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Arrêt
publié le 06 juin 2008

Extrait de l'arrêt n° 83/2008 du 27 mai 2008 Numéro du rôle : 4213 En cause : le recours en annulation de la loi du 26 novembre 2006 portant modification de l'article 51 du Code des impôts sur les revenus 1992, introduit par Frank Van den B La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Ma(...)

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Extrait de l'arrêt n° 83/2008 du 27 mai 2008 Numéro du rôle : 4213 En cause : le recours en annulation de la loi du 26 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/11/2006 pub. 05/12/2006 numac 2006003558 source service public federal finances Loi portant modification de l'article 51 du Code des impôts sur les revenus 1992 fermer portant modification de l'article 51 du Code des impôts sur les revenus 1992, introduit par Frank Van den Broecke et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 30 mai 2007 et parvenue au greffe le 31 mai 2007, un recours en annulation de la loi du 26 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/11/2006 pub. 05/12/2006 numac 2006003558 source service public federal finances Loi portant modification de l'article 51 du Code des impôts sur les revenus 1992 fermer portant modification de l'article 51 du Code des impôts sur les revenus 1992 (publiée au Moniteur belge du 5 décembre 2006, deuxième édition) a été introduit par Frank Van den Broecke, demeurant à 9260 Wichelen, Wetterensteenweg 15, Bert Van den Hof et Hilde Dits, demeurant à 2570 Duffel, Lintseheide 81, Guy de Backer et Lieve Van Holsbeeck, demeurant à 9320 Alost, Kluizerij 10, Martine Cosyn, demeurant à 9000 Gand, Oudenaardsesteenweg 40, et Raoul Quinten, demeurant à 9031 Tronchiennes, Luchterenkerkweg 39. (...) II. En droit (...) B.1.1. Le recours en annulation est dirigé contre la loi du 26 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/11/2006 pub. 05/12/2006 numac 2006003558 source service public federal finances Loi portant modification de l'article 51 du Code des impôts sur les revenus 1992 fermer portant modification de l'article 51 du Code des impôts sur les revenus 1992 (publiée au Moniteur belge du 5 décembre 2006, deuxième édition), qui dispose : «

Article 1er.La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2.Le Roi peut, pour autant que l'adaptation soit intégrée immédiatement dans les barèmes du précompte professionnel : - par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, majorer de 25 p.c. au maximum les pourcentages visés à l'article 51, alinéa 2, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, ou remplacer les pourcentages visés à l'article 51, alinéa 2, 1°, a, b et c, du même Code par un montant fixe de frais; - par le même arrêté, majorer de 25 p.c. au même maximum, le montant visé à l'article 51, alinéa 3, du même Code.

Art. 3.Le Roi saisira les Chambres législatives, immédiatement si elles sont réunies, sinon dès l'ouverture de leur plus prochaine session, d'un projet de loi de confirmation des arrêtés pris en exécution de l'article 2.

Art. 4.La présente loi est d'application à partir de l'exercice d'imposition 2007 ».

B.1.2. La loi attaquée a reçu exécution par les arrêtés royaux du 29 novembre 2006 et du 23 mars 2007 (Moniteur belge , 5 décembre 2006, deuxième édition, et 30 mars 2007, troisième édition). L'arrêté d'exécution du 29 novembre 2006 a, pour le calcul des frais professionnels forfaitaires concernant les rémunérations des travailleurs, relevé le taux de 25 p.c. à 26,1 p.c. de la première tranche de 3 750 euros et relevé de 2 500 euros à 2 527,50 euros le forfait pour l'ensemble des revenus d'une même catégorie visée à l'alinéa 2, 1° à 4°, de l'article 51 du CIR 1992. L'arrêté d'exécution du 23 mars 2007 a haussé une nouvelle fois le taux précité à 27,2 p.c. et a porté le montant précité à 2 555 euros.

Quant à l'intérêt des parties requérantes B.2. Le Conseil des Ministres conteste la recevabilité du recours en annulation, parce que le simple fait de ne pas appartenir à la catégorie professionnelle objectivement déterminable qui bénéficie de la mesure de faveur fiscale - un fait qui résulte du libre choix du contribuable concerné - ne confère pas aux parties requérantes l'intérêt requis.

B.3. Lorsque des dispositions législatives privilégient une catégorie de citoyens, ceux qui, par rapport à cette catégorie, demeurent privés de l'avantage offert par ces dispositions peuvent puiser dans ce fait un intérêt suffisamment direct pour attaquer lesdites dispositions.

La loi attaquée permet de réduire la pression fiscale pour une catégorie de contribuables, en haussant le montant des frais professionnels forfaitaires, exprimé en pourcentage par tranches de revenus ou en chiffres absolus. Les parties requérantes qui ne bénéficient pas de cet avantage ou qui considèrent qu'elles ne bénéficient pas dans la même mesure de cette diminution de la pression fiscale justifient de l'intérêt requis pour attaquer cette disposition.

L'exception est rejetée.

Quant au premier moyen B.4. Le premier moyen est pris de la violation des articles 170, § 1er, et 172, alinéa 2, de la Constitution, en ce que la loi attaquée habilite le Roi à accorder une modération d'impôt, alors qu'il résulte de ces dispositions constitutionnelles qu'une telle modération d'impôt ne peut être établie que par une loi et qu'il n'existe pas non plus de motifs pour considérer que le législateur se trouvait dans l'impossibilité d'établir lui-même tous les éléments essentiels de l'impôt et d'agir avec la promptitude voulue pour atteindre un objectif d'intérêt général.

B.5.1. Il se déduit des articles 170, § 1er, et 172, alinéa 2, de la Constitution qu'aucun impôt ne peut être levé et qu'aucune exemption d'impôt ne peut être accordée sans qu'ait été recueilli le consentement des contribuables, exprimé par leurs représentants. Il s'ensuit que la matière fiscale est une compétence que la Constitution réserve à la loi et que toute délégation qui porte sur la détermination de l'un des éléments essentiels de l'impôt est, en principe, inconstitutionnelle.

B.5.2. Toutefois, lorsque le législateur se trouve dans l'impossibilité d'établir lui-même tous les éléments essentiels d'un impôt, parce que le respect de la procédure parlementaire ne lui permettrait pas d'agir avec la promptitude voulue pour réaliser un objectif d'intérêt général, il peut être admis qu'il habilite le Roi à le faire, pourvu qu'il détermine explicitement et sans équivoque l'objet de cette délégation et que les mesures prises par le Roi soient examinées par le pouvoir législatif dans un délai relativement court, fixé dans la loi d'habilitation.

B.6. L'article 2 de la loi attaquée habilite le Roi à fixer, par un arrêté délibéré en Conseil des Ministres, le montant des frais professionnels forfaitaires, exprimé en pourcentage des rémunérations de catégories déterminées de contribuables, et le mode d'établissement des frais professionnels forfaitaires. Cette disposition revient à habiliter le Roi à fixer des éléments essentiels de l'impôt.

Il s'ensuit que, pour que cette habilitation soit compatible avec les dispositions citées au premier moyen, il doit être satisfait aux conditions mentionnées en B.5.2.

B.7. Les parties requérantes contestent que le législateur se soit trouvé dans l'impossibilité de prendre lui-même la mesure attaquée avec la promptitude nécessaire et le fait qu'un objectif d'intérêt général soit réalisé.

B.8. La mesure est dictée par le souci d'accroître le pouvoir d'achat, ce qui peut s'opérer par la hausse de la déduction forfaitaire des frais professionnels, en vue de laquelle la loi attaquée accorde une délégation au Roi (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2674/001, p. 4, et DOC 51-2674/003, p. 3). Le fait que la mesure ne profite pas à tous les contribuables, comme le remarquent les parties requérantes, n'empêche pas pour autant que cette mesure serve un objectif d'intérêt général, mais constitue un argument qui critique la compatibilité de cette mesure avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution. Cette critique doit être jointe à l'examen du second moyen, pris de la violation des dispositions précitées.

B.9. En réponse à l'observation, faite par la section de législation du Conseil d'Etat, qu'il n'était pas démontré par l'avant-projet de loi que le législateur se trouvait dans l'impossibilité de prendre lui-même la mesure, en tant qu'élément essentiel de l'impôt, il est dit dans l'exposé des motifs : « Le Gouvernement attire l'attention sur le fait que la modification proposée n'a pas uniquement des effets lors du calcul définitif de l'impôt dû sur les revenus déclarés, mais que l'adaptation des frais professionnels forfaitaires doit pouvoir être intégrée immédiatement dans les barèmes du précompte professionnel de la période imposable en cours.

Ainsi, il y aura, pour les revenus de l'année 2006 qui appartiennent à l'exercice d'imposition 2007 à partir de laquelle la mesure entre en vigueur, une promulgation d'une adaptation des barèmes du précompte professionnel qui sera valable pour toute l'année 2006. Cette adaptation sera portée en compte du précompte professionnel dû sur les rémunérations du mois de décembre 2006.

Il va de soi qu'une intégration immédiate dans les barèmes du précompte professionnel n'est possible que pour autant que l'année des revenus n'est pas terminée. La décision dépend donc en très grande partie de l'espace budgétaire disponible pour l'année en cours en tenant compte des calculs les plus récents. Sans l'intégration immédiate dans le précompte professionnel, on doit être d'accord avec la manière de voir du Conseil d'Etat.

Dès lors, le texte du projet a été adapté dans la mesure où une délégation au Roi n'est accordée que lorsqu'Il doit adapter en même temps les frais forfaitaires et les barèmes du précompte professionnel. Par après, les deux arrêtés doivent être confirmés en exécution de l'article 3 du présent projet et de l'article 275, § 3, du Code des impôts sur les revenus 1992 » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2674/001, pp. 5 et 6).

Les circonstances exceptionnelles qui justifient une habilitation doivent exister au moment où celle-ci est accordée. De l'explication que fournit le Gouvernement, il ressort que deux arguments, à savoir la disponibilité tardive des données concernant la marge budgétaire permettant la majoration des frais professionnels forfaitaires et la nécessité d'intégrer cette majoration dans le précompte professionnel par l'adaptation des barèmes du précompte professionnel valable pour l'intégralité de l'année 2006, permettent de considérer que le législateur n'avait pas la possibilité d'agir lui-même avec la promptitude nécessaire, dans le respect de la procédure parlementaire.

B.10. La Cour observe en outre que l'habilitation contenue dans la loi attaquée est explicite et non équivoque et que les mesures prises par le Roi doivent être examinées par le pouvoir législatif dans un délai relativement bref, fixé dans la loi d'habilitation.

B.11. Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au second moyen B.12. Le second moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que la loi attaquée n'accorde un incitant fiscal qu'à un seul groupe de contribuables, à savoir les bénéficiaires de rémunérations (ouvriers, employés et fonctionnaires) et de profits (indépendants) qui ne justifient pas leurs frais et ceux qui ne dépassent pas le plafond de 2 555 euros (montant de base), même sans prouver leurs frais, alors que les contribuables appartenant à d'autres catégories, tels les bénéficiaires de rémunérations et de profits qui prouvent leurs frais réels, les bénéficiaires de rémunérations de dirigeant d'entreprise et les personnes qui perçoivent des bénéfices ainsi que l'immense majorité des titulaires de professions libérales qui justifient leurs frais, sont privés de l'incitant fiscal instauré par la loi attaquée, sans qu'existerait pour cela une justification objective et raisonnable.

B.13. La loi attaquée fait partie d'un ensemble de mesures visant à créer une « économie compétitive tournée vers l'emploi », dans le cadre de laquelle il convient de s'atteler « à l'augmentation du pouvoir d'achat, qui peut être renforcé par l'augmentation de la déductibilité forfaitaire des frais professionnels » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2674/001, p. 4, et DOC 51-2674/003, p. 3).

A cette fin, la loi attaquée habilite le Roi à relever les pourcentages, correspondant aux frais professionnels forfaitaires, applicables aux différentes tranches de revenus provenant de rémunérations ou de profits et à majorer le montant maximum des frais professionnels forfaitaires.

Contrairement à ce que les parties requérantes soutiennent, la loi attaquée ne tend pas à une réduction générale de la pression fiscale sur les revenus du travail mais vise, compte tenu de la marge budgétaire disponible (ibid. ), autant à favoriser l'entrée sur le marché du travail qu'à remédier aux effets du « piège à l'emploi », ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires : « L'intervenant rappelle que la déduction des frais professionnels forfaitaires sera souvent plus intéressante que la déduction des frais réels dans les segments de revenus les plus bas, c'est-à-dire précisément dans les segments de revenus où se posent le plus les problèmes en matière de piège à l'emploi » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2674/003, p. 7).

B.14. L'habilitation conférée par le législateur est, tant en ce qui concerne les possibilités budgétaires que pour ce qui est de l'efficacité de la mesure, pertinente pour atteindre l'objectif précité, puisqu'elle permet de faire une distinction en fonction du revenu des catégories de contribuables concernées.

B.15. Le législateur a aussi raisonnablement pu considérer que les dirigeants d'entreprise, les personnes qui perçoivent des bénéfices et les bénéficiaires de rémunérations et profits qui justifient leurs frais professionnels et qui dépassent les maxima forfaitaires par tranche de revenu ou même le maximum absolu de frais professionnels forfaitaires déductibles, fixé à l'article 51, alinéa 3, n'ont pas besoin dans la même mesure d'un incitant de nature à réaliser les objectifs indiqués en B.13.

Il résulte de ce qui précède que la mesure instaurée par la loi attaquée n'est pas dénuée de justification au regard de l'objectif poursuivi.

B.16. Le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 27 mai 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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