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Décision Du Conseil De La Concurrence
publié le 24 février 2005

Conseil de la Concurrence Décision n° 2004 - V/M - 64 du 22 décembre 2004 Affaire CONC - V/M - 02/0060 : Codenet, Colt Telecom, Versatel et WorldCom c/ Belgacom Vu l'article 35 de la loi sur la protection de la concurrence économique (en abrégé LPCE) coordonné(...)

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SERVICE PUBLIC FEDERAL ECONOMIE, P.M.E., CLASSES MOYENNES ET ENERGIE


Conseil de la Concurrence Décision n° 2004 - V/M - 64 du 22 décembre 2004 Affaire CONC - V/M - 02/0060 : Codenet, Colt Telecom, Versatel et WorldCom c/ Belgacom Vu l'article 35 de la loi sur la protection de la concurrence économique (en abrégé LPCE) coordonnée par arrêté royal du 1er juillet 1999;

Vu la demande de mesures provisoires déposée le 20 septembre 2002 par les sociétés anonymes Codenet (actuellement Telenet Solutions), Colt Telecom, Versatel et WorldCom contre la S.A. Belgacom, portant la référence CONC - V/M - 02/0060; 1. Procédure Vu le dossier d'instruction, le rapport motivé du Corps des rapporteurs daté du 26 novembre 2002 ainsi que les mémoires et pièces déposés par la S.A. Belgacom et les plaignantes;

Vu la décision n° 2003-V/M-43 du 15 mai 2003 prise dans le cadre de la présente affaire;

Vu le rapport complémentaire déposé par le Corps des rapporteurs en date du 24 octobre 2003, le mémoire d'observations daté du 23 janvier 2004 déposé par les plaignantes et les observations complémentaires du 23 février 2004 de la S.A. Belgacom;

Vu les nouvelles observations, pièces complémentaires et notes d'audience déposées par la partie incriminée, les plaignantes et le Corps des rapporteurs en juin et juillet 2004;

Vu les décisions sur la confidentialité des pièces du dossier;

Entendu à l'audience du 9 juin 2004 : - Maîtres A. Vandencasteele, A. Verheyden, V. Dehin et S. Champagne, avocats au Barreau de Bruxelles, J. Degraeuwe (Colt Telecom) et C. Van Ooteghem (Worldcom) pour les plaignantes; - Maîtres D. Van Liedekerke et R. Robert, avocats au Barreau de Bruxelles et I. Makedonsky et A. De Vylder pour Belgacom; - M. P. Marchand, rapporteur, représentant le Corps des rapporteurs assisté de MM. A. Godfurnon et C. Capierri du Service de la concurrence; - MM. V. Hanchir et T. Nuyens de l'IBPT. Entendu à l'audience du 5 juillet 2004 : - Maîtres A. Verheyden, A. Vandencasteele et S. Champagne, avocats au Barreau de Bruxelles pour les plaignantes; - Maîtres D. Van Liedekerke et R. Robert, avocats au Barreau de Bruxelles et M. I. Makedonsky pour Belgacom; - M. P. Marchand, rapporteur, représentant le Corps des rapporteurs assisté de MM. A. Godfurnon et C. Capierri du Service de la concurrence. 2. Rétroactes : Bref rappel des faits visés dans la plainte et dans la demande de mesures provisoires initiale Le 6 septembre 2002, Codenet S.A. (actuellement dénommée Telenet Solutions), Colt Telecom S.A., Versatel S.A. et WorldCom S.A. ont déposé une plainte contre la S.A. Belgacom pour abus de position dominante.

Les plaignantes reprochent à Belgacom par le biais des tarifs de l'offre Benefit Excellence : a) d'abuser de sa position dominante sur les marchés des réseaux de télécommunications fixes et des services de téléphonie vocale nationale aux entreprises en menant une pratique d'amenuisement des marges bénéficiaires des opérateurs alternatifs;b) d'utiliser sa position dominante sur le marché des réseaux pour évincer les opérateurs alternatifs du marché des services de téléphonie vocale fixe aux entreprises;c) d'appliquer des rabais quantitatifs fidélisateurs prohibés. Les plaignantes ont en outre déposé le 20 septembre 2002 une demande de mesures provisoires en application de l'article 35 LPCE, fondée sur les mêmes griefs et visant à suspendre la commercialisation de l'offre Benefit Excellence, jusqu'à ce qu'une décision au fond soit prise par le Conseil de la concurrence.

Une instruction des faits a été menée par le Service de la concurrence sous la direction du Corps des rapporteurs et un premier rapport motivé a été déposé par le Corps des rapporteurs le 26 novembre 2002 dans le cadre de cette procédure de mesures provisoires.

Une décision portant sur la confidentialité des éléments du dossier a été prise le 20 février 2003.

Tant les plaignantes que Belgacom ont déposé des observations écrites et de très nombreuses pièces.

Une décision n° 2003/V/M-43 a été rendue le 15 mai 2003 par le président du Conseil de la concurrence, décrivant les parties concernées, résumant les faits de la cause et l'objet des mesures provisoires, déclarant la demande de mesures provisoires recevable et, avant de dire droit sur le fond de l'affaire, renvoyant l'affaire au Corps des rapporteurs pour un complément d'instruction notamment sur les marchés concernés et la position de Belgacom sur ces marchés. Une actualisation du rapport compte tenu des offres Brio 2003 y était également demandée.

Un rapport complémentaire a été déposé par le Corps des rapporteurs le 24 octobre 2003.

Les plaignantes ont déposé un mémoire d'observations en réponse à ce rapport complémentaire le 23 janvier 2004 et la société Belgacom a fait connaître le 23 février 2004 ses observations sur ces nouvelles pièces.

Un changement de siège est intervenu en 2004, en raison de la démission du président du Conseil de la concurrence en charge de cette procédure, accordée par arrêté royal du 30 janvier 2004 (publié au Moniteur du 6 février 2004).

L'affaire a été refixée le 9 juin 2004 (pour être reprise ab initio conformément au prescrit des articles 779 du code judiciaire et 8 du règlement d'ordre intérieur du Conseil de la concurrence, tout en tenant compte de ce qui avait été décidé par la décision n° 200-V/M-43 du 15 mai 2003) et mise en continuation le 5 juillet 2004.

Des nouvelles observations, pièces complémentaires, mémoires de synthèse et notes d'audience ont encore été déposées par la partie incriminée, les plaignantes et le Corps des rapporteurs en juin et en juillet 2004.

Par courrier daté du 6 août 2004, le conseil de Belgacom a encore communiqué au président du Conseil de la concurrence, et en copie au Corps des rapporteurs et aux conseils des plaignantes, une copie du document de dépôt pour expédition du courrier adressé aux clients Benefit Excellence de Belgacom par lequel une modification du texte des conditions générales de l'offre Excellence leur a été signalée. 3. Modification de la situation de fait en cours de procédure et de l'objet de la demande de mesures provisoires La situation de fait a sensiblement évolué depuis le dépôt de la demande de mesures provisoires et même depuis le dépôt du rapport complémentaire du 24 octobre 2003 du Corps des rapporteurs. Comme le fait remarquer Belgacom dans ses observations communiquées le 23 février 2004, une nouvelle offre de référence (connue sous le nom de Brio 2004) est entrée en vigueur le 1er janvier 2004 pour ses services d'interconnexion. Une réduction supplémentaire des tarifs de l'offre Brio 2004 est encore intervenue le 1er juin 2004.

Dans ses observations complémentaires du 4 juin 204 et dans sa note du 22 juin 2004, le Corps des rapporteurs précise que « dans la mesure où le Président du Conseil de la concurrence doit tenir compte de la situation de fait existante au moment de sa décision et dès lors qu'une partie du raisonnement développé par le Corps des rapporteurs et le Service de la concurrence dans le rapport motivé du 26 novembre 2002 et dans le rapport complémentaire du 24 octobre 2003 se réfère aux conditions financières prévues par l'offre de référence d'interconnexion de Belgacom (le « BRIO »), il y a lieu de prendre en considération la dernière évolution de cette offre.

A cet égard, ainsi que le soulignent tant Belgacom que les plaignantes dans leurs observations complémentaires déposées en 2004, l'offre BRIO 2004 (applicable dès janvier 2004) implique des réductions de plusieurs tarifs d'interconnexion « collecting » et « terminating » de Belgacom et modifie ainsi les simulations proposées dans le rapport complémentaire du Corps des rapporteurs daté du 24 octobre 2003, basées sur les données de l'offre BRIO 2003. En outre, il y a également lieu de prendre en considération, la réduction supplémentaire des tarifs du BRIO 2004 qui est intervenue au 1er juin 2004 ».

Dans ses observations complémentaires du 4 juin 2004 et dans sa note du 22 juin 2004, le Corps des rapporteurs précise également que « les marges théoriques dégagées suite à l'application du nouveau tarif BRIO deviennent quasi toutes positives en 2004. Sur la seule base des dernières informations disponibles dans le dossier d'instruction (qui sont relatives à 2003) et compte tenu de la méthodologie adoptée par le Service et le Corps en vue de déterminer ces marges et l'existence prima facie d'un effet ciseaux, il ne paraît plus raisonnable de soutenir l'existence d'un préjudice grave dans le chef des plaignants ou à l'égard de l'intérêt général.

Le Corps des rapporteurs estime en conséquence devoir modifier ses conclusions pour ce qui concerne l'aspect « effet ciseaux » de la demande de mesures provisoires dès lors que les éléments d'informations dont il dispose à l'heure actuelle ne permettent plus d'établir à suffisance la gravité du préjudice en question. Le Corps des rapporteurs signale à cet égard qu'il ne lui paraît pas opportun de demander au Président du Conseil un nouveau renvoi pour compléter l'instruction sur ce point, les éléments d'informations à rechercher dans ce cadre (liés notamment à des coûts de fonctionnement propres à Belgacom) sortant a priori du cadre de ce qui peut être demandé dans l'optique d'une analyse prima facie inhérente à une procédure en mesures provisoires. En outre, il est indiqué que l'instruction au fond a été initialisée et qu'elle devrait aboutir avant la fin de l'année en cours.

Les conclusions du Corps des rapporteurs sont toutefois maintenues pour ce qui concerne les définitions de marché initialement retenues, notamment pour ce qui a trait au marché de détail de la fourniture de services de téléphonie vocale fixe nationale aux entreprises, et pour ce qui concerne la position dominante de Belgacom sur ces marchés. De même, le Corps des rapporteurs estime que le système de rabais sur volume tel qu'appliqué dans le cadre de l'offre BE - qui n'est pas influencé par les modifications successives des offres BRIO - constitue bien prima facie une pratique constituant une infraction à l'article 3 de la loi qui nuit à l'intérêt général et dont la gravité justifie qu'il soit urgent d'y mettre fin par le biais de mesures provisoires.

Compte tenu de ce qui précède, le Corps des rapporteurs propose au Président du Conseil de la concurrence: - de déclarer la demande de mesures provisoires recevable; -de déclarer la demande de mesures provisoires fondée pour ce qui concerne l'application par Belgacom d'un rabais sur volume non justifié économiquement dans le cadre de l'offre « Benefit Excellence »; - d'interdire à Belgacom, dès la notification de la décision à intervenir, l'application d'un tel rabais sur volume dans le cadre de l'offre « Benefit Excellence » ou de toute autre offre ou contrat ayant un effet équivalent sous peine d'une astreinte de 6200 euro par infraction; - d'interdire à Belgacom, dès la notification de la décision à intervenir, toutes références à un rabais sur volume identique ou similaire à celui appliqué dans l'offre « Benefit Excellence », que ce soit via son site Internet ou via tout autre document, sous peine d'une astreinte de 6200 euro par infraction; - d'ordonner à Belgacom la notification de la décision à l'ensemble des clients ayant souscrit aux offres dont question et ce dans les cinq jours ouvrables suivant la notification de la décision sous peine d'une astreinte de 6 200 euro par jour de retard; - d'ordonner à Belgacom de publier le dispositif de la décision sur son site Internet et dans toute revue périodique habituellement destinée à l'information de sa clientèle. » Suite au dépôt de ces observations complémentaires du Corps des rapporteurs considérant que les conditions requises pour la prise de mesures provisoires ne sont plus remplies pour ce qui a trait à l'aspect « ciseaux » de la demande de mesures provisoires, les conseils des plaignantes ont par courrier du 8 juin 2004 reconnu que pour des raisons d'économie de procédure, il n'était plus souhaitable de poursuivre le débat sur cette question et qu'elles ne fondent plus leur demandes de mesures provisoires sur le pied de l'argument de l'effet « ciseaux ». Par contre, elles maintiennent l'intégralité de leur demande sur la base de l'argument tiré de l'existence de rabais quantitatifs fidélisateurs. 4. Examen de la recevabilité de la demande et des conditions d'octroi de mesures provisoires Pour que des mesures provisoires au sens de l'article 35 de la loi sur la protection de la concurrence économique puissent être prises par le président du Conseil de la concurrence, il faut que plusieurs conditions soient cumulativement remplies.La décision n° 2003-V/M-43 du 15 mai 2003 a déjà considéré que certaines conditions étaient remplies.

Cette décision a ainsi déjà constaté que : - Le Conseil de la concurrence a enregistré le 6 septembre 2002 sous la référence CONC-P/K-02/0057 une plainte émanant de plusieurs opérateurs alternatifs à l'encontre de Belgacom sur base d'une violation de l'article 3 de la LPCE; - Belgacom est une entreprise au sens de l'article 1er a) de la LPCE, ce qui n'est en outre nullement contesté; - Les pratiques dénoncées par les plaignantes sont susceptibles de violer l'article 3 de cette loi et donc d'entrer dans le champ d'application de la loi; - Les plaignantes justifient d'un intérêt direct et actuel.

Par décision n° 2003-V/M-43 du 15 mai 2003, la demande de mesures provisoires introduite le 20 septembre 2002 par Codenet (actuellement Telenet Solutions), Colt Telecom, Versatel et WorldCom contre Belgacom portant la référence CONC-V/M-02/0060) a été déclarée recevable.

Les plaignantes sollicitent par ailleurs pour la première fois dans leur mémoire de synthèse du 24 juin 2004, d'interdire à Belgacom l'application d'un rabais sur volume dans le cadre de l'offre Excellence ou de toute autre offre ou contrat ayant un effet équivalent, et plus particulièrement les offres Benefit Premium, Executive, Privilege, Preference et Exclusive, eu égard au fait que ce type de réduction est commun à l'offre Excellence de Belgacom.

Force est de constater que la plainte initiale du 6 septembre 2002 concerne « exclusivement » (selon le terme utilisé par les plaignantes) l'offre Excellence mise sur le marché par Belgacom. (plainte du 6 septembre 2002 page 43 n° 124-125). Aucune autre plainte complémentaire n'a été déposée.

Ces autres offres n'ont par ailleurs pas fait l'objet d'une instruction approfondie par le Service de la concurrence.

Cette demande complémentaire doit par conséquent être déclarée irrecevable.

Il convient dès lors d'examiner si sur la base des éléments actuellement disponibles à ce stade de l'instruction et compte tenu des nouveaux développements de cette procédure, les autres conditions requises pour que des mesures provisoires puissent être prises, sont remplies, en l'espèce : - L'existence prima facie d'une infraction à la LPCE; - L'existence d'une situation susceptible de provoquer un préjudice grave, imminent et irréparable dans le chef des plaignantes ou de nuire à l'intérêt économique général, qu'il est urgent d'éviter. 5. Griefs dénoncés par les plaignantes et retenus par le Corps des rapporteurs a) Griefs énoncés par les plaignantes à l'encontre de Belgacom dans leur plainte initiale Les plaignants estimaient dans leur plainte du 6 septembre 2002 (page 35 n° 85) et par renvoi, dans leur demande de mesures provisoires déposée le 20 septembre 2002 (page 3 n° 3) que par le biais des tarifs de l'offre Excellence : 1.Belgacom abuse de sa position dominante sur les marchés des réseaux de télécommunications fixes et des services de téléphonie vocale nationaux aux entreprises en menant une pratique d'amenuisement des marges bénéficiaires des opérateurs alternatifs; 2. Belgacom utilise sa position dominante sur le marché des réseaux pour évincer les opérateurs alternatifs du marché des services de téléphonie vocale fixe aux entreprises;3. Belgacom applique des rabais quantitatifs fidélisateurs.Selon les plaignantes, le rabais proposé par les tarifs Excellence a par conséquent un objectif anticoncurrentiel clair, qui renforce l'effet d'éviction des concurrents ces pratiques abusives. (plainte du 6 septembre 2002 p. 43 n° 122). b) Griefs retenus par le Corps des rapporteurs à l'encontre de Belgacom 1.dans son rapport motivé du 26 novembre 2002 Après avoir proposé de retenir comme marché des produits relevant, le marché des réseaux de télécommunications fixes, d'une part et le marché de la fourniture de services de téléphonie vocale fixe nationale aux entreprises, d'autre part, et après avoir constaté que sur la base de l'analyse concurrentielle réalisée et pour autant que ces définitions de marchés soient retenues par le président du Conseil de la concurrence dans le cadre de la procédure de mesures provisoires, le Corps des rapporteurs relève que Belgacom dispose sur ces marchés d'une position dominante. Il considère notamment, après avoir analysé différents profils d'appels en 2002 et les marges pouvant être réalisées par les plaignantes si elles devaient s'aligner sur les tarifs de l'offre BE de Belgacom, que « selon toutes probabilités, Belgacom pratique une politique tarifaire par le biais de l'offre BE (Benefit Excellence) ... ayant comme conséquence un amenuisement des marges bénéficiaires, pratique contraire à l'article 3 de la loi ». Il en résulte selon le Corps des rapporteurs que, prima facie, Belgacom abuse de sa position dominante sur le marché des réseaux de télécommunicationsfixes et sur le marché des services de téléphonie vocale nationale aux entreprises.

Compte tenu de l'évolution de faits (et spécialement de l'introduction de l'offre Brio 2004 le 1er janvier 2004) et des conséquences qui en ont résultées, il n'est plus utile d'approfondir ces griefs liés à l'amenuisement des marges.

Le Corps des rapporteurs précise également dans son rapport motivé qu'à cette pratique d'amenuisement des marges bénéficiaires des opérateurs alternatifs, s'ajoute le fait que Belgacom octroie des rabais de fidélité sur ces tarifs déjà extrêmement bas... (rapport motivé du 26 novembre 2002 p. 35). L'offre BE prévoit en effet une « ristourne sur le volume »...

Ces ristournes sur volumes de l'offre Benefit Excellence constituent selon le Corps des rapporteurs, un rabais de fidélité qui viole prima facie l'article 3 LPCE, indépendamment des tarifs de cette offre BE. 2. dans son rapport motivé du 24 octobre 2003 Dans son rapport complémentaire du 24 octobre 2003, le Corps des rapporteurs, après nouvel examen, maintient sa proposition de définition des marchés relevants de produits développée dans son premier rapport motivé, soit le marché des services de téléphonie vocale fixe nationale aux entreprises, d'une part et le marché des réseaux de télécommunications fixes, d'autre part. De même, le Corps des rapporteurs maintient ses conclusions selon lesquelles Belgacom détient une position dominante sur ces marchés.

Les nouvelles simulations effectuées par le Service de la concurrence n'ont en effet pas remis en cause de manière fondamentale les conclusions tirées dans le premier rapport de mesures provisoires. La contribution de l'IBPT vient en outre conforter l'analyse effectuée par le Service et reprise par le Corps des Rapporteurs. L'autorité de régulation confirme sur la base d'une méthodologie similaire à celle retenue dans le rapport à l'existence de « price squeeze » dans le cadre de l'offre BE. Le Corps des rapporteurs formule en outre dans son rapport complémentaire du 24 octobre 2003 certaines remarques : - Il précise en premier lieu qu'il y a lieu de constater qu'aucun des plaignants ne risque à bref délai de disparaître du marché suite au comportement incriminé dans le chef de Belgacom. Le caractère urgent de la demande dans leur chef pourrait dès lors être remis en question; - En second lieu, il semble peu probable qu'à court terme un concurrent envisage de pénétrer le marché belge concerné. 3. dans ses observations complémentaires du 4 juin 2004 Le Corps des rapporteurs relate dans ses observations complémentaires du 4 juin 2004, que comme le soulignent tant Belgacom que les plaignantes dans leurs observations complémentaires déposées début 2004, la situation a fortement évolué en raison de l'introduction de l'offre Brio 2004 (applicable dès janvier 2004) impliquant des réductions de plusieurs tarifs d'interconnexion « collecting » et « terminating » de Belgacom.Une réduction supplémentaire des tarifs du BRIO 2004 est encore intervenue au 1er juin 2004.

Les simulations proposées dans le rapport complémentaire du 24 octobre 2003, basées sur les données du BRIO 2003 ne sont ainsi plus pertinentes. Les marges théoriques dégagées suite à l'application du nouveau tarif BRIO deviennent quasi toutes positives en 2004. Sur la seule base des dernières informations disponibles dans le dossier d'instruction (qui sont relatives à 2003) et compte tenu de la méthodologie adoptée par le Service et le Corps en vue de déterminer ces marges et l'existence prima facie d'un effet ciseaux, il ne paraît plus raisonnable de soutenir l'existence d'un préjudice grave dans le chef des plaignants ou à l'égard de l'intérêt général.

Le Corps des rapporteurs estime en conséquence devoir modifier ses conclusions en ce qui concerne l'aspect « effet ciseaux » de la demande de mesures provisoires dès lors que les éléments d'informations dont il dispose à l'heure actuelle ne permettent plus d'établir à suffisance la gravité du préjudice en question.

Le Corps des rapporteurs précise en outre dans son rapport du 4 juin 2004 que l'instruction au fond devrait aboutir avant la fin de l'année en cours.

Le Corps des rapporteurs considère néanmoins dans ses observations complémentaires devoir maintenir ses conclusions en ce qui concerne les définitions de marché initialement retenues, notamment pour ce qui a trait au marché de détail de la fourniture de services de téléphonie vocale fixe nationale aux entreprises, et pour ce qui concerne la position dominante de Belgacom sur ces marchés. De même, le Corps des rapporteurs estime que le système de rabais sur volume tel qu'appliqué dans le cadre de l'offre BE - qui n'est pas influencé par les modifications successives des offres BRIO - constitue bien prima facie une pratique constituant une infraction à l'article 3 de la loi qui nuit à l'intérêt général et dont la gravité justifie qu'il soit urgent d'y mettre fin par le biais de mesures provisoires. 4. dans ses développements présentés lors de l'audience du 9 juin 2004 et repris dans sa note du 22 juin 2004 A l'audience du 9 juin 2004 et dans sa note du 22 juin 2004, le Corps des rapporteurs a réitéré ses conclusions selon lesquelles, compte tenu de l'introduction de nouvelles tarifications pour la détermination des coûts d'interconnexion, (Brio 2004) et d'une réduction supplémentaire des tarifs du Brio 2004 intervenue le 1er juin 2004, il y a lieu de considérer que l'aspect « effet ciseaux » de la demande de mesures provisoires n'est actuellement plus établi et que partant, les éléments d'informations dont il dispose à l'heure actuelle ne permettent plus d'établir à suffisance, la gravité du préjudice en question. Le Corps des rapporteurs a également à juste titre rappelé que dans le cadre d'une procédure de demande de mesures provisoires, le président du Conseil de la concurrence doit tenir compte de la situation de fait existante au moment de sa décision. c.) Grief lié à l'existence de rabais quantitatifs, seul à prendre en considération et conséquence Les plaignantes ont également fait savoir par lettre datée du 8 juin 2004 adressée au président du Conseil de la concurrence que, pour des raisons d'économie de procédure, il n'était pas souhaitable de poursuivre le débat sur la question de l'aspect « ciseaux » de la demande de mesure provisoire introduite par elles et qu'elles ne fondaient plus leur demande de mesures provisoires sur le pied de l'argument d'effets « ciseaux » tout en maintenant l'intégralité de leur demande sur la base de l'argument tiré de l'existence de rabais quantitatifs fidélisateurs.

Dans la mesure où le premier marché identifié n'est pas concerné par la problématique de l'application de rabais quantitatifs, la discussion sur sa pertinence -contestée au demeurant par Belgacom- ne doit plus être abordée à ce stade de la procédure. 6. Discussion A.Remarques liminaires La demande en matière de mesures provisoires est ainsi désormais exclusivement fondée et circonscrite à l'application de rabais quantitatifs accordés par Belgacom dans le cadre de l'offre Benefit Excellence.

Seul le marché (tel que retenu et proposé par le Corps des rapporteurs) relatif à la fourniture de services de téléphonie vocale fixe nationale aux entreprises est concerné par ce grief.

Cette définition de marché est toutefois discutée par Belgacom qui conteste également être en position dominante sur ce marché ainsi défini et en abuser.

La définition du marché des produits relevant et du marché géographique est déterminante pour vérifier si une entreprise est en position dominante, en abuse et s'il y a lieu de prononcer, dans la mesure où les conditions prescrites à l'article 35 LPCE sont réunies, des mesures provisoires destinées à suspendre les pratiques restrictives de concurrence faisant l'objet de l'instruction.

Dans la mesure où les conditions prescrites par l'article 35 LPCE doivent être cumulativement réunies, des mesures provisoires ne pourront être prononcées dès qu'au-moins une condition n'est pas remplie. Dans ce cas, il n'est pas utile d'examiner si les autres conditions sont remplies. En outre, ni l'article 35 LPCE, ni aucune autre disposition ne prescrit un ordre précis pour l'examen de ces conditions.

B. Quant au préjudice grave, imminent et irréparable aux plaignantes ou à l'intérêt économique général et à l'urgence de prendre des mesures destinées à suspendre les pratiques restrictives dénoncées, en l'espèce, les rabais quantitatifs appliqués par Belgacom.

A ce stade de la procédure de demande de mesures provisoires et compte tenu des modifications des éléments de fait et notamment de l'introduction de l'offre Brio 2004 le 1er janvier 2004 et de la réduction tarifaire du 1er juin 2004 dont il y a lieu de tenir compte, il convient d'examiner si les remises sur volume accordées par Belgacom dans le cadre de l'offre Benefit Excellence peuvent être considérées comme des pratiques restrictives pouvant générer un préjudice grave, imminent et irréparable aux plaignantes ou à l'intérêt économique général économique.

Force est de constater que Belgacom a procédé dès 1997 à une notification à la Commission européenne de son régime de ristournes existant à l'époque afin de s'assurer de la compatibilité de ce régime de ristournes avec les règles de la concurrence et afin d'obtenir une attestation négative. Une copie de cette notification a été jointe au dossier lors de l'audience du 10 avril 2003. Cette notification a été publiée au Journal Officiel des Communautés européennes le 9 avril 1997 (J.O. 97/ C 110/03) invitant toutes personnes intéressées à soumettre leurs observations à la Commission européenne.

Il n'est pas nécessaire dans le cadre de la présente procédure prévue par l'article 35 LPCE de se prononcer sur le caractère économiquement justifié et licite ou non du système des ristournes sur volume allouées par Belgacom dans le cadre de son offre Benefit Excellence dès lors que l'octroi de ces remises ne semble pas générer, sur base des éléments du dossier et de la situation actuelle, un préjudice grave, imminent et irréparable aux plaignantes, ni à l'intérêt économique général.

En effet, le Corps des rapporteurs indiquait dans son rapport motivé du 26 novembre 2002 (page 43) pour justifier la nécessité de prononcer des mesures provisoires que « la preuve du préjudice imminent, grave et irréparable subi se déduit de l'importance des marges négatives qu'impose Belgacom aux plaignantes ».

Compte tenu de l'introduction du tarif Brio 2004 le 1er janvier 2004 et de la réduction complémentaire intervenue le 1er juin 2004, le Corps des rapporteurs précisait dans ses observations complémentaires du 4 juin 2004 et dans sa note du 22 juin 2004, que « les marges théoriques dégagées suite à l'application du nouveau tarif BRIO sont quasi toutes positives en 2004 ... il ne paraît plus raisonnable de soutenir l'existence d'un préjudice grave dans le chef des plaignants ou à l'égard de l'intérêt général. » Le Corps des rapporteurs a également expressément constaté et mentionné en conclusion dans son rapport complémentaire déposé en octobre 2003, (alors que les autres griefs liés à l'amenuisement des marges bénéficiaires des opérateurs alternatifs: effets « ciseaux », prix prédateurs étaient encore retenus) qu'« il y a lieu de constater qu'aucun des plaignants ne risque à bref délai de disparaître du marché suite au comportement incriminé dans le chef de Belgacom. Le caractère urgent de la demande dans leur chef pourrait dès lors être remis en question ... ».

Lors de l'audience du 9 juin 2004, la question de l'urgence et du préjudice grave et irréparable a expressément été soulevée, sans que les plaignantes apportent d'arguments justifiant la nécessité de la prise de mesures provisoires.

Rien n'établit sur base des éléments repris au dossier et des développements intervenus lors des audiences de juin et de juillet 2004 que le seul octroi de remises litigieuses par Belgacom pourrait causer un préjudice grave et irréparable aux plaignantes et/ou à l'intérêt général économique.

En outre, le Corps des rapporteurs a expressément précisé dans ses observations du 4 juin 2004 et confirmé à l'audience du 5 juillet 2004 que l'instruction concernant la plainte au fond devrait aboutir avant la fin de l'année en cours.

Belgacom a également accepté spontanément de modifier ses conditions générales afin de combler l'absence de base contractuelle à l'application de la règle du prorata lors du calcul de la remise en cas de départ d'un client en cours d'année. Cette modification des conditions générales a été finalisée et la preuve de la communication de cette modification à la clientèle a été produite.

Dans la mesure où une condition prescrite par l'article 35 LPCE n'est pas réunie et en raison du fait que ces conditions sont cumulatives, il n'est pas requis dans le cadre de la présente procédure de mesures provisoires de trancher la question de la définition des marchés en cause et de décider à ce stade de la procédure si Belgacom est en position dominante au sens de l'article 1er LPCE. Compte tenu des éléments figurant dans le dossier de la procédure et des nouveaux éléments de fait susmentionnés, il n'y a pas lieu de prendre des mesures provisoires dans le cadre de la présente procédure.

Par ces motifs Nous, Patrick De Wolf, vice-président faisant fonction de président du Conseil de la concurrence : Constatons que par décision n° 2003-V/M-43 du 15 mai 2003, la demande de mesures provisoires introduite le 20 septembre 2002 a été déclarée recevable;

Décidons que la demande complémentaire reprise dans le mémoire de synthèse du 24 juin 2004 des plaignantes tendant à faire interdire à Belgacom l'application d'un rabais sur volume dans le cadre de toute autre offre ou contrat ayant un effet équivalent, et plus particulièrement les offres Benefit Premium, Executive, Privilege, Preference et Exclusive, est irrecevable;

Décidons qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de mesures provisoires connue sous la référence CONC - V/M - 02/0060, telle que modifiée en cours de procédure en raison de l'introduction de la nouvelle tarification d'interconnexion de Belgacom dénommée offre Brio 2004 le 1er janvier 2004 et de la réduction complémentaire intervenue le 1er juin 2004.

Ainsi statué le 22 décembre 2004.

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