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Arrêt
publié le 12 juillet 2006

Extrait de l'arrêt n° 104/2006 du 21 juin 2006 Numéro du rôle : 3790 En cause : le recours en annulation de l'article 29, § 3, alinéa 2, de la loi du 5 août 2003 relative aux violations graves du droit international humanitaire, intro La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 104/2006 du 21 juin 2006 Numéro du rôle : 3790 En cause : le recours en annulation de l'article 29, § 3, alinéa 2, de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer relative aux violations graves du droit international humanitaire, introduit par Aung Maw Zin.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 octobre 2005 et parvenue au greffe le 14 octobre 2005, Aung Maw Zin, faisant élection de domicile à 1000 Bruxelles, rue de Wynants 23, a, à la suite de l'arrêt de la Cour n° 68/2005 du 13 avril 2005 (publié au Moniteur belge du 9 mai 2005), introduit un recours en annulation de l'article 29, § 3, alinéa 2, de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer relative aux violations graves du droit international humanitaire. (...) II. En droit (...) B.1.1. Le requérant demande l'annulation partielle de l'article 29, § 3, de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer relative aux violations graves du droit international humanitaire, publiée au Moniteur belge du 7 août 2003.

Par l'arrêt n° 68/2005 du 13 avril 2005, rendu au contentieux préjudiciel, la Cour a dit pour droit, notamment : « En ce qu'il imposerait le dessaisissement des juridictions belges bien qu'un plaignant soit un réfugié reconnu en Belgique au moment de l'engagement initial de l'action publique, l'article 29, § 3, alinéa 2, de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer relative aux violations graves du droit international humanitaire viole les articles 10, 11 et 191 de la Constitution ».

B.1.2. Le requérant était partie à la procédure en dessaisissement devant la Cour de cassation, et il est intervenu dans la procédure préjudicielle qui a donné lieu à l'arrêt n° 68/2005 précité. A la suite de cet arrêt, la Cour de cassation a rendu le 29 juin 2005 un arrêt par lequel elle dessaisit la juridiction belge de l'affaire instruite par le juge d'instruction de Bruxelles sur la base d'une plainte introduite, entre autres, par le requérant.

Quant à la recevabilité du recours B.2.1. L'arrêt n° 68/2005 du 13 avril 2005 a été publié au Moniteur belge le 9 mai 2005. Le recours, introduit le 13 octobre 2005, est recevable ratione temporis en vertu de l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

B.2.2. La société anonyme Total et deux de ses dirigeants, intervenants devant la Cour, contestent l'intérêt du requérant. Ils estiment, d'une part, que celui-ci ayant été partie à la procédure préjudicielle qui a donné lieu à l'arrêt n° 68/2005, son intérêt aurait été épuisé par cette procédure, et, d'autre part, qu'il lui serait impossible, en cas d'annulation de la disposition en cause, d'obtenir la rétractation de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 juin 2005 dessaisissant les juridictions belges de l'affaire introduite par le requérant.

B.2.3. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

B.2.4. L'intérêt requis par l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 ne diffère pas de celui qui est exigé par l'article 2 de la même loi.

B.2.5. Le statut de réfugié a été reconnu au requérant par les autorités belges compétentes en 2001. Postérieurement à cette reconnaissance, il a déposé une plainte auprès d'un juge d'instruction belge sur la base de la loi du 16 juin 1993 relative à la répression des violations graves du droit international humanitaire. Par l'arrêt du 29 juin 2005, la Cour de cassation a, en application de la disposition attaquée, ordonné le dessaisissement des juridictions belges de la plainte déposée par le requérant, nonobstant les termes de l'arrêt préjudiciel n° 68/2005 rendu en cette cause.

La disposition attaquée est de nature à porter directement et défavorablement atteinte à la situation du requérant et cette atteinte persiste après l'arrêt préjudiciel rendu par la Cour et l'arrêt rendu ensuite par la Cour de cassation le 29 juin 2005, le dessaisissement des juridictions belges prononcé par cet arrêt démontrant que le requérant n'a pas épuisé son intérêt à demander l'annulation de la disposition en cause.

B.2.6. La circonstance que la disposition attaquée est de nature à affecter directement et défavorablement la situation du requérant suffit à démontrer l'intérêt exigé par la loi spéciale du 6 janvier 1989. La Cour n'a pas à s'interroger, pour le surplus, sur les chances du requérant d'obtenir, en cas d'annulation, la rétractation de l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2005, car il ne peut être affirmé que l'intérêt à obtenir l'annulation d'une norme qui fait grief serait limité aux possibilités de mise en oeuvre ultérieure de la procédure de rétractation. B.2.7. Par ailleurs, les considérations des intervenants quant à la recevabilité et au fondement de la plainte déposée par le requérant avec constitution de partie civile entre les mains du juge d'instruction sont étrangères au présent recours et relèvent de l'appréciation des juridictions pénales.

B.2.8. Enfin, les motifs d'irrecevabilité du recours déduits par les intervenants de l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt préjudiciel n° 68/2005 ainsi qu'à l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2005 concernent l'interprétation et la portée de la disposition en cause et seront abordés lors de l'examen du fond.

Quant au fond B.3. La loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer abroge la loi du 16 juin 1993 relative à la répression des violations graves du droit international humanitaire, qui avait été modifiée par les lois des 10 février 1999, 10 avril et 23 avril 2003, et insère les dispositions de cette loi, certaines amendées, dans le Code pénal, dans le titre préliminaire du Code de procédure pénale et dans le Code d'instruction criminelle.

L'article 16, 2°, de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer insère l'article 10, 1°bis, dans le titre préliminaire du Code de procédure pénale, qui dispose : « Hormis dans les cas visés aux articles 6 et 7, § 1er, pourra être poursuivi en Belgique l'étranger qui aura commis hors du territoire du Royaume : [...] 1°bis. une violation grave du droit international humanitaire visée au livre II, titre Ibis du Code pénal, commise contre une personne qui, au moment des faits, est un ressortissant belge ou une personne qui, depuis au moins trois ans, séjourne effectivement, habituellement et légalement en Belgique ».

Cette disposition a pour effet de restreindre, par rapport à la situation antérieure, les possibilités pour les victimes de violations graves du droit international humanitaire de saisir les juridictions belges en consacrant le principe de personnalité passive.

B.4. Le législateur s'est soucié de régler le sort des plaintes introduites avant l'entrée en vigueur de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer, et qui étaient toujours au stade de l'information ou de l'instruction à ce moment, par l'adoption de l'article 29, § 3, de cette loi, qui fait l'objet du présent recours. Cette disposition transitoire est ainsi rédigée : « Les affaires pendantes à l'information à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et portant sur des infractions visées au titre Ibis, du livre II, du Code pénal sont classées sans suite par le procureur fédéral dans les trente jours de l'entrée en vigueur de la présente loi lorsqu'elles ne rencontrent pas les critères visés aux articles 6, 1°bis, 10, 1°bis et 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale.

Les affaires pendantes à l'instruction à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et portant sur des faits visés au titre Ibis, du livre II, du Code pénal, sont transférées par le procureur fédéral au procureur général près la Cour de cassation endéans les trente jours après la date d'entrée en vigueur de la présente loi, à l'exception des affaires ayant fait l'objet d'un acte d'instruction à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, dès lors que, soit au moins un plaignant était de nationalité belge au moment de l'engagement initial de l'action publique, soit au moins un auteur présumé a sa résidence principale en Belgique, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Dans le même délai, le procureur fédéral transmet un rapport portant sur chacune des affaires transférées, dans lequel il indique leur non-conformité avec les critères visés aux articles 6, 1°bis, 10, 1°bis et 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale.

Endéans les quinze jours suivant ce transfert, le procureur général requiert la Cour de cassation de prononcer dans les trente jours, le dessaisissement de la juridiction belge après avoir entendu le procureur fédéral ainsi que, à leur demande, les plaignants et les personnes inculpées par le juge d'instruction saisi de l'affaire. La Cour de cassation se prononce sur base des critères visés aux articles 6, 1°bis, 10, 1°bis et 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale.

Pour les affaires qui ne sont pas classées sans suite sur base de l'alinéa 1er, du § 3, du présent article ou dont le dessaisissement n'est pas prononcé sur base du précédent alinéa, les juridictions belges restent compétentes ».

B.5. Le requérant prend un moyen unique de la violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, combinés avec l'article 16.2 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, en ce que la disposition transitoire qui prévoit le dessaisissement des juridictions belges des affaires à l'instruction s'applique même lorsqu'un des plaignants avait été reconnu comme réfugié au moment de l'engagement initial de l'action publique, alors qu'elle ne s'applique pas lorsqu'un des plaignants au moins était Belge au même moment.

B.6. Au sujet de l'exception prévue au régime transitoire de dessaisissement qui fait l'objet du recours, selon laquelle la procédure de dessaisissement n'est pas appliquée si au moins un plaignant est de nationalité belge « au moment de l'engagement initial de l'action publique » dans une affaire qui a fait l'objet d'un acte d'instruction avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer, l'exposé des motifs indique que le législateur a voulu limiter la portée de la dérogation aux seules affaires qui, au moment de l'entrée en vigueur de la loi, présentaient « un lien de rattachement évident avec la Belgique » (Doc. parl., Chambre, S.E. 2003, DOC 51-0103/001, p. 10).

Lorsque le législateur a adopté l'article 10, 1°bis, du titre préliminaire du Code de procédure pénale au motif que des personnes qui n'avaient aucun point d'attache avec la Belgique recouraient à la loi du 16 juin 1993 pour des raisons étrangères à une bonne administration de la justice et aux objectifs de cette loi, il a pu prendre une mesure transitoire en faveur de personnes qui sont liées à la Belgique par le lien juridique de la nationalité. Une telle mesure transitoire est pertinente par rapport à l'objectif du législateur.

B.7. L'article 16.2 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés énonce : « Dans l'Etat contractant où il a sa résidence habituelle, tout réfugié jouira du même traitement qu'un ressortissant en ce qui concerne l'accès aux tribunaux, [...] ».

B.8.1. Cette disposition a des effets directs dans l'ordre juridique belge : elle est suffisamment précise et complète pour que son application soit possible sans mesure complémentaire d'exécution. En vertu de ce caractère « directement applicable », elle faisait obstacle au dessaisissement, par les juridictions belges, des plaintes introduites par des personnes ayant la qualité de réfugié reconnu au moment de l'engagement initial de l'action publique, par identité de traitement avec les personnes ayant la nationalité belge à ce moment.

B.8.2. La Cour prend acte, cependant, de ce que la Cour de cassation a jugé, implicitement dans son arrêt du 5 mai 2004 qui pose une des questions préjudicielles ayant donné lieu à l'arrêt n° 68/2005, et explicitement dans son arrêt du 29 juin 2005, que l'article 16.2 de la Convention du 28 juillet 1951 « n'a pas pour effet de rendre applicable le régime transitoire de l'article 29, § 3, alinéa 2, précité lorsqu'un plaignant, qui a sa résidence habituelle en Belgique, y a le statut de réfugié ».

B.9. Le caractère directement applicable de l'article 16.2 de la Convention du 28 juillet 1951 imposait d'appliquer la disposition attaquée d'une manière qui la rendît conforme à cette Convention.

Toutefois, telle qu'elle est rédigée, la disposition entreprise ne permet pas aux réfugiés reconnus d'accéder aux tribunaux de la même manière que les plaignants qui sont de nationalité belge.

La Cour doit donc examiner si la disposition attaquée viole les dispositions invoquées par le requérant. Le législateur est, en effet, tenu de respecter les engagements internationaux que la Belgique a contractés, et il appartient à la Cour, le cas échéant, de sanctionner les manquements du législateur lorsque ceux-ci constituent également une violation d'une disposition dont elle assure, en vertu de l'article 142 de la Constitution, le respect.

B.10. Il ne ressort pas des travaux préparatoires de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer que le législateur aurait été attentif à la situation des plaignants ayant le statut de réfugié, ni qu'il ait veillé à respecter à leur égard les obligations qui découlent pour lui de l'article 16.2 de la Convention du 28 juillet 1951.

B.11. Il découle de ce qui précède qu'en organisant le dessaisissement des juridictions belges des plaintes introduites sur la base de la loi du 18 juin 1993 par les personnes ayant la qualité de réfugié reconnu en Belgique au moment de l'engagement initial de l'action publique, alors que les plaintes introduites par les personnes ayant la nationalité belge au même moment ne pouvaient faire l'objet d'un dessaisissement, le législateur a violé les articles 10, 11 et 191 de la Constitution, combinés avec l'article 16.2 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

B.12. Le moyen est fondé.

Quant à l'étendue et à la portée de l'annulation B.13. L'article 29, § 3, alinéa 2, de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer, qui cause la discrimination visée en B.11, prévoit le principe du dessaisissement, et est assorti d'une exception visant les plaintes introduites par des Belges. Une annulation portant uniquement sur cette exception visant les Belges aurait pour conséquence de permettre de dessaisir les juridictions des plaintes introduites par les Belges, ce qui serait un effet contraire à celui qui était recherché par le législateur, et que la Cour a considéré comme légitime dans son arrêt n° 68/2005.Une telle annulation serait de surcroît dépourvue de toute conséquence utile pour les personnes ayant le statut de réfugié, victimes de la discrimination constatée par la Cour.

B.14. En conséquence, il s'impose d'annuler, dans la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer relative aux violations graves du droit international humanitaire, l'article 29, § 3, alinéa 2, dans son intégralité, ainsi que les alinéas 3 et 4, et, dans l'alinéa 5, les mots « ou dont le dessaisissement n'est pas prononcé sur base du précédent alinéa » qui lui sont indissolublement liés.

B.15. Les parties intervenantes soutiennent que l'annulation de ces dispositions, en ce qu'elle aurait pour effet que les juridictions belges puissent, le cas échéant, être saisies à nouveau de plaintes dont elles avaient été ou auraient dû être dessaisies en application de la disposition annulée, est contraire aux articles 12, alinéa 2, de la Constitution, 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui établissent les principes de légalité et de non-rétroactivité en matière pénale.

B.16. La disposition annulée ne crée aucune incrimination et ne commine aucune peine, son objet étant uniquement de déterminer la compétence des juridictions belges. L'annulation de cette disposition n'a pas non plus pour effet ni de créer une incrimination nouvelle ou d'établir une peine, ni de rétablir une incrimination ou une peine abrogées. L'annulation ne porte en effet que sur la compétence des juridictions belges, et elle a pour effet de rétablir une règle de compétence qui avait été adoptée par une assemblée délibérante élue avant que les faits reprochés aient été commis.

Contrairement aux circonstances décrites dans l'arrêt n° 73/2005, dans lequel la Cour a considéré que la loi en cause était une disposition de droit pénal matériel parce qu'elle donnait une base légale à une poursuite exercée en Belgique alors qu'il n'existait auparavant aucune base légale de poursuite ni de sanction en Belgique pour les faits commis à l'étranger qui étaient reprochés à la requérante, en l'espèce, l'annulation prononcée n'a pas pour effet de rendre passibles de poursuites et de sanctions des faits qui ne l'étaient pas en Belgique au moment où ils auraient été commis. En effet, au moment où les faits qui font l'objet de la plainte déposée entre les mains du juge d'instruction belge auraient été commis, et sous réserve de la vérification, qui relève des juridictions pénales, que ces faits étaient visés par la loi du 16 juin 1993, les juridictions belges étaient compétentes pour en connaître, de sorte que leurs auteurs pouvaient prévoir les conséquences éventuelles de leurs actes au moment où ils les auraient commis.

B.17. Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce qu'affirment les parties intervenantes, la disposition en cause ne contient pas, et son annulation n'équivaut pas à instaurer une règle de droit pénal matériel.

La circonstance que les juridictions belges aient été, un moment, dessaisies, et qu'elles puissent, le cas échéant, être saisies à nouveau, si elle a certes pour effet de déjouer les espoirs que les intervenants avaient pu concevoir à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer, ne porte pas atteinte à leur droit fondamental au respect du principe de légalité du droit pénal.

Quant au maintien de certains des effets produits par la disposition annulée B.18. La disposition annulée est une disposition transitoire, qui n'a produit d'effets que relativement aux affaires qui étaient encore à l'instruction au moment de son entrée en vigueur, et qui a épuisé ses effets avec, selon les cas, le dessaisissement des juridictions belges ou le maintien de la compétence de ces juridictions pour les affaires pendantes à ce moment.

B.19. En application de cette disposition, les juridictions belges ont été dessaisies des affaires qui soit n'avaient pas fait l'objet d'un acte d'instruction à l'entrée en vigueur de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer, soit étaient introduites par des plaignants de nationalité étrangère au moment de l'engagement initial de l'action publique, soit étaient dirigées contre des auteurs présumés qui ne possédaient pas de résidence principale en Belgique à la date de l'entrée en vigueur de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer.

B.20. Par l'arrêt n° 68/2005, la Cour a admis que le législateur organise le dessaisissement des juridictions belges lorsque le plaignant n'était ni Belge, ni réfugié reconnu. L'annulation ne pourrait dès lors avoir pour effet de permettre que les juridictions belges soient à nouveau saisies de toutes les plaintes dont elles ont été, en application de la disposition annulée, dessaisies. En conséquence, il s'impose, en application de l'article 8, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, d'indiquer ceux des effets de la disposition annulée qui doivent être considérés comme définitifs, de sorte que l'annulation ne concerne que les affaires dans lesquelles au moins un des plaignants était réfugié reconnu en Belgique au moment de l'engagement initial de l'action publique.

Par ces motifs, la Cour - annule à l'article 29, § 3, de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer relative aux violations graves du droit international humanitaire, les alinéas 2, 3 et 4, ainsi que, dans l'alinéa 5, les mots « ou dont le dessaisissement n'est pas prononcé sur base du précédent alinéa »; - maintient définitivement, parmi les effets produits par les dispositions annulées, ceux qui ont conduit à un dessaisissement des juridictions belges lorsqu'aucun des plaignants n'était réfugié reconnu en Belgique au moment de l'engagement initial de l'action publique.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 21 juin 2006.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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