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Arrêt
publié le 16 juin 2005

Extrait de l'arrêt n° 90/2005 du 11 mai 2005 Numéro du rôle : 3045 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 20, 39, 1°, et 40, § 4, de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modificati La Cour d'arbitrage, composée du président A. Arts et du juge P. Martens, faisant fonction de pr(...)

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Extrait de l'arrêt n° 90/2005 du 11 mai 2005 Numéro du rôle : 3045 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 20, 39, 1°, et 40, § 4, de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre, posée par la Cour d'appel de Gand.

La Cour d'arbitrage, composée du président A. Arts et du juge P. Martens, faisant fonction de président, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 22 juin 2004 en cause de la s.a. Drukkerij Moderna contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 1er juillet 2004, la Cour d'appel de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 39, 1°, 20 et 40, § 4, de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre, combinés avec les articles 164, b), 165 et 164bis, a), de l'arrêté royal du 4 mars 1965 d'exécution du Code des impôts sur les revenus, violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution de 1994 en ce qu'ils ont pour effet que les contribuables soumis à l'impôt des sociétés ne bénéficient, pour les investissements réalisés au cours des années civiles 1988 et 1989, que de la déduction pour investissement inférieure prévue par l'article 20 de la loi du 7 décembre 1988 parce qu'ils tiennent leur comptabilité d'une manière déterminée, qui porte en l'espèce sur la période s'étendant du 19 mai 1988 au 31 décembre 1989 qu'ils clôturent le 31 décembre 1989, alors que le même type de contribuables bénéficient pour les mêmes investissements de la déduction pour investissement supérieure prévue par l'article 42ter du C.I.R. 1964, applicable jusqu'à l'exercice d'imposition 1989 inclus, parce qu'ils tiennent leur comptabilité d'une autre manière; avec la circonstance supplémentaire, pour les investissements réalisés au cours de l'année 1988, qu'ils l'ont été avant la publication au Moniteur belge de la loi du 7 décembre 1988 ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur les articles 20, 39, 1°, et 40, § 4, de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre (Moniteur belge , 16 décembre 1988), qui énoncent : «

Art. 20.§ 1er. Les pourcentages de la déduction pour investissement visés à l'article 42ter, § 2, du Code des impôts sur les revenus, sont remplacés comme suit : a) le pourcentage de base de la déduction est égal à l'augmentation, exprimée en pour cent, de la moyenne des indices des prix à la consommation du Royaume de l'année précédant celle de l'investissement par rapport à la moyenne des indices des prix à la consommation de l'année précédente, arrondie à l'unité supérieure ou inférieure selon que la fraction atteint ou non cinquante centièmes, majorée de 3 points sans que le pourcentage ainsi obtenu puisse être inférieur à 5 p.c. ou supérieur à 12 p.c.; b) le pourcentage de base est majoré : 1° soit de 10 points lorsqu'il s'agit soit d'éléments qui tendent à promouvoir la recherche et le développement de produits nouveaux et de technologies avancées n'ayant pas d'effets sur l'environnement ou visant à minimiser les effets négatifs sur l'environnement, soit d'éléments qui tendent à une utilisation plus rationnelle de l'énergie, à l'amélioration des processus industriels au point de vue énergétique et, plus spécialement, à la récupération d'énergie dans l'industrie;2° soit de 7 points dans les cas visés à l'article 42ter, § 3, du même Code. Le Roi peut, lorsque les circonstances économiques le justifient, majorer, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le pourcentage de base de la déduction, visé à l'alinéa 1er, a). § 2. Ledit article 42ter est également applicable aux profits visés à l'article 20, 3°, du même Code. § 3. Les taux de la déduction pour investissement visés au § 1er sont, aux conditions prévues à l'article 70 de la loi de redressement du 31 juillet 1984, majorés de 5 points, en ce qui concerne les investissements des sociétés novatrices, visées à l'article 68 de ladite loi ». «

Art. 39.Le titre 1er de la présente loi est applicable : 1° en ce qui concerne les articles 1er à 5, l'article 6, § 1er, alinéas 1er et 2, et § 2 à § 7, les articles 7, 9 à 12, 13, § 1er, § 2, a, et § 3, les articles 14 à 20, 22 à 30 et 32 à 35, et 38, à partir de l'exercice d'imposition 1990; [...] ». «

Art. 40.[...] § 4. Toute modification apportée à partir du 1er janvier 1988 à la date de la clôture des comptes annuels est sans effet pour l'application du chapitre II du titre Ier de la présente loi ».

B.2. La juridiction a quo demande à la Cour si ces dispositions, lues en combinaison avec les articles 164, b), 164bis, a), et 165 de l'arrêté royal du 4 mars 1965 d'exécution du Code des impôts sur les revenus (1964), violent les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'elles ont pour effet que le montant de la déduction pour investissement se rapportant aux investissements réalisés au cours des années civiles 1988 et 1989 diffère selon le mode de comptabilité, avec la circonstance particulière, pour les investissements réalisés au cours de l'année 1988, qu'ils ont été effectués avant la publication de la loi du 7 décembre 1988 au Moniteur belge .

Les dispositions litigieuses doivent être lues en combinaison avec les dispositions de l'arrêté royal précité du 4 mars 1965, qui déterminent la période imposable pour, entre autres, l'impôt des sociétés, et qui énoncent : «

Art. 164.La période imposable coïncide avec l'année précédant celle dont le millésime désigne l'exercice d'imposition, pour l'application : [...] b) de l'impôt des sociétés ou de l'impôt des non-résidents établi conformément à l'article 148 du même Code à charge de contribuables visés à l'article 139, 2°, du même Code, lorsque les intéressés ne tiennent pas de comptabilité ou tiennent une comptabilité par année civile; [...] ». «

Art. 164bis.La période imposable coïncide avec l'exercice social ou comptable précédant l'année dont le millésime désigne l'exercice d'imposition, pour l'application : a) de l'impôt des sociétés ou de l'impôt des non-résidents établi conformément à l'article 148 du Code des impôts sur les revenus, à charge de contribuables visés à l'article 139, 2°, du même Code, lorsque l'exercice social ou comptable se rapporte à une période inférieure ou supérieure à un an et que les intéressés clôturent leurs écritures au 31 décembre de l'année; [...] ». «

Art. 165.La période imposable coïncide avec l'exercice social ou comptable clôturé pendant l'année dont le millésime désigne l'exercice d'imposition, pour l'application de l'impôt des sociétés et de l'impôt des non-résidents établi conformément à l'article 148 du Code des impôts sur les revenus, à charge des contribuables visés à l'article 139, 2°, du même Code, lorsque les intéressés tiennent une comptabilité autrement que par année civile ».

B.3. Les motifs de la décision de renvoi et les arguments développés par les parties font apparaître que ce n'est pas la diminution de la déduction pour investissement à l'article 20 de la loi du 7 décembre 1988 qui est en cause, mais bien la disposition de cette loi qui, eu égard à son entrée en vigueur, réglée à l'article 39, 1°, empêche qu'une société modifie encore ses statuts pour éviter la diminution de la déduction pour investissement qui découle de cette loi, diminution qui est la conséquence du choix de la société, lors de sa création, d'étaler le premier exercice comptable de son activité sur une période dépassant un an, d'une part, et de fixer statutairement au 31 décembre la date de clôture de sa comptabilité, d'autre part.

B.4. Lors des travaux préparatoires de l'article 20 de la loi du 7 décembre 1988, il a été considéré ce qui suit : « L'article 20, § 1er, du présent projet ne modifie en rien les règles d'octroi de la déduction pour investissement prévue à l'article 42ter, C.I.R.; il a essentiellement pour but d'adapter les taux de cette déduction en les liant à l'index, ceux prévus par ledit article 42ter n'étant plus justifiés compte tenu de la baisse récente de l'inflation.

Désormais le taux de base de la déduction (actuellement 13 p.c.) sera égal à la différence de l'inflation constatée par rapport à l'année précédente, majorée de 3 points; pour éviter qu'à l'avenir la mesure devienne soit inopérante soit excessive, des limites inférieure et supérieure sont prévues pour la déduction » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 440-1, p. 19).

Selon ces mêmes travaux préparatoires, l'article 40, § 4, « a pour but d'obvier à certaines manoeuvres qui pourraient être effectuées par des sociétés pour retarder l'application de certaines mesures faisant l'objet de la présente loi » (ibid., p. 29). Il y fut ajouté en commission des Finances du Sénat : « L'article 38, § 4, [actuellement l'article 40, § 4,] tend uniquement à éviter que, via une modification de la date de clôture de leurs écritures comptables, les sociétés n'échappent, pour le premier exercice d'application, à certaines dispositions qui leurs sont défavorables, notamment en matière de réduction des charges professionnelles déductibles » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 440-2, p. 141).

B.5. Il appartient au législateur d'apprécier si un régime d'immunisation fiscale instauré par lui doit être modifié ou non et, ce faisant, de déterminer pour quelle période, dans quelles conditions et selon quelles modalités cette modification est applicable.

Le cas échéant, il peut en outre prendre des mesures pour mettre en échec les procédés par lesquels des contribuables obtiendraient le bénéfice d'une exonération, comme, en l'espèce, le montant de la déduction pour investissement, pour une période non visée par le législateur.

S'il en résulte cependant une différence de traitement entre des catégories de contribuables, la Cour doit examiner si cette différence peut se justifier objectivement et raisonnablement au regard de l'objectif poursuivi.

B.6. La différence de traitement entre sociétés, en ce qui concerne l'avantage fiscal pour les investissements, selon qu'elles ont modifié ou non, à partir du 1er janvier 1988, leurs dispositions statutaires relatives à la date de clôture des comptes annuels repose sur un critère objectif. Ce critère est en rapport avec le souci d'éviter que les sociétés qui ont procédé à cette modification continuent de bénéficier de la déduction pour investissement supérieure pour la période pouvant être rattachée à l'exercice d'imposition 1989, et non à l'exercice d'imposition 1990, par la clôture anticipée de l'exercice comptable.

Qu'aucune déduction pour investissement supérieure ne soit accordée pour l'année comptable rattachée à un exercice d'imposition antérieur à l'exercice d'imposition 1990 par suite d'une modification de la date de clôture des comptes annuels est conforme à l'objectif poursuivi par l'article 40, § 4, litigieux et n'est pas disproportionné par rapport à celui-ci.

La différence de traitement qui existe, quant au montant de la déduction pour investissement, entre les sociétés qui ont réalisé des investissements en 1988 et 1989, selon qu'elles ont prévu que leur comptabilité se clôture avant le 31 décembre 1989 ou à cette date, résulte d'un choix des sociétés elles-mêmes, qui ne peut être reproché au législateur. En étalant le premier exercice comptable sur une période qui dépasse un an et en clôturant la première année comptable au 31 décembre 1989, la partie requérante devant la juridiction a quo a choisi de faire coïncider la première période imposable de son activité avec l'exercice d'imposition 1990, à propos duquel le législateur pouvait encore légiférer, de sorte qu'en l'espèce, le régime légal ne peut être réputé avoir été instauré avec effet rétroactif.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 20, 39, 1°, et 40, § 4, de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre ne violent pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'ils ont pour effet que le montant de la déduction pour investissement pour les investissements réalisés au cours des années civiles 1988 et 1989 diffère selon le mode de comptabilité.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 11 mai 2005.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, A. Arts.

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