobilier ces bonis de liquidation considérés comme revenu mobilier (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 1784/3, p. 5). Ensuite, la loi du 22 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1998 pub. 15/01/1999 numac 1998003665 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer « portant des dispositions fiscales et autres » a adapté l'article 21, 2°, du C.I.R. 1992, en sorte que les bonis de liquidation sont exclus comme revenus de capitaux et biens mobiliers.

La loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer met fin à cette exonération d'impôt et soumet à l'impôt des personnes physiques et au précompte mobilier ce que le C.I.R. 1992 considère déjà comme un dividende distribué. Les articles 2 et 3 de cette loi suppriment « les revenus [...] d'actions ou parts, payés ou attribués en cas de partage total ou partiel de l'avoir social ou d'acquisition d'actions ou parts propres » de la liste, contenue à l'article 21 du C.I.R. 1992, des « revenus non imposés [à l'impôt des personnes physiques] comme revenus de capitaux et biens mobiliers » et les qualifient de dividendes. L'article 15 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer modifie l'article 264, alinéa 1er, 2°, du C.I.R. 1992, selon lequel le précompte mobilier n'était pas dû sur les bonis qui sont considérés comme des dividendes en cas d'acquisition d'actions ou de parts propres (article 186 du C.I.R. 1992), en cas de partage partiel par suite du décès, de la démission ou de l'exclusion d'un associé (article 187 du C.I.R. 1992) ou en cas de partage total de l'avoir social d'une société (article 209 du C.I.R. 1992).

B.4.3. Il appartient au législateur d'apprécier si un régime d'immunisation fiscale instauré par lui doit être maintenu ou non ou être remplacé. Le fait que les bonis de liquidation et d'acquisition aient été considérés dans le passé comme des plus-values n'empêche pas qu'ultérieurement, le législateur les considère explicitement comme des dividendes et les taxe au titre de revenus mobiliers, compte tenu notamment du fait qu'en cas de liquidation d'une société et en cas d'acquisition des actions ou parts propres, des bénéfices réservés sont également distribués en sus du capital. Le législateur peut en effet élargir la catégorie des « dividendes », qui s'étend dès lors au-delà de la définition générale des revenus mobiliers figurant à l'article 17 du C.I.R. 1992.

B.4.4. Dès lors qu'il en résulte une différence de traitement entre les catégories visées par les parties requérantes, à savoir entre les bonis de liquidation et d'acquisition et les plus-values, la Cour doit apprécier si cette différence est objective et peut raisonnablement se justifier par rapport à l'objectif poursuivi.

B.4.5. En instaurant l'impôt et le précompte mobilier sur les bonis de liquidation et d'acquisition, les dispositions attaquées visent « à renforcer la cohérence du régime fiscal applicable aux opérations de liquidation ou de rachat d'actions ou parts propres » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/1, p. 24). A cette fin, le législateur souhaitait mettre fin, d'une part, à « un régime de taxation différent pour les sommes distribuées aux actionnaires ou associés par une société en activité [...] et par une société en liquidation » parce que « cette situation peut entraîner des dissolutions inspirées par des motifs purement fiscaux » et, d'autre part, à « des pratiques inappropriées visant à distribuer des réserves (en exonération d'impôt) aux actionnaires, cela au moyen d'opérations de rachat d'actions » (ibid. ), pratiques auxquelles a donné lieu le régime fiscal en matière d'opérations d'acquisition d'actions ou de parts propres par une société, avec exonération du précompte mobilier.

B.4.6. Les dispositions attaquées instaurent un impôt et un précompte mobilier qui visent à mettre fin au régime fiscal de faveur dont bénéficiaient les bonis de liquidation et d'acquisition, contrairement aux dividendes. Le législateur a ainsi voulu éviter que des bénéfices réservés d'entreprises puissent encore être distribués en exemption d'impôt.

L'impôt et le précompte mobilier sont dus sur « les sommes définies comme dividendes par les articles 186, 187 et 209 en cas de partage total ou partiel de l'avoir social d'une société résidente ou étrangère ou d'acquisition d'actions ou parts propres par une telle société » (article 18, alinéa 1er, 2°ter, et article 269, alinéa 1er, 2°bis, du C.I.R. 1992). En cas d'acquisition d'actions ou de parts propres, est considéré comme un dividende distribué, en vertu de l'article 186 du C.I.R. 1992, « l'excédent que présente le prix d'acquisition ou, à défaut, la valeur de ces actions ou parts, sur la quote-part de la valeur réévaluée du capital libéré représenté par ces actions ou parts ». En cas de partage total ou partiel de l'avoir social, selon les articles 187 et 209 du C.I.R. 1992, est considéré comme un dividende distribué « l'excédent que présentent les sommes réparties en espèces, en titres ou autrement sur la valeur réévaluée du capital libéré ».

En faisant figurer parmi les revenus imposables les sommes définies comme dividendes par les articles 186, 187 et 209 du C.I.R. 1992 en cas de partage total ou partiel de l'avoir social d'une société résidente ou étrangère ou en cas d'acquisition d'actions ou de parts propres par une telle société, le législateur a pris une mesure qui est pertinente au regard de l'objectif mentionné au B.4.5 et qui est objectivement et raisonnablement justifiée.

B.4.7. Les parties requérantes font valoir que les abus commis lors de la liquidation totale ou partielle d'une société ou lors du rachat d'actions ou de parts propres peuvent être combattus au moyen de l'article 344, § 1er, du C.I.R. 1992, qui dispose : « N'est pas opposable à l'administration des contributions directes, la qualification juridique donnée par les parties à un acte ainsi qu'à des actes distincts réalisant une même opération lorsque l'administration constate, par présomptions ou par d'autres moyens de preuve visés à l'article 340, que cette qualification a pour but d'éviter l'impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique. » B.4.8. Il ressort toutefois des motifs énoncés au B.4.5 que le législateur ne souhaitait pas seulement combattre les abus, mais entendait aussi renforcer la cohérence de l'ensemble du régime fiscal applicable aux opérations de liquidation ou d'acquisition d'actions ou de parts propres et qu'il souhaitait mettre fin, en termes généraux, à une différence d'imposition des sommes payées aux actionnaires ou associés par une société en activité, d'une part, et par une société en liquidation, d'autre part.

B.4.9. De ce que le législateur, dans son souci de réduire la portée de dispositions fiscales relativement avantageuses, ait relevé que certaines d'entre elles étaient l'occasion d'abus, il ne s'ensuit pas que le but exclusif de la mesure ait été de réprimer ces abus. La prise en considération de ceux-ci a pu sans doute orienter le choix des avantages fiscaux à réduire; mais il n'en résulte pas qu'il faille vérifier si les restrictions critiquées sont proportionnées à ces abus éventuels pour apprécier leur conformité aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

B.4.10. En sa première branche le premier moyen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la deuxième branche B.5.1. Dans une deuxième branche, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que l'impôt sur les bonis de liquidation et d'acquisition est appliqué lors de la distribution de réserves constituées avant l'entrée en vigueur des dispositions attaquées mais qui sont payées après cette entrée en vigueur, sans que ces réserves aient bénéficié du taux réduit de l'impôt des sociétés instauré par la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer, alors que les réserves qui ont été constituées après l'entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer sont certes soumises à l'impôt sur les bonis de liquidation et d'acquisition lors de leur distribution, mais bénéficient également du taux réduit de l'impôt des sociétés. Selon les requérants, il y aurait pourtant un lien évident entre l'instauration de l'impôt de liquidation et l'abaissement du taux de l'impôt des sociétés.

B.5.2. Bien que l'instauration de l'impôt attaqué contribue également à la réalisation de l'objectif budgétaire du législateur, qui est de faire en sorte que la réforme de l'impôt des sociétés ait lieu dans un cadre budgétairement neutre, elle n'est pas indissolublement liée à la baisse du taux de l'impôt des sociétés. Il ressort d'ailleurs de l'évolution de la législation, esquissée au B.4.2, que le législateur a voulu, indépendamment d'un quelconque abaissement des taux de l'impôt des sociétés, soumettre à un précompte mobilier les bonis de liquidation et d'acquisition.

B.5.3. Lorsque le législateur prend une mesure en vue d'éviter que des bénéfices réservés d'entreprises soient, contrairement aux dividendes, distribués en exemption d'impôt, il peut rendre cette mesure immédiatement applicable à toutes les réserves payées comme bonis de liquidation et d'acquisition, pour autant qu'il ne déroge pas, à cette occasion, aux règles générales concernant la détermination de l'exercice d'imposition.

Lorsque le législateur met fin à une exonération d'impôt, il peut effectivement estimer que ce changement de politique doit être réalisé immédiatement et il n'est donc en principe pas obligé de prévoir une réglementation transitoire.

Si la nouvelle réglementation n'avait été applicable qu'aux réserves constituées après son entrée en vigueur, cela aurait eu pour conséquence que les distributions de réserves en exemption d'impôt auraient continué d'exister et que la réalisation de l'objectif poursuivi par les dispositions attaquées, à savoir d'éviter la distribution de réserves en exemption d'impôt, aurait subi plusieurs années de retard.

B.5.4. Le premier moyen en sa deuxième branche ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la troisième branche B.6.1. Dans une troisième branche, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les entrepreneurs qui constituent leur entreprise sous une forme sociétaire sont taxés plus lourdement, lors de la cessation de leur activité, que les entrepreneurs qui exercent leur activité en tant que personne physique.

B.6.2. La distinction repose sur un critère objectif, à savoir le fait que l'entrepreneur qui cesse son activité est une personne physique ou une personne morale.

Ce critère de distinction est pertinent au regard du but de la mesure, qui est d'éviter que des bénéfices réservés de sociétés soient encore distribués en exemption d'impôt.

B.6.3. Lors de la constitution de bénéfices réservés, les sociétés jouissent d'un régime fiscal qui diffère de celui des personnes physiques. Le législateur peut dès lors raisonnablement décider d'appliquer, lors de la distribution de ces réserves, un taux différent de celui qui est applicable à la personne physique qui cesse son activité.

La cessation d'une activité par une personne physique, d'une part, et le partage de l'avoir social d'une société en liquidation, d'autre part, sont des opérations suffisamment différentes pour que le législateur puisse les soumettre à des taux d'imposition différents sans violer les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.6.4. Le premier moyen en sa troisième branche ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la quatrième branche B.7.1. Dans une quatrième branche, les parties requérantes affirment que les dispositions constitutionnelles précitées sont violées en ce qu'il existe une différence de traitement déraisonnable entre les sociétés d'investissement et les sociétés ordinaires. Les sommes payées par une société d'investissement soumise à un régime fiscal exorbitant du droit commun sont en effet exonérées de l'impôt sur les bonis de liquidation ou d'acquisition.

B.7.2. Il appartient au législateur compétent pour lever un impôt de déterminer quels sont les contribuables qui doivent bénéficier d'exonérations ou quels sont les revenus qui doivent être exemptés. Il n'appartient pas à la Cour de décider si une mesure prescrite par la loi est opportune ou souhaitable.

Toutefois, lorsque le législateur traite différemment deux catégories suffisamment comparables de prestations - en l'espèce, d'une part, les sommes payées par les sociétés d'investissement qui dans le pays de leur résidence fiscale bénéficient d'un régime fiscal exorbitant du droit commun et, d'autre part, les sommes payées par les autres sociétés -, en exonérant la première catégorie de l'impôt de liquidation et en soumettant la deuxième catégorie à cet impôt, la Cour doit vérifier, dans le cadre de son contrôle au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, s'il existe une justification objective et raisonnable à cette distinction.

B.7.3. La disposition attaquée concerne les « sicav de capitalisation », dont l'objet consiste dans le placement collectif de capitaux (article 2 du C.I.R. 1992) et qui ne paient pas les revenus de ces placements sous la forme de dividendes aux détenteurs de parts, mais les capitalisent et les distribuent à l'occasion du rachat de leurs parts propres.

B.7.4. L'exemption d'impôt dont bénéficient ces versements a été justifiée comme suit : « Le remplacement de l'article 21, 2°, CIR 92, par une disposition qui prévoit d'exclure les sociétés d'investissement du Pr.M sur boni de liquidation ou boni d'acquisition d'actions ou de parts propres est fondé sur le fait que leur fonction économique diffère de celle des sociétés ordinaires. Elles jouent un rôle d'intermédiaire pour les investisseurs passifs qui souhaitent effectuer un investissement dans un élément d'actif bien déterminé (titres à revenus fixes ou actions et parts), et pour lequel elles offrent à cet investisseur passif l'avantage d'une gestion professionnelle et diversifiée de sa mise. Vu que leur fonction est circonscrite de la sorte sur le plan économique, la cohérence de notre droit exige que leurs revenus reçoivent un traitement fiscal qui ne diffère pas de manière significative du traitement fiscal des revenus que l'investisseur aurait réalisés avec un investissement identique mais sans l'intervention de la société d'investissement. C'est la raison pour laquelle elles jouissent déjà en tant que sociétés d'un régime d'imposition qui déroge au droit commun; c'est aussi la raison pour laquelle le nouveau régime de Pr.M sur boni de liquidation ou boni d'acquisition d'actions ou parts propres ne peut leur être appliqué.

La technique d'acquisition d'actions ou parts propres à une valeur d'inventaire qui est propre au fonctionnement d'une sicav et à laquelle le Conseil d'Etat se réfère, est globalement considérée en fait comme une transformation de revenus ou de plus-values sur actions ou parts en revenus provenant de l'acquisition d'actions ou parts propres. Une pénalité fiscale de cette transformation introduirait une différence fiscale significative par rapport à un investissement direct en éléments d'actif identiques et l'investisseur passif serait privé de la sorte d'un moyen qui l'autorise comme investisseur passif à rechercher un rendement sur les éléments d'actif qui est adapté à son profil de risque. Du reste, la transparence fiscale ainsi recherchée n'est pas complète. Le Conseil d'Etat renvoie même à la loi du 22 juillet 1993 portant des dispositions fiscales et financières qui introduit une différence en matière de taxes de bourse qui sont appliquées en la matière. Le gouvernement, en introduisant une exception pour les sociétés d'investissement, a choisi de laisser inchangé le traitement fiscal existant de ces sociétés compte tenu qu'il estime que la différence en matière de taxes de bourse résulte d'une contribution suffisante [lire : de la différence en matière de taxes de bourse résulte une contribution suffisante] aux recettes de l'Etat. » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, pp. 25-26) B.7.5. Le législateur vise ainsi à réaliser la transparence économique, qui exige que le placement effectué dans des parts d'une société d'investissement soit neutre, pour le détenteur de parts, par rapport à un placement direct dans les instruments financiers sous-jacents, en empêchant que les plus-values réalisées via la technique d'acquisition d'actions ou de parts propres à une valeur d'inventaire - technique qui est propre aux sociétés d'investissement visées par la disposition attaquée - soient taxées, contrairement aux plus-values qui demeurent non taxées lorsqu'elles sont réalisées par un particulier sur des actions ou parts dans le cadre de la gestion normale de son patrimoine privé.

L'exclusion des prestations payées par les sociétés d'investissement se situe également dans le prolongement de l'article 19 du C.I.R. 1964, modifié par l'article 142 de la loi du 4 décembre 1990. Selon cette disposition, les revenus et produits des capitaux et biens mobiliers ne comprennent pas les revenus d'actions ou de parts payés ou attribués en cas de partage de l'avoir social ou de rachat d'actions propres par les sociétés d'investissement visées aux articles 114 et 118 de la loi du 4 décembre 1990 « relative aux opérations financières et aux marchés financiers ». Cette disposition faisait partie d'un régime fiscal propre aux sociétés d'investissement, par lequel la loi du 4 décembre 1990 entendait sauvegarder leur compétitivité par rapport aux sociétés étrangères (Doc. parl., Chambre, 1989-1990, n° 1156/1, pp. 53 et 93).

B.7.6. C'est la particularité des sicav de capitalisation d'être obligées par la loi de racheter leurs parts propres, à la demande des porteurs, à la valeur d'inventaire (articles 110, 4°, et 124 de la loi précitée du 4 décembre 1990), contrairement aux autres sociétés, qui sont soumises à des conditions strictes et à des restrictions en ce qui concerne l'acquisition de parts propres.

A la différence de ce qui s'applique aux autres sociétés, qui doivent décider de distribuer les bénéfices ou de les réserver, les revenus nets d'une sicav de capitalisation, c'est-à-dire l'ensemble des revenus et tout accroissement du patrimoine (Doc. parl., Chambre, 1989-1990, n° 1156/1, p. 56), ne peuvent pas être distribués et peuvent être capitalisés de la manière déterminée par le règlement de gestion ou les statuts.

B.7.7. Il se déduit, en outre, de l'article 143, § 1er, de la loi du 4 décembre 1990 « relative aux opérations financières et aux marchés financiers » que les articles 186, 187 et 209 du C.I.R. 1992, dans l'état actuel de la législation, ne sont pas applicables aux dividendes alloués ou attribués par les sociétés d'investissement à l'occasion de l'acquisition de leurs actions ou parts propres ou du partage total ou partiel de leur avoir social, vu le fait que l'article 143 précité déroge à l'article 185 du C.I.R. 1992 (Bulletin des questions et réponses, Chambre, 2002-2003, 21 janvier 2002, pp. 17981-17982).

En tant que les dispositions attaquées soumettent à l'impôt des personnes physiques et au précompte mobilier les bonis de liquidation et d'acquisition que les articles 186, 187 et 209 du C.I.R. 1992, depuis la loi du 22 décembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1989 pub. 20/03/2009 numac 2009000181 source service public federal interieur Loi relative à la protection du logement familial fermer, définissent comme dividendes distribués, le législateur peut, sans violer le principe d'égalité et de non-discrimination, exclure de la catégorie des revenus mobiliers les revenus auxquels ces dispositions ne sont pas applicables.

B.7.8. Le premier moyen en sa quatrième branche ne peut être accueilli.

Quant à la cinquième branche B.8.1. Dans une cinquième branche, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que les sociétés étrangères, contrairement aux sociétés belges, ne retiennent pas de précompte mobilier lorsqu'elles paient des bonis de liquidation ou d'acquisition à des personnes qui sont redevables de l'impôt en Belgique. L'impôt de 10 p.c. est cependant applicable et les bénéficiaires sont obligés de mentionner dans leur déclaration les bonis de liquidation ou d'acquisition perçus à l'étranger. Ceci ferait donc naître une différence de traitement entre les détenteurs de parts dans une société belge et les détenteurs de parts dans une société étrangère.

B.8.2. Le précompte mobilier sur les revenus imposables est dû et doit être retenu par les sociétés belges ou par les intermédiaires établis en Belgique qui interviennent à quelque titre que ce soit dans le paiement de revenus de capitaux et biens mobiliers d'origine étrangère (article 261 du C.I.R. 1992).

B.8.3. Compte tenu de la compétence territoriale du législateur belge, il ne saurait être question d'un précompte mobilier belge lorsque des bonis de liquidation ou d'acquisition sont directement perçus à l'étranger.

Les bonis de liquidation ou d'acquisition d'origine étrangère sont toutefois compris dans les revenus imposables (article 18, alinéa 1er, 2°ter, du C.I.R. 1992). Lorsqu'aucune exonération légale n'est prévue, le bénéficiaire de bonis de liquidation ou d'acquisition a dès lors, faute de retenue d'un précompte mobilier, l'obligation de déclarer ces revenus (article 313 du C.I.R. 1992). Le revenu sera alors imposé distinctement, comme boni de liquidation, au taux de 10 p.c. (article 171, 2°, f, du C.I.R. 1992).

Dès lors que les revenus de bonis de liquidation et d'acquisition payés par des sociétés étrangères sur lesquels aucun précompte mobilier n'a été retenu en Belgique doivent être déclarés et sont imposés distinctement au même taux que celui du précompte mobilier, la différence de traitement est raisonnablement justifiée.

B.8.4. Le premier moyen en sa cinquième branche ne peut être accueilli.

S'agissant du second moyen En ce qui concerne la première branche B.9. Dans une première branche, les parties requérantes dans l'affaire n° 2721 font valoir qu'elles sont discriminées par rapport à d'autres contribuables en tant qu'elles sont soumises à un impôt avec effet rétroactif. B.10. Une règle de droit fiscal ne peut être qualifiée de rétroactive que si elle s'applique à des faits, actes et situations qui étaient définitifs au moment où elle est entrée en vigueur.

A cet égard, il convient de faire une distinction entre les dispositions relatives à l'impôt sur les revenus (les articles 2 à 5 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer) et celles relatives au précompte mobilier (les articles 15 à 17 de la même loi).

B.11. En matière d'impôts sur les revenus, la dette d'impôt naît définitivement à la date de clôture de la période au cours de laquelle les revenus qui constituent la base d'imposition ont été acquis. Il résulte de l'article 360 du C.I.R. 1992 que, du point de vue de la loi fiscale, il n'existe pas de situation fixée de manière irrévocable avant la clôture de la période imposable. Dans le chef des actionnaires ou des associés, la dette fiscale à l'impôt global sur les revenus naît le dernier jour de la période imposable, à 24 heures.

Une loi qui instaure, avant cette échéance, des faits ou assiettes imposables nouveaux n'a pas d'effet rétroactif.

B.12. En matière de précompte mobilier sur les bonis de liquidation et d'acquisition, la dette d'impôt naît définitivement à la date de l'attribution ou de la mise en paiement des bonis sur lesquels le précompte mobilier est dû.

B.13. La loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer, qui a instauré le précompte mobilier sur les bonis de liquidation et d'acquisition, a été publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2002. En vertu de l'article 32, § 1er, alinéa 1er, de la même loi, l'impôt sur les revenus et le précompte mobilier de 10 p.c. sont dus sur les revenus attribués ou mis en paiement, ou à considérer comme tels, à partir du 1er janvier 2002 et pour autant, quand il s'agit d'opérations visées à l'article 209 du C.I.R. 1992, que la liquidation n'ait pas été clôturée avant le 25 mars 2002.

Quant aux dispositions relatives à l'impôt sur les revenus B.14.1. La partie intervenante fait valoir qu'il y a rétroactivité en ce qui concerne les dispositions relatives à l'impôt sur les revenus, parce que la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer, en l'absence de dispositions dérogatoires, serait entrée en vigueur dix jours après sa publication au Moniteur belge , soit le 10 janvier 2003, c'est-à-dire à un moment où l'exercice d'imposition 2002 était déjà clôturé.

L'article 32, § 1er, de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer prévoit toutefois explicitement que les dispositions attaquées sont applicables à partir du 1er janvier 2002 et pour autant, quand il s'agit d'opérations visées à l'article 209 du C.I.R. 1992, que la liquidation n'ait pas été clôturée avant le 25 mars 2002. Le législateur détermine ainsi, par application de l'article 4 de la loi du 31 mai 1961 « relative à l'emploi des langues en matière législative, à la présentation, à la publication et à l'entrée en vigueur des textes légaux et réglementaires », un autre délai d'entrée en vigueur des dispositions attaquées que le dixième jour suivant leur publication.

B.14.2. Dès lors que la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer a été publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2002 et que les dispositions relatives à l'impôt sur les revenus sont entrées en vigueur le 1er janvier 2002, l'article 32, § 1er, alinéa 1er, attaqué ne confère pas d'effet rétroactif aux articles 2 à 5 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer puisque ces derniers concernent la situation fiscale de revenus dont les conditions en matière de perception de l'impôt ne peuvent être considérées comme étant définitivement fixées.

Quant aux dispositions relatives au précompte mobilier B.15.1. Selon l'article 32, § 1er, alinéa 1er, les dispositions relatives au précompte mobilier sont applicables aux revenus qui sont attribués ou mis en paiement, ou sont à considérer comme tels, à partir du 1er janvier 2002 et pour autant, quand il s'agit d'opérations visées à l'article 209 du C.I.R. 1992, que la liquidation n'ait pas été clôturée avant le 25 mars 2002. Ces dispositions sont donc applicables à des faits, actes et situations qui étaient définitivement accomplis au moment où elles sont entrées en vigueur, à savoir à des bonis qui avaient déjà été attribués ou mis en paiement.

B.15.2. La disposition confère donc un effet rétroactif aux dispositions relatives au précompte mobilier (les articles 15 à 17 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer).

B.16. La rétroactivité de dispositions législatives, qui est de nature à créer une insécurité juridique, ne peut se justifier que par des circonstances particulières, notamment pour réaliser un objectif d'intérêt général, comme le bon fonctionnement ou la continuité du service public.

B.17. Le 23 avril 2002, le Moniteur belge a publié un avis annonçant que l'avant-projet de loi visant à réformer l'impôt des sociétés avait été approuvé par le Conseil des ministres le 19 avril 2002 et que cet avant-projet instaurait un précompte mobilier sur les dividendes payés ou attribués en cas de partage total ou partiel de l'avoir social ou en cas d'acquisition d'actions ou parts propres par des sociétés.

Selon cet avis, le précompte mobilier serait applicable « aux revenus qui sont attribués ou mis en paiement, ou à considérer comme tels, à partir du 1er janvier 2002 et pour autant, quand il s'agit d'opérations visées à l'article 209 du C.I.R. 1992, que la liquidation ne soit pas clôturée avant la date du 25 mars 2002 ».

B.18. L'intérêt général peut exiger qu'une mesure fiscale que le législateur considère comme indispensable ait effet immédiat et que soit limitée la possibilité pour les contribuables de réduire par anticipation les effets de cette mesure.

Un avis publié au Moniteur belge annonçant une modification de la loi fiscale corrige, certes, dans une certaine mesure, l'imprévisibilité d'une disposition rétroactive, mais un tel avis ne peut, de par sa nature et vu notamment son caractère purement informatif et l'absence de force obligatoire, remédier à l'insécurité juridique créée par l'effet rétroactif. Un avis publié au Moniteur belge ne peut dès lors en soi suffire à justifier l'effet rétroactif d'une disposition législative.

Les sociétés et leurs liquidateurs agiraient sans fondement légal s'ils prélevaient, sur la seule base d'un tel avis, un précompte mobilier sur les bonis de liquidation et d'acquisition qu'ils attribuent. Lorsqu'ils doivent par la suite, sur la base des dispositions entreprises, payer un précompte mobilier sur ces bonis, sans pouvoir le réclamer au bénéficiaire des bonis, ils sont traités différemment par rapport aux autres contribuables.

B.19. Les travaux préparatoires des dispositions entreprises font apparaître que le législateur a entendu lutter contre la dissolution de sociétés pour des raisons fiscales et le versement de réserves en exemption d'impôt (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, p. 24).

Comme le fait valoir le Conseil des ministres, le législateur peut prendre des mesures pour mettre en échec les procédés par lesquels des contribuables obtiendraient une exonération pour une période que le législateur n'a pas visée.

La volonté de lutter contre les effets indésirables d'une exonération peut amener le législateur à moduler ou à supprimer l'exonération sans délai, mais elle ne suffit pas à justifier l'effet rétroactif de la modification législative.

B.20. Il découle de ce qui précède qu'aucun élément ne justifie la rétroactivité en cause.

En tant qu'il soumet au précompte mobilier les bonis de liquidation et d'acquisition attribués ou mis en payement avant le 1er janvier 2003, l'article 32, § 1er, alinéa 1er, de la loi attaquée n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

En ce qui concerne la seconde branche B.21. Dans une seconde branche, les parties requérantes dans l'affaire n° 2721 allèguent qu'il y a effet rétroactif parce que la perception sur les bonis de liquidation ou d'acquisition est applicable à des entreprises dissoutes avant l'entrée en vigueur de la loi mais dont la dissolution n'était pas encore clôturée.Selon les parties requérantes, le critère de la clôture de la dissolution, utilisé dans la loi, n'est pas pertinent par rapport au but - lutter contre l'abus consistant à dissoudre une société pour des raisons fiscales -, étant donné que cet abus a lieu au moment de la dissolution.

B.22. Ainsi qu'il est dit au B.5.3, lorsque le législateur prend une mesure en vue d'éviter que des bénéfices réservés d'entreprises soient, contrairement aux dividendes, distribués en exemption d'impôt, il peut rendre cette mesure immédiatement applicable à toutes les réserves payées comme bonis de liquidation et d'acquisition, pour autant qu'il ne déroge pas, à cette occasion, aux règles générales concernant la détermination de l'exercice d'imposition.

Lorsque le législateur met fin à une exonération d'impôt, il peut effectivement estimer que ce changement de politique doit être réalisé immédiatement et il n'est en principe pas obligé de prévoir une réglementation transitoire.

Si la nouvelle réglementation n'avait été applicable qu'aux sociétés dissoutes après son entrée en vigueur, cela aurait eu pour conséquence que l'exemption aurait continué d'exister pour toutes les sociétés déjà dissoutes, puisqu'une société est réputée continuer d'exister après sa dissolution en vue de sa liquidation, qui peut prendre plusieurs années.

B.23. Le deuxième moyen en sa deuxième branche ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour - annule l'article 32, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale » en tant qu'il soumet au précompte mobilier les bonis de liquidation et d'acquisition attribués ou mis en paiement avant le 1er janvier 2003; - rejette les recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 23 juin 2004.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux. A. Arts.

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