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Arrêt
publié le 24 septembre 2013

Extrait de l'arrêt n° 84/2013 du 13 juin 2013 Numéros du rôle : 5534 et 5536 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 39/73, § 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 84/2013 du 13 juin 2013 Numéros du rôle : 5534 et 5536 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 39/73, § 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, tel qu'il a été remplacé par l'article 41 de la loi du 29 décembre 2010 portant des dispositions diverses (II), posées par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, A. Alen, J.-P. Snappe, T. Merckx-Van Goey et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêts nos 221.568 et 221.569 du 29 novembre 2012 en cause respectivement de Sami Cahanaj et Gzim Cahanaj, contre le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 10 décembre 2012 et le 11 décembre 2012, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 39/73, § 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il dispose que le délai de quinze jours ouvert aux parties pour demander à être entendues court à partir de l'envoi de l'ordonnance par laquelle le président de la Chambre ou le juge qu'il désigne notifie aux parties que la Chambre statuera sans audience, alors que pour les destinataires de décisions administratives les délais ne commencent à courir qu'à partir du moment où ils prennent effectivement connaissance des décisions qui leur sont notifiées ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 5534 et 5536 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 39/73, § 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en ce qu'il dispose que le délai de quinze jours ouvert aux parties pour demander à être entendues court à partir de l'envoi de l'ordonnance par laquelle le président de la chambre du Conseil du contentieux des étrangers ou le juge qu'il désigne notifie aux parties que la chambre statuera sans audience, alors que pour les destinataires de décisions administratives, les délais ne commencent à courir qu'à partir du moment où ils prennent effectivement connaissance des décisions qui leur sont notifiées.

B.2. L'article 39/73, § 2, en cause dispose : « Par ordonnance, le président de chambre ou le juge qu'il désigne notifie aux parties que la chambre statuera sans audience, à moins que, dans un délai de quinze jours après l'envoi de l'ordonnance, une des parties demande à être entendue. L'ordonnance communique le motif sur lequel le président de chambre ou le juge qu'il désigne se fonde pour juger que le recours peut être suivi ou rejeté selon une procédure purement écrite. Si une note d'observation a été déposée, cette note est communiquée en même temps que l'ordonnance ».

B.3.1. D'après le Conseil des ministres, les deux catégories de personnes visées par la question préjudicielle ne peuvent être comparées. En effet, les actes dont la notification fait courir un délai seraient d'une nature différente dès lors que l'un est adopté au cours d'une procédure contentieuse tandis que l'autre est adopté au terme d'un processus décisionnel non contentieux.

B.3.2. Bien qu'elles se trouvent dans des situations objectivement différentes, les personnes qui sont visées par la disposition en cause et celles auxquelles sont notifiées des décisions administratives en dehors de toute procédure contentieuse ne sont pas à ce point éloignées qu'elles ne pourraient être comparées. Il s'agit, en effet, dans les deux cas, de personnes qui sont les destinataires d'un acte et se voient appliquer des règles de computation de délais différentes pour contester une décision qui certes, dans le premier cas, émane d'une autorité juridictionnelle et dans le second, d'une autorité administrative.

B.4. L'exception est rejetée.

B.5. L'article 39/73 en cause, inséré dans la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer par l'article 172 de la loi du 15 septembre 2006 réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers, a été remplacé par l'article 41 de la loi du 29 décembre 2010 portant des dispositions diverses (II).

L'exposé des motifs de la loi mentionne : « Cette disposition règle l'instauration d'une procédure purement écrite et la possibilité d'être entendu prévue dans cette procédure s'inspire de l'article 14quater de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat. Le système rencontre l'avis du Conseil d'Etat n° 45 541/4 du 23 décembre 2008, étant donné qu'il prévoit la possibilité d'un débat contradictoire et la possibilité pour la partie qui en fait la demande expresse dans le délai lui imparti à cet effet, de formuler ses remarques lors d'une audience devant son premier juge, qui est le Conseil.

L'objectif de cette disposition est de traiter les recours pour lesquels un débat oral n'offre pas de valeur ajoutée par une procédure écrite raccourcie. Il s'agit, par exemple, de recours dans les affaires pour lesquelles la solution s'impose d'évidence.

A cet égard, il peut être fait référence à des systèmes déjà existants, tels que les articles (actuellement abrogés) 93-94 RP C.E., ainsi qu'au système (arrêt de réponse immédiate) qui est par exemple visé à l'article 72 CC. Cc [lire : la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle]. Les juridictions étrangères connaissent également un même système de traitement raccourci pour les affaires simples et évidentes. Par exemple, l'article R733-16 du Code français de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : ' Lorsque, en application de l'article L. 733-2, le président de la cour et les présidents statuent, par ordonnance, sur les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur général de l'office, cette ordonnance ne peut être prise qu'après étude du dossier par un rapporteur. ' Vu la nature du contentieux, on peut s'attendre à ce qu'une partie considérable des litiges pourra être traitée selon la procédure purement écrite. L'effectivité de la mesure peut d'ailleurs encore être augmentée en ne liant plus le paiement de l'avocat pro deo à sa présence à l'audience.

Dans la pratique, le président de chambre ou le juge qu'il désigne examinera les recours introduits et s'il considère qu'une audience n'est pas nécessaire, il en informera les parties par ordonnance. Dans cette ordonnance, il doit être clairement indiqué pourquoi un recours est traité par une procédure purement écrite. Ainsi, le juge qui traite le recours peut par exemple constater que la décision attaquée a déjà reçu pleine exécution et est donc sans objet, il peut indiquer que le recours est tardif ou que, vu la jurisprudence constante du Conseil, la demande introduite peut ou non être accueillie.

Si une des parties ne peut pas se rallier à l'argumentation reprise dans l'ordonnance, elle peut demander une audience afin d'exposer encore son point de vue. Après avoir entendu les parties, le Conseil rendra un arrêt sans que des démarches de procédure supplémentaires ne doivent être faites.

Si, toutefois, aucune des parties ne demande une audience, il est présumé qu'elles sont d'accord avec l'argumentation du Conseil reprise dans l'ordonnance. S'il est précisé dans l'ordonnance que le recours s'avère fondé et que la partie défenderesse ne demande pas à être entendue, le recours est admis; dans tous les autres cas, lorsque la partie requérante ne demande pas d'audience après lecture du motif repris dans l'ordonnance, le désistement d'instance est constaté » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-0772/001, pp. 23 à 25).

B.6.1. La spécificité, l'accroissement et l'urgence du contentieux né de l'application de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer justifient l'adoption de règles particulières, propres à accélérer le traitement des recours auprès du Conseil du contentieux des étrangers. Les mesures destinées à accélérer et à simplifier la procédure ne sont toutefois admissibles qu'à la condition qu'elles ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit des requérants de jouir des garanties juridictionnelles leur permettant de faire examiner par un juge, dans le cadre d'un recours effectif, leurs griefs tirés notamment de la violation des droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi que la Cour l'a jugé au B.28.2 de l'arrêt n° 88/2012 du 12 juillet 2012, en permettant au président de chambre ou au juge désigné par lui de considérer, sur le vu des pièces écrites échangées par les parties, qu'il n'est pas nécessaire qu'elles exposent encore oralement leurs remarques, le législateur a pris une mesure qui est en rapport avec le but qu'il poursuit. En l'espèce, l'absence de précisions légales quant aux recours qui peuvent être considérés comme ne nécessitant pas d'échange oral d'arguments est compensée par la garantie que les parties sont entendues au cours d'une audience si l'une d'elles en fait la demande. Ainsi, le requérant, sur le vu de l'ordonnance motivée par laquelle le président de chambre ou le juge désigné par lui l'informe de ce qu'il considère qu'aucune audience n'est nécessaire, a néanmoins le droit d'exposer ses arguments et de répondre à ceux de la partie adverse oralement s'il en fait la demande.

B.6.2. Compte tenu de l'objectif d'efficacité et de célérité de la procédure poursuivi par le législateur ainsi que des particularités du contentieux décrites en B.5, il n'est pas sans justification raisonnable de faire courir le délai de la demande par l'une des parties à être entendue au cours d'une audience, à dater de l'envoi de l'ordonnance du président ou du juge désigné par lui. Ladite ordonnance, qui est prise au terme d'un échange par les parties de leurs arguments écrits, n'a pour seul objectif que de permettre à celles-ci de demander à ce que cette audience ait lieu, dans l'hypothèse où l'autorité juridictionnelle aurait estimé qu'une procédure écrite pouvait suffire. En vertu de l'article 3, § 2, de l'arrêté royal du 21 décembre 2006 fixant la procédure devant le Conseil du Contentieux des Etrangers, l'envoi de l'ordonnance est effectué sous pli recommandé à la poste avec accusé de réception ou par porteur contre accusé de réception.

Si la prise en compte de la date d'envoi de l'ordonnance comme point de départ du délai peut être de nature à raccourcir, dans les faits, ledit délai, il n'est pas pour autant porté atteinte de manière disproportionnée aux garanties juridictionnelles des parties concernées dès lors que ce délai demeure suffisant pour leur permettre de demander à être entendues oralement, et que cette demande ne doit pas contenir les observations que la partie qui la formule entend développer à l'audience.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 39/73, § 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 13 juin 2013.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, R. Henneuse

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