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Arrêt
publié le 28 avril 2016

Extrait de l'arrêt n° 28/2016 du 25 février 2016 Numéro du rôle : 6108 En cause : le recours en annulation des articles 3, §§ 3 à 6, et 9 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitemen La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 28/2016 du 25 février 2016 Numéro du rôle : 6108 En cause : le recours en annulation des articles 3, §§ 3 à 6, et 9 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, introduit par l'Institut professionnel des agents immobiliers et Romain Lamolle.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 2 décembre 2014 et parvenue au greffe le 3 décembre 2014, un recours en annulation des articles 3, §§ 3 à 6, et 9 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel a, à la suite de l'arrêt de la Cour n° 59/2014 du 3 avril 2014 (publié au Moniteur belge du 2 juin 2014), été introduit par l'Institut professionnel des agents immobiliers et Romain Lamolle, assistés et représentés par Me Y. Paquay, avocat au barreau de Liège. (...) II. En droit (...) B.1. La Cour est saisie d'un recours tendant à l'annulation des articles 3, §§ 3 à 6, et 9 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel.

B.2. Le recours est introduit sur la base de l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, qui dispose : « Un nouveau délai de six mois est ouvert pour l'introduction d'un recours en annulation d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution par le Conseil des Ministres, par le Gouvernement de Communauté ou de Région, par les présidents des assemblées législatives à la demande de deux tiers de leurs membres ou par toute personne physique ou morale justifiant d'un intérêt, lorsque la Cour, statuant sur une question préjudicielle, a déclaré que cette loi, ce décret ou cette règle visée à l'article 134 de la Constitution viole une des règles ou un des articles de la Constitution visés à l'article 1er. Le délai prend cours le lendemain de la date de la publication de l'arrêt au Moniteur belge ».

B.3. Par son arrêt n° 59/2014, du 3 avril 2014, la Cour a dit pour droit : « L'article 9 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel viole les articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où il s'applique automatiquement à l'activité d'un détective privé ayant été autorisé à exercer ses activités pour des personnes de droit public conformément à l'article 13 de la loi du 19 juillet 1991 ' organisant la profession de détective privé ' et agissant pour un organisme professionnel de droit public qui est chargé par la loi de rechercher des manquements à la déontologie d'une profession réglementée ».

B.4.1. L'article 9 de la loi du 8 décembre 1992 détermine les informations qui doivent être communiquées par le responsable d'un traitement de données à caractère personnel à la personne dont les données font l'objet de ce traitement. Il dispose : « § 1er. Le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à la personne concernée auprès de laquelle il obtient les données la concernant et au plus tard au moment où ces données sont obtenues, au moins les informations énumérées ci-dessous, sauf si la personne concernée en est déjà informée : a) le nom et l'adresse du responsable du traitement et, le cas échéant, de son représentant;b) les finalités du traitement;c) l'existence d'un droit de s'opposer, sur demande et gratuitement, au traitement de données à caractère personnel la concernant envisagé à des fins de direct marketing;d) d'autres informations supplémentaires, notamment : - les destinataires ou les catégories de destinataires des données, - le caractère obligatoire ou non de la réponse ainsi que les conséquences éventuelles d'un défaut de réponse, - l'existence d'un droit d'accès et de rectification des données la concernant; sauf dans la mesure où, compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles les données sont obtenues, ces informations supplémentaires ne sont pas nécessaires pour assurer à l'égard de la personne concernée un traitement loyal des données; e) d'autres informations déterminées par le Roi en fonction du caractère spécifique du traitement, après avis de la commission de la protection de la vie privée. § 2. Lorsque les données n'ont pas été obtenues auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit, dès l'enregistrement des données ou, si une communication de données à un tiers est envisagée, au plus tard au moment de la première communication des données, fournir à la personne concernée au moins les informations énumérées ci-dessous, sauf si la personne concernée en est déjà informée : a) le nom et l'adresse du responsable du traitement et, le cas échéant, de son représentant;b) les finalités du traitement;c) l'existence d'un droit de s'opposer, sur demande et gratuitement, au traitement de données à caractère personnel la concernant envisagé à des fins de direct marketing;dans ce cas, la personne concernée doit être informée avant que des données à caractère personnel ne soient pour la première fois communiquées à des tiers ou utilisées pour le compte de tiers à des fins de direct marketing; d) d'autres informations supplémentaires, notamment : - les catégories de données concernées; - les destinataires ou les catégories de destinataires; - l'existence d'un droit d'accès et de rectification des données la concernant; sauf dans la mesure où, compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles les données sont traitées, ces informations supplémentaires ne sont pas nécessaires pour assurer à l'égard de la personne concernée un traitement loyal des données; e) d'autres informations déterminées par le Roi en fonction du caractère spécifique du traitement, après avis de la Commission de la protection de la vie privée. Le responsable du traitement est dispensé de fournir les informations visées au présent paragraphe : a) lorsque, en particulier pour un traitement aux fins de statistiques ou de recherche historique ou scientifique ou pour le dépistage motivé par la protection et la promotion de la santé publique, l'information de la personne concernée se révèle impossible ou implique des efforts disproportionnés;b) lorsque l'enregistrement ou la communication des données à caractère personnel est effectué en vue de l'application d'une disposition prévue par ou en vertu d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance. Le Roi détermine par arrêté délibéré en Conseil des ministres après avis de la Commission de la protection de la vie privée les conditions pour l'application de l'alinéa précédent.

Lorsque la première communication des données a été effectuée avant l'entrée en vigueur de cette disposition, la communication de l'information doit être effectuée, par dérogation à l'alinéa 1er, au plus tard dans un délai de 3 années suivant la date de l'entrée en vigueur de cette disposition. Cette information ne doit toutefois pas être fournie, lorsque le responsable du traitement était exempté de l'obligation d'informer la personne concernée de l'enregistrement des données en vertu des dispositions légales et réglementaires en application le jour précédant la date de l'entrée en vigueur de cette disposition ».

B.4.2. L'article 3, §§ 3 à 6, de la même loi exonère certaines catégories de personnes ou d'institutions des obligations imposées par l'article 9 précité. Il dispose : « § 3 [...] b) L'article 9, § 1er, ne s'applique pas aux traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins de journalisme ou d'expression artistique ou littéraire lorsque son application compromettrait la collecte des données auprès de la personne concernée. L'article 9, § 2, ne s'applique pas aux traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins de journalisme ou d'expression artistique ou littéraire lorsque son application aurait une ou plusieurs des conséquences suivantes : - son application compromettrait la collecte des données; - son application compromettrait une publication en projet; - son application fournirait des indications sur les sources d'information. [...] § 4. Les articles 6 à 10, 12, 14, 15, 17, 17bis, alinéa 1er, 18, 20 et 31, §§ 1er à 3, ne s'appliquent pas aux traitements de données à caractère personnel gérés par la Sûreté de l'Etat, par le Service général du renseignement et de la sécurité des forces armées, par les autorités visées aux articles 15, 22ter et 22quinquies de la loi du 11 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/1998 pub. 07/05/1999 numac 1999007003 source ministere de la defense nationale Loi portant création d'un organe de recours en matière d'habilitations de sécurité type loi prom. 11/12/1998 pub. 07/05/1999 numac 1999007004 source ministere de la defense nationale Loi relative à la classification et aux habilitations de sécurité fermer relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité et l'organe de recours créé par la loi du 11 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/1998 pub. 07/05/1999 numac 1999007003 source ministere de la defense nationale Loi portant création d'un organe de recours en matière d'habilitations de sécurité type loi prom. 11/12/1998 pub. 07/05/1999 numac 1999007004 source ministere de la defense nationale Loi relative à la classification et aux habilitations de sécurité fermer portant création d'un organe de recours en matière d'habilitations, d'attestations et d'avis de sécurité, par les officiers de sécurité et par le Comité permanent de contrôle des services de renseignements et son Service d'enquêtes, ainsi que par l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace, lorsque ces traitements sont nécessaires à l'exercice de leurs missions. § 5. Les articles 9, 10, § 1er, et 12 ne s'appliquent pas : 1° aux traitements de données à caractère personnel gérés par des autorités publiques en vue de l'exercice de leurs missions de police judiciaire;2° aux traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police visés à l'article 3 de la loi du 18 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1991 pub. 04/04/2018 numac 2018030682 source service public federal interieur Loi organique du contrôle des services de police et de renseignement et de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace. - Coordination officieuse en langue allemande fermer organique du contrôle des services de police et de renseignements, en vue de l'exercice de leurs missions de police administrative;3° aux traitements de données à caractère personnel gérés en vue de l'exercice de leurs missions de police administrative, par d'autres autorités publiques qui ont été désignées par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, après avis de la Commission de la protection de la vie privée;4° aux traitements de données à caractère personnel rendus nécessaires par la loi du 11 janvier 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/01/1993 pub. 29/07/2013 numac 2013000488 source service public federal interieur Loi relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 11/01/1993 pub. 27/06/2012 numac 2012000391 source service public federal interieur Loi relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux;5° au traitement de données à caractère personnel géré par le Comité permanent de contrôle des services de police et par son Service d'enquêtes en vue de l'exercice de leurs missions légales. § 6. Les articles 6, 8, 9, 10, § 1er, et 12 ne sont pas applicables après autorisation accordée par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres, aux traitements gérés par le Centre européen pour enfants disparus et sexuellement exploités, ci-après dénommé ' le Centre ', établissement d'utilité publique constitué par acte du 25 juin 1997 et reconnu par arrêté royal du 10 juillet 1997, pour la réception, la transmission à l'autorité judiciaire et le suivi de données concernant des personnes qui sont suspectées dans un dossier déterminé de disparition ou d'exploitation sexuelle, d'avoir commis un crime ou un délit. Cet arrêté détermine la durée et les conditions de l'autorisation après avis de la Commission de la protection de la vie privée.

Le Centre ne peut tenir un fichier de personnes suspectes d'avoir commis un crime ou un délit ou de personnes condamnées.

Le conseil d'administration du Centre désigne parmi les membres du personnel du Centre un préposé à la protection des données ayant connaissance de la gestion et de la protection des données à caractère personnel. L'exercice de ses missions ne peut entraîner pour le préposé des désavantages. Il ne peut, en particulier, être licencié ou remplacé comme préposé à cause de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Le Roi détermine par arrêté délibéré en Conseil des ministres et après avis de la Commission de la protection de la vie privée les tâches du préposé et la manière dont ces tâches sont exécutées ainsi que la manière dont le Centre doit faire rapport à la Commission de la protection de la vie privée sur le traitement des données à caractère personnel effectué dans le cadre de l'autorisation accordée.

Les membres du personnel et ceux qui traitent des données à caractère personnel pour le Centre sont tenus au secret.

Toute violation de ce secret sera sanctionnée conformément aux dispositions de l'article 458 du Code pénal.

Dans le cadre de ses missions d'appui à la recherche d'enfants signalés comme disparus ou enlevés, le Centre ne peut procéder à l'enregistrement de conversations téléphoniques si l'appelant en a été informé et dans la mesure où il ne s'y oppose pas. ».

B.5. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt à agir des parties requérantes au motif qu'elles resteraient en défaut de démontrer par des éléments concrets qu'elles seraient directement affectées par les dispositions attaquées.

Il relève également que dans le moyen unique qu'elles invoquent à l'appui de leur requête, les parties requérantes dénoncent uniquement une différence de traitement entre les organismes professionnels de droit public, dont fait partie l'Institut professionnel des agents immobiliers (en abrégé : IPI) et les catégories de personnes bénéficiant de l'exception prévue à l'article 3 de la loi du 8 décembre 1992. L'objet du recours serait dès lors totalement étranger à la seconde partie requérante.

Enfin, le Conseil des ministres soutient que l'objet du recours est différent de celui de la question préjudicielle tranchée par l'arrêt de la Cour n° 59/2014, de sorte qu'il ne pourrait être conclu à la violation des dispositions visées au moyen.

B.6.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

L'intérêt requis par l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 ne diffère pas de celui qui est requis par l'article 2 de la même loi.

B.6.2. L'IPI, première partie requérante, justifie son intérêt à agir par le fait que les dispositions attaquées sont susceptibles de mettre à mal l'accomplissement de sa mission légale qui est de contrôler le respect des règles concernant l'accès et l'exercice de la profession d'agent immobilier et d'agir en justice afin, notamment, de mettre fin aux infractions ou pratiques contraires à la réglementation, ainsi que le prescrit l'article 8, § 1er, alinéa 3, 1°, de la loi-cadre relative aux professions intellectuelles prestataires de services codifiée par arrêté royal du 3 août 2007.

L'IPI précise que dans le cadre de ses missions, il est amené, tant par lui-même que par le biais de détectives privés, à recueillir et traiter des données sur des personnes concernées par un exercice de la profession d'agent immobilier, soit directement auprès de la personne concernée, soit indirectement, notamment auprès de tiers.

La seconde partie requérante est un détective privé. Celui-ci indique qu'il collecte pour le compte de l'IPI des données à caractère personnel sur des personnes agissant comme agent immobilier.

B.6.3. L'objet du recours en annulation n'est pas constitué, comme le Conseil des ministres semble le supposer, par le moyen que les parties requérantes invoquent à l'appui de leur requête, mais par les dispositions attaquées proprement dites. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, les parties requérantes démontrent à suffisance que leur situation pourrait être affectée par les dispositions attaquées.

B.7. Le moyen unique est pris de la violation, par les dispositions attaquées, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 1er du Protocole additionnel n° 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Les dispositions attaquées créeraient ainsi une différence de traitement discriminatoire entre, d'une part, les personnes qui exercent une activité journalistique, artistique ou littéraire visées au paragraphe 3, les services publics compétents en matière de police et de sécurité visés aux paragraphes 4 et 5 et le Centre européen pour enfants disparus et sexuellement exploités visé au paragraphe 6, et d'autre part, les organismes professionnels de droit public chargés par la loi de rechercher des manquements à la déontologie d'une profession réglementée, tels que l'IPI, en ce que seule la première catégorie de personnes bénéficie d'un régime d'exception à l'obligation d'information de la personne concernée édictée à l'article 9 de la loi du 8 décembre 1992.

Dès lors que le recours a été introduit sur la base de l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et doit donc être lu à la lumière de l'arrêt n° 59/2014 sur lequel il est basé, le moyen doit être interprété en ce sens qu'il vise non seulement l'exclusion de l'organisme professionnel en question mais aussi - et en premier lieu - celle des détectives privés agissant pour cet organisme.

B.8.1. Par l'adoption de l'article 4, alinéa 2, précité, le législateur spécial a voulu éviter le maintien dans l'ordre juridique de dispositions que la Cour, sur question préjudicielle, a déclarées contraires aux règles que la Cour est habilitée à faire respecter (voy. Doc. parl., Sénat, 2000-2001, n° 2-897/1, p. 6).

B.8.2. Statuant sur un recours en annulation introduit sur la base de l'article 4, alinéa 2, la Cour peut donc être amenée à annuler la norme attaquée dans la mesure dans laquelle elle en a auparavant constaté l'inconstitutionnalité au contentieux préjudiciel.

B.9. Par son arrêt n° 59/2014, la Cour a conclu à la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 9 de la loi attaquée dans la mesure où il s'applique automatiquement à l'activité d'un détective privé ayant été autorisé à exercer ses activités pour des personnes de droit public et agissant pour un organisme professionnel de droit public qui est chargé par la loi de rechercher des manquements à la déontologie d'une profession réglementée. La Cour a fondé sa décision sur les motifs qui suivent : « B.4.2. Dès lors que la Cour de justice a jugé dans l'arrêt précité que l'activité d'un détective privé agissant pour un organisme professionnel de droit public ayant pour mission légale de rechercher des manquements à la déontologie d'une profession réglementée, en l'occurrence celle d'agent immobilier, relève de l'exception prévue à l'article 13, paragraphe 1, sous d), de la directive 95/46/CE et eu égard aux faits de la cause devant le juge a quo, la Cour limite son examen à cette hypothèse.

B.4.3. La Cour de justice a également jugé que l'article 13, paragraphe 1, de la directive 95/46/CE doit être interprété en ce sens que les Etats membres n'ont pas l'obligation, mais la faculté de transposer dans leur droit national une ou plusieurs des exceptions qu'il prévoit à l'obligation d'informer les personnes concernées du traitement de leurs données à caractère personnel.

B.4.4. Il appartient à la Cour de veiller à ce que les règles que le législateur adopte, lorsqu'il transpose ou non des dispositions facultatives du droit de l'Union européenne, n'aboutissent pas à créer des différences de traitement qui ne seraient pas raisonnablement justifiées.

Par conséquent, la Cour doit vérifier si le législateur a respecté les articles 10 et 11 de la Constitution en ne faisant pas figurer dans la législation fédérale l'exception visée à l'article 13, paragraphe 1, sous d), de la directive en ce qui concerne les détectives privés ayant été autorisés à exercer leurs activités pour des personnes de droit public conformément à l'article 13 de la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé et agissant pour un organisme professionnel de droit public qui est chargé par la loi de rechercher des manquements à la déontologie d'une profession réglementée.

B.4.5. En vertu de l'article 13, paragraphe 1, sous d), de la directive 95/46/CE, les Etats membres peuvent prendre des mesures législatives visant à limiter la portée des obligations et des droits prévus à l'article 6, paragraphe 1, à l'article 10, à l'article 11, paragraphe 1, et aux articles 12 et 21, lorsqu'une telle limitation constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder notamment la prévention, la recherche, la détection et la poursuite de manquements à la déontologie dans le cas des professions réglementées. Cette limitation concerne dès lors entre autres les informations en cas de collecte de données auprès de la personne concernée (article 10) et les informations lorsque les données n'ont pas été collectées auprès de la personne concernée (article 11, paragraphe 1).

B.4.6. L'article 9 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel transpose ces deux obligations d'information dans la législation fédérale. Il convient toutefois d'observer qu'à la différence de l'article 10 de la directive, le moment où l'information doit être fournie à l'intéressé, s'il a fourni les données personnelles lui-même, est précisé, à savoir ' au plus tard au moment où ces données sont obtenues ' (article 9, § 1er), tandis que s'il s'agit de données qui n'ont pas été obtenues auprès de l'intéressé, l'information doit s'effectuer, comme il est prévu à l'article 11, paragraphe 1, de la directive, ' dès l'enregistrement des données ou, si une communication de données à un tiers est envisagée, au plus tard au moment de la première communication des données ' (article 9, § 2).

L'article 3 de cette même loi, recourant aux facultés prévues à l'article 13, paragraphe 1, de la directive 95/46/CE, prévoit diverses exceptions aux obligations de l'article 9, en particulier en ce qui concerne : les traitements de données à caractère personnel gérés par la Sûreté de l'Etat, par le Service général du renseignement et de la sécurité des forces armées et par diverses autres autorités lorsque ces traitements sont nécessaires à l'exercice de leurs missions ( § 4); les traitements de données à caractère personnel gérés par des autorités publiques en vue de l'exercice de leurs missions de police judiciaire; les traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police en vue de l'exercice de leurs missions de police administrative; les traitements de données à caractère personnel gérés en vue de l'exercice de leurs missions de police administrative, par d'autres autorités publiques qui ont été désignées par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, après avis de la Commission de la protection de la vie privée; les traitements de données à caractère personnel rendus nécessaires par la loi du 11 janvier 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/01/1993 pub. 29/07/2013 numac 2013000488 source service public federal interieur Loi relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 11/01/1993 pub. 27/06/2012 numac 2012000391 source service public federal interieur Loi relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer ' relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ' et le traitement de données à caractère personnel géré par le Comité permanent de contrôle des services de police et par son Service d'enquêtes en vue de l'exercice de leurs missions légales ( § 5); et certains traitements gérés par le Centre européen pour enfants disparus et sexuellement exploités ( § 6).

B.4.7. Les travaux préparatoires des dispositions en cause ne font pas apparaître quelles sont les raisons ayant incité le législateur à prévoir les exceptions précitées tout en n'octroyant pas une exception comparable aux détectives privés visés en B.4.2 et B.4.4.

A l'instar de ce qu'observe l'IPI, si les données à caractère personnel sont obtenues auprès de la personne concernée elle-même, l'obligation d'information immédiate figurant à l'article 9, § 1er, a pour effet de compliquer sérieusement sa mission légale de contrôle, voire de la rendre impossible, en particulier lorsque les détectives privés effectuent les missions visées en B.4.2 et B.4.4.

Ce constat n'est pas contredit dans la mesure où les obligations imposées par l'article 9 de la loi en cause pèsent sur le ' responsable du traitement ', que l'article 1er, § 4, de cette loi définit comme ' la personne [...] qui [...] détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel ' et non sur le ' sous-traitant ' que le paragraphe 5 de la même disposition définit comme ' la personne [...] qui traite des données à caractère personnel pour le compte du responsable du traitement et est autre que la personne qui, placée sous l'autorité directe du responsable du traitement, est habilitée à traiter les données '. Ces définitions, telles qu'elles ont été commentées dans les travaux préparatoires (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1566/1, p. 15, et n° 1566/10, p. 10), ainsi que l'obligation imposée au détective privé par l'article 8, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 de conclure avec son client une convention écrite préalable contenant une description précise de la mission qui est confiée au premier, permettent de considérer que l'obligation d'information prévue par l'article 9 précité peut, en fonction de la précision des termes de cette convention, peser sur le client, responsable du traitement, plutôt que sur le détective privé, sous-traitant.

Ce constat n'est pas davantage infirmé lorsque l'article 9, § 2, est interprété en ce sens que cette disposition permet au responsable du traitement, lorsque les données ne sont pas obtenues auprès de la personne concernée, de n'informer celle-ci qu'au moment où les données sont enregistrées par ce responsable du traitement ou, le cas échéant, communiquées à un tiers, dès lors qu'aucune distinction n'est établie à cet égard, en fonction du résultat de l'investigation.

B.5. Dans les limites indiquées en B.4.2 et B.4.4, la question préjudicielle appelle une réponse positive ».

B.10. Certes, dans son arrêt n° 59/2014, la Cour a limité son examen à la situation des détectives privés, mais la conclusion de cet examen s'applique de manière identique à la situation de l'organisme professionnel pour lequel ces détectives privés agissent. Il ressort de l'arrêt de la Cour de justice du 7 novembre 2013 (C-473/12), auquel l'arrêt n° 59/2014 fait référence et par lequel la Cour de justice a répondu à des questions préjudicielles de la Cour, que les deux situations se confondent : « 41. Il convient d'examiner, en premier lieu, l'exception prévue à l'article 13, paragraphe 1, sous d), de ladite directive et de vérifier si elle s'applique à l'activité de détective privé agissant pour le compte d'un organisme tel que l'IPI. 42. Il ressort de la décision de renvoi que la profession d'agent immobilier constitue une profession réglementée en Belgique et que l'IPI est un organisme professionnel chargé de veiller au respect de la réglementation en cause en recherchant et en dénonçant les infractions à cette réglementation.43. Il y a lieu de constater que l'activité d'un organisme tel que l'IPI correspond à la situation visée par l'exception énoncée à l'article 13, paragraphe 1, sous d), de la directive 95/46 et qu'elle est, dès lors, susceptible de relever de cette exception.44. La directive 95/46 ne précisant pas les modalités de la recherche et de la détection des manquements à la réglementation, il y a lieu de considérer que cette directive n'empêche pas un tel organisme professionnel d'avoir recours à des enquêteurs spécialisés, tels que des détectives privés chargés de cette recherche et de cette détection, afin d'accomplir sa mission.45. Il en résulte que, si un Etat membre a choisi de transposer l'exception prévue audit article 13, paragraphe 1, sous d), alors l'organisme professionnel concerné et les détectives privés agissant pour lui peuvent s'en prévaloir et ne sont pas soumis à l'obligation d'information de la personne concernée prévue aux articles 10 et 11 de la directive 95/46 ». B.11. Le moyen est fondé dans la mesure où l'article 9 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel s'applique automatiquement à l'organisme professionnel de droit public qui est chargé par la loi de rechercher des manquements à la déontologie d'une profession réglementée, et à l'activité d'un détective privé ayant été autorisé à agir pour l'organisme professionnel en question, conformément à l'article 13 de la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé. Ces situations tombent dès lors en dehors du champ d'application de l'article 9 de la loi du 8 décembre 1992, dans l'attente de l'extension formelle, par le législateur, des exemptions prévues par l'article 3 de ladite loi.

Par ces motifs, la Cour annule l'article 9 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel dans la mesure où il s'applique automatiquement à l'organisme professionnel de droit public qui est chargé par la loi de rechercher des manquements à la déontologie d'une profession réglementée, et à l'activité d'un détective privé ayant été autorisé à agir pour l'organisme professionnel en question conformément à l'article 13 de la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 25 février 2016.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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