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Arrêt
publié le 09 mars 2007

Extrait de l'arrêt n° 15/2007 du 17 janvier 2007 Numéro du rôle : 4046 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 11, alinéa 4, de la loi du 16 avril 1997 portant diverses dispositions fiscales, posée par la Cour d'appel de B La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, E.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 15/2007 du 17 janvier 2007 Numéro du rôle : 4046 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 11, alinéa 4, de la loi du 16 avril 1997 portant diverses dispositions fiscales, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 13 septembre 2006 en cause de l'Etat belge contre A. Peeters, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 15 septembre 2006, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 11, alinéa 4, de la loi du 16 avril 1997 [portant diverses dispositions fiscales] viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il n'est pas accordé d'intérêts moratoires lors de la restitution de la cotisation spéciale, alors que c'est le cas pour d'autres remboursements d'impôts en vertu de l'article 418 du C.I.R. 1992 ? ».

Le 5 octobre 2006, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juges-rapporteurs E. De Groot et J.-P. Moerman ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause B.1.1. La Cour est interrogée sur l'article 11, alinéa 4, de la loi du 16 avril 1997 portant diverses dispositions fiscales, relatif notamment à l'article 9 de la même loi, qui abroge l'article 42 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires.

B.1.2. Cet article établissait une cotisation spéciale assimilée à l'impôt des personnes physiques à charge des contribuables, assujettis à cet impôt, dont le montant net des revenus de capitaux et biens mobiliers visés à l'article 11 du Code des impôts sur les revenus, majoré du montant net des revenus visés à l'article 67, 4° à 6°, du même Code, excède 1.110.000 francs (article 42, § 1er, alinéa 1er).

Selon les tranches de revenus, la cotisation était de 27 à 47 p.c. (article 42, § 1er, alinéa 2).

L'article 42, § 1er, alinéa 3, prévoyait également que les revenus de toutes créances et prêts et de dépôts d'argent visés à l'article 11, 1° à 3° et 7°, du Code des impôts sur les revenus (C.I.R.) étaient en outre imposables lorsque leur montant net excède 316.000 francs. Selon les tranches de revenus, la cotisation s'élevait à 20 ou 23 p.c. Cette disposition ne visait pas les revenus de valeurs mobilières étrangères, de créances sur l'étranger et de sommes d'argent déposées à l'étranger puisqu'elle ne renvoyait pas au 4° de l'article 11 du Code des impôts sur les revenus.

B.1.3. L'article 42 fut modifié par l'article 38 de la loi du 7 décembre 1988, notamment pour faire échapper les dividendes à la cotisation spéciale.

Cet article 42 fut, sur question préjudicielle, jugé incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution par la Cour dans ses arrêts n° 74/95 du 9 novembre 1995 et n° 131/99 du 7 décembre 1999 en raison de ce que la cotisation en cause frappait certains revenus mobiliers lorsqu'ils étaient d'origine belge et ne les frappait pas lorsqu'ils étaient d'origine étrangère : l'arrêt n° 74/95 portait sur les exercices 1990 à 1994 (article 42, modifié par la loi du 7 décembre 1988) et l'arrêt n° 131/99 sur les exercices 1984 à 1989 (article 42, dans sa rédaction initiale). B.1.4. L'article 42 de la loi du 28 décembre 1983 a été abrogé par l'article 9 de la loi du 16 avril 1997 portant diverses dispositions fiscales. L'article 11 de cette loi dispose, en ses alinéas 2, 3 et 4 : « L'article 9 produit ses effets à partir de l'exercice d'imposition 1995.

Cet article est également applicable aux cotisations spéciales relatives aux exercices d'imposition 1990 à 1994 qui font l'objet soit d'une réclamation introduite dans les formes et délais visés à l'article 272 du Code des impôts sur les revenus ou à l'article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992, soit d'un recours en appel ou en cassation sur lesquels il n'a pas encore été statué à la date de publication de la présente loi au Moniteur belge .

Aucun intérêt moratoire n'est alloué en cas de restitution d'impôt accordée à la suite du dégrèvement des impositions établies conformément à l'article 42 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, tel qu'il existait avant son abrogation par la présente loi. » Sur question préjudicielle, l'arrêt n° 131/99 a jugé cette disposition contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, pour les exercices d'imposition 1990 à 1994, elle limite l'abrogation de la cotisation spéciale à celles qui font l'objet d'une réclamation ou d'un recours en appel ou en cassation.

Quant au fond B.2. Le juge a quo demande à la Cour si l'article 11, alinéa 4, de la loi du 16 avril 1997 portant diverses dispositions fiscales viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il n'est pas accordé d'intérêts moratoires lors de la restitution de la cotisation spéciale, alors que c'est le cas pour d'autres remboursements d'impôts en vertu de l'article 418 du C.I.R. 1992.

B.3.1. L'article 418, alinéa 1er, du C.I.R. 1992 (ancien article 308, alinéa 1er, du C.I.R. 1964) dispose : « En cas de restitution d'impôts, des intérêts moratoires sont alloués au taux de 0,8 p.c. par mois civil ».

Cette disposition a pour origine l'article 20 de la loi du 28 février 1924 modifiant la législation en matière d'impôts sur les revenus (Moniteur belge , 2 mars 1924). Ce texte fut repris à l'article 74 de l'arrêté du Régent du 15 janvier 1948 portant coordination des lois et arrêtés relatifs aux impôts sur les revenus (Moniteur belge , 21 janvier 1948).

B.3.2. L'allocation d'intérêts moratoires en cas de restitution d'impôts (article 308, alinéa 1er, du C.I.R. 1964) a été motivée par un souci d'équité : « La perception des intérêts de retard repose sur la considération qu'il est équitable d'exiger une réparation civile, consistant en la récupération d'un profit que le redevable retire de la détention de fonds revenant de droit à l'Etat. [...] Par identité de motifs, il n'est que juste d'accorder des intérêts moratoires aux contribuables, chaque fois que l'Etat restitue un impôt payé, même dans le cas où la restitution est la conséquence d'une erreur imputable au contribuable » (Doc. parl., Chambre, 1952-1953, n° 277, pp. 9 et 10).

B.4.1. Les travaux préparatoires de l'article 11 précité indiquent que cette disposition procède du souci du législateur de se conformer à l'arrêt n° 74/95 rendu par la Cour le 9 novembre 1995 (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 885/1, p. 3, et n° 885/3, p. 2).

Jugeant impossible de se conformer à cet arrêt en imposant également les revenus mobiliers d'origine étrangère, au motif que les services fiscaux des autres Etats refuseraient de prêter leur concours à cet effet (ibid., n° 885/3, p. 5), le Gouvernement opta pour une suppression de la cotisation en cause; toutefois, eu égard aux recettes élevées obtenues au cours des premiers exercices d'imposition, le souci de sauvegarder les intérêts du Trésor en limitant les conséquences financières de l'arrêt précité fut invoqué pour ne pas permettre la réouverture des délais de réclamation (ibid., pp. 3 à 5, 8 et 9) et n'allouer aucun intérêt moratoire prévu dans le Code des impôts sur les revenus (ibid., pp. 4, 5 et 9). Le Ministre des Finances fit observer par ailleurs que les contribuables intéressés étaient des contribuables disposant de revenus mobiliers très élevés (ibid., p. 5).

B.4.2. Par la législation qui a fait l'objet de l'arrêt n° 74/95, le législateur entendait établir une taxation supplémentaire sur les revenus du capital dépassant un certain montant, dans le but d'équilibrer la taxation entre les revenus du travail et les revenus du capital.

La Cour a conclu à une discrimination en faisant une comparaison entre les titulaires de revenus d'origine belge et d'origine étrangère, sans remettre en cause - et d'ailleurs sans que fût critiqué - le principe même de cette taxation.

B.4.3. Bien qu'il ressortît de l'arrêt n° 74/95 que le respect du principe d'égalité ne s'opposait pas au principe de la cotisation litigieuse mais uniquement à la différence de traitement entre contribuables soumis à la cotisation selon l'origine, belge ou étrangère, des revenus, le législateur estima ne pas pouvoir taxer également ces deux catégories de contribuables, en raison de l'impossibilité d'obtenir le concours des services fiscaux d'autres Etats. Il opta donc pour une suppression de la cotisation en cause, choisissant ainsi la solution la plus favorable aux contribuables concernés.

B.4.4. La Cour ayant été interrogée par un jugement du 5 janvier 1995 sur la constitutionnalité de dispositions législatives adoptées en 1983 et en 1988, le rétablissement de la constitutionnalité posait un problème de rétroactivité qui donna lieu aux mesures examinées par la Cour dans ses arrêts précités nos 131/99 et 40/2004. Dans chacun de ces arrêts, la Cour effectua une comparaison entre différentes catégories de contribuables soumis à la cotisation litigieuse.

B.4.5. Dans la présente affaire, la Cour n'est plus invitée à faire une comparaison entre des catégories de contribuables, soit en ce qui concerne le niveau de leurs revenus, soit en ce qu'ils sont, les uns soumis à une cotisation, les autres dispensés de la payer, soit en ce qu'il existerait des différences de traitement entre les personnes soumises à la cotisation litigieuse en ce qui concerne leur droit au remboursement de celle-ci.

Il ressort des motifs de l'arrêt de renvoi que la question préjudicielle invite à comparer les personnes qui ont obtenu le remboursement de la cotisation spéciale, mais qui n'ont pas reçu d'intérêts moratoires par suite de l'article 11, alinéa 4, avec tous les autres contribuables qui reçoivent des intérêts moratoires, en vertu de l'article 418 du C.I.R. 1992, « pour d'autres remboursements d'impôts ».

B.4.6. Dans l'exercice du contrôle qu'elle effectue, au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, la Cour doit examiner si une catégorie de personnes est traitée de manière discriminatoire par rapport à une autre catégorie de personnes qui lui est comparable.

B.4.7. La catégorie de personnes à laquelle appartient l'intimée devant le juge a quo se trouve, à la suite des évolutions successives qu'a connues la matière de la cotisation spéciale telles qu'elles sont résumées en B.1.1 à B.1.4, dans une situation tout à fait particulière par rapport à tous les autres contribuables qui reçoivent des intérêts moratoires, en vertu de l'article 418 du C.I.R. 1992, « pour d'autres remboursements d'impôts ».

B.4.8. Les arrêts rendus par la Cour, l'effet rétroactif qui s'y attache spécialement lorsqu'elle est interrogée au sujet d'une mesure fiscale appliquée depuis plus de dix ans, la balance qu'a dû faire le législateur entre les intérêts des contribuables en cause et l'intérêt général, enfin les mesures qu'il a prises pour atteindre ce résultat, tous ces éléments ne permettent pas de considérer que la catégorie de contribuables concernés par ces arrêts et ces mesures puisse être utilement comparée à la généralité des contribuables qui ont une créance de répétition d'indu envers l'Etat.

B.5. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 11, alinéa 4, de la loi du 16 avril 1997 portant diverses dispositions fiscales ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 17 janvier 2007.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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