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Arrêt
publié le 09 juin 2015

Extrait de l'arrêt n° 31/2015 du 12 mars 2015 Numéro du rôle : 5817 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 4 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, posée par la Cour d'appel de Bruxelles. composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moer(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 31/2015 du 12 mars 2015 Numéro du rôle : 5817 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 4 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 16 janvier 2014 en cause de la SPRL « Jac Consulting », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 23 janvier 2014, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 4 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il implique qu'un indépendant titulaire d'une profession libérale opérant sous la forme d'une société civile à forme commerciale n'est pas admis au bénéfice des mesures mises en oeuvre par ladite loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises alors que tout autre indépendant opérant sous la forme d'une société civile à forme commerciale est quant à lui admis au bénéfice des mesures mises en oeuvre par cette loi ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 3 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises (ci-après : la LCE), telle qu'elle a été modifiée par la loi du 27 mai 2013, dispose : « La présente loi est applicable aux débiteurs suivants : les commerçants visés à l'article 1er du Code de commerce, les agriculteurs, la société agricole visée à l'article 2, § 3, du Code des sociétés et les sociétés civiles à forme commerciale visées à l'article 3, § 4, du même Code ».

L'article 4 de la même loi, sur lequel porte la question préjudicielle, dispose : « La présente loi n'est pas applicable aux sociétés civiles à forme commerciale qui ont la qualité de titulaire d'une profession libérale définie à l'article 2, 1°, de la loi du 2 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 20/11/2002 numac 2002009820 source service public federal justice Loi relative à la publicité trompeuse et à la publicité comparative, aux clauses abusives et aux contrats à distance en ce qui concerne les professions libérales type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers type loi prom. 02/08/2002 pub. 22/08/2002 numac 2002009786 source service public federal justice Loi modifiant le Code des sociétés et la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes, dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiques d'acquisition fermer relative à la publicité trompeuse et à la publicité comparative, aux clauses abusives et aux contrats à distance en ce qui concerne les professions libérales, ou sous la forme de laquelle des titulaires d'une profession libérale exercent leur activité.

De même, la présente loi n'est pas applicable aux établissements de crédit, aux entreprises d'assurances, aux entreprises d'investissement, aux sociétés de gestion d'organismes de placement collectif, aux organismes de compensation et de liquidation et assimilés, aux entreprises de réassurance, aux compagnies financières et aux compagnies financières mixtes ».

B.1.2. L'article 2, 1°, de la loi du 2 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 20/11/2002 numac 2002009820 source service public federal justice Loi relative à la publicité trompeuse et à la publicité comparative, aux clauses abusives et aux contrats à distance en ce qui concerne les professions libérales type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers type loi prom. 02/08/2002 pub. 22/08/2002 numac 2002009786 source service public federal justice Loi modifiant le Code des sociétés et la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes, dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiques d'acquisition fermer précitée définit la profession libérale comme « toute activité professionnelle indépendante de prestation de services ou de fourniture de biens, qui ne constitue pas un acte de commerce ou une activité artisanale visée par la loi du 18 mars 1965 sur le registre de l'artisanat et qui n'est pas visée par la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, a l'exclusion des activités agricoles et d'élevage ».

B.2. La LCE remplace la loi du 17 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/07/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009767 source ministere de la justice Loi relative au concordat judiciaire fermer relative au concordat judiciaire qui avait, d'après le législateur, « rapidement montré ses limites ».

Le législateur a eu pour objectif de « poursuivre le développement durable des entreprises et leur assainissement, sans perturber par des décisions judiciaires les mécanismes normaux des marchés » (Doc. parl., Chambre, 2007, DOC 52-0160/001, p. 4, et Doc. parl., Chambre, 2007-2008, DOC 52-0160/002, p. 39).

Les mesures prises par la loi en cause visent à créer un « système permettant sans trop de complication de restructurer une activité économique sur un arrière fond de pré-faillite voire même de faillite imminente » (Doc. parl., Chambre, 2007-2008, DOC 52-0160/002, p. 39), de sorte que « dorénavant le débiteur, qui a des problèmes de liquidités, dispose, même s'il se trouve dans un état de faillite, d'un éventail de possibilités permettant à l'entreprise de retrouver sa rentabilité » (ibid., p. 41).

B.3. La Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'exclusion des indépendants titulaires d'une profession libérale opérant sous la forme d'une société civile à forme commerciale du bénéfice des mesures prises par la LCE. La Cour limite son examen à l'alinéa 1er de l'article 4 en cause, l'alinéa 2 visant des entreprises ou des organismes qui ne ressortissent pas à l'exercice d'une profession libérale au sens de l'alinéa 1er, seul visé, en réalité, par le juge a quo.

B.4.1. La LCE, dans sa version applicable au litige devant le juge a quo, prévoit, notamment, une procédure dite « de réorganisation judiciaire » qui a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de tout ou partie de l'entreprise en difficulté ou de ses activités (article 16, alinéa 1er); cette procédure permet d'accorder un sursis (dont la durée est fixée par le juge en vertu de l'article 24, § 2) au débiteur en vue soit d'aboutir à une réorganisation judiciaire par accord amiable entre créanciers et débiteur, visé à l'article 43, ou par accord collectif des créanciers, visé aux articles 44 et suivants, soit de permettre le transfert à des tiers de tout ou partie de l'entreprise ou de ses activités, visé aux articles 59 et suivants (article 16, alinéa 2).

B.4.2. L'exclusion des titulaires d'une profession libérale du champ d'application de la loi a été justifiée comme suit : « Les professions libérales telles que définies par l'article 2 de la loi du 2 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 20/11/2002 numac 2002009820 source service public federal justice Loi relative à la publicité trompeuse et à la publicité comparative, aux clauses abusives et aux contrats à distance en ce qui concerne les professions libérales type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers type loi prom. 02/08/2002 pub. 22/08/2002 numac 2002009786 source service public federal justice Loi modifiant le Code des sociétés et la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes, dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiques d'acquisition fermer seront le plus souvent soumises à une réglementation disciplinaire, qui comprend aussi une part de contrôle financier de la société, sous laquelle les titulaires de professions libérales exercent leur profession. Elles sont donc contrôlées et l'assistance nécessaire et le conseil leur sont donnés. Cela signifie aussi pour les titulaires de professions libérales opérant sous la forme d'une société civile à forme commerciale que les règles spécifiques qui existent pour ces professions - par exemple le secret professionnel, l'observation des règles de déontologie, les règles spécifiques de responsabilité - auraient dû être incorporées dans la loi sur la continuité ce qui aurait provoqué une différence dans l'application de cette loi et qui aurait semblé délicat au regard de l'égalité » (Doc. parl., Chambre, 2007-2008, DOC 52-0160/002, p. 47).

Les travaux préparatoires précisent encore que cette exclusion est justifiée par le fait que les titulaires de professions libérales ne peuvent pas être déclarés en faillite, contrairement aux commerçants : « [...] à l'heure actuelle, seuls les commerçants peuvent être déclarés en faillite. Il est donc logique qu'une proposition de loi visant à éviter la faillite s'applique exclusivement aux commerçants.

Poser la question de l'extension d'un tel mécanisme aux entités économiques précitées revient en réalité à se demander si l'on peut également procéder à une mise en balance des intérêts pour ces entités et si ces dernières peuvent - moyennant certaines conditions - poursuivre leurs activités » (Doc. parl., Chambre, 2008-2009, DOC 52-0160/005, p. 102).

En outre, « cette question mérite un examen plus approfondi » (ibid.).

B.5.1. La différence de traitement évoquée par la question préjudicielle entre l'indépendant exerçant une profession libérale opérant sous la forme d'une société civile et tout autre indépendant opérant sous la même forme repose sur la nature non commerciale des actes qui caractérisent l'exercice d'une profession libérale. Ce critère est objectif. La distinction établie par la disposition en cause rencontre l'objectif recherché par la loi, celui de permettre aux entreprises en difficulté d'éviter la faillite, puisque les titulaires de professions libérales ne peuvent être déclarés en faillite, les actes qu'ils accomplissent n'étant pas considérés comme des actes de commerce. S'agissant de la proportionnalité de la mesure, le législateur a pu raisonnablement considérer qu'étant soumis à des règles déontologiques propres, les titulaires de professions libérales subissent un contrôle financier par les autorités disciplinaires.

Par ailleurs, le législateur a pu estimer que certaines des règles de déontologie propres aux professions libérales, telles que le secret professionnel, ne pourraient être respectées si la procédure instituée par la LCE devait leur être appliquée. Il en est ainsi par exemple de la collecte des données et des enquêtes commerciales (articles 8 à 14) et du contenu de la requête en réorganisation judiciaire qui suppose la mention de l'ensemble des créanciers (article 17).

B.5.2. S'agissant en particulier des experts-comptables ou des comptables, plusieurs dispositions de la LCE les désignent en qualité d'auxiliaires du pouvoir judiciaire en cette matière. Ainsi sont-ils associés au « dépistage » de faits graves susceptibles de compromettre la « continuité » des entreprises qu'ils conseillent (article 10). Le juge peut recueillir auprès d'eux des informations concernant les recommandations qu'ils ont faites au débiteur (article 12, § 1er).

Quant à l'article 17, § 2, il dispose que la requête en réorganisation judiciaire doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une situation comptable de l'entreprise qui reflète l'actif et le passif et le compte de résultats établis sous la supervision d'un réviseur d'entreprises, d'un expert-comptable ou d'un comptable agréé externes.

B.5.3. Enfin, la circonstance que le législateur a donné à la LCE un champ d'application plus étendu que celui défini par l'article 1er du Code de commerce et qu'il n'ait pas jugé devoir, dans l'état actuel des choses, adopter des dispositions applicables aux indépendants exerçant des professions libérales et opérant sous la forme d'une société civile ou commerciale, n'est pas de nature à permettre de considérer que les dispositions en cause seraient discriminatoires.

B.6. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 4 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 12 mars 2015.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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