Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 19 mai 2015

Extrait de l'arrêt n° 48/2015 du 30 avril 2015 Numéro du rôle : 5845 En cause : le recours en annulation de l'article 11 de la loi du 20 janvier 2014 portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De G(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2015202364
pub.
19/05/2015
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

Extrait de l'arrêt n° 48/2015 du 30 avril 2015 Numéro du rôle : 5845 En cause : le recours en annulation de l'article 11 de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat (instauration d'une indemnité de procédure devant le Conseil d'Etat), introduit par Annick Meurant et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 février 2014 et parvenue au greffe le 14 février 2014, un recours en annulation de l'article 11 de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat (instauration d'une indemnité de procédure devant le Conseil d'Etat), publiée au Moniteur belge du 3 février 2014, erratum au Moniteur belge du 13 février 2014, a été introduit par Annick Meurant, Jan Stevens, Luc Melis, Hugo Bogaerts, Kristien Roelants, Diederik Van Woensel, Denis Malcorps, Jan Creve, Dieuwertje Dierick, Peter Kuipers, Hans Versmissen, Annick Thibaut, Marina Apers, Lin Ploegaert et Marc Van Damme, assistés et représentés par Me P. Vande Casteele, avocat au barreau d'Anvers. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée B.1. Le recours en annulation est dirigé contre l'article 11 de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat, qui dispose : « Dans les [lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973], il est inséré un article 30/1 rédigé comme suit : '

Art. 30/1.§ 1er. La section du contentieux administratif peut accorder une indemnité de procédure qui est une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause.

Après avoir pris l'avis de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et de "l'Orde van Vlaamse Balies", le Roi établit par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, les montants de base, minima et maxima de l'indemnité de procédure, en fonction notamment de la nature de l'affaire et de l'importance du litige. § 2. La section du contentieux administratif peut, par décision spécialement motivée, soit réduire l'indemnité soit l'augmenter, sans pour autant dépasser les montants maxima et minima prévus par le Roi.

Dans son appréciation, elle tient compte : 1° de la capacité financière de la partie succombante, pour diminuer le montant de l'indemnité;2° de la complexité de l'affaire;3° du caractère manifestement déraisonnable de la situation. Si la partie succombante bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne, l'indemnité de procédure est fixée au montant minimum établi par le Roi, sauf en cas de situation manifestement déraisonnable. Sur ce point, la section du contentieux administratif motive spécialement sa décision de diminution ou d'augmentation.

Lorsque plusieurs parties bénéficient de l'indemnité de procédure à charge d'une ou de plusieurs parties succombantes, son montant est au maximum le double de l'indemnité de procédure maximale à laquelle peut prétendre le bénéficiaire qui est fondé à réclamer l'indemnité la plus élevée. Elle est répartie entre les parties par la section du contentieux administratif.

Aucune partie ne peut être tenue au paiement d'une indemnité pour l'intervention de l'avocat d'une autre partie au-delà du montant de l'indemnité de procédure. Les parties intervenantes ne peuvent être tenues au paiement ou bénéficier de cette indemnité. ' ».

Quant à la recevabilité du recours B.2. Les parties requérantes invoquent la violation, par la disposition attaquée, des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, combinés ou non avec le droit d'accès au juge et le droit à un recours effectif, avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avec la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, et les Annexes I et II, faites à Aarhus le 25 juin 1998 (ci-après : la Convention d'Aarhus), avec la loi du 17 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/12/2002 pub. 24/04/2003 numac 2003015008 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, et aux Annexes Ire et II, faites à Aarhus le 25 juin 1998 (2) fermer portant assentiment à la Convention d'Aarhus, avec la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, en particulier ses articles 9 et 11, avec les articles 159 et 160 de la Constitution et avec le principe de l'Etat de droit.

B.3.1. Le Conseil des ministres conteste tout d'abord la recevabilité du recours, faute d'intérêt des parties requérantes. L'instauration d'une indemnité de procédure dans les procédures devant le Conseil d'Etat ne serait pas susceptible d'affecter défavorablement la situation des parties requérantes.

B.3.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.3.3. La deuxième partie requérante est actuellement partie à une procédure devant le Conseil d'Etat; elle court en conséquence le risque d'être soumise à l'indemnité de procédure attaquée.

Une partie requérante justifiant d'un intérêt au recours, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres parties requérantes justifient également d'un intérêt à poursuivre l'annulation des dispositions attaquées.

B.4. Bien que la Cour ne soit pas compétente pour procéder à un contrôle direct au regard des articles 144, 145, 159, 160 et 161 de la Constitution, du droit d'accès au juge et des droits et libertés découlant du droit de l'Union européenne, ainsi que de la Convention d'Aarhus, elle est compétente pour procéder à un contrôle de l'article 11, attaqué, de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les dispositions constitutionnelles et internationales précitées.

B.5.1. Le Conseil des ministres fait par ailleurs valoir que le recours serait irrecevable parce qu'il serait principalement dirigé contre l'arrêté royal du 30 janvier 2014 modifiant la réglementation relative à la perception des dépens devant le Conseil d'Etat et contre l'arrêté royal du 28 mars 2014 relatif à l'indemnité de procédure visée à l'article 30/1 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, qui mettent en oeuvre la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer.

B.5.2. La base légale du principe de l'indemnité de procédure se trouve dans l'article 11 de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer. L'habilitation donnée au Roi de préciser, dans des arrêtés d'exécution, le principe de l'indemnité de procédure, dans les limites fixées par le législateur, ne signifie pas que les parties requérantes ne sont pas affectées directement ou ne peuvent l'être, à la condition que ce préjudice trouve son origine dans la loi proprement dite.

B.5.3. L'examen de la recevabilité se confond avec celui du fond de l'affaire lorsqu'une exception d'irrecevabilité prise de l'incompétence de la Cour concerne la portée à donner à la disposition attaquée. La Cour ne conclut à l'incompétence que dans l'éventualité où une branche du moyen unique se rapporterait à des éléments à régler ou réglés dans les arrêtés d'exécution précités.

B.6.1. Enfin, le Conseil des ministres fait valoir que le moyen unique est irrecevable parce qu'il manquerait de clarté. Les parties requérantes auraient négligé de préciser la violation concrète des dispositions constitutionnelles et internationales ainsi que des principes de droit cités.

B.6.2. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, le moyen est exposé de façon suffisamment claire. Il ressort du reste du mémoire et du mémoire en réponse du Conseil des ministres que celui-ci a bien compris le moyen et a donc été en mesure de mener une défense utile.

B.7. Les exceptions sont rejetées.

Quant au fond B.8.1. L'article 11, attaqué, de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat introduit un article 30/1, nouveau, dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, qui permet à la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat d'accorder une indemnité de procédure à la partie ayant obtenu gain de cause.

B.8.2. En instaurant l'indemnité de procédure, le législateur poursuivait un double objectif : d'une part, mettre fin à l'obligation, pour les justiciables, d'introduire une nouvelle procédure devant le juge civil, sur la base de l'article 1382 du Code civil, en vue d'obtenir une indemnité pour les frais d'avocat qu'ils ont supportés, et, d'autre part, améliorer la gestion des finances publiques en évitant que des autorités aient à supporter les frais de deux procédures différentes devant deux juridictions différentes à l'occasion de la contestation, par un justiciable, d'un même acte administratif : « Actuellement, le requérant qui obtient gain de cause devant le Conseil d'Etat doit introduire une action devant les juridictions de l'ordre judiciaire en vue d'obtenir la répétibilité des honoraires d'avocats, sauf accord à l'amiable avec la partie adverse. [...] Toutefois, il semble contraire au principe de bonne administration de la justice d'imposer à un justiciable une nouvelle procédure juridictionnelle lorsqu'il est arrivé avec succès au terme de la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat. De même, les pouvoirs publics s'exposent à devoir supporter une double indemnité, d'une part, pour la procédure devant le Conseil d'Etat et d'autre part, pour la procédure ultérieure devant la juridiction de l'ordre judiciaire, ce qui est préjudiciable à une bonne gestion des deniers publics » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 24).

B.8.3. Il ressort également des travaux préparatoires de la disposition attaquée que le nouvel article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat s'inspire en outre de l'indemnité de procédure telle qu'elle s'applique aujourd'hui dans des procédures devant le juge civil et le juge pénal. Le législateur entendait opter pour un système qui réponde aux exigences de la jurisprudence de la Cour. Les différences entre le système de l'indemnité de procédure devant, d'une part, le juge civil et le juge pénal et, d'autre part, le Conseil d'Etat s'expliquent par les caractéristiques spécifiques de la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat : « La disposition proposée entend prévoir un système similaire à celui prévu par le Code judiciaire, tout en permettant à la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat de statuer elle-même sur la question de la répétibilité des honoraires d'avocats. Cette répétibilité doit bénéficier aux parties qui ont obtenu gain de cause dans le litige, lesquelles se limitent aux parties requérantes et adverses. [...] A l'instar de l'article 1022 du Code judiciaire, des critères sont prévus dans le nouvel article 30/1 des lois coordonnées, pour justifier une diminution ou une augmentation des montants de base à allouer, dans les limites des montants minima et maxima à prévoir par arrêté royal. Ces critères sont suffisamment larges que pour embrasser ceux mis en évidence dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 11 avril 2013, C-260/11, Edwards et Pallikarapoulos) » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, pp. 24-25).

B.9. Le moyen unique comprend trois branches, à savoir la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, la violation du droit d'accès au juge et la violation de l'article 23 de la Constitution.

En ce qui concerne la violation des articles 10 et 11 de la Constitution B.10. Le moyen unique, en sa première branche, est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution et comprend trois griefs.

B.11.1. Les parties requérantes estiment tout d'abord que, compte tenu de l'arrêt n° 96/2012 du 15 juillet 2012, un régime qui permet à une autorité publique de prétendre à une indemnité de procédure violerait le principe d'égalité. Par l'arrêt susdit, la Cour aurait en effet jugé qu'il était justifié que l'autorité ne puisse pas obtenir le remboursement des frais et honoraires de son avocat à charge de la partie requérante dont le recours est rejeté par le Conseil d'Etat.

B.11.2. En outre, les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée violerait le principe d'égalité et de non-discrimination, au motif qu'elle diffère du régime prévu par les articles 1017 à 1019 du Code judiciaire, en ce qui concerne (1) le tarif des frais, dépens et droits et de l'indemnité de procédure, (2) le caractère général de l'indemnité de procédure et (3) la multiplication collective des coûts.

B.11.3. Les parties requérantes allèguent enfin que le principe d'égalité serait violé notamment parce que le législateur a omis de prévoir, contrairement à ce qui a été décidé récemment à propos de l'astreinte dans les procédures devant le Conseil d'Etat, que l'amende pour recours manifestement abusif ne revienne désormais à la partie adverse.

B.12.1. Par son arrêt n° 96/2012 précité, la Cour a jugé que la non-répétibilité des frais d'avocat par l'autorité ayant obtenu gain de cause devant le Conseil d'Etat n'était pas inconstitutionnelle étant donné que l'autorité publique, auteur de l'acte administratif attaqué, dispose de toutes les informations utiles pour défendre cette norme. Par conséquent, elle a jugé que l'article 1022 du Code judiciaire, interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas aux procédures devant le Conseil d'Etat, ne violait pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.12.2. Il ne peut toutefois pas être déduit de cet arrêt que l'instauration, par le législateur, d'un régime de répétibilité des frais et honoraires de l'avocat pour les procédures devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat serait contraire au principe d'égalité et de non-discrimination.

La Cour a d'ailleurs jugé qu'il appartenait au législateur d'apprécier l'opportunité d'introduire, pour le Conseil d'Etat, un système d'indemnité de procédure.

En outre, conformément à la recommandation n° R(81)7 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur les moyens de faciliter l'accès à la justice, la partie gagnante doit, sauf circonstances particulières, obtenir en principe de la partie perdante le remboursement de ses frais et dépens, y compris les honoraires d'avocat, qu'elle a raisonnablement exposés à propos de la procédure.

B.12.3. Si le législateur choisit d'instaurer un système d'indemnité de procédure pour les procédures devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, il lui incombe de tenir compte, lors de l'élaboration d'un tel système, non seulement des différences entre les procédures devant le Conseil d'Etat et les procédures devant le juge civil, mais aussi des nombreux autres intérêts et principes en présence, qui sont parfois contradictoires.

B.13.1. En ce qui concerne la violation éventuelle du principe d'égalité et de non-discrimination, en ce que le régime attaqué ne serait pas similaire à celui prévu par les articles 1017 à 1019 du Code judiciaire, il ressort des travaux préparatoires cités en B.8.2 et B.8.3 que l'article 11 de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer a pour objet d'instaurer un système similaire à celui prévu par l'article 1022 du Code judiciaire, pour protéger le justiciable et pour éviter une double indemnité à charge des autorités publiques et favoriser ainsi une bonne gestion des deniers publics, le législateur ayant également tenu compte des différences essentielles entre les différentes procédures.

B.13.2.1.1. Pour ce qui est de la différence de traitement entre les justiciables qui sont parties à une procédure civile et ceux qui sont parties à une procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, notamment en ce qui concerne le tarif des frais, des dépens et des droits, et l'indemnité de procédure, il y a lieu de constater que conformément à l'article 30/1, attaqué, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, seule l'indemnité de procédure est instaurée dans la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, de sorte que ledit article n'a aucune incidence sur les autres frais, dépens et droits.

Concernant l'indemnité de procédure proprement dite, le Roi est chargé, conformément à l'article 30/1, § 1er, alinéa 2, d'établir les « montants de base, minima et maxima de l'indemnité de procédure, en fonction notamment de la nature de l'affaire et de l'importance du litige ». Dès lors, le traitement discriminatoire allégué, à supposer qu'il soit réel, ne résulterait pas directement de l'article 11, attaqué, de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer, mais de l'arrêté royal du 28 mars 2014, précité.

B.13.2.1.2. Il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur la constitutionnalité d'un arrêté royal ou d'un acte administratif.

B.13.2.2.1. Pour ce qui est de la différence de traitement entre les justiciables qui sont parties à une procédure civile et ceux qui sont parties à une procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, notamment en ce qui concerne le caractère général de l'indemnité de procédure, il y a lieu de constater que le régime prévu par l'article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat est basé sur le régime général de l'article 1022 du Code judiciaire et stipule que la partie succombante est redevable d'une indemnité de procédure fixée forfaitairement, même lorsqu'il n'est pas question d'une procédure téméraire et vexatoire. L'octroi d'une indemnité de procédure, conformément à l'article 1022 du Code judiciaire, a une portée générale et est seulement exclu dans l'hypothèse de l'article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire. L'exclusion précitée n'a cependant pas été reproduite dans l'article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

La circonstance que le législateur, en introduisant l'indemnité de procédure dans le contentieux objectif, n'a pas prévu une exception semblable à celle qu'il a créée en droit judiciaire, pour ce qui concerne le contentieux des assurés sociaux, n'est pas de nature à priver la mesure de son caractère raisonnable.

B.13.2.2.2. En prévoyant l'exception précitée dans le droit judiciaire, le législateur a voulu garantir la gratuité de la procédure pour les assurés sociaux dont les droits sociaux sont contestés (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2594/001, p. 63).

Par ses arrêts nos 200/2009 et 18/2010, la Cour a jugé que cette exception était constitutionnelle.

En outre, aux termes de l'article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, le Conseil d'Etat peut, par une décision motivée, ne pas accorder d'indemnité de procédure ou fixer celle-ci à un montant symbolique s'il estime qu'il serait déraisonnable de fixer l'indemnité au minimum prévu par le Roi. La section du contentieux administratif est ainsi habilitée à moduler le montant de l'indemnité de procédure en tenant compte de la capacité financière de la partie succombante, de la complexité de l'affaire et du caractère manifestement déraisonnable de la situation (article 30/1, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat). Il ne peut donc être soutenu que la section du contentieux administratif disposerait en l'espèce d'une compétence liée générale, de sorte qu'il n'y aurait aucune place pour faire preuve de souplesse.

B.13.2.3.1. Concernant la différence de traitement entre les justiciables dans la procédure civile et les justiciables dans la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, notamment en ce qui concerne les requêtes collectives auprès de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, qui donneraient lieu au paiement d'autant d'indemnités de procédure qu'il y a de parties requérantes, il convient de constater que la règle de procédure précitée figure à l'article 70, § 3, de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'état.

B.13.2.3.2. Comme il est dit en B.13.2.1.2, il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur la constitutionnalité d'un arrêté du Régent ou sur la constitutionnalité d'un acte administratif.

B.14.1. Le constat de la différence entre les frais d'avocat d'une partie requérante et ceux de l'autorité publique, parce que ces frais ne seraient pas nécessaires pour l'autorité publique, n'enlève pas son caractère raisonnable à la règle contestée. En effet, le coût éventuel d'une procédure juridictionnelle peut influencer aussi bien la décision d'introduire un recours en annulation ou une demande de suspension que la décision de se défendre contre un tel recours ou une telle demande. La situation financière des différentes parties au procès peut être grevée dans la même mesure par les honoraires et frais d'avocat.

En outre, l'indemnité de procédure est accordée à la partie obtenant gain de cause, qu'il s'agisse de la partie requérante ou de la partie adverse. L'indemnité de procédure établit donc une identité de traitement entre la partie requérante et la partie adverse, compte tenu de la charge identique qui pèse sur leur situation financière.

Pour le surplus, il n'appartient pas à la Cour de juger du caractère nécessaire des frais d'avocat exposés par une autorité publique intervenant en tant que partie adverse devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat.

B.14.2. Enfin, le versement de l'astreinte, pour moitié à la partie requérante et pour moitié au Fonds de gestion des astreintes, est réglé par l'article 36, § 5, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et le versement à ce dernier Fonds de l'amende pour recours manifestement abusif est prévu par l'article 37, alinéa 6, des mêmes lois. La question de la répétibilité des honoraires d'avocat, réglée par la disposition attaquée, est étrangère aussi bien à la matière de l'astreinte qu'à celle de l'amende pour recours abusif.

B.15. Le moyen unique, en sa première branche, n'est pas fondé.

En ce qui concerne la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le droit d'accès au juge B.16. Le moyen unique, en sa seconde branche, est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le droit d'accès au juge et le droit à un recours effectif, avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce que la disposition attaquée instaurerait une contrainte financière supplémentaire qui limiterait de façon disproportionnée le droit d'accès au juge.

B.17. Bien que les parties requérantes n'aient allégué la violation directe de l'article 13 de la Constitution que dans leur mémoire en réponse, la violation du droit d'accès au juge en tant que principe général de droit, combiné ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution, était déjà invoquée dans la requête, si bien qu'il ne s'agit pas d'un moyen nouveau au sens de l'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.

B.18.1. Le droit d'accès au juge constitue un principe général de droit qui doit être garanti à chacun dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution, des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il constitue un aspect essentiel du droit à un procès équitable et est fondamental dans un Etat de droit. De plus, le droit de s'adresser à un juge concerne tout autant la liberté d'agir en justice que celle de se défendre.

B.18.2. Le droit d'accès au juge n'est cependant pas absolu. Il peut faire l'objet de restrictions financières pour autant que celles-ci ne portent pas atteinte à l'essence même de ce droit. Les restrictions à ce droit doivent être raisonnablement proportionnées au but légitime qu'elles poursuivent (CEDH, Stagno c. Belgique, 7 juillet 2009, § 25).

La règlementation à cet égard doit servir les buts de sécurité juridique et de bonne administration de la justice et ne peut donc induire des restrictions empêchant le justiciable de voir la substance de son litige tranchée par la juridiction compétente (CEDH, Stagno c.

Belgique, 7 juillet 2009, § 25; RTBF c. Belgique, 29 mars 2011, § 69).

B.19.1. Il peut être admis que l'instauration d'une indemnité de procédure pourrait représenter une restriction d'ordre financier au droit d'accès au juge, spécialement pour les justiciables qui jouissent de revenus peu élevés.

Toutefois, le législateur a veillé à sauvegarder le droit d'accès au juge pour l'ensemble des justiciables.

B.19.2. En effet, le législateur a choisi d'encadrer strictement la répétibilité en limitant l'augmentation du montant des indemnités de procédure et en octroyant au juge un pouvoir d'appréciation lui permettant d'adapter ce montant, dans la fourchette définie par le Roi, pour tenir compte de circonstances particulières, et notamment de la capacité financière de la partie qui succombe. Ce système permet donc de limiter les effets de la répétibilité pour la partie qui perd le procès et qui ne dispose pas de moyens financiers importants.

De plus, l'indemnité de procédure ne constitue pas une indemnisation intégrale mais une indemnisation forfaitaire et le Conseil d'Etat, tout comme les juridictions ordinaires, a la possibilité de déroger dans certains cas, dans les limites des marges fixées par l'arrêté royal, au montant de base, et même d'accorder un montant symbolique s'il estime qu'il serait déraisonnable d'accorder l'indemnité minimale (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 25).

B.20. Le moyen unique, en sa seconde branche, n'est pas fondé.

En ce qui concerne la violation de l'article 23 de la Constitution, combiné avec la Convention d'Aarhus et avec la directive 2011/92/UE B.21. Dans la troisième branche de leur moyen unique, les parties requérantes allèguent une violation de l'article 23 de la Constitution, combiné avec la Convention d'Aarhus et avec la directive 2011/92/UE, en particulier ses articles 9 et 11, parce que l'indemnité de procédure constituerait un coût excessif, interdit par les dispositions précitées, et porterait donc atteinte au principe d'égalité, au droit d'accès au juge et au principe de standstill. En effet, il existerait pour le justiciable, sur la base de l'article 23 de la Constitution, de la Convention d'Aarhus et de la directive 2011/92/UE, une obligation conventionnelle et constitutionnelle d'intervenir pour garantir l'environnement. Toutefois, le risque de devoir payer une indemnité de procédure représenterait une entrave à l'accès au Conseil d'Etat, qui pourrait empêcher les citoyens d'exercer correctement cette obligation conventionnelle et constitutionnelle.

B.22. L'article 23 de la Constitution implique, en ce qui concerne le droit à l'aide juridique, une obligation de standstill, qui s'oppose à ce que le législateur compétent réduise de manière sensible le niveau de protection sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général. Il convient d'observer à cet égard que l'article 23 de la Constitution n'interdit nullement au législateur d'instaurer un régime spécifique en matière d'indemnité de procédure.

B.23.1. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé que l'objectif de la Convention d'Aarhus et de la directive 2011/92/UE consistait à donner au justiciable un large accès à la justice (CJUE, 15 octobre 2009, C-263/08, Djurgarden-Lilla Värtans Miljöskyddsförening, point 45; 16 juillet 2009, C-427/07, Commission c. Irlande, point 82; 12 mai 2011, C-115/09, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen e.V., point 39; 11 avril 2013, C-260/11, Edwards e.a., point 31; 13 février 2014, C-530/11, Commission c. Royaume-Uni, point 44). L'évitement de coûts excessifs contribue à la réalisation de cet accès à la justice.

B.23.2. Le caractère excessif du coût d'une procédure doit être apprécié en tenant compte de tous les frais supportés par la partie concernée (CJUE, 16 juillet 2009, C-427/07, Commission c. Irlande, point 92; 11 avril 2013, C-260/11, Edwards e.a., points 27 et 28).

B.23.3. Selon la Cour de justice, lorsqu'un juge national souhaite déterminer si une procédure engendre ou non des coûts excessifs, il doit tenir compte d'éléments aussi bien objectifs que subjectifs : « 38. Il en résulte que, s'agissant des moyens susceptibles de parvenir à l'objectif d'assurer une protection juridictionnelle effective sans coût excessif dans le domaine du droit de l'environnement, il doit être tenu compte de toutes les dispositions du droit national, [...]. 39. Par ailleurs, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, la juridiction nationale appelée à statuer sur les dépens doit s'assurer du respect de cette exigence en tenant compte tant de l'intérêt de la personne qui souhaite défendre ses droits que de l'intérêt général lié à la protection de l'environnement. 40. Cette appréciation ne saurait, dès lors, être portée uniquement par rapport à la situation économique de l'intéressé, mais doit également reposer sur une analyse objective du montant des dépens, et cela d'autant plus que [...] les particuliers et les associations sont naturellement appelés à jouer un rôle actif dans la défense de l'environnement. Dans cette mesure, le coût d'une procédure ne doit pas apparaître, dans certains cas, comme étant objectivement déraisonnable. Ainsi, le coût d'une procédure ne doit ni dépasser les capacités financières de l'intéressé ni apparaître, en tout état de cause, comme objectivement déraisonnable. 41. Quant à l'analyse de la situation économique de l'intéressé, l'appréciation à laquelle doit se livrer la juridiction nationale ne peut reposer uniquement sur les capacités financières estimées d'un requérant ' moyen ', dès lors que de telles données peuvent n'avoir qu'un lointain rapport avec la situation de l'intéressé.42. Par ailleurs, le juge peut tenir compte de la situation des parties en cause, des chances raisonnables de succès du demandeur, de la gravité de l'enjeu pour celui-ci ainsi que pour la protection de l'environnement, de la complexité du droit et de la procédure applicables ainsi que du caractère éventuellement téméraire du recours à ses différents stades (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2010, DEB, C-279/09, Rec.p. I-13849, point 61). [...] 45. L'exigence relative à l'absence de coût prohibitif de la procédure judiciaire ne saurait, dès lors, être appréciée différemment par une juridiction nationale selon qu'elle statue à l'issue d'une procédure en première instance, d'un appel ou d'un deuxième appel » (CJUE, 11 avril 2013, C-260/11, Edwards e.a., points 38-42 et 45).

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice que le contrôle du caractère excessif ou non de certains coûts ne peut être purement subjectif, que la juridiction compétente doit tenir compte de la situation économique de l'intéressé, et qu'elle peut tenir compte des chances raisonnables de succès du requérant, de l'importance de l'enjeu pour le requérant et pour la protection de l'environnement, de la complexité du droit et de la procédure applicables, ainsi que du caractère éventuellement téméraire du recours à ses différents stades (CJUE, 11 avril 2013, C-260/11, Edwards e.a., points 38-42 et 45; 13 février 2014, C-530/11, Commission c. Royaume-Uni, points 46-51).

B.24.1. Il convient tout d'abord d'observer que l'indemnité de procédure représente une indemnisation forfaitaire pour les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause et non une indemnisation intégrale de tous les frais exposés par celle-ci.

Comme il a été dit en B.12.2, il relève du pouvoir d'appréciation du législateur, afin d'organiser un système de répétibilité des frais et honoraires d'avocat, de choisir la formule qui lui paraît la plus opportune, compte tenu des nombreux intérêts et principes, parfois contradictoires, en présence.

B.24.2. En outre, l'arrêté royal du 28 mars 2014 relatif à l'indemnité de procédure visée à l'article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat détermine le montant de base, ainsi que le montant maximum et le montant minimum, de l'indemnité de procédure. La section du contentieux administratif du Conseil d'Etat a également la possibilité, lorsqu'elle accorde l'indemnité de procédure, de déroger au montant de base fixé dans l'arrêté royal, tant qu'elle ne dépasse pas les montants maximum et minimum et qu'elle tient en outre compte de la capacité financière de la partie succombante, de la complexité de l'affaire et du caractère manifestement déraisonnable de la situation. De plus, la section du contentieux administratif a la possibilité de déroger au montant minimum fixé par le Roi lorsqu'une personne qui bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne se trouve dans une situation manifestement déraisonnable. Le régime permet donc de limiter les effets de la répétibilité pour la partie qui perd le procès et qui ne dispose pas de moyens financiers importants.

B.24.3. La procédure d'octroi d'une indemnité de procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat satisfait ainsi aux conditions fixées par la Cour de justice.

Le régime d'indemnité de procédure instauré par l'article 11, attaqué, de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer ne peut dès lors être considéré comme un « coût excessif ».

B.25. Le moyen unique, en sa troisième branche, n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 30 avril 2015.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

^