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Arrêt
publié le 14 août 2012

Extrait de l'arrêt n° 56/2012 du 19 avril 2012 Numéro du rôle : 5314 En cause : la demande de suspension des articles 174/1 et 313 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été modifié par les articles 28 et 33 de la loi du 28 déce La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De(...)

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14/08/2012
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Extrait de l'arrêt n° 56/2012 du 19 avril 2012 Numéro du rôle : 5314 En cause : la demande de suspension des articles 174/1 et 313 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été modifié par les articles 28 et 33 de la loi du 28 décembre 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/2011 pub. 30/12/2011 numac 2011021115 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer portant des dispositions diverses, introduite par Guy Kleynen.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 17 février 2012 et parvenue au greffe le 20 février 2012, Guy Kleynen, demeurant à 1150 Bruxelles, avenue des Albatros 17, a introduit une demande de suspension des articles 174/1 et 313 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été modifié par les articles 28 et 33 de la loi du 28 décembre 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/2011 pub. 30/12/2011 numac 2011021115 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer portant des dispositions diverses (publiée au Moniteur belge du 30 décembre 2011, quatrième édition).

Par la même requête, la partie requérante demande également l'annulation des mêmes dispositions légales. (...) II. En droit (...) B.1.1. La demande de suspension porte sur l'article 28 et l'article 33 de la loi du 28 décembre 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/2011 pub. 30/12/2011 numac 2011021115 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer portant des dispositions diverses qui, respectivement, insère et remplace l'article 174/1 et l'article 313 du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992).

Ces articles disposent : «

Art. 174/1.§ 1er. Il est établi au profit exclusif de l'Etat, une cotisation supplémentaire sur des revenus mobiliers, assimilée à l'impôt des personnes physiques, à charge des contribuables qui perçoivent des dividendes et des intérêts dont le montant total net s'élève à plus de 13.675 euros.

Cette cotisation est fixée à 4 p.c. de la partie des dividendes et des intérêts visés à l'article 17, § 1er, 1° et 2°, qui excède le montant total net de 13.675 euros.

Le montant net des revenus est déterminé conformément à l'article 22, § 1er.

Les dividendes et les intérêts soumis au taux de 10 ou 25 p.c. et les revenus afférents aux dépôts d'épargne visés à l'article 171, 3°quinquies, ne sont pas soumis à cette cotisation.

Pour apprécier si cette limite de 13.675 euros est dépassée, les dividendes et les intérêts sur lesquels la cotisation n'est pas applicable sont comptabilisés en premier lieu. Toutefois, les dividendes visés à l'article 171, 2°, f, ne doivent pas être comptés. § 2. Les redevables du précompte mobilier visés à l'article 261 doivent transmettre les informations relatives aux dividendes et intérêts visés à l'article 17, § 1er, 1° et 2°, au point de contact central tenu par la Banque nationale de Belgique en identifiant les bénéficiaires des revenus.

Lorsque le bénéficiaire des revenus opte pour une retenue de la cotisation supplémentaire sur des revenus mobiliers, en plus du précompte mobilier, le montant de ces revenus n'est pas communiqué au point de contact central.

Lorsque le bénéficiaire des revenus n'opte pas pour une retenue de la cotisation supplémentaire sur des revenus mobiliers, cette cotisation est, le cas échéant, établie lors du calcul de l'impôt des personnes physiques sur la base des informations dans la déclaration à l'impôt des personnes physiques, complétées éventuellement par les données communiquées au point de contact central qui n'ont pas été déclarées.

Le point de contact central transmet, pour un contribuable déterminé, les informations nécessaires en vue de l'application correcte du présent article en ce qui concerne les revenus susvisés à l'administration fiscale opérationnelle compétente qui le demande.

Lorsque, pour un contribuable, le total des revenus mobiliers communiqués pendant une période imposable, dépasse 13.675 euros, le point de contact central transmet automatiquement les informations concernant ce contribuable à l'administration fiscale opérationnelle compétente.

Le Roi détermine les modalités de transmission de l'information au point de contact central par les redevables du précompte mobilier et aux administrations fiscales opérationnelles par le point de contact central. § 3. Les retenues à la source de la cotisation sont réglées par les dispositions applicables dans le titre VI en matière de précompte mobilier sauf s'il y est dérogé.

Le Roi peut déterminer des règles particulières relatives aux retenues à la source de la cotisation.

Les dispositions du titre VII sont applicables à la cotisation sauf s'il y est dérogé ». «

Art. 313.Les contribuables assujettis à l'impôt des personnes physiques sont tenus de mentionner dans leur déclaration annuelle audit impôt, les revenus de capitaux et biens mobiliers visés à l'article 17, § 1er, ainsi que les revenus divers visés à l'article 90, 6° et 11°, sauf s'il s'agit des intérêts et des dividendes visés à l'article 171, 2°ter, qui ont subi la retenue à la source de la cotisation visée à l'article 174/1.

Le précompte mobilier et la retenue à la source de la cotisation visée à l'article 174/1 dus sur de tels revenus non déclarés ne peuvent être imputés sur l'impôt des personnes physiques, ni être restitués ».

B.1.2. Cette loi a été publiée au Moniteur belge le 30 décembre 2011 et les dispositions attaquées s'appliquent aux revenus attribués ou mis en paiement à partir du 1er janvier 2012 (article 38). La demande de suspension a donc été introduite dans les délais.

B.2.1. La partie requérante justifie son intérêt à agir en faisant valoir qu'elle est titulaire, en indivision avec son épouse et ses enfants, d'un portefeuille de titres dans une banque belge.

Le Conseil des ministres ne conteste pas formellement l'intérêt de la partie requérante mais fait observer que les dispositions attaquées ne visent pas tous les revenus mobiliers et qu'il y a lieu de distinguer, compte tenu de l'article 127 du CIR 1992, le montant des revenus qui échoient à la partie requérante de celui des revenus qui échoient à son épouse.

B.2.2. La demande de suspension étant subordonnée au recours en annulation, la recevabilité de celui-ci, et en particulier l'existence de l'intérêt requis, doit être abordée dès l'examen de la demande de suspension.

B.2.3. La qualité de contribuable à l'impôt des personnes physiques de la partie requérante, titulaire de revenus mobiliers pouvant être visés par les dispositions qu'elle attaque, suffit pour lui permettre de justifier de l'intérêt à les contester.

B.2.4. L'examen limité de la recevabilité du recours en annulation auquel la Cour a pu procéder dans le cadre de la demande de suspension ne fait pas apparaître que le recours en annulation - et donc la demande de suspension - doive être considéré comme irrecevable.

B.3. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.

Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.

B.4. Comme le fait observer le Conseil des ministres, la demande de suspension ne contient pas d'exposé formel du préjudice grave difficilement réparable que la partie requérante invoque pour motiver cette demande. La requête contient cependant un « dixième moyen spécifique à la demande de suspension », qui se réfère à « des effets irréparables pour les contribuables qui [...] sont les victimes » des mesures prévues par les dispositions attaquées et dont il peut être admis, comme le Conseil des ministres en évoque la possibilité, qu'il contient les éléments invoqués par la partie requérante pour établir le préjudice grave difficilement réparable qui pourrait résulter de l'exécution immédiate des dispositions attaquées.

B.5. La partie requérante fait valoir, en substance, que les dispositions attaquées créent une insécurité juridique vis-à-vis des bénéficiaires de dividendes et d'intérêts qui, compte tenu des mesures d'exécution de ces dispositions prises tant par le SPF Finances que par l'établissement bancaire dont la partie requérante est cliente, aboutit à frapper tous ces revenus de la cotisation supplémentaire de 4 % établie par l'article 174/1 précité et à communiquer les données bancaires des bénéficiaires au « point central de contact » visé par la même disposition, sans permettre à ces bénéficiaires de vérifier si, compte tenu de leur situation personnelle, ils sont ou non redevables de la cotisation et sans tenir compte de ce que l'impôt n'est dû qu'au-delà d'un seuil déterminé de revenus. Une telle mesure serait disproportionnée compte tenu du montant limité de la recette fiscale en cause, du nombre limité de contribuables concernés, des dommages que cette mesure peut causer à l'économie du pays, des coûts qu'elle implique et de l'incitation qu'elle constituera pour les contribuables à s'orienter vers des placements qui ne sont pas soumis à la mesure attaquée.

B.6. La suspension par la Cour d'une disposition législative doit permettre d'éviter que l'application immédiate des normes attaquées cause à la partie requérante un préjudice grave, qui ne pourrait être réparé ou qui pourrait difficilement l'être en cas d'annulation de ces normes.

Il ressort de l'article 22 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle que, pour satisfaire à la deuxième condition de l'article 20, 1°, de cette loi, la personne qui forme une demande de suspension doit exposer, dans sa requête, des faits concrets et précis qui prouvent à suffisance que l'application immédiate des dispositions dont elle demande l'annulation risque de lui causer un préjudice grave difficilement réparable.

Cette personne doit notamment faire la démonstration de l'existence du risque de préjudice, de sa gravité et de son lien avec l'application des dispositions attaquées.

B.7. Le préjudice invoqué par la partie requérante ne peut être qualifié de grave et difficilement réparable dans la mesure où il s'agit d'un préjudice financier qui peut être réparé en cas d'annulation des mesures attaquées.

De surcroît, la partie requérante ne rapporte aucune preuve d'un préjudice lié à une éventuelle atteinte au secret bancaire fiscal avant que la Cour n'ait statué sur le recours en annulation. Par ailleurs, elle lie les éléments du préjudice qu'elle invoque à des mesures d'exécution des dispositions qu'elle attaque, de sorte qu'à supposer qu'il soit établi et puisse être qualifié de grave et difficilement réparable, ce préjudice ne résulte pas comme tel des dispositions attaquées.

Enfin, les considérations générales avancées par la partie requérante et relatives aux effets généraux que les dispositions attaquées ou leur mise en oeuvre auraient en matière d'insécurité juridique sur le comportement des contribuables ou sur l'économie belge en général ne sont pas de nature à constituer le risque de préjudice grave difficilement réparable visé par la loi spéciale du 6 janvier 1989.

B.8. Dès lors qu'il n'est pas établi que l'exécution immédiate des dispositions attaquées puisse causer un préjudice grave difficilement réparable, il n'y a pas lieu de vérifier si les moyens allégués dans le cadre de la demande de suspension peuvent être qualifiés de sérieux.

Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 19 avril 2012.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, R. Henneuse

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