Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 12 février 2008

Extrait de l'arrêt n° 163/2007 du 19 décembre 2007 Numéro du rôle : 4305 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 194quater du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été inséré par l'article 6 de la loi du 24 dé La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Ma(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2008200329
pub.
12/02/2008
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 163/2007 du 19 décembre 2007 Numéro du rôle : 4305 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 194quater du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été inséré par l'article 6 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale, posée par le Tribunal de première instance de Bruges.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 1er octobre 2007 en cause de la SCS « Peter Verbanck » contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 5 octobre 2007, le Tribunal de première instance de Bruges a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 194quater CIR 1992, tel qu'il a été introduit par l'article 6 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale, viole-t-il le principe d'égalité tel qu'il est inscrit aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les sociétés qui répondent aux caractéristiques d'une PME mais dont le bénéfice imposable dépasse la limite prévue à l'article 215 CIR 1992 sont exclues de l'application de la réserve d'investissement, alors que les sociétés qui répondent également aux caractéristiques d'une PME mais dont le bénéfice imposable ne dépasse pas la limite prévue à l'article 215 CIR 1992 peuvent quant à elles bénéficier de la réserve d'investissement exonérée visée à l'article 194quater CIR 1992 ? ».

Le 17 octobre 2007, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les juges-rapporteurs L. Lavrysen et R. Henneuse ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1. L'article 194quater du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992), tel qu'il a été inséré par l'article 6 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer, énonce : « § 1er. Dans le chef des sociétés pour lesquelles le taux de l'impôt est fixé conformément à l'article 215, alinéa 2, la réserve d'investissement constituée à l'expiration de la période imposable n'est pas considérée comme un bénéfice dans les limites et aux conditions prévues ci-après. § 2. Le montant de la réserve d'investissement est immunisé à concurrence de 50 p.c. du résultat réservé imposable de la période imposable, avant constitution de la réserve d'investissement, et diminué : 1° des plus-values sur actions ou parts exonérées en vertu de l'article 192;2° de la quotité de la plus-value sur des véhicules visés à l'article 66 qui n'est pas prise en considération en vertu de l'article 24, alinéa 3;3° de la réduction du capital libéré, calculée en moyenne pondérée sur la période imposable, par rapport à la période imposable antérieure pendant laquelle l'avantage de la constitution d'une réserve d'investissement a été obtenu en dernier lieu;4° de l'augmentation des créances de la société, calculée comme au 3°, sur les personnes physiques suivantes : - les personnes qui détiennent des actions ou parts de la société; - les personnes qui exercent un mandat ou des fonctions visées à l'article 32, alinéa 1er, 1°; - leur conjoint ou leurs enfants, quand ces personnes ou leur conjoint ont la jouissance légale des revenus de ces enfants.

Le résultat réservé imposable qui est, après diminution, pris en considération pour le calcul de la réserve d'investissement conformément à l'alinéa 1er, est limité à 37.500 EUR par période imposable.

La réserve d'investissement ainsi calculée n'est immunisée que si et dans la mesure où les réserves taxées, avant constitution de la réserve d'investissement, sont, à la fin de la période imposable, supérieures aux réserves taxées à la fin de la période imposable antérieure pendant laquelle l'avantage de la constitution d'une réserve d'investissement a été obtenu en dernier lieu.

La réserve d'investissement n'est immunisée que pour autant qu'il soit satisfait aux conditions visées à l'article 190. § 3. Un montant égal à la réserve d'investissement doit être investi par la société : a) en immobilisations corporelles ou incorporelles amortissables qui peuvent donner droit à l'avantage de la déduction pour investissement;b) dans un délai de trois ans prenant cours le premier jour de la période imposable pour laquelle la réserve d'investissement est constituée, et au plus tard à la dissolution de la société. Les immobilisations qui sont considérées comme un remploi en vertu de l'article 47, sont exclues à titre d'investissement pour l'application de l'alinéa précédent. § 4. Si l'investissement n'est pas effectué selon les modalités et dans le délai fixé au § 3, la réserve d'investissement immunisée antérieurement est considérée comme un bénéfice de la période imposable au cours de laquelle le délai d'investissement a pris fin.

La réserve d'investissement immunisée antérieurement est considérée comme un bénéfice de la période imposable au cours de laquelle l'investissement pris en considération au § 3 est aliéné, lorsque cet investissement a été investi moins de trois ans dans la société au moment de l'aliénation, et ce, proportionnellement aux amortissements non encore admis sur cet investissement. Cette disposition n'est pas applicable lorsque l'aliénation a lieu à l'occasion d'un sinistre, d'une expropriation, d'une réquisition en propriété ou d'un autre événement analogue. § 5. Afin de justifier l'avantage de la réserve d'investissement, la société doit joindre à sa déclaration à l'impôt des sociétés un relevé dont le modèle est arrêté par le Ministre des Finances ou son délégué, pour l'exercice d'imposition pour lequel la réserve a été constituée et pour les exercices d'imposition suivants jusqu'au moment où l'investissement doit être effectué. § 6. Le Roi détermine les modalités d'investissement visées au § 3, en cas d'apport d'une branche d'activité ou d'une universalité de biens visé à l'article 46, § 1er, alinéa 1er, 2°, et en cas de fusion ou de scission visées à l'article 211, § 1er.

Le Roi peut fixer, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, un montant supérieur à 37.500 EUR ».

B.2. Cette disposition s'inscrit dans une réforme globale de l'impôt des sociétés par laquelle le législateur entend « réduire de façon substantielle le taux de cet impôt », et ceci, « dans un cadre budgétairement neutre, ce qui signifie que diverses dépenses fiscales devront être réduites et qu'il sera par ailleurs mis fin à certaines anomalies du régime fiscal actuel » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, p. 7).

Cette disposition vise à encourager l'autofinancement des petites et moyennes entreprises (P.M.E.) en accordant une exonération du bénéfice réservé (ibid., p. 33). Elle est uniquement applicable aux sociétés qui peuvent bénéficier, pour l'exercice d'imposition en question, du taux réduit à l'impôt des sociétés qui est fixé à l'article 215, alinéa 2, du CIR 1992.

Le taux ordinaire de l'impôt des sociétés est de 33 p.c. (article 215, alinéa 1er, du CIR 1992). L'article 215, alinéa 2, du CIR 1992 dispose : « Lorsque le revenu imposable n'excède pas 322.500 EUR, l'impôt est toutefois fixé comme suit : 1° sur la tranche de 0 à 25.000 EUR : 24,25 p.c.; 2° sur la tranche de 25.000 EUR à 90.000 EUR : 31 p.c.; 3° sur la tranche de 90.000 EUR à 322.500 EUR : 34,5 p.c. ».

B.3. La question consiste à demander si l'article 194quater, § 1er, du CIR 1992 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que les sociétés qui répondent aux caractéristiques d'une P.M.E. mais dont le bénéfice imposable dépasse la limite prévue à l'article 215, alinéa 2, du même Code, sont exclues de l'exonération pour constitution d'une réserve d'investissement, alors que les sociétés qui répondent également aux caractéristiques d'une P.M.E. mais dont le bénéfice imposable ne dépasse pas la limite précitée peuvent quant à elles bénéficier de l'exonération en question.

B.4. La partie demanderesse devant le juge a quo demande à la Cour de répondre par l'affirmative en ce que la disposition en cause discriminerait non seulement les sociétés qui répondent aux caractéristiques d'une P.M.E., mais dont le bénéfice imposable dépasse la limite, mais également les sociétés qui répondent aux caractéristiques d'une P.M.E. et dont le bénéfice imposable ne dépasse pas la limite, mais qui sont exclues pour une autre raison du taux réduit à l'impôt des sociétés. L'article 215, alinéa 3, du CIR 1992 dispose, en effet, que l'alinéa 2 de cette disposition n'est pas applicable à une série de catégories de sociétés.

Les parties devant la Cour ne peuvent toutefois modifier ou étendre la portée de la question préjudicielle.

B.5. Parallèlement aux objectifs généraux de la réforme, tels qu'ils sont décrits en B.2, le législateur avait le souci, exprimé à plusieurs reprises au cours des travaux préparatoires de la loi, de « revaloriser » le statut fiscal des P.M.E. « pour stimuler l'investissement sur fonds propres » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, p. 6), ce qui explique qu'il a adopté « un certain nombre de mesures spécifiques complémentaires visant, en premier lieu, à accroître les moyens propres de ces entreprises » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/006, p. 7).

B.6. S'il est justifié que le législateur prévoie un régime dérogatoire pour les P.M.E., en fonction des objectifs qu'il poursuit, la Cour doit néanmoins examiner si le critère qu'il a retenu à cette fin n'est pas discriminatoire. Pour être compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, le critère sur lequel repose la différence de traitement en cause doit être objectif et pertinent par rapport à l'objet de la mesure considérée et au but qu'elle poursuit.

B.7. Comme l'a fait observer la section de législation du Conseil d'Etat dans l'avis qu'elle a rendu au sujet de la disposition en cause (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, p. 110), le montant absolu du bénéfice imposable au cours d'un exercice social déterminé n'est pas pertinent pour apprécier s'il s'agit d'une société ayant le caractère de P.M.E., puisqu'il y a d'importantes sociétés auxquelles il arrive de réaliser, au cours d'un exercice déterminé, un bénéfice imposable ne dépassant pas le seuil fixé par l'article 215 du CIR 1992. Par ailleurs, il y a des P.M.E. à qui il arrive de réaliser un bénéfice imposable supérieur à ce seuil, sans qu'elles en perdent, pour autant, le caractère de P.M.E.. Enfin, certaines P.M.E., bien qu'ayant réalisé un bénéfice imposable inférieur à ce seuil, ne peuvent bénéficier du taux réduit car elles ne remplissent pas les autres conditions de l'article 215 du CIR 1992.

B.8. La mise en oeuvre du critère retenu par la disposition litigieuse aura donc pour conséquence que certaines P.M.E. ne pourront pas bénéficier de l'exonération pour constitution d'une réserve d'investissement, alors qu'elles se trouvent, par rapport aux objectifs spécifiques poursuivis par le législateur à leur égard, dans une situation semblable à celle des P.M.E. qui en bénéficieront.

B.9. Il s'ensuit que le critère retenu n'est pas pertinent et que la question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 194quater, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été inséré par l'article 6 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale, viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que les sociétés qui répondent aux caractéristiques d'une P.M.E. mais dont le bénéfice imposable dépasse la limite prévue à l'article 215, alinéa 2, du même Code sont exclues de l'exonération pour constitution d'une réserve d'investissement.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 19 décembre 2007.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

^