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Arrêt
publié le 16 août 2005

Extrait de l'arrêt n° 123/2005 du 6 juillet 2005 Numéro du rôle : 3135 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 53 et 89 de la loi du 3 février 2003 apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions La Cour d'arbitrage, composée du président A. Arts, du juge P. Martens, faisant fonction de prés(...)

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Extrait de l'arrêt n° 123/2005 du 6 juillet 2005 Numéro du rôle : 3135 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 53 et 89 de la loi du 3 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/02/2003 pub. 13/03/2003 numac 2003022221 source service public federal securite sociale Loi apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions du secteur public fermer apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions du secteur public, posée par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée du président A. Arts, du juge P. Martens, faisant fonction de président, et des juges M. Bossuyt, A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question et procédure Par jugement du 28 octobre 2004 en cause de J. Vanhole contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 16 novembre 2004, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 53 et 89 de la loi du 3 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/02/2003 pub. 13/03/2003 numac 2003022221 source service public federal securite sociale Loi apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions du secteur public fermer doivent-ils être considérés comme violant les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils modifient l'article 36 de la loi du 29 juin 1976 en ce sens que la pension des fonctionnaires qui ont été mis en position d'attente à la suite de la fonction accessoire qu'ils avaient exercée auparavant, est calculée sur la base de leur dernier traitement d'activité, qui, depuis le début de la position d'attente, ne suit plus l'évolution de l'indice des prix à la consommation, alors que tel n'est pas le cas pour les autres fonctionnaires bénéficiaires d'une pension, et alors qu'il sera tenu compte, pour autant que nécessaire, de la genèse de cette loi ainsi que des décisions de justice rendues respectivement par le Tribunal de première instance de Bruxelles le 10 janvier 1995, connue sous le R.G. n° 92/11.804/A, et par la Cour d'appel de Bruxelles le 10 décembre 1996, connue sous le R.G. n° 1995/AR/965 ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La juridiction a quo demande à la Cour si l'article 36 de la loi du 29 juin 1976 « modifiant certaines dispositions de la loi communale, du Code rural, de la législation sur le régime de pensions du personnel communal et assimilé et réglant certaines conséquences des fusions, annexions et rectifications des limites des communes réalisées par la loi du 30 décembre 1975 », tel qu'il a été remplacé par l'article 53 de la loi du 3 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/02/2003 pub. 13/03/2003 numac 2003022221 source service public federal securite sociale Loi apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions du secteur public fermer apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions du secteur public, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que « la pension des fonctionnaires qui ont été mis en position d'attente à la suite de la fonction accessoire qu'ils avaient exercée auparavant, est calculée sur la base de leur dernier traitement d'activité, qui, depuis le début de la position d'attente, ne suit plus l'évolution de l'indice des prix à la consommation, alors que tel n'est pas le cas pour les autres fonctionnaires bénéficiaires d'une pension ».

B.2. Les dispositions litigieuses sont libellées comme suit : «

Art. 53.L'article 36 de la loi du 29 juin 1976 modifiant certaines dispositions de la loi communale, du Code rural, de la législation sur le régime de pensions du personnel communal et assimilé et réglant certaines conséquences des fusions, annexions et rectifications des limites des communes réalisées par la loi du 30 décembre 1975 est remplacé par la disposition suivante : '

Art. 36.§ 1er. Par dérogation à l'article 18 de la loi du 9 juillet 1969 modifiant et complétant la législation relative aux pensions de retraite et de survie des agents du secteur public, la pension attachée aux fonctions accessoires visées à l'article 21 et exprimée à l'indice-pivot en vigueur à la date de prise de cours de la pension, est établie sur la base du dernier traitement d'activité visé à cet article, ce traitement n'étant plus adapté à l'évolution de l'indice des prix à la consommation à partir de la date à laquelle l'agent a été mis d'office en position d'attente. § 2. Afin d'obtenir le montant de la pension visée au § 1er, le traitement de référence des cinq dernières années de la carrière visé à l'article 156, alinéa 2, de la nouvelle loi communale, est obtenu en prenant la moyenne : - du dernier traitement d'activité, divisé par le coefficient qui exprime, le premier jour de la période de référence, la majoration par rapport à l'indice-pivot; - du dernier traitement d'activité, divisé par le coefficient qui exprime, le dernier jour de la même période, la majoration par rapport à l'indice-pivot. § 3. Dans le cas où le dernier traitement a été réduit conformément à l'article 21, alinéa 2, la pension est établie sur la base du dernier traitement d'activité non réduit. Dans ce cas, la durée de la période durant laquelle le dernier traitement a été réduit, est multipliée par le rapport entre, d'une part, le traitement réduit et, d'autre part, le même traitement sans tenir compte de l'application de la réduction. § 4. La pension visée au § 1er est accordée à la demande de l'intéressé et ne peut être considérée comme résultant d'une mise d'office à la retraite. § 5. L'article 19 de la loi du 9 juillet 1969 précitée n'est pas applicable aux pensions visées au § 1er. ' ». «

Art. 89.L'article 53 s'applique également aux pensions en cours à la date d'entrée en vigueur de cet article ».

B.3. Les dispositions en cause concernent le régime des pensions des fonctionnaires en fonction accessoire qui, à la suite des fusions de communes, ont été mis d'office en position d'attente sur la base de l'article 21 de la loi précitée du 29 juin 1976, tel qu'il a été modifié par l'article 1er de l'arrêté royal n° 262.

Cet article 21 énonce : « Tout agent cumulant un emploi principal avec un ou des emplois accessoires est mis d'office en position d'attente dans son ou ses emplois accessoires si le conseil communal n'en a pas décidé autrement dans les douze mois de son installation.

Dans cette position et jusqu'au moment où il remplit les conditions minimales requises pour solliciter sa pension de retraite, cet agent bénéficie d'un traitement d'attente égal à son dernier traitement d'activité, sauf si le conseil communal ou le conseil de l'aide sociale, selon le cas, décide de réduire ou de supprimer ce traitement en vue de l'exécution d'un programme d'assainissement.

Néanmoins, le traitement d'attente dont l'agent a bénéficié depuis le 1er janvier 1977 pour un ou plusieurs emplois accessoires, ne peut être ni réduit, ni supprimé, lorsqu'il constitue le seul revenu professionnel de cet agent. En outre, le traitement d'attente donne droit dans tous les cas, à la pension, pourvu que les conditions requises par la législation applicable en la matière soient remplies ».

L'article 36 originaire de la loi du 29 juin 1976 disposait, à propos du mode de calcul de la pension : « Le traitement qui sert de base de calcul de la pension attachée aux fonctions accessoires visées à l'article 21, est le traitement d'attente prévu par cette disposition ».

B.4. La ratio legis du remplacement de l'article 36 de la loi du 29 juin 1976 par l'article 53 de la loi du 3 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/02/2003 pub. 13/03/2003 numac 2003022221 source service public federal securite sociale Loi apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions du secteur public fermer a été expliquée comme suit dans l'exposé des motifs : « Conformément à l'article 21 de la loi du 29 juin 1976 modifiant certaines dispositions de la loi communale, du Code rural, de la législation sur le régime de pensions du personnel communal et assimilé et réglant certaines conséquences des fusions, annexions et rectifications des limites des communes réalisées par la loi du 30 décembre 1975, tout agent cumulant un emploi principal avec un ou des emplois accessoires a été mis d'office en position d'attente dans son ou ses emplois accessoires si le conseil communal n'en a pas décidé autrement dans les douze mois de son installation.

Dans cette position et jusqu'au moment où il remplit les conditions minimales requises pour solliciter sa pension de retraite, cet agent bénéficie d'un traitement d'attente égal à son dernier traitement d'activité. Ce dernier traitement d'activité n'a pas suivi l'évolution de l'indice des prix à la consommation et n'a pas davantage été adapté aux éventuelles révisions barémiques.

Ce blocage intégral du traitement d'attente qui a été effectivement appliqué depuis la fusion des communes, a pour conséquence que la méthode habituelle qui consiste à calculer les pensions sur la base d'une moyenne quinquennale des traitements rattachés à l'indice-pivot 138,01 et transposés dans les barèmes en vigueur à la date de prise de cours de la pension, n'est pas adaptée au calcul de ces pensions.

La seule méthode qui soit conforme aux principes contenus dans la loi du 29 juin 1976 consiste à établir le traitement servant de base au calcul de la pension, en désindexant le dernier traitement d'activité réellement perçu par l'intéressé. En effet, comme les traitements d'attente des intéressés pour ces fonctions accessoires n'ont plus subi aucune modification depuis la fusion des communes, ils n'ont même pas été indexés, agir autrement aurait pour effet de leur accorder une pension largement supérieure au traitement d'attente perçu immédiatement avant la date de prise de cours de la pension, ce qui serait totalement incohérent.

Afin d'éviter toute contestation en la matière, le mode de calcul particulier de ces pensions qui dans la pratique a été appliqué depuis la fusion des communes est repris de façon explicite dans l'article 51 [actuellement l'article 53].

De plus, le § 4 stipule que la pension accordée pour une telle fonction accessoire après une période de position d'attente est accordée sur demande et ne peut pas être considérée comme une mise d'office à la retraite. En conséquence, une telle pension n'est pas visée par le régime préférentiel prévu en matière de cumul par l'article 5 de la loi du 5 avril 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/04/1994 pub. 10/08/2011 numac 2011000519 source service public federal interieur Loi régissant le cumul des pensions du secteur public avec des revenus provenant de l'exercice d'une activité professionnelle ou avec un revenu de remplacement. - Coordination officieuse en langue allemande fermer régissant le cumul des pensions du secteur public avec des revenus provenant de l'exercice d'une activité professionnelle ou avec un revenu de remplacement.

Le § 5 précise que les pensions en cause ne sont pas péréquatées » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1901/001, pp. 36-37).

B.5. L'article 36 de la loi du 29 juin 1976 ainsi remplacé instaure une différence de traitement entre les fonctionnaires bénéficiaires d'une pension pour une fonction accessoire dans laquelle ils ont été placés en position d'attente et les autres fonctionnaires bénéficiaires d'une pension. Cette différence de traitement repose donc sur un critère objectif. En effet, la position d'attente dans laquelle ont été mis les fonctionnaires en fonction accessoire ne peut être assimilée à une période d'exercice effectif de la fonction, de sorte que la période durant laquelle ils ont été mis dans cette position d'attente peut être prise en compte d'une façon différente pour le calcul de la pension, à condition que cette mesure n'ait pas d'effets disproportionnés.

B.6. Le but de la mesure consiste à tenir compte, pour le calcul de la pension, du blocage intégral du traitement d'attente que les fonctionnaires placés en position d'attente pour leur fonction accessoire ont perçu et qui correspond à leur dernier traitement d'activité (à l'index en vigueur à ce moment-là), lequel ensuite n'a plus suivi l'évolution de l'indice des prix à la consommation ni n'a été adapté aux éventuelles révisions des échelles de traitement. Cet objectif est légitime.

L'existence de décisions judiciaires ayant acquis force de chose jugée qui ont considéré qu'il n'existait aucune base légale pour le mode de calcul - repris aujourd'hui par le législateur - de la pension afférente à la fonction accessoire du demandeur devant la juridiction a quo ne porte pas atteinte à la légitimité de cet objectif. En effet, lesdites décisions étaient principalement basées sur le constat de l'absence de base légale pour le mode de calcul utilisé par l'administration. Le législateur fédéral, qui, en vertu de l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 1°, cinquième tiret, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel qu'il a été remplacé par l'article 4 de la loi spéciale du 13 juillet 2001, est demeuré compétent pour fixer les régimes de pension du personnel et des mandataires des pouvoirs subordonnés, pouvait dès lors donner une base légale à ce mode de calcul, pour autant que cette réglementation soit conforme au principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination. L'article 89 en cause de la loi du 3 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/02/2003 pub. 13/03/2003 numac 2003022221 source service public federal securite sociale Loi apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions du secteur public fermer dispose que l'article 53 s'applique également aux pensions en cours à la date d'entrée en vigueur de cet article, sans qu'un effet rétroactif ait été conféré à cette disposition, de sorte que l'autorité des décisions judiciaires antérieures n'est pas méconnue.

B.7. La désindexation du traitement d'attente correspondant au dernier traitement d'activité perçu pour la fonction accessoire et le fait que les éventuelles révisions des échelles de traitement ne soient pas prises en considération constituent une mesure adéquate pour atteindre l'objectif poursuivi par le législateur. En effet, la mesure permet, compte tenu du blocage du traitement d'attente, de calculer le traitement de base réduit qui sert à la fixation de la pension de base.

La Cour doit encore vérifier si la différence de traitement ainsi instaurée n'a pas d'effets disproportionnés.

B.8. Le maintien du dernier traitement d'activité indexé en guise de traitement d'attente, qui ne subirait aucune autre modification jusqu'au moment où les intéressés rempliraient les conditions minimales pour la pension de retraite, a été justifié en tant que mesure sociale au bénéfice des fonctionnaires qui ont perdu leur fonction accessoire dans le cadre des fusions de communes. Le fait que ces fonctionnaires perçoivent une pension moins importante en raison de la désindexation de ce traitement d'attente lors du calcul de la pension constitue une conséquence qui, vu la nature particulière de la rémunération, ne peut en tant que telle être considérée comme disproportionnée, eu égard à l'objectif de la mesure.

Toutefois, la mesure ne peut s'apprécier indépendamment de l'ensemble des dispositions qui régissent le mode de calcul de la pension pour la fonction accessoire et en particulier de l'article 8, § 1er, de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques et l'article 14 de l'arrêté royal du 26 décembre 1938 relatif au régime des pensions du personnel communal. Sur la base de ces dispositions, les pensions de retraite sont liquidées à raison, pour chaque année de service, d'un soixantième de la moyenne du traitement dont l'intéressé aura joui pendant les cinq dernières années de fonctions. La mesure instaurée par le législateur a de ce fait pour conséquence que, pour la période durant laquelle le fonctionnaire a effectivement exercé la fonction accessoire également, c'est-à-dire pour les années précédant le moment où il a été mis en position d'attente, sa pension est déterminée en fonction de la pension de base réduite, fixée en tenant compte du traitement d'attente auquel il avait droit en raison de la position d'attente dans laquelle il a été placé. Puisque le fonctionnaire a effectué au cours de cette période des prestations de service effectives et créé des droits à part entière, également en matière de pension, notamment par les cotisations qui ont été prélevées, la mesure, en tant qu'elle a trait aussi à la partie de la pension afférente à la période précédant le moment où il a été mis en position d'attente, a des effets disproportionnés.

B.9. Dans la mesure indiquée en B.8, les dispositions en cause ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution et la question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 53 et 89 de la loi du 3 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/02/2003 pub. 13/03/2003 numac 2003022221 source service public federal securite sociale Loi apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions du secteur public fermer apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions du secteur public violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'ils s'appliquent à la partie de la pension pour une fonction accessoire, afférente à la période qui précède le moment où un fonctionnaire a été mis en position d'attente dans cette fonction accessoire.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 6 juillet 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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