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Arrêt
publié le 23 mai 2014

Extrait de l'arrêt n° 63/2014 du 3 avril 2014 Numéro du rôle : 5665 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 7 de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses, posée par la Cour du travail de Gand.

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23/05/2014
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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 63/2014 du 3 avril 2014 Numéro du rôle : 5665 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 7 de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses, posée par la Cour du travail de Gand.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Moerman, E. Derycke et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 14 juin 2013 en cause de la société coopérative de droit public « Opera voor Vlaanderen », en liquidation, contre Linda Devis et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 20 juin 2013, la Cour du travail de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 7 de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses viole-t-il le principe d'égalité et de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les intimées (en tant qu'agents statutaires du secteur public), dont la relation de travail n'a pas pris fin mais qui ont été mises en disponibilité, pour cause de suppression d'emploi, par une décision unilatérale de l'autorité qui les occupe, ne peuvent pas, à partir du moment où elles ne peuvent plus prétendre au traitement d'attente, bénéficier de l'assujettissement à la sécurité sociale en ce qui concerne l'assurance contre le chômage, l'assurance-maladie, secteur des indemnités, et l'assurance maternité, comme le prévoit l'article 9 de la loi précitée, tandis que tel est bien le cas pour les agents du secteur public dont la relation de travail prend fin parce qu'elle est rompue unilatéralement par l'autorité ou parce que l'acte de nomination est annulé, retiré, abrogé ou non renouvelé, alors que ces deux catégories d'agents ne disposent plus de revenus du travail ou d'un traitement d'attente résultant d'un emploi chez cette autorité ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 7, § 1er, de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses fait partie du chapitre II (« Assujettissement de certains agents du secteur public et de l'enseignement subventionné libre à l'assurance contre le chômage, à l'assurance maladie (secteur des indemnités) et à l'assurance maternité ») du titre Ier (« Fonction publique ») de cette loi et dispose : « Ce chapitre est applicable à toute personne : - dont la relation de travail dans un service public ou tout autre organisme de droit public prend fin parce qu'elle est rompue unilatéralement par l'autorité ou parce que l'acte de nomination est annulé, retiré, abrogé ou non renouvelé, - et qui du fait de cette relation de travail n'est pas assujettie aux dispositions de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs salariés, en ce qu'elles concernent le régime de l'emploi et du chômage et le secteur des indemnités de l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité ».

B.2. La Cour est interrogée sur le point de savoir si cette disposition est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que les membres du personnel statutaire dont la relation de travail dans un service public prend fin parce qu'elle a été rompue unilatéralement par l'autorité ou parce que l'acte de nomination a été annulé, retiré, abrogé ou non renouvelé, peuvent bénéficier de la sécurité sociale, en ce qui concerne l'assurance contre le chômage, l'assurance maladie, secteur des indemnités, et l'assurance maternité, tandis que les membres du personnel statutaire occupés dans un service public qui sont mis en disponibilité pour cause de suppression d'emploi et qui ne peuvent plus prétendre à un traitement d'attente ne peuvent pas en bénéficier.

B.3.1. Les dispositions du chapitre II précité du titre Ier de la loi du 20 juillet 1991 règlent en substance l'assujettissement, par dérogation à la règle générale, des membres du personnel statutaire occupés dans un service public et dont la relation de travail prend fin dans ce service selon le mode décrit dans la disposition en cause, à certaines branches de la sécurité sociale pour les travailleurs salariés, plus précisément à l'assurance contre le chômage, à l'assurance maladie, secteur des indemnités, et à l'assurance maternité (article 9 de la loi du 20 juillet 1991).

B.3.2. Cette mesure a été justifiée dans les travaux préparatoires de la manière suivante : « Les dispositions du chapitre II du titre Ier du projet visent à créer un dispositif en faveur des agents statutaires dont la relation de travail prend fin à cause d'un acte unilatéral de l'autorité compétente (hiérarchique ou de tutelle) ou d'une annulation par un collège juridique administratif. Cette solution s'inscrit dans le cadre de la ' lutte contre la pauvreté ' qui constitue un des objectifs du Gouvernement.

Des agents nommés à titre définitif ne sont pas assujettis au régime général de la sécurité sociale, régime qui contient notamment le système des indemnités de chômage et celui des interventions en matière d'invalidité et de maladie. La démission de ces agents, pour quelque motif que ce soit, sans qu'ils puissent faire valoir des droits à la pension, implique automatiquement, pour eux et pour les membres de leur famille, la perte de revenus professionnels. Le seul moyen qui leur reste est l'appel à l'intervention du C.P.A.S. Dans un Etat moderne, axé sur le bien-être de chacun, cette situation n'est plus acceptable. C'est pourquoi le Gouvernement propose, par une fiction juridique, d'assujettir ces agents qui ont été licenciés ou dont la nomination a été annulée, au système général de la sécurité sociale. De cette façon, ces agents, de même que les membres de leur famille pourront bénéficier des indemnités éventuelles de chômage ainsi que des indemnités de l'assurance maladie et invalidité » (Doc. parl., Sénat, 1990-1991, n° 1374-2, p. 8; Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1695/6, pp. 4 et 5).

B.3.3. En vue de financer la mesure précitée, l'article 10 de la loi du 20 juillet 1991 prévoit une régularisation des cotisations de sécurité sociale pour la période qui correspond au nombre de journées de travail que la personne licenciée doit prouver normalement vu la catégorie d'âge à laquelle elle appartient, pour être admise au bénéfice des allocations de chômage, et des cotisations de sécurité sociale, calculées sur une période de six mois, pour l'admission de la personne intéressée au bénéfice du régime de l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, secteur des indemnités, et de l'assurance maternité.

B.3.4. En vertu de l'article 11 de la loi du 20 juillet 1991, l'employeur délivre au fonctionnaire concerné tous les documents requis par la législation de sécurité sociale, un certificat de licenciement et un avis concernant les formalités à remplir conformément aux dispositions de l'article 9, a) et b). Relève notamment de ces formalités, l'obligation de s'inscrire dans les trente jours suivant la fin de la relation de travail auprès du bureau régional de l'emploi en tant que demandeur d'emploi. L'employeur délivre en outre à l'Office national de la sécurité sociale ou à l'Office national de sécurité sociale des administrations provinciales et locales les informations requises pour le calcul des cotisations.

B.4.1. Les faits de la cause pendante devant la juridiction a quo font apparaître que les intimées devant cette juridiction sont des membres du personnel nommés à titre définitif d'une société coopérative de droit public qui ont été mis en disponibilité pour cause de suppression d'emploi, en application des dispositions de l'arrêté royal du 26 décembre 1938 relatif au régime des pensions du personnel communal.

B.4.2. En vertu de l'article 48 de l'arrêté royal du 26 décembre 1938, les fonctionnaires qui sont mis en disponibilité pour cause de suppression d'emploi conservent leurs titres à l'avancement et jouissent d'un traitement d'attente. En vertu de l'article 49 de cet arrêté royal, ces fonctionnaires bénéficient pendant les première et deuxième années d'un traitement d'attente égal au dernier traitement d'activité. Le traitement d'attente diminue toutefois au cours des années suivantes de la manière prévue dans cet article; à partir d'un certain moment, il est réduit à zéro.

B.4.3. La juridiction a quo constate qu'aux termes de l'arrêté royal du 26 décembre 1938, la mise en disponibilité pour cause de suppression d'emploi ne met pas fin à la relation de travail entre l'autorité et les membres du personnel concernés qu'elle occupe, même pas lorsque le traitement d'attente est réduit à zéro. Le fonctionnaire mis en disponibilité peut être rappelé en service actif.

B.5. La question préjudicielle soumise à la Cour concerne la différence de traitement entre, d'une part, les personnes occupées dans un service public dont la relation de travail prend fin parce qu'elle a été rompue unilatéralement par l'autorité ou parce que l'acte de nomination est annulé, retiré, abrogé ou non renouvelé et, d'autre part, les personnes occupées dans un service public qui sont mises en disponibilité pour cause de suppression d'emploi.

B.6. Cette différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir la cessation ou non de la relation de travail entre l'autorité et le membre du personnel concerné qu'elle occupe, et elle n'est pas dénuée de justification raisonnable par rapport aux objectifs poursuivis par le législateur. Le législateur a pu estimer que la mesure en cause d'assujettissement des membres du personnel statutaire d'un service public au régime de la sécurité sociale des travailleurs salariés n'est indiquée que lorsque la relation de travail entre l'autorité et les fonctionnaires concernés qu'elle occupe a pris fin.

Par ailleurs, la différence de traitement est liée au principe général des allocations de chômage, qui exige qu'un chômeur soit disponible pour le marché de l'emploi (articles 56 et suivants de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage).

B.7. La circonstance que les membres du personnel statutaire occupés dans un service public qui sont mis en disponibilité pour cause de suppression d'emploi n'ont plus de revenus dès le moment où ils ne perçoivent plus de traitement d'attente ne résulte pas de la disposition en cause, mais des dispositions qui régissent le statut des membres du personnel concernés occupés dans un service public. Il n'appartient pas à la Cour mais à la juridiction a quo de se prononcer sur la constitutionnalité des dispositions de l'arrêté royal du 26 décembre 1938 relatif au régime des pensions du personnel communal.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 7, § 1er, de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 3 avril 2014.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

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