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Arrêt
publié le 28 octobre 2004

Extrait de l'arrêt n° 158/2004 du 20 octobre 2004 Numéros du rôle : 2727 et 2850 En cause : les recours en annulation de l'article 16 de la loi du 3 mai 2003 modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuse La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 158/2004 du 20 octobre 2004 Numéros du rôle : 2727 et 2850 En cause : les recours en annulation de l'article 16 de la loi du 3 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/2003 pub. 02/06/2003 numac 2003009468 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques type loi prom. 03/05/2003 pub. 02/06/2003 numac 2003009444 source service public federal justice Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire fermer modifiant la loi du 24 février 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/02/1921 pub. 17/12/2004 numac 2004000617 source service public federal interieur Loi concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques. - Traduction allemande fermer concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques, introduits par J. Donny et par l'a.s.b.l. Fédération bruxelloise des institutions pour toxicomanes et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. de Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 23 juin 2003 et parvenue au greffe le 24 juin 2003, J.Donny, demeurant à 3150 Haacht, Bukenstraat 21, a introduit un recours en annulation de l'article 16 de la loi du 3 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/2003 pub. 02/06/2003 numac 2003009468 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques type loi prom. 03/05/2003 pub. 02/06/2003 numac 2003009444 source service public federal justice Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire fermer modifiant la loi du 24 février 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/02/1921 pub. 17/12/2004 numac 2004000617 source service public federal interieur Loi concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques. - Traduction allemande fermer concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques (publiée au Moniteur belge du 2 juin 2003).

La demande de suspension de la disposition légale précitée, introduite par la partie requérante, a été rejetée par l'arrêt n° 108/2003 du 22 juillet 2003, publié au Moniteur belge du 24 novembre 2003. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 novembre 2003 et parvenue au greffe le 1er décembre 2003, un recours en annulation partielle de l'article 16 de la loi du 3 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/2003 pub. 02/06/2003 numac 2003009468 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques type loi prom. 03/05/2003 pub. 02/06/2003 numac 2003009444 source service public federal justice Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire fermer précitée a été introduit par l'a.s.b.l. Fédération bruxelloise francophone des institutions pour toxicomanes, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, rue du Président 55, l' a.s.b.l.

Fédération wallonne des institutions pour toxicomanes, dont le siège social est établi à 4000 Liège, rue Saint-Denis 4, l'a.s.b.l.

Infor-Drogues, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue du Marteau 19, l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme, dont le siège social est établi à 1190 Bruxelles, chaussée d'Alsemberg 303, et l'a.s.b.l. Prospective Jeunesse, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, rue Mercelis 27.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 2727 et 2850 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la recevabilité B.1.1. Le Conseil des Ministres estime que le recours introduit par la première partie requérante dans l'affaire n° 2850 est irrecevable, au motif qu'il ne serait pas satisfait aux conditions émises par la loi du 27 juin 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1921 pub. 19/08/2013 numac 2013000498 source service public federal interieur Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. A l'égard de toutes les parties requérantes dans cette affaire, le Conseil des Ministres conteste la recevabilité du recours, parce que la décision de l'organe compétent d'introduire le recours auprès de la Cour n'indiquerait pas de manière suffisamment précise l'objet du recours.

B.1.2. Les pièces produites par l'a.s.b.l. Fédération bruxelloise des institutions pour toxicomanes font apparaître que le conseil d'administration a d'abord soumis à l'assemblée générale la décision d'introduire un recours.

Après approbation à l'unanimité de cette proposition par l'assemblée générale, dont font également partie tous les membres du conseil d'administration, le conseil d'administration prend acte de cette décision et désigne un avocat. Cette façon de procéder ne porte pas atteinte à la validité du recours introduit, dès lors qu'il apparaît également que le conseil d'administration a pris la décision conformément aux statuts.

B.1.3. Les pièces introduites auprès de la Cour par toutes les parties requérantes font apparaître que la décision d'ester en justice indique de façon suffisamment précise l'objet du recours en annulation.

B.1.4. Les exceptions sont rejetées.

B.2.1. Le Conseil des Ministres conteste également l'intérêt de toutes les parties requérantes.

B.2.2. L'article 16 entrepris de la loi du 3 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/2003 pub. 02/06/2003 numac 2003009468 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques type loi prom. 03/05/2003 pub. 02/06/2003 numac 2003009444 source service public federal justice Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire fermer modifiant la loi du 24 février 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/02/1921 pub. 17/12/2004 numac 2004000617 source service public federal interieur Loi concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques. - Traduction allemande fermer concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques insère un article 11 dans la loi du 24 février 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/02/1921 pub. 17/12/2004 numac 2004000617 source service public federal interieur Loi concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques. - Traduction allemande fermer concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes, qui énonce : « § 1er. Par dérogation à l'article 40 de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992, en cas de constatation de détention, par un majeur, d'une quantité de cannabis à des fins d'usage personnel, qui n'est pas accompagné de nuisances publiques ou d'usage problématique, il ne sera procédé qu'à un enregistrement policier. § 2. On entend par usage problématique : un usage qui s'accompagne d'un degré de dépendance qui ne permet plus à l'utilisateur de contrôler son usage, et qui s'exprime par des symptômes psychiques ou physiques. § 3. On entend par nuisances publiques : les nuisances publiques visées à l'article 135, § 2, 7°, de la nouvelle loi communale.

Conformément à l'article 3.5.g de la Convention de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, est considérée comme une nuisance publique, la détention de cannabis commise dans une institution pénitentiaire, dans un établissement scolaire ou dans les locaux d'un service social, ainsi que dans leur voisinage immédiat ou dans d'autres lieux fréquentés par des mineurs d'âge à des fins scolaires, sportives ou sociales. » B.2.3. Les travaux préparatoires de la disposition en cause font apparaître que le législateur entend diminuer la consommation de drogue et protéger les consommateurs de drogue.

Dans les travaux préparatoires, il a aussi été considéré que, bien qu'il soit constaté que toute consommation de drogue, et donc également la consommation de cannabis, peut nuire à l'utilisateur et à son entourage, des peines d'emprisonnement doivent être considérées comme le remède ultime pour réprimer la consommation de cannabis et il convient en premier lieu de choisir la voie de l'assistance (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-1888/001, pp. 4 et 5).

Aux termes de l'article 2ter de la loi du 24 février 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/02/1921 pub. 17/12/2004 numac 2004000617 source service public federal interieur Loi concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques. - Traduction allemande fermer, inséré par la loi du 4 avril 2003, la détention, par un majeur, de cannabis à des fins d'usage personnel reste punissable. En vertu de la disposition entreprise, il n'est toutefois pas dressé procès-verbal, mais la police procède uniquement à un enregistrement en cas de constatation de détention, par un majeur, d'une quantité de cannabis à des fins d'usage personnel, qui n'est pas accompagnée de nuisances publiques ou d'un usage problématique. Du fait que la détention de cannabis reste toutefois punissable, il est dès lors mené une politique de tolérance à l'égard des consommateurs majeurs qui satisfont aux conditions précitées.

B.2.4. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

B.2.5. La requérante dans l'affaire n° 2727 fait valoir qu'elle justifie, en tant que parent d'enfants majeurs et mineurs, d'un intérêt à l'annulation de la disposition entreprise, qui compromettrait la santé mentale ou physique des jeunes.

B.2.6. Les première, deuxième, troisième et cinquième parties requérantes dans l'affaire n° 2850 sont des associations sans but lucratif qui ont pour objet l'assistance ou l'information en matière de drogue. La quatrième partie requérante, l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme, a pour objet « de combattre l'injustice et toute atteinte arbitraire aux droits d'un individu ou d'une collectivité ».

B.3.1. Les parties requérantes reprochent à la disposition entreprise, eu égard au caractère vague et ambigu de sa formulation, soit d'empêcher de fournir une information fiable concernant la consommation de drogue, soit de méconnaître des principes constitutionnels fondamentaux ou des dispositions conventionnelles.

B.3.2. Dès lors que l'examen de l'intérêt des parties requérantes est lié à la portée qu'il convient de donner à la disposition entreprise, cet examen se confond avec celui du fond de l'affaire.

Quant au fond B.4.1. Les parties requérantes reprochent à la disposition entreprise de violer le principe de légalité en matière pénale, le principe d'égalité et de non-discrimination, le droit au respect de la vie privée et le droit à l'aide juridique, garantis par la Constitution et par des conventions internationales.

B.4.2. En vertu de l'article 2ter de la loi du 24 février 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/02/1921 pub. 17/12/2004 numac 2004000617 source service public federal interieur Loi concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques. - Traduction allemande fermer, la détention, par un majeur, de cannabis à des fins d'usage personnel reste punissable. Toutefois, lorsque la détention à des fins d'usage personnel n'est pas problématique et ne cause pas de nuisances publiques, la police ne procède qu'à un enregistrement et ne dresse donc pas procès-verbal, de sorte que le ministère public n'est pas informé.

La disposition entreprise concerne dès lors l'ensemble des règles de droit relatives à la recherche, à la poursuite et au jugement de personnes qui sont soupçonnées d'avoir commis un fait punissable.

B.5.1. L'article 12 de la Constitution dispose : « La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit. [...] ».

L'article 14 de la Constitution dispose : « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi. » L'article 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques disposent : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. [...] » B.5.2. En vertu de l'article 1er, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, modifié par la loi spéciale du 9 mars 2003, la Cour est compétente pour annuler des normes législatives pour cause de violation des articles du titre II « Des Belges et de leurs droits » et des articles 170, 172 et 191 de la Constitution.

Toutefois, lorsqu'une disposition conventionnelle liant la Belgique a une portée analogue à une ou plusieurs des dispositions constitutionnelles précitées, les garanties consacrées par cette disposition conventionnelle constituent un ensemble indissociable avec les garanties inscrites dans les dispositions constitutionnelles en cause. Par ailleurs, la violation d'un droit fondamental constitue ipso facto une violation du principe d'égalité et de non-discrimination.

Il s'ensuit que, lorsqu'est alléguée la violation d'une disposition du titre II ou des articles 170, 172 ou 191 de la Constitution, la Cour tient compte, dans son examen, des dispositions de droit international qui garantissent des droits ou libertés analogues.

B.5.3. En attribuant au pouvoir législatif la compétence, d'une part, de déterminer dans quels cas et dans quelle forme des poursuites pénales sont possibles, d'autre part, d'adopter une loi en vertu de laquelle une peine peut être établie et appliquée, les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution garantissent à tout citoyen qu'aucun comportement ne sera punissable et qu'aucune peine ne sera infligée qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

B.5.4. Il découle également des articles 12 et 14 de la Constitution, ainsi que de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est punissable ou non.

B.5.5. Dans les travaux préparatoires de la disposition entreprise, le législateur souligne que cette disposition doit être lue en combinaison avec l'arrêté royal du 16 mai 2003 « modifiant l'arrêté royal du 31 décembre 1930 concernant le trafic des substances soporifiques et stupéfiantes, et l'arrêté royal du 22 janvier 1998 réglementant certaines substances psychotropes, en vue d'y insérer des dispositions relatives à la réduction des risques et à l'avis thérapeutique, et modifiant l'arrêté royal du 26 octobre 1993 fixant des mesures afin d'empêcher le détournement de certaines substances pour la fabrication illicite de stupéfiants et de substances psychotropes » et avec la directive ministérielle du 16 mai 2003 « relative à la politique des poursuites en matière de détention et de vente au détail de drogues illicites » (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-1888/001 et DOC 50-1889/001, p. 10).

B.5.6. Le principe de légalité en matière pénale ne va pas jusqu'à obliger le législateur à régler lui-même chaque aspect de la poursuite, spécialement depuis la loi du 4 mars 1997, qui a introduit dans le Code judiciaire l'article 143bis déterminant la compétence du collège des procureurs généraux en matière de politique criminelle, et depuis l'adoption de l'article 151 de la Constitution, qui a consacré le « droit du ministre compétent d'ordonner des poursuites et d'arrêter des directives contraignantes de politique criminelle, y compris en matière de politique de recherche et de poursuite ». Il est cependant requis que la loi ne méconnaisse pas les exigences particulières de précision, de clarté et de prévisibilité auxquelles doivent satisfaire les lois en matière pénale. En l'espèce, cette exigence s'impose d'autant plus que la disposition entreprise déroge à plusieurs égards aux règles générales du droit répressif, notamment pour ce qui est de la compétence du ministère public et de l'obligation de déclaration des services de police en cas de constatation d'infractions.

B.6.1. La critique des parties requérantes est dirigée en premier lieu contre le fait que la décision de ne pas poursuivre en cas de détention de cannabis par un majeur implique qu'il s'agisse de la détention d'une « quantité à des fins d'usage personnel ».

B.6.2. Le législateur a estimé qu'il n'y avait pas lieu de fixer exactement dans la loi combien de grammes de cannabis l'on pouvait détenir (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-1888/004, pp. 237, 301 et 316; Doc. parl., Sénat, n° 2-1475/3, p. 17). La directive ministérielle du 16 mai 2003 dispose que, par quantité relevant de l'usage personnel, l'on entend « la détention d'une quantité de cannabis qui peut être consommée en une seule fois ou, au maximum, en 24 heures » et ajoute : « Compte tenu des multiples variétés de produits et des variantes importantes de concentration de THC dans le cannabis, le Gouvernement a choisi de ne pas fixer de limite définie en fonction d'un poids maximum. A défaut d'indices de vente ou de trafic, la détention d'une quantité de cannabis ne dépassant pas le seuil de 3 (trois) grammes doit être considérée comme relevant de l'usage personnel ».

Toujours selon la directive, les termes « détention de cannabis » portent tant sur la détention effective que sur la culture de plants femelles de cannabis. Par culture de plants de cannabis pour l'usage personnel, l'on entend « la détention d'une quantité de plants femelles de cannabis qui ne peut mener à une production qui dépasse les nécessités d'une consommation personnelle, soit au maximum une plante (et donc pas une graine, une plante en culture et une récoltée) ».

B.6.3. Lorsque la loi dispose que la détention d'une quantité de cannabis à des fins d'usage personnel, malgré son caractère punissable, n'est, sous certaines conditions, pas dénoncée au parquet, mais uniquement enregistrée par la police, il s'impose que cette quantité soit clairement déterminée. Ce n'est qu'ainsi que les policiers peuvent disposer d'un critère objectif pour déterminer s'ils doivent ou non dresser procès-verbal.

B.6.4. Bien qu'il soit admissible en soi que le soin de déterminer cette quantité soit laissé au pouvoir exécutif, la mission que le législateur lui confie à cette fin doit imposer de façon univoque de déterminer une quantité clairement définie.

En tant que la disposition entreprise ne satisfait pas à ces exigences et permet, ainsi qu'il ressort de la directive du 16 mai 2003, que la détention d'une quantité de cannabis à des fins d'usage personnel soit notamment déterminée sur la base d'éléments subjectifs, celle-ci n'a pas un contenu normatif suffisamment précis pour être conforme au principe de légalité en matière pénale.

B.7.1. La critique des parties requérantes relative au caractère vague de la disposition entreprise porte également sur le fait qu'il n'est pas dressé procès-verbal, mais procédé à un enregistrement policier anonyme lorsque la détention de cannabis par un majeur n'est pas accompagnée d'un « usage problématique ».

B.7.2. Selon le texte néerlandais de la disposition entreprise, par « usage problématique », l'on entend « gebruik dat gepaard gaat met een graad van verslaving die de gebruiker niet langer de mogelijkheid biedt zijn gebruik te controleren en dat zich uit door psychische en lichamelijke symptomen ». Le texte français mentionne « un usage qui s'accompagne d'un degré de dépendance qui ne permet plus à l'utilisateur de contrôler son usage, et qui s'exprime par des symptômes psychiques ou physiques ».

Etant donné que la version néerlandaise exige des « psychische en lichamelijke symptomen » et que la version française exige des « symptômes psychiques ou physiques », cette disposition est ambiguë.

B.7.3. Il ressort de la formulation de la disposition entreprise que le comportement problématique n'est pas mesuré en fonction de l'influence que l'intéressé a sur son entourage, mais qu'il est uniquement fait référence à son état personnel. Elle exige dès lors que les policiers apprécient la situation psychologique, médicale et sociale du consommateur de cannabis, afin de décider s'ils doivent ou non dresser procès-verbal et s'il pourra par conséquent être poursuivi ou non. Le pouvoir d'interprétation qui est ainsi laissé aux verbalisants, est une source d'insécurité juridique et n'est pas conforme au principe de légalité en matière pénale.

B.8.1. Enfin, les parties requérantes critiquent aussi le fait que la détention d'une quantité de cannabis à des fins d'usage personnel par un majeur est tolérée pour autant qu'elle ne s'accompagne pas de « nuisances publiques ».

B.8.2. Selon la disposition entreprise, par « nuisances publiques », l'on entend : « les nuisances publiques visées à l'article 135, § 2, 7°, de la Nouvelle loi communale. Conformément à l'article 3.5.g de la Convention [des Nations unies du 20 décembre] 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, est considéré comme une nuisance publique, la détention de cannabis dans une institution pénitentiaire, dans un établissement scolaire ou dans les locaux d'un service social, ainsi que dans leur voisinage immédiat ou dans d'autres lieux fréquentés par des mineurs d'âge à des fins scolaires, sportives ou sociales ».

B.8.3. La disposition entreprise définit la notion de nuisances publiques par référence à deux normes différentes. Quant à la référence à l'article 135, § 2, 7°, de la Nouvelle loi communale, il convient d'observer que cette disposition prévoit que sera confiée « à la vigilance et à l'autorité des communes : [...] la prise des mesures nécessaires, y compris les ordonnances de police, afin de combattre toute forme de dérangement public » et ne définit donc pas cette notion.

La thèse du Conseil des Ministres selon laquelle la référence à la Nouvelle loi communale ne doit pas être lue isolément, mais en combinaison avec la référence à la Convention des Nations unies du 20 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ne peut être suivie. Dans cette hypothèse, la référence à la Nouvelle loi communale n'ajouterait rien à la disposition entreprise, ce qui peut difficilement être compris comme ayant été l'intention du législateur.

B.8.4. Pour ce qui est de la référence à la Convention des Nations unies du 20 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, il convient d'observer que la loi donne à tort l'impression que la Convention définirait la notion de « nuisances publiques » comme cette définition figure actuellement à l'article 11, § 3, de la loi du 24 février 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/02/1921 pub. 17/12/2004 numac 2004000617 source service public federal interieur Loi concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques. - Traduction allemande fermer, modifié par la disposition entreprise. Tel n'est cependant pas le cas, dès lors que la Convention des Nations unies du 20 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes invite les parties à la Convention, à l'article 3.5.g, à veiller à ce que les instances judiciaires et d'autres autorités compétentes puissent tenir compte de certaines circonstances aggravantes en cas de détention de drogues dans un but de lucre. La notion de « nuisances publiques » n'apparaît donc pas dans la Convention.

B.8.5. La définition de « nuisances publiques » dans la loi fait en premier lieu référence à la détention de cannabis dans certains bâtiments ou dans leur voisinage immédiat. A cet égard, il est difficile de concevoir ce qu'il y a lieu d'entendre par « les locaux d'un service social » ou par « voisinage immédiat ».

En outre, la détention de cannabis est censée causer des nuisances publiques dans les « lieux fréquentés par des mineurs d'âge à des fins scolaires, sportives ou sociales ». Cette définition de nuisances publiques est tellement large qu'il convient de dresser procès-verbal pour toute consommation de cannabis par un majeur, à un endroit qui est accessible aux mineurs. Bien que cette interprétation ait été défendue par le Ministre de la Justice et soit également celle de la directive du 16 mai 2003, elle a été contredite par le Ministre de la Santé publique, selon lequel la présence de mineurs n'implique pas en soi des nuisances (Doc. parl., Sénat, 2002-2003, n° 2-1475/3, pp. 31 et 32).

B.8.6. Il résulte de ce qui précède que la notion de « nuisances publiques », de par son caractère ambigu, ne satisfait pas aux exigences du principe de légalité en matière pénale.

B.9. Dès lors qu'il apparaît que plusieurs notions utilisées dans la disposition entreprise sont à ce point vagues et imprécises qu'il est impossible d'en déterminer la portée exacte,cette disposition ne satisfait pas aux exigences du principe de légalité en matière pénale, et il convient de l'annuler.

B.10. Les autres moyens ne pouvant conduire à une annulation plus ample, il n'y a pas lieu de les examiner.

B.11. Afin d'éviter de priver d'un moyen de défense les personnes qui auraient fait l'objet d'un procès-verbal dénoncé au parquet en violation de la disposition annulée, les effets de celle-ci doivent, en application de l'article 8, alinéa 2, de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage, être maintenus jusqu'à la date de la publication du présent arrêt au Moniteur belge .

Par ces motifs, la Cour - annule l'article 16 de la loi du 3 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/2003 pub. 02/06/2003 numac 2003009468 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques type loi prom. 03/05/2003 pub. 02/06/2003 numac 2003009444 source service public federal justice Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire fermer modifiant la loi du 24 février 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/02/1921 pub. 17/12/2004 numac 2004000617 source service public federal interieur Loi concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques. - Traduction allemande fermer concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques; - maintient les effets de la disposition annulée jusqu'à la date de la publication du présent arrêt au Moniteur belge .

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 20 octobre 2004.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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