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Arrêt
publié le 17 février 2011

Extrait de l'arrêt n° 153/2010 du 22 décembre 2010 Numéro du rôle : 4856 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 19 de la loi du 27 décembre 1961 relative au statut des sous-officiers du cadre actif des forces armées, posé La Cour constitutionnelle, composée du président M. Bossuyt et, conformément à l'article 60bis (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 153/2010 du 22 décembre 2010 Numéro du rôle : 4856 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 19 de la loi du 27 décembre 1961 relative au statut des sous-officiers du cadre actif des forces armées, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée du président M. Bossuyt et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite M. Melchior, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 199.594 du 18 janvier 2010 en cause de Timothy Bogaert contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 27 janvier 2010, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 19 de la loi du 27 décembre 1961 relative au statut des sous-officiers du cadre actif des forces armées viole-t-il les articles 10 et 11, combinés avec l'article 182, de la Constitution, en tant qu'il prive, de manière discriminatoire, les sous-officiers du cadre actif des forces armées de la garantie de l'intervention d'une assemblée délibérante démocratiquement élue, telle qu'elle est prévue par l'article 182 de la Constitution, en ce que l'article 19 de la loi du 27 décembre 1961 habilite de manière générale le ministre de la Défense nationale à retirer temporairement les sous-officiers de leur emploi par mesure disciplinaire et en ce que les cas dans lesquels ce retrait temporaire d'emploi peut être infligé sont fixés par l'article 23 de l'arrêté royal du 25 octobre 1963 relatif au statut des sous-officiers du cadre actif des forces armées, sans que le Roi ait été explicitement habilité à cette fin par le législateur ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 19 de la loi du 27 décembre 1961 relative au statut des sous-officiers du cadre actif des forces armées. Cette disposition est rédigée comme suit : « Le Ministre de la Défense nationale peut retirer le sous-officier, pour une durée déterminée, de son emploi par mesure disciplinaire ».

En exécution de l'article précité, l'article 23 de l'arrêté royal du 25 octobre 1963 relatif au statut des sous-officiers du cadre actif des forces armées dispose : « La non-activité par mesure disciplinaire peut être infligée au sous-officier qui a fait l'objet d'une condamnation, qui a reçu des punitions répétées, qui a été puni pour une transgression grave, qui a commis un fait grave incompatible avec l'état de sous-officier ou qui a fait l'objet, pour motif disciplinaire, d'une proposition de retrait définitif d'emploi.

Lorsqu'un chef hiérarchique d'un rang au moins égal à celui de chef de corps estime qu'un sous-officier doit être mis en non-activité par mesure disciplinaire, il adresse au Ministre de la Défense, par la voie hiérarchique, une proposition motivée.

Lorsque le Ministre de la Défense estime devoir prendre l'initiative de la mesure, il consulte au préalable les chefs hiérarchiques ».

B.2. Il est demandé à la Cour si l'article 19 précité viole les articles 10 et 11, combinés avec l'article 182, de la Constitution, en ce que cette disposition habilite de manière générale le ministre de la Défense nationale à retirer temporairement le sous-officier de son emploi par mesure disciplinaire.

B.3.1. L'article 182 de la Constitution dispose : « Le mode de recrutement de l'armée est déterminé par la loi. Elle règle également l'avancement, les droits et les obligations des militaires ».

B.3.2. En attribuant au pouvoir législatif la compétence de régler les droits et obligations des militaires, le Constituant a voulu éviter que le pouvoir exécutif seul règle les forces armées. Ainsi, l'article 182 de la Constitution garantit qu'une assemblée délibérante démocratiquement élue décide en cette matière.

Bien que l'article 182 de la Constitution réserve ainsi la compétence normative relative à cette matière au législateur fédéral - qui doit en régler les éléments essentiels -, cet article n'exclut pas de laisser un pouvoir limité d'exécution au Roi ou à une autre autorité.

Une telle délégation n'est pas contraire au principe de légalité pour autant que l'habilitation soit définie de manière suffisamment précise et porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels sont préalablement fixés par le législateur.

Par conséquent, il y a lieu d'examiner si l'habilitation conférée par la disposition en cause au ministre de la Défense nationale respecte les limites ainsi définies.

B.3.3. Cette disposition confère au ministre de la Défense nationale le pouvoir de retirer le sous-officier, pour une durée déterminée, de son emploi par mesure disciplinaire. L'autorité disciplinaire peut seulement infliger les sanctions disciplinaires qui ont été déterminées par la loi. L'article 19 de la loi du 27 décembre 1961 prévoit un retrait temporaire d'emploi, de sorte que cet article est compatible sur ce point avec les articles 10 et 11, combinés avec l'article 182, de la Constitution.

B.3.4. Le principe de légalité inscrit à l'article 12, alinéa 2, de la Constitution ne s'applique pas en matière disciplinaire. Il s'ensuit que l'action disciplinaire qui a pour objet d'examiner si le titulaire d'une fonction publique ou d'une profession a enfreint les règles de déontologie ou de discipline ou a porté atteinte à l'honneur ou à la dignité de sa fonction ou de sa profession peut concerner des manquements qui ne font pas nécessairement l'objet d'une définition précise.

Il en découle que le fait que l'article 19 de la loi du 27 décembre 1961 ne précise pas les infractions disciplinaires pour lesquelles le sous-officier peut être privé temporairement de sa fonction est compatible avec les articles 10 et 11, combinés avec l'article 182, de la Constitution.

B.4. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 19 de la loi du 27 décembre 1961 relative au statut des sous-officiers du cadre actif des forces armées ne viole pas les articles 10 et 11, combinés avec l'article 182, de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 22 décembre 2010.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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