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Arrêt
publié le 27 juillet 2009

Extrait de l'arrêt n° 89/2009 du 28 mai 2009 Numéro du rôle : 4485 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 39 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, posée par le Tribunal du travail de Courtrai. L composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerma(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 89/2009 du 28 mai 2009 Numéro du rôle : 4485 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 39 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail, posée par le Tribunal du travail de Courtrai.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 25 juin 2008 en cause de Tine Vandendriessche contre la SA « Roularta Media Group », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 30 juin 2008, le Tribunal du travail de Courtrai a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 39 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le travailleur qui est licencié au cours de la période pendant laquelle il a cessé totalement ses prestations de travail pour cause de maladie a droit à une indemnité de congé calculée sur la base de la rémunération correspondant à l'emploi à temps plein qu'il exerçait avant la suspension totale de son contrat de travail, alors que le travailleur en incapacité de travail qui reprend partiellement le travail avec l'accord du médecin-conseil de sa mutuelle a seulement droit à une indemnité de congé dont le montant est calculé sur la base de la rémunération en cours à laquelle il a droit pour ses prestations de travail réduites, alors qu'il n'a pas le choix, du fait de son état de santé, de reprendre à temps plein ou non le travail ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur la compatibilité de l'article 39 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail (ci-après : la loi relative aux contrats de travail) avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

L'article 39 de la loi relative aux contrats de travail dispose : « § 1er. Si le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, la partie qui résilie le contrat sans motif grave ou sans respecter le délai de préavis fixé aux articles 59, 82, 83, 84 et 115, est tenue de payer à l'autre partie une indemnité égale à la rémunération en cours correspondant soit à la durée du délai de préavis, soit à la partie de ce délai restant à courir. L'indemnité est toutefois toujours égale au montant de la rémunération en cours correspondant à la durée du délai de préavis, lorsque le congé est donné par l'employeur et en méconnaissance des dispositions de l'article 38, § 3, de la présente loi ou de l'article 40 de la loi sur le travail du 16 mars 1971.

L'indemnité de congé comprend non seulement la rémunération en cours, mais aussi les avantages acquis en vertu du contrat. [...] ».

B.2. En vertu des articles 37 et 39 de la loi relative aux contrats de travail, les contrats de travail qui ont été conclus pour une durée indéterminée peuvent être résiliés unilatéralement moyennant un préavis ou, à défaut, moyennant une indemnité compensatoire de préavis, hormis le licenciement pour motif grave.

Par l'article 39 de la loi relative aux contrats de travail, le législateur vise à tempérer les effets que peut avoir une résiliation unilatérale du contrat de travail, en subordonnant en principe la résiliation à un délai de préavis ou, à défaut, au paiement d'une indemnité compensatoire de préavis.

La durée du délai de préavis est réglée aux articles 59, 82, 83, 84 et 115 de la loi relative aux contrats de travail, selon qu'il s'agit d'ouvriers, d'employés ou de travailleurs domestiques. En vertu de l'article 39, § 1er, de cette loi, l'indemnité compensatoire de préavis est fixée sur la base de la « rémunération en cours », qui correspond en principe soit à la durée du délai de préavis, soit à la partie restant à courir de ce délai. L'article 39, § 1er, alinéa 2, précise que l'indemnité de congé comprend non seulement la rémunération en cours mais aussi tous les avantages acquis en vertu du contrat.

B.3. La question préjudicielle est liée à l'interprétation de la notion de « rémunération en cours » dans le cas du licenciement d'un travailleur en incapacité de travail qui a repris partiellement le travail avec l'accord du médecin-conseil de sa mutuelle.

La juridiction a quo interroge la Cour sur le point de savoir si la disposition en cause viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que le travailleur qui est licencié au cours de la période pendant laquelle il a cessé totalement ses prestations de travail pour cause de maladie a droit à une indemnité de congé calculée sur la base de la rémunération correspondant à l'emploi à temps plein qu'il exerçait avant la suspension totale de son contrat de travail, alors que le travailleur en incapacité de travail qui reprend partiellement le travail avec l'accord du médecin-conseil de sa mutuelle aurait seulement droit à une indemnité de congé dont le montant est calculé sur la base de la rémunération en cours à laquelle il a droit pour ses prestations de travail réduites, alors qu'il n'a pas le choix, du fait de son état de santé, de reprendre à temps plein ou non le travail.

En ce qui concerne l'exception B.4. Le Conseil des ministres estime, en ordre principal, que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse. En effet, elle serait fondée sur une lecture manifestement erronée de la disposition en cause.

B.5. La juridiction a quo estime que la « rémunération en cours » dont parle l'article 39, § 1er, de la loi relative aux contrats de travail désigne la rémunération à laquelle le travailleur a effectivement droit au moment de la cessation du contrat de travail, en d'autres termes uniquement la rémunération pour les prestations de travail réduites et non la rémunération qui aurait été due si les prestations de travail n'avaient pas été réduites.

La juridiction a quo renvoie à cet égard à l'interprétation de cette disposition par la Cour de cassation dans les arrêts du 3 février 2003 (Pas., I, 2003, n° 78) et du 11 décembre 2006 (Pas., I, 2006, n° 635).

Bien que ce dernier arrêt porte sur le calcul de l'indemnité de congé d'un travailleur licencié pendant une période où il avait réduit ses prestations de travail par application de l'article 102 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, la juridiction a quo estime que l'arrêt confirme la règle générale selon laquelle, pour le calcul de l'indemnité de congé, il y a lieu de tenir compte de la rémunération à laquelle le travailleur congédié a effectivement droit au moment de son licenciement, sauf disposition législative explicite contraire. Pour la juridiction a quo, la prise en compte d'une rémunération à temps plein fictive en cas de prestations de travail réduites est dès lors un régime d'exception pour lequel une disposition légale explicite est requise, laquelle est inexistante en l'espèce pour le travailleur en incapacité de travail qui reprend partiellement le travail avec l'accord du médecin-conseil.

B.6. Il peut être admis, avec le Conseil des ministres, que la jurisprudence majoritaire défend le point de vue selon lequel, pour l'application de la disposition en cause à l'égard du travailleur dont le contrat de travail est partiellement suspendu pour cause d'incapacité de travail, il convient de partir de la rémunération à laquelle ce travailleur a droit dans l'emploi à temps plein auquel il est lié en vertu de son contrat de travail.

Toutefois, il appartient en règle au juge a quo d'interpréter les dispositions qu'il applique, sous réserve d'une lecture manifestement erronée de la disposition en cause, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

La Cour examine la question préjudicielle en tenant compte de l'interprétation du juge a quo.

L'exception est rejetée.

En ce qui concerne le fond B.7. La différence de traitement soumise à la Cour concernant les travailleurs en incapacité de travail licenciés par leur employeur, selon qu'ils sont en incapacité totale de travail ou qu'ils ont repris partiellement leurs prestations de travail, est fondée sur un critère objectif, à savoir la mesure dans laquelle l'exécution du contrat de travail est suspendue.

B.8. Dans l'interprétation de l'article 39, § 1er, de la loi relative aux contrats de travail donnée par la juridiction a quo, il est en principe tenu compte, pour déterminer l'indemnité de congé, de la rémunération à laquelle le travailleur a droit en contrepartie de son travail au moment de la notification du congé, en l'espèce la rémunération pour les prestations de travail à temps partiel pour cause d'incapacité de travail. Si l'exécution du contrat de travail du travailleur en question était toutefois suspendue entièrement à la suite d'une incapacité de travail, la « rémunération en cours » correspondrait à la rémunération à laquelle il pouvait prétendre par suite d'un emploi à temps plein sur la base de son contrat de travail suspendu.

Dans cette interprétation de la disposition en cause, la hauteur de l'indemnité de congé compensatoire est proportionnelle à la mesure dans laquelle le travailleur peut reprendre ses prestations de travail. Il s'ensuit que le travailleur en incapacité de travail lié à l'employeur par un contrat de travail à prestations à temps plein aura droit à une indemnité de préavis compensatoire toujours plus réduite à mesure qu'il peut, avec l'accord du médecin-conseil de sa mutuelle, reprendre moins de prestations de travail.

Compte tenu du fait que, comme en l'espèce, le travailleur en incapacité de travail se trouve dans une situation de reprise à temps partiel et, dès lors, d'emploi à temps partiel qu'il ne choisit pas lui-même mais auquel il est contraint par son état de santé, à la différence des travailleurs bénéficiant d'un régime de prestations de travail à temps partiel en application des articles 101 et 103 de la loi de redressement du 22 janvier 1985, sur lesquels la Cour a statué dans ses arrêts n° 51/2008 du 13 mars 2008 et n° 77/2008 du 8 mai 2008, la disposition en cause a, dans cette interprétation, des effets disproportionnés.

Dans cette interprétation de l'article 39, § 1er, de la loi relative aux contrats de travail, la question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

B.9. La Cour constate toutefois que l'article 39, § 1er, de la loi relative aux contrats de travail peut également être interprétée en ce sens que le travailleur qui reprend partiellement ses prestations de travail avec l'accord du médecin-conseil de sa mutuelle a droit, en cas de licenciement par l'employeur, à une indemnité de congé compensatoire dont le montant est calculé sur la base de la rémunération pour prestations de travail complètes, à laquelle il avait droit au moment du préavis.

Dans cette interprétation, la différence de traitement est inexistante et la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 39, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail viole les articles 10 et 11 de la Constitution s'il est interprété en ce sens que le travailleur en incapacité de travail qui reprend partiellement le travail avec l'accord du médecin-conseil de sa mutuelle a seulement droit à une indemnité de congé dont le montant est calculé sur la base de la rémunération en cours à laquelle il a droit pour ses prestations de travail réduites. - La même disposition ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution si elle est interprétée en ce sens que le travailleur en incapacité de travail qui reprend partiellement le travail avec l'accord du médecin-conseil de sa mutuelle a droit à une indemnité de congé dont le montant est calculé sur la base de la rémunération en cours pour des prestations de travail complètes, à laquelle il a droit en vertu de son contrat de travail au moment du préavis.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 28 mai 2009.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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