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Arrêt
publié le 09 mars 2007

Extrait de l'arrêt n° 3/2007 du 11 janvier 2007 Numéro du rôle : 3953 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il était en vigueur avant sa modification par la loi du 30 m La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, E.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 3/2007 du 11 janvier 2007 Numéro du rôle : 3953 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il était en vigueur avant sa modification par la loi du 30 mars 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/03/1994 pub. 07/02/2012 numac 2012000056 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales type loi prom. 30/03/1994 pub. 25/07/2011 numac 2011000468 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales Coordination officieuse en langue allemande d'extraits type loi prom. 30/03/1994 pub. 27/01/2015 numac 2015000029 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, posée par la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, E. De Groot, A. Alen, J.-P. Snappe et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 21 mars 2006 en cause de la SPRL « Bribel » contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 30 mars 2006, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 219 du C.I.R. 1992 (dans la version applicable aux exercices d'imposition 1993 et 1994) viole-t-il les articles 10 et/ou 11 de la Constitution, en ce qu'il prévoit que les employeurs ou commettants/sociétés qui, en violation de l'article 57 du C.I.R. 1992 et des règles prises en exécution de celui-ci, ont négligé d'établir dans les délais les fiches individuelles et relevés récapitulatifs requis, seront sanctionnés d'une cotisation supplémentaire spéciale, alors que les employeurs ou commettants/personnes physiques ne peuvent subir la même sanction, et ce compte tenu du fait que (i) les obligations découlant de l'article 57 du C.I.R. 1992 et les dispositions d'exécution concernent dans la même mesure les employeurs ou commettants/personnes physiques et les employeurs ou commettants/sociétés et que (ii) la situation des employeurs ou commettants/sociétés et celle des employeurs ou commettants/personnes physiques est la même à la lumière de l'objectif consistant à éviter et à compenser la perte d'impôts consécutive à la fraude (éventuelle) - rendue possible en ce que l'employeur a négligé d'établir les fiches requises - commise par le bénéficiaire des revenus ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée au sujet de la cotisation spéciale à l'impôt des sociétés frappant les « commissions secrètes ». La disposition en cause est l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 (C.I.R. 1992), tel qu'il était applicable pour les exercices d'imposition 1993 et 1994. Cette disposition énonce : « Une cotisation distincte spéciale est établie à raison des dépenses visées à l'article 57, qui ne sont pas justifiées par la production de fiches et relevés.

Cette cotisation est égale à 200 p.c. de ces dépenses ».

La disposition précitée renvoie, en ce qui concerne son champ d'application matériel, à l'article 57 du C.I.R. 1992. Lorsqu'une société ne justifie pas, dans le délai fixé, les sommes visées dans cet article (c'est-à-dire les commissions, courtages, honoraires et avantages de toute nature qu'elle paie à des bénéficiaires, pour lesquels ces sommes constituent des revenus professionnels, ou encore les rémunérations et pensions versées aux membres ou anciens membres du personnel ainsi qu'aux administrateurs et gérants) par la production des fiches individuelles et des relevés récapitulatifs qui sont prescrits par la loi, mentionnant intégralement l'identité du bénéficiaire, elle est redevable d'une cotisation spéciale à l'impôt des sociétés.

B.2. Le système de taxation des commissions secrètes résulte de plusieurs modifications législatives successives. Les travaux préparatoires de ces différentes adaptations montrent que le législateur entendait combattre certaines formes d'abus. Il a dès lors instauré une « corrélation entre, d'une part, la déductibilité des montants dans le chef de celui qui les paie et, d'autre part, l'' imposabilité ' de ces montants au nom des bénéficiaires ».

C'est pourquoi, par une loi du 25 juin 1973, il a établi la cotisation spéciale « compensant la perte de l'impôt qui ne peut être perçu dans le chef des bénéficiaires » et il a calculé le montant de la cotisation spéciale due par les sociétés « selon une formule conçue de manière que l'imposition totale (impôt des sociétés plus cotisation spéciale) atteigne 65 % des paiements visés, ce qui correspond environ au taux marginal de l'impôt des personnes physiques [...] » (Doc. parl., Chambre, 1972-1973, n° 521/7, pp. 38-39).

Par la loi du 8 août 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1980 pub. 11/12/2007 numac 2007000980 source service public federal interieur Loi spéciale de réformes institutionnelles Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux propositions budgétaires 1979-1980, le législateur a introduit le délai fixe dans lequel les fiches individuelles et le relevé récapitulatif doivent être transmis à l'administration. Le taux de la cotisation a en même temps été porté « à la différence entre, d'une part, les soixante-sept et demi centièmes du triple de ces charges ou sommes et, d'autre part, la quotité de l'impôt des sociétés, calculé conformément aux articles 126 à 128 et 130, qui se rapporte proportionnellement au triple desdites charges ou sommes ». Le législateur a déclaré que son intention était de porter la cotisation à un niveau tel qu'aucune société n'ait encore intérêt à ne plus justifier de tels montants selon les formalités légales (Doc. parl., Chambre, 1979-1980, n° 323/47, pp. 64-66).

Par la loi du 7 décembre 1988, l'ancien mode de calcul a, « dans un souci de simplification du calcul », été remplacé par une cotisation spéciale distincte au taux de 200 p.c. (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 440-1, p.26), cependant que tant les dépenses non justifiées que la cotisation spéciale elle-même ont été rendues déductibles à titre de charges professionnelles. La majoration du taux a été motivée comme résultant « de la décision du Gouvernement de ne plus se limiter au seul impôt mais d'incorporer à l'imposition les cotisations sociales, patronales et personnelles, que l'octroi de commissions secrètes permet d'éluder » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 440-2, p. 131).

Par la loi du 30 mars 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/03/1994 pub. 07/02/2012 numac 2012000056 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales type loi prom. 30/03/1994 pub. 25/07/2011 numac 2011000468 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales Coordination officieuse en langue allemande d'extraits type loi prom. 30/03/1994 pub. 27/01/2015 numac 2015000029 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, le taux de la cotisation distincte est passé de 200 à 300 p.c., dans le but de combattre la fraude (Doc. parl., Chambre, 1993-1994, n° 1290/6, pp. 45-46 et p. 86). La loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/07/1999 numac 1999009647 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions relatives au mariage type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999003331 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales diverses type loi prom. 04/05/1999 pub. 11/09/1999 numac 1999021298 source ministere de la justice Loi portant assentiment de l'accord de coopération entre l'Etat fédéral et la Région wallonne relative à la guidance et au traitement d'auteurs d'infractions à caractère sexuel type loi prom. 04/05/1999 pub. 11/09/1999 numac 1999021311 source ministere de la justice Loi portant assentiment à l'accord de coopération entre l'Etat fédéral et la Communauté flamande relatif à la guidance et au traitement d'auteurs d'infractions à caractère sexuel type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer a étendu le champ d'application de la cotisation sur commissions secrètes aux bénéfices dissimulés. La loi du 27 novembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/11/2002 pub. 10/12/2002 numac 2002003512 source ministere des finances Loi modifiant l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 fermer a complété, à compter de l'exercice d'imposition 2003, l'article 219 par un alinéa 4 qui dispose que la cotisation frappant les commissions secrètes n'est pas appliquée si le contribuable démontre que le montant des dépenses visées à l'article 57 du C.I.R. 1992 est compris dans une déclaration introduite par le bénéficiaire conformément à l'article 305.

B.3. Il peut se déduire de la question préjudicielle que le juge a quo demande à la Cour si la disposition litigieuse instaure - pour les exercices d'imposition 1993 et 1994 - une discrimination entre les contribuables qui sont soumis à l'impôt des personnes physiques (« les employeurs ou commettants/personnes physiques ») et ceux qui sont soumis à l'impôt des sociétés (« les employeurs ou commettants/sociétés ») en ce que seuls ces derniers sont redevables de la cotisation en cause.

B.4.1. L'impôt des personnes physiques et l'impôt des sociétés obéissent à des principes différents. Outre les différences relatives aux taux d'imposition, il y a lieu de remarquer que tous les revenus, bénéfices et profits des sociétés sont taxables, ce qui n'est pas le cas de ceux des personnes physiques; alors que celles-ci ne peuvent déduire de leurs revenus taxables que les dépenses prévues par la loi, la société peut déduire toutes dépenses sauf celles exclues par la loi. A la différence de leur traitement à l'impôt des personnes physiques, les dépenses et charges non justifiées - et, par assimilation, les bénéfices dissimulés - sont, lorsqu'elles sont soumises à la cotisation en cause, considérées comme frais professionnels déductibles (C.I.R. 1992, article 197) et la cotisation distincte est déductible, au même titre, de la base imposable (articles 197, 198, alinéa 1er, 1°, et 463bis, § 1er, alinéa 3, du C.I.R. 1992).

B.4.2. Bien qu'il soit exact, comme l'indique la question préjudicielle, que les obligations résultant de l'article 57 du C.I.R. 1992 s'appliquent de façon égale aux personnes soumises à l'impôt des personnes physiques et à celles soumises à l'impôt des sociétés, il n'en demeure pas moins que la Cour doit tenir compte non seulement de la distinction fondamentale exposée en B.4.1, mais également de l'objectif particulier du législateur qui ressort, certainement depuis la loi du 7 décembre 1988, de l'historique du régime fiscal frappant les commissions secrètes. Il apparaît plus précisément que la cotisation spéciale frappant les commissions secrètes présente non seulement un caractère dissuasif mais entend également compenser la perte résultant pour le Trésor de la fraude à l'impôt des personnes physiques et aux cotisations de sécurité sociale.

La différence de traitement critiquée peut par conséquent se justifier par le souci légitime du législateur d'agir avec vigueur dans les secteurs où les risques d'abus sont les plus importants et où la perte pour le Trésor est la plus sérieuse.

B.5. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, dans sa version applicable aux exercices d'imposition 1993 et 1994, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 11 janvier 2007.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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