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Arrêt
publié le 02 juin 2016

Extrait de l'arrêt n° 41/2016 du 17 mars 2016 Numéro du rôle : 6076 En cause : le recours en annulation des articles 3 (partim) et 4 de la loi du 28 mars 2014 « portan(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 41/2016 du 17 mars 2016 Numéro du rôle : 6076 En cause : le recours en annulation des articles 3 (partim) et 4 de la loi du 28 mars 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer4 « portant insertion d'un titre 2 ' De l'action en réparation collective ' au livre XVII ' Procédures juridictionnelles particulières ' du Code de droit économique et portant insertion des définitions propres au livre XVII dans le livre 1er du Code de droit économique », introduit par Jean-Marc Van Nypelseer et Robert Wttervulghe.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 octobre 2014 et parvenue au greffe le 3 novembre 2014, un recours en annulation des articles 3 (partim) et 4 de la loi du 28 mars 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer4 « portant insertion d'un titre 2 ' De l'action en réparation collective ' au livre XVII ' Procédures juridictionnelles particulières ' du Code de droit économique et portant insertion des définitions propres au livre XVII dans le livre 1er du Code de droit économique » (publiée au Moniteur belge du 29 avril 2014) a été introduit par Jean-Marc Van Nypelseer et Robert Wttervulghe, assistés et représentés par Me L. Arnauts, avocat au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) B.1. La Cour est saisie d'un recours en annulation dirigé contre les articles 3 et 4 de la loi du 28 mars 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer4 « portant insertion d'un titre 2 ' De l'action en réparation collective ' au livre XVII ' Procédures juridictionnelles particulières ' du Code de droit économique et portant insertion des définitions propres au livre XVII dans le livre 1er du Code de droit économique » (ci-après : la loi du 28 mars 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer4).

L'article 3 est attaqué en ce qu'il insère dans le Code de droit économique (ci-après : CDE) un article XVII.36, 1°, et un article XVII.37 (deuxième moyen), un article XVII.39 (troisième moyen), un article XVII.43, § 2, 7° (quatrième moyen), un article XVII.67, alinéa 2 (cinquième moyen) et un article XVII.69, premier tiret (sixième moyen).

Quant à l'intérêt B.2. Selon le Conseil des ministres, les parties requérantes ne justifient pas de l'intérêt requis.

B.3. L'article 142 de la Constitution et l'article 2, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle requièrent que toute personne physique qui introduit un recours en annulation justifie d'un intérêt.

Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

L'action populaire n'est pas admissible. Lorsqu'il n'existe pas de lien suffisamment individualisé entre la norme attaquée et la situation de la partie requérante, le recours doit être considéré comme une action populaire, ce que le Constituant n'a pas voulu admettre.

B.4. La première partie requérante justifie de l'intérêt requis pour ce qui concerne les articles XVII.36, 1°, et XVII.37, attaqués, dans la mesure où ces dispositions excluraient la législation qu'elle invoque, concernant notamment les comptes annuels, du champ d'application de l'action en réparation collective, et pour ce qui concerne l'article 4 de la loi attaquée, dans la mesure où celui-ci limite le recours à l'action précitée aux cas dans lesquels la cause commune du dommage collectif s'est produite après l'entrée en vigueur de la loi attaquée.

B.5. La seconde partie requérante peut être affectée directement et défavorablement par l'article XVII.39, dans la mesure où celui-ci énumère de manière exhaustive les deux catégories d'associations et le service qui peuvent agir en qualité de représentant du groupe.

B.6. En ce qui concerne les autres dispositions attaquées, à savoir les articles XVII.43, § 2, 7°, XVII.67, alinéa 2, et XVII.69, premier tiret, l'intérêt des parties requérantes ne se distingue pas de l'intérêt qu'a toute personne au respect de la légalité en toute matière. Le recours contre ces dispositions est dès lors irrecevable.

Quant aux dispositions attaquées B.7. L'article XVII.36, inséré par l'article 3 de la loi du 28 mars 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer4, dispose : « Par dérogation aux articles 17 et 18 du Code judiciaire, l'action en réparation collective est recevable lorsqu'il est satisfait à chacune des conditions suivantes : 1° la cause invoquée constitue une violation potentielle par l'entreprise d'une de ses obligations contractuelles, d'un des règlements européens ou d'une des lois visés à l'article XVII.37 ou de leurs arrêtés d'exécution; 2° l'action est introduite par un requérant qui satisfait aux exigences visées à l'article XVII.39 et qui est jugé adéquat par le juge; 3° le recours à une action en réparation collective semble plus efficient qu'une action de droit commun ». L'article XVII.37 dispose : « Les règlements européens et les législations visées à l'article XVII. 36, 1°, sont les suivantes : 1° les livres suivants du présent Code : a) livre IV - Protection de la concurrence;b) livre V - La concurrence et les évolutions de prix;c) livre VI - Les pratiques du marché et la protection du consommateur;d) livre VII - Services de paiement et de crédit;e) livre IX - La sécurité des produits et des services;f) livre XI - Propriété intellectuelle;g) livre XII - Droit de l'économie électronique;h) livre XIV - Pratiques du marché et protection du consommateur relatif aux professions libérales;2° la loi du 25 mars 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer1 sur les médicaments;3° la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations;4° la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction;5° la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits;6° la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer0 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs;7° la loi du 25 février 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer2 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux;8° la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre;9° la loi du 9 mars 1993 tendant à réglementer et à contrôler les activités des entreprises de courtage matrimonial;10° la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel;11° l'article 21, 5°, du Code des impôts sur les revenus;12° la loi du 25 juin 1993 sur l'exercice et l'organisation des activités ambulantes et foraines;13° la loi du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages;14° le Règlement 2027/97 (CE) du Conseil du 9 octobre 1997 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d'accident;15° la loi du 29 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011160 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché de l'électricité type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011161 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché du gaz et au statut fiscal des producteurs d'électricité fermer relative à l'organisation du marché de l'électricité;16° la loi du 29 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011160 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché de l'électricité type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011161 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché du gaz et au statut fiscal des producteurs d'électricité fermer relative à l'organisation du marché du gaz et au statut fiscal des producteurs d'électricité;17° les articles 25, § 5, 27, §§ 2 et 3, 28ter, 30bis, et 39, § 3, de la loi du 2 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, et violations visées à l'article 86bis de la même loi;18° la loi du 20 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2002 pub. 29/01/2003 numac 2002011523 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relatif au recouvrement amiable des dettes du consommateur fermer relative au recouvrement amiable des dettes du consommateur;19° le Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le Règlement (CEE) n° 295/91;20° la loi du 11 juin 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/06/2004 pub. 05/07/2004 numac 2004011261 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi réprimant la fraude relative au kilométrage des véhicules type loi prom. 11/06/2004 pub. 23/02/2009 numac 2009000067 source service public federal interieur Loi réprimant la fraude relative au kilométrage des véhicules. - Traduction allemande fermer réprimant la fraude relative au kilométrage des voitures;21° la loi du 1er septembre 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/09/2004 pub. 21/09/2004 numac 2004011364 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal justice Loi relative à la protection des consommateurs en cas de vente de biens de consommation fermer relative à la protection des consommateurs en cas de vente de biens de consommation;22° la loi du 13 juin 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2005 pub. 20/06/2005 numac 2005011238 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux communications électroniques fermer relative aux communications électroniques;23° le Règlement (CE) n° 2111/2005 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 concernant l'établissement d'une liste communautaire des transporteurs aériens qui font l'objet d'une interdiction d'exploitation dans la Communauté et l'information des passagers du transport aérien sur l'identité du transporteur aérien effectif, et abrogeant l'article 9 de la directive 2004/36/CE;24° le Règlement (CE) n° 1107/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 concernant les droits des personnes handicapées et des personnes à mobilité réduite lorsqu'elles font des voyages aériens;25° la loi du 15 mai 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2007 pub. 05/07/2007 numac 2007011261 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative à la protection des consommateurs en ce qui concerne les services de radiotransmission et de radiodistribution type loi prom. 15/05/2007 pub. 17/03/2009 numac 2009000049 source service public federal interieur Loi relative à la protection des consommateurs en ce qui concerne les services de radiotransmission et de radiodistribution. - Traduction allemande fermer relative à la protection des consommateurs en ce qui concerne les services de radiotransmission et de radiodistribution;26° la loi du 3 juin 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/06/2007 pub. 27/06/2007 numac 2007011277 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative au cautionnement à titre gratuit fermer relative au cautionnement à titre gratuit;27° le Règlement (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires;28° les articles 23 à 52 de la loi du 24 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/2008 pub. 07/08/2008 numac 2008202687 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 24/07/2008 pub. 07/08/2008 numac 2008202688 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer portant dispositions diverses;29° le Règlement (UE) n° 1177/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 concernant les droits des passagers voyageant par mer ou par voie de navigation intérieure et modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004;30° le Règlement (UE) n° 181/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant les droits des passagers dans le transport par autobus et autocar et modifiant le Règlement (CE) n° 2006/2004;31° la loi du 30 juillet 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer3 relative à la revente de titres d'accès à des événements ». L'article XVII.39 dispose : « Le groupe ne peut être représenté que par un seul représentant du groupe.

Peuvent agir en qualité de représentant : 1° une association de défense des intérêts des consommateurs dotée de la personnalité juridique pour autant qu'elle siège au Conseil de la Consommation ou qu'elle soit agréée par le ministre sur base des critères à déterminer par un arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres;2° une association dotée de la personnalité juridique, agréée par le ministre, dont l'objet social est en relation directe avec le préjudice collectif subi par le groupe et qui ne poursuit pas de manière durable un but économique.Cette association dispose, au jour où elle introduit l'action en réparation collective, de la personnalité juridique depuis au moins trois ans. Elle fournit la preuve, par la présentation de ses rapports d'activités ou de toute autre pièce, que son activité effective correspond à son objet social et que cette activité est en relation avec l'intérêt collectif dont elle vise la protection. 3° le service public autonome visé à l'article XVI.5 du présent Code, uniquement en vue de représenter le groupe dans la phase de négociation d'un accord de réparation collective conformément aux articles XVII. 45 à XVII. 51 ».

L'article 4 de la loi du 28 mars 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer4 dispose enfin : « L'action en réparation collective ne peut être introduite que si la cause commune du dommage collectif s'est produite après l'entrée en vigueur de la présente loi ».

Quant au fond En ce qui concerne l'article 4 de la loi du 28 mars 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer4 (premier moyen) B.8.1. L'article 4 de la loi attaquée limite le champ d'application de celle-ci à l'hypothèse dans laquelle « la cause commune du dommage collectif s'est produite après l'entrée en vigueur de [celle-ci] », à savoir le 1er septembre 2014.

Il en résulte que les victimes d'un dommage collectif peuvent ou non recourir à l'action en réparation collective, selon que la cause commune de ce dommage s'est produite après ou avant cette date.

Selon les parties requérantes, cette différence de traitement violerait les articles 10 et 11 de la Constitution et l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme (première branche); elle priverait par ailleurs la seconde catégorie de victimes du droit à l'aide juridique et du droit à un procès équitable, garantis par l'article 23 de la Constitution et par l'article 6 de la Convention précitée (seconde branche).

La Cour examine ensemble les deux branches du moyen.

B.8.2. Dans les travaux préparatoires de la loi du 28 mars 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer4, les objectifs généraux poursuivis par le législateur en instaurant une action en réparation collective, ainsi que le cadre général de celle-ci, sont exposés en ces termes : « Le présent projet de loi vise à introduire dans le Livre XVII du Code de droit économique, relatif aux procédures juridictionnelles particulières, les bases juridiques d'une action collective en réparation du dommage causé à un groupe de consommateurs par une entreprise. Cette action, encore inédite dans l'arsenal judiciaire belge, devrait contribuer substantiellement à un plus grand respect et à une meilleure défense des droits des consommateurs.

A côté d'autres possibilités, telles que le rôle joué par les associations de défense des consommateurs ou encore le recours au règlement extra-judiciaire des litiges, le recours individuel reste le premier moyen à disposition du consommateur pour faire respecter ses droits. Il s'agit, en tous cas, de la seule voie qui permette une réparation du dommage lorsque la responsabilité de l'entreprise est avérée et qui établisse une interprétation contraignante de la loi. [...] L'action en réparation collective est particulièrement appropriée dans le domaine de la protection des droits des consommateurs. [...] En effet, souvent, le non-respect d'une disposition légale protectrice des consommateurs ou d'une obligation contractuelle par une entreprise peut ne provoquer qu'un dommage individuel limité. Par contre, le préjudice causé au marché dans son ensemble, au vu du nombre élevé de consommateurs préjudiciés, peut s'avérer très élevé. Le consommateur lésé ne va pas en justice pour de faibles montants, il reste lésé, parfois même sans le savoir. Dans une série de cas, la possibilité de recours à un mode alternatif de règlement du litige pourra apporter un soulagement. L'action collective, elle, va offrir une réponse structurelle à la réparation du préjudice subi par un groupe de consommateurs qui trouve sa cause dans un fait générateur commun.

L'économie d'échelle ainsi réalisée rend l'action judiciaire financièrement tenable.

A côté de l'hypothèse du dommage collectif pour de faibles montants concernant un grand nombre de consommateurs, souvent évoquée pour justifier l'introduction d'une action collective en réparation dans un système juridique, l'action collective reste un instrument utile et efficace pour tout type de dommage causé à un nombre significatif de consommateurs dès lors que le juge compétent peut estimer, sur base des faits et motifs qui sont invoqués au fondement de l'action, que celle-ci est plus efficiente qu'une action de droit commun pour le consommateur. Pour apprécier cela, le rapport entre les résultats atteints (par ex. un accord pour un nombre élevé de consommateurs ou une décision sur le fond opposable à tous les consommateurs lésés) et les moyens utilisés (nombre d'actions et de juges saisis) est pris en compte. [...] Ces critères (la nature du fait générateur et le type de dommage, la taille potentielle du groupe et sa délimitation, le caractère identifiable des membres du groupe à un stade précoce), sont autant d'éléments dont le juge tiendra compte pour apprécier si une action en réparation collective est ou non plus efficiente qu'une action de droit commun » (Doc. parl,. Chambre, 2013-2014, DOC 53-3300/001, pp. 5, 7 et 8).

B.8.3. En ce qui concerne l'article 4, attaqué, il est exposé : « La procédure ne pourra être intentée que si la cause du dommage se produit après l'entrée en vigueur de la loi, afin de garantir la sécurité juridique » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3300/004, p. 8). B.9. Comme il ressort des travaux préparatoires précités, le législateur a souhaité, en insérant dans l'arsenal juridique une action en réparation collective, faciliter l'accès à la justice des consommateurs en ce qui concerne des réclamations modestes, en regroupant le traitement de telles réclamations. Accessoirement, ce nouvel instrument juridique pouvait être de nature à renforcer le respect des lois et contrats relevant de son champ d'application, et contribuerait dès lors à établir une saine concurrence sur le marché.

B.10. Il appartient en principe au législateur, lorsqu'il décide d'introduire une nouvelle réglementation, d'estimer s'il est nécessaire ou opportun d'assortir celle-ci de dispositions transitoires. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'est violé que si le régime transitoire ou son absence entraîne une différence de traitement dénuée de justification raisonnable ou s'il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime.

B.11. Les travaux préparatoires justifient par le souci de « garantir la sécurité juridique » la non-application de la loi attaquée aux dommages collectifs dont la cause commune est antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi.

B.12.1. Il se conçoit que l'écoulement d'un certain temps, qui peut couvrir plusieurs années, entre la survenance de la cause commune d'un préjudice collectif et l'intentement d'une action en réparation collective soit de nature à compliquer l'établissement des éléments constitutifs de la responsabilité organisée par la loi attaquée.

B.12.2. En outre, la compétence exclusive donnée, par l'article XVII.35 du CDE, aux juridictions bruxelloises pour connaître des actions en réparation collective, si elle se justifie notamment pour les motifs de spécialisation, de cohérence de jurisprudence et d'efficacité, exposés lors des travaux préparatoires (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3300/001, pp. 12 et 16), implique qu'il n'eût pas été possible de rendre la loi attaquée applicable à l'ensemble des dommages collectifs dont la cause commune est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi, sans faire courir aux juridictions précitées un risque de surcharge et d'arriéré, incompatible avec le souci du législateur d'assurer, par la loi attaquée, une meilleure administration de la justice et une meilleure défense des droits des consommateurs.

B.12.3. Enfin, l'objectif du législateur consistant à inciter les entreprises à mieux respecter les règlements européens et les lois relevant du champ d'application de l'action en réparation collective est par nature tourné vers l'avenir.

B.12.4. Il résulte de ce qui précède que l'exclusion du champ d'application de la loi attaquée des dommages collectifs dont la cause commune est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi est pertinente au regard des objectifs poursuivis par le législateur.

B.13. Il y a lieu toutefois de vérifier si cette exclusion ne produit pas des effets disproportionnés dans le chef des consommateurs victimes de tels dommages collectifs, ainsi privés du bénéfice de l'action en réparation collective qu'institue la loi attaquée.

Comme il ressort des travaux préparatoires précités, l'action en réparation collective s'ajoute aux instruments juridiques et aux actions en justice existants dans le domaine de la protection des droits des consommateurs. Le consommateur, et notamment l'éventuelle victime d'un dommage collectif dont la cause commune est antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi et qui ne peut donc bénéficier de l'action en réparation collective, conserve dès lors le bénéfice des autres instruments et actions en justice, en particulier de l'action individuelle en réparation du dommage subi.

Par ailleurs, l'article XVII.36, 3°, de la CDE prévoit, parmi les conditions de recevabilité de l'action en réparation collective, que le recours à celle-ci doit sembler « plus efficient qu'une action de droit commun ». Il appartient au juge d'apprécier si une action en réparation collective est ou non plus efficiente qu'une action de droit commun, sur la base de différents critères, en particulier la nature du fait générateur et le type de dommage, la taille potentielle du groupe et sa délimitation, le caractère identifiable des membres du groupe à un stade précoce (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3300/001, p. 8). Il s'ensuit qu'il ne peut être considéré que, pour tout dommage présentant un caractère collectif, l'action en réparation collective constitue nécessairement pour les victimes une voie de recours plus efficace que l'action individuelle, et que sa privation affecterait dès lors de façon disproportionnée leur protection juridictionnelle.

B.14.1. Compte tenu de ce qui précède, l'exclusion contenue dans l'article 4 attaqué et la différence de traitement qui en résulte ne sont pas dénuées de justification raisonnable.

B.14.2. Le contrôle des dispositions attaquées au regard des autres dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées au moyen ne conduit pas à une autre conclusion.

B.14.3. La demande de poser une question préjudicielle à la Cour européenne des droits de l'homme manque en droit et est dès lors irrecevable.

B.15. Le premier moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne les articles XVII.36, 1°, et XVII.37 du CDE, insérés par l'article 3 de la loi du 28 mars 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer4 (deuxième moyen) B.16.1. Les articles XVII.36, 1°, et XVII.37 du CDE violeraient les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, combinés avec les articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme : d'une part, en limitant la nouvelle action en justice aux seuls dommages subis par les consommateurs du fait de la violation, notamment, des règlements européens et législations visés à l'article XVII.37, les dispositions attaquées discrimineraient les victimes de dommages collectifs qui résultent de la violation d'autres normes (première branche); d'autre part, dès lors que la loi attaquée impliquerait, selon les parties requérantes, la reconnaissance par le législateur qu'un certain nombre de dommages étaient privés de voies de recours effectives et que la nouvelle action en justice pourrait être assimilée à une forme d'aide juridique au sens de l'article 23 de la Constitution, les dispositions attaquées priveraient de façon discriminatoire une catégorie de citoyens du droit à l'aide juridique et à un recours effectif (seconde branche).

La Cour examine ensemble les deux branches du moyen.

B.16.2. Selon l'exposé des motifs : « Article XVII.37. Cet article énumère de manière exhaustive les lois et normes européennes dont la violation est susceptible de fonder une action en réparation collective.

Les livres IV à VII, IX, XI et XII du Code de droit économique sont repris dans la mesure où ils contiennent des dispositions protectrices des droits des consommateurs; une vingtaine d'autres législations contenant également des dispositions protectrices des droits des consommateurs ont été visées ainsi que sept Règlements européens. Ces législations ne sont pas toutes principalement orientées vers la protection du consommateur mais garantissent toutes par certains aspects des droits au bénéfice de ce dernier.

Le projet de loi vise des dispositions générales, telles que celles relatives à la protection de la vie privée, à la signature électronique ou encore aux pratiques du marché ainsi que des dispositions sectorielles. Ont été reprises des règlementations dans le domaine des prix, de l'assurance et de la responsabilité professionnelle, de la santé et de la sécurité des services et des produits, le secteur bancaire et financier, le transport des personnes, l'organisation de voyage et l'énergie, soit autant de secteurs sensibles pour le consommateur. La violation d'une de ces normes ne suffit pas en tant que telle à fonder une action en réparation collective, encore faut-il que le requérant démontre le préjudice causé aux consommateurs.

Il convient de souligner que le projet de loi instaure la procédure de réparation collective et qu'il se limite donc à un domaine spécifique, à savoir les litiges de consommation. Les lois visées à l'article XVII.37 doivent être appliquées par le juge dans la mesure où elles contribuent à la protection du consommateur. La procédure de réparation collective ne pourrait bénéficier, par exemple, à un groupe composé d'actionnaires qui revendiquent réparation d'un dommage à leur société, en cette qualité » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3300/001, pp. 21-22).

Selon le rapport de la Commission : « En ce qui concerne les autres questions, la réponse du ministre pourrait être ' le mieux est l'ennemi du bien '. Au cours des vingt dernières années, on a beaucoup réfléchi et essayé, avec pour résultat final que rien n'a été réalisé, parce que l'on voulait tout ou rien.

L'instauration d'une nouvelle figure juridique requiert de la prudence, c'est une condition essentielle dans ce débat.

C'est délibérément qu'il a été décidé de ne pas appliquer l'action en réparation collective au droit à chaque fait dommageable visé à l'article 1382 du Code civil. Si tel était toutefois le cas, le débat prendrait une ampleur énorme et, quand on commencera à y voir plus clair, la législation sera terminée. Le projet de loi à l'examen ne doit dès lors se concevoir que comme une première étape modeste, avec un sujet bien déterminé (en l'occurrence, le droit du consommateur, qui est une matière fédérale), une procédure spécifique et des garanties claires, une compétence exclusive étant accordée aux cours et tribunaux de Bruxelles.

L'objectif est de s'assurer que la figure juridique puisse être instaurée. L'on ne peut exclure qu'à l'avenir, la formule soit élargie, c'est peut-être même souhaitable. Mais il faudra procéder à une évaluation préalable. La première évaluation est prévue dès 2017.

L'expérience tirée du projet de loi à l'examen servira éventuellement de point de départ pour les développements futurs.

Le ministre dément par ailleurs que l'ambition du projet de loi est aussi limitée que certains membres le laissent entendre. Le droit des consommateurs englobe en effet l'ensemble de la loi sur les pratiques du marché, ce qui est considérable. En outre, les "small claims" interviennent plus souvent en grand nombre dans le droit du consommateur, c'est donc précisément dans cette matière que le besoin est le plus pressant et la lacune dans le droit, la plus grande » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3300/004, pp. 16 et 17).

B.16.3. En limitant le champ d'application de l'action en réparation collective, le législateur a voulu viser un domaine - celui du droit des consommateurs - qui, d'une part, est vaste s'agissant des législations concernées, et dans lequel, d'autre part, intervient un grand nombre de dommages individuels limités (« small claims »), auxquels il entendait précisément répondre en instituant cette nouvelle action en justice.

Il apparaît, par ailleurs, que c'est dans un souci d'efficacité que le législateur a privilégié une approche progressive, tout en annonçant qu'une extension du champ d'application originaire de la loi ou une éventuelle adaptation de celle-ci (Doc. parl. Chambre, 2013-2014, n° 3300/004, p. 22) pourrait intervenir ultérieurement, après une évaluation.

B.17. Il y a lieu d'examiner si, en considération de ces objectifs, la différence de traitement mentionnée en B.16.1 est raisonnablement justifiée.

Compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont le législateur dispose dans les matières socio-économiques, la Cour ne pourrait censurer les différences de traitement qui résultent des choix faits par le législateur que s'ils étaient dépourvus de justification raisonnable.

B.18. Cette différence de traitement repose sur un critère objectif.

Le législateur a en effet énuméré, à l'article XVII.37 attaqué, les règlements européens et les législations dont la violation potentielle peut donner lieu à une action en réparation collective en vertu de l'article XVII.36, 1°. Ces textes ont en outre en commun de contribuer à la protection des consommateurs.

B.19.1. En limitant à ceux visés à l'article XVII.37 attaqué les règlements européens et les législations dont la violation éventuelle par une entreprise - outre celle de ses obligations contractuelles - peut donner lieu à une action en réparation collective, le législateur couvre ainsi un secteur, celui des litiges de consommation, dans lequel il a pu raisonnablement considérer que survenait une partie très substantielle des préjudices collectifs, au sens de l'article 2 de la loi attaquée, dont le législateur souhaitait faciliter la réparation. Les règlements européens et les législations belges mentionnés dans l'article XVII.37 attaqué sont par ailleurs très étendus et contribuent largement à la protection du consommateur.

A ce double égard, la loi attaquée s'inscrit dans les objectifs poursuivis par l'Union européenne par la recommandation 2013/396/UE de la Commission européenne du 11 juin 2013 « relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectif en cessation et en réparation dans les Etats membres en cas de violation de droits conférés par le droit de l'Union ». En effet, d'une part, cette recommandation vise de façon répétée comme ratio legis - outre un meilleur accès à la justice - les droits des consommateurs, et ce en plusieurs de ses considérants, qu'il s'agisse notamment d'en assurer un niveau de protection élevé (considérant 1), de faciliter l'accès à la justice en cas de violation de ces droits (considérants 1 et 4) ou d'obtenir réparation des « petits litiges en matières de consommation », pour lesquels « les actions individuelles [...] sont les outils utilisés habituellement pour régler les différends, prévenir les préjudices ou encore demander réparation » (considérant 8). D'autre part, le considérant 7 inclut « la protection des consommateurs » parmi les « domaines où l'intervention des personnes privées sous la forme d'un recours collectif complète utilement le contrôle public des droits conférés par le droit de l'Union ». En outre, il apparaît que d'autres domaines visés par ce dernier considérant, tels que la protection des données à caractère personnel, la concurrence et la réglementation des services financiers, sont également couverts, fût-ce en partie, par certaines des lois visées par l'article XVII.37 attaqué.

B.19.2. En ce qui concerne l'approche progressive retenue par le législateur, il peut être admis que, entre autres éléments, le caractère novateur de l'action en réparation collective, la complexité de la procédure applicable ainsi que la compétence exclusive donnée aux juridictions bruxelloises pour connaître desdites actions, aient pu inciter le législateur à limiter cette nouvelle action en justice, dans un premier temps, à la protection des droits des consommateurs.

Les travaux préparatoires relèvent en outre qu'une procédure d'évaluation interviendra, afin d'« adapter ou d'élargir la législation » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3300/004, p. 22).

B.19.3. La limitation du champ d'application est dès lors pertinente au regard des objectifs poursuivis par le législateur.

B.20. Etant donné ce qui précède et pour les motifs exposés en B.13, il n'apparaît pas que les droits des victimes de dommages collectifs soient affectés de façon disproportionnée.

La balance des intérêts en présence à laquelle le législateur a procédé - notamment entre, d'une part, les intérêts des victimes des dommages collectifs concernés et des entreprises et, d'autre part, le souci de renforcer l'accès à la justice pour ces dommages, tout en assurant la bonne mise en place de la nouvelle action en justice devant les juridictions concernées - n'excède pas la marge d'appréciation du législateur dans une telle matière.

B.21. Le contrôle des dispositions attaquées au regard des autres dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées au moyen ne conduit pas à une autre conclusion.

B.22. La demande de poser une question préjudicielle à la Cour européenne des droits de l'homme manque en droit et est dès lors irrecevable.

B.23. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'article XVII.39 du CDE, inséré par l'article 3 de la loi du 28 mars 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer4 (troisième moyen) B.24. L'article XVII.39, attaqué, énumère, de façon limitative, en son deuxième alinéa, les associations (1° et 2°) et le service public (3°) qui peuvent agir en qualité de représentant du groupe. Par ailleurs, l'article XVII.40 prévoit que le représentant du groupe doit satisfaire, tout au long de la procédure, aux conditions visées à l'article XVII.39 précité.

Enfin, l'article XVII.36, 2°, érige le respect de ce même article XVIII.39 en condition de recevabilité de l'action en réparation collective dans le chef du requérant, outre le fait que ce requérant soit jugé « adéquat » par le juge.

B.25. Les parties requérantes allèguent la violation, par l'article XVII.39, des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, combinés avec les articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : TFUE).

Les parties requérantes exposent notamment le fait que l'exigence d'agrément, imposée aux associations visées par l'article XVII.39 attaqué, conférerait un pouvoir quasi discrétionnaire au ministre.

Ceci discriminerait, d'une part, les associations comparables étrangères de l'Union européenne, qui ne bénéficient pas d'un tel agrément et, d''autre part, les autres mandataires de justice, comme les avocats, qui pourraient représenter les personnes lésées avec de meilleures garanties d'indépendance et d'absence de conflit d'intérêts.

B.26.1. Selon l'exposé des motifs : « Article XVII.39. Le groupe ne possède qu'un seul représentant. Les personnes physiques ne peuvent jamais représenter un groupe. La représentation du groupe par une personne physique qu'elle soit ou non elle-même lésée par le préjudice collectif n'est en effet pas souhaitable : - elle n'incite pas les personnes lésées à se réunir (ce qui pourrait rendre certaines étapes, telle la détermination du préjudice, plus difficiles) car elle manque de crédit ou de représentativité; elle présente aussi des risques au niveau de la capacité de gestion de la procédure (par exemple, pour les risques financiers liés à la procédure, pour évaluer les besoins d'information des personnes lésées,...) - elle est susceptible de conduire à des procédures abusives non seulement parce qu'une personne physique inexpérimentée pourrait mal évaluer ses chances de succès mais surtout parce que certains pourraient faire de l'introduction d'actions en réparation collective une activité lucrative à part entière.

La loi énumère qui peut agir en qualité de représentant du groupe. Le présent projet de loi opte pour des ' ideological plaintiff ' (S. VOET, l.c. p. 689.) afin d'assurer l'effectivité et la qualité de l'action en réparation collective et d'éviter les recours abusifs ou téméraires. Il s'agit, en premier lieu, en raison de leur objectif de défense des intérêts des consommateurs, des organisations de consommateurs à condition qu'elles aient la personnalité juridique et qu'elles siègent au Conseil de la Consommation ou qu'elles aient été reconnues par le ministre sur base des critères fixés par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Ainsi les modalités de reconnaissance sont les mêmes que celles prévues dans le titre 1er de ce livre pour ce qui concerne l'action en cessation (article XVII.7, 4°) (voir la remarque dans l'avis du Conseil d'Etat à ce sujet, n° 18).

Ensuite, peuvent également agir en qualité de représentant de groupe d'autres associations, pour autant qu'elles remplissent les conditions qui suivent : - avoir la personnalité juridique; - être reconnue par le ministre; - avoir un objet social qui est en relation directe avec le préjudice collectif; - ne pas poursuivre de manière durable un but économique; - posséder la personnalité juridique depuis trois ans au moins.

Une telle association devra également prouver que son activité effective correspond bien à l'objet social qu'elle s'est fixé et que cette activité est en relation avec l'intérêt collectif dont elle vise la protection via l'action en réparation collective.

Le juge évaluera, au cas par cas, si ces associations réunissent bien les qualités nécessaires pour agir en qualité de représentant de groupe.

Enfin le Service public autonome visé à l'article XVI.5 du présent Code peut également agir en qualité de représentant de groupe mais uniquement au cours de la phase de négociation d'un accord amiable.

Cela doit se concilier avec ses autres missions de médiation dans le cadre de dossiers individuels où il intervient entre un consommateur et une entreprise. Lorsqu'il intervient dans le cadre d'une procédure de type collectif, son intervention dépasse l'intervention de type individuel. Dans ce cas, il va représenter un groupe de consommateurs inconnus pour lesquels (dans la majorité des cas) il n'est pas intervenu, à titre individuel. Si la phase de négociation ne permet pas d'aboutir à un accord, la phase contentieuse doit être poursuivie par un autre représentant de groupe.

A côté des qualités qu'ils doivent réunir en général, chaque représentant de groupe qui se présente auprès du juge en vue d'introduire une action en réparation collective doit être jugé, in concreto, adéquat par ce dernier. En effet, ce n'est pas parce qu'un sujet de droit réunit les qualités pour introduire une action en réparation collective qu'il sera, par définition, un représentant de groupe adéquat. Dans le cadre d'une procédure en réparation collective, les membres du groupe n'apparaissent pas à la procédure en qualité de partie et ne donnent pas non plus de mandat express au représentant. Et pourtant, ils seront bien liés par le résultat (positif ou négatif) obtenu suite à la procédure initiée par le représentant de groupe. Cette conséquence notable justifie qu'une attention particulière soit consacrée au caractère adéquat de la représentation du groupe dès lors que les membres du groupe sont absents (de la procédure) et que pour défendre leurs droits matériels au fond, ils dépendent intégralement du représentant de groupe. Du fait que le représentant de groupe joue un rôle clé dans la décision d'introduire ou pas une action, le critère du caractère adéquat de la représentation est également important pour le défendeur qui doit être protégé des actions trop légères. Ce critère d'adéquation est également déterminant dans l'hypothèse où plusieurs candidats à la représentation se présentent (S. VOET, ' Een Belgische vertegenwoordigende collectieve rechtsvordering ', Antwerpen-Cambridge, Intersentia, 2012, nr. 141). Lorsque, à la suite d'un préjudice collectif, plusieurs candidats se présentent en qualité de représentant de groupe, le juge va évaluer sur base d'une analyse lequel des candidats est le plus adéquat pour représenter le groupe.

Il ne peut être question de trancher sur base du critère ' first come, first serve ' » (Doc. parl. Chambre, 2013-2014, n° 3300/001, pp. 25-26).

Selon le rapport de la commission : « Il s'agit d'une procédure appropriée, axée sur les intérêts du consommateur et l'efficacité procédurale.

Il s'agit d'une procédure belge unique, qui ne tombe pas dans le piège des excès - comme, par exemple, la ' class action ' américaine -, qui ne doit être confondue avec l'action collective. En effet, aux termes de la ' common law ' transatlantique, cette figure juridique constitue en quelque sorte une action publique, émanant du peuple. Du fait de cet aspect pénal, aux Etats-Unis d'Amérique, les montants qu'une personne peut être condamnée à verser, peuvent dépasser considérablement le préjudice. Selon les systèmes de droit continentaux en revanche, le ministère public n'est chargé que de la poursuite, et le civil ne réclame qu'un dédommagement, mais pas de peine. Il va de soi que l'action collective est taillée sur mesure pour le droit belge, qui découle de la tradition du droit romain. Afin d'éviter les demandes de dédommagement exorbitantes, en Belgique, les avocats ne peuvent d'ailleurs pas intervenir en tant que ' représentants du groupe '. Ils conservent bien entendu le droit de plaider dans le cadre d'une cause reposant sur une action collective. [...] On soulignera par ailleurs que cette procédure ne vise pas à réaliser des profits ou à lancer une nouvelle activité économique. C'est pourquoi les avocats sont exclus de cette procédure en tant que conseils mandatés pour ester en justice. Cependant, il va de soi qu'ils peuvent être présents et formuler des avis. Les organisations de défense des consommateurs restent à la manoeuvre. L'objectif du législateur est de donner une chance au droit. Les intérêts des avocats ne doivent pas primer. C'est également pour cette raison que les organisations de défense des consommateurs ne peuvent demander que le remboursement de leurs frais. Les ' pacta de quota litis ' ne sont pas non plus permis dans leurs relations avec les consommateurs préjudiciés. Le législateur fixe dès lors des limites claires.

Le ministre pourra-t-il agréer des associations et un risque d'arbitraire existe-t-il ? Outre que la loi fixe des conditions, l'arbitraire est le critère par excellence sur lequel la section d'administration du Conseil d'Etat peut se fonder pour annuler une décision du ministre. L'absence de motivation ou le caractère inadéquat de la motivation qui laisse planer le moindre soupçon d'arbitraire entraîne l'annulation de l'agrément. Il s'agit d'un principe fondamental du droit administratif belge. La séparation des pouvoirs s'appuie sur le principe qui prévoit que le législateur établit des lois, que le pouvoir exécutif les exécute et que le pouvoir judiciaire - en l'espèce le tribunal administratif qu'est la section d'administration du Conseil d'Etat - contrôle si le pouvoir exécutif respecte l'autorité suprême de la loi, ou la viole, auquel cas il peut intervenir très fermement. En cas d'arbitraire, le Conseil d'Etat prononce, sans hésitation, la nullité de l'acte administratif du ministre qui excède sa compétence.

Bref, il n'est pas question d'arbitraire. Le ministre doit, au contraire, respecter la loi.

De même, il ne serait pas judicieux de détailler tous les cas potentiels dans la loi, dès lors que l'on en arriverait très vite à courir derrière l'évolution sociale. Il n'appartient pas au législateur de tenter de prévoir la vie associative des quinze prochaines années.

En ce qui concerne le financement, les organisations devront en effet fournir un effort, mais on s'attend à ce que cela réussisse. D'autre part, la procédure ne sera probablement pas d'office onéreuse. Du fait que de nombreux consommateurs s'unissent, les coûts seront encore comprimés.

L'instrument juridique n'est pas destiné à être utilisé à tout bout de champ; il est à espérer que l'action en réparation demeure plutôt exceptionnelle, lorsque de nombreux consommateurs auront besoin d'une solution de principe. [...] Le ministre apporte la réponse suivante : 1. Le projet à l'examen exclut effectivement la possibilité de recourir à des instruments tels que des ' punitive damages ' et autres ' contingency fees '.On a opté pour un équilibre en faisant jouer l'application du droit commun. Le requérant prend un risque si le juge décide que l'action est irrecevable ou s'il estime que l'entreprise n'est pas responsable. Dans les deux cas, le représentant du groupe devra prendre en charge les frais de procédure du défendeur, selon les règles classiques du droit judiciaire. Ce système est une protection contre les actions de réparation collectives ' irréfléchies ' et favorise également la piste d'un règlement amiable préalable, qui implique moins de risques financiers. 2. Ainsi qu'il a été indiqué ci-avant, il s'agit d'un équilibre, qui a bien fait l'objet de mûre réflexion.Une association, comme l'ASBL Test-Achats, par exemple, dispose d'un budget pour les litiges et devrait être en mesure d'introduire une action en réparation collective. 3. Conformément à l'article XVII.39, l'action en réparation collective est effectivement réservée à certaines catégories de personnes morales. L'exposé des motifs détaille les raisons de ce choix. Il s'agit d'éviter que des actions en réparation collective ne soient introduites ' à tort et à travers ' et que certaines associations de fait ou certains cabinets d'avocats n'en fassent un véritable business. Il n'est pas question de discriminer, mais de veiller à préserver la sérénité et le bon déroulement de l'activité économique.

Les organisations syndicales ne peuvent introduire d'action en vertu du Livre XVII, titre 2, étant donné qu'elles ne sont pas dotées de la personnalité juridique. Il est complètement erroné de prétendre que les avocats seront écartés des salles d'audience dans le cadre de l'action en réparation collective, même si l'action est réservée à certaines catégories de représentants de groupe (qui représentent le groupe sans mandat), rien n'empêchant lesdits représentants de groupe de recourir aux services d'un avocat pour les représenter lors de la procédure (en l'occurrence, avec un mandat) » (Doc. parl. Chambre, 2013-2014, DOC 53-3300/004, pp. 5-6, 17-18 et 25-26).

B.26.2. Il ressort de ce qui précède que, en faisant le choix de limiter les personnes morales et service public aptes à introduire une action en réparation collective, le législateur a entendu assurer la qualité et l'efficacité de cette nouvelle procédure en respectant l'intérêt des consommateurs.

Par ailleurs, il a entendu éviter les procédures téméraires ou lucratives, et, à la lumière d'expériences étrangères, prévenir le risque de dédommagements jugés excessifs.

Enfin, s'il a retenu un mécanisme d'agrément des associations visées par l'article XVII.39 attaqué, il n'a toutefois pas entendu soustraire cet agrément aux contrôles juridictionnels habituels en la matière.

B.27. Il y a lieu d'examiner si la limitation des personnes morales et service public habilités à représenter un groupe de consommateurs lésés est raisonnablement justifiée au regard des objectifs ainsi poursuivis par le législateur.

B.28. En énumérant de façon exhaustive les personnes morales et service public, l'article XVII.39 attaqué fonde la différence de traitement en cause sur un critère objectif.

B.29. Par ailleurs, cette limitation des personnes morales et service public habilités à représenter un groupe de consommateurs dans le cadre de l'action concernée est pertinente au regard des objectifs, précités, poursuivis par le législateur.

Le législateur a, en effet, pu considérer que le filtre, qualitatif et quantitatif, ainsi mis en place, contribuerait à ce que les actions en réparation collective soient véritablement centrées sur l'intérêt des consommateurs.

B.30.1. Les avocats prennent une part importante dans l'administration de la justice. Ils sont soumis à des règles déontologiques strictes, dont le respect est assuré en première instance par le conseil de discipline de l'Ordre. Celui-ci peut, suivant le cas, « avertir, réprimander, suspendre pendant un temps qui ne peut excéder une année, rayer du tableau, de la liste des avocats qui exercent leur profession sous le titre professionnel d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou de la liste des stagiaires » (article 460, alinéa 1er, du Code judiciaire).

Les travaux préparatoires précités de la loi attaquée ne peuvent donc être suivis lorsqu'ils affirment, sur la base d'éléments tirés de systèmes juridiques étrangers, que la représentation du groupe n'a pas été confiée aux avocats au motif notamment qu'il s'agirait d'éviter des demandes de dédommagement exorbitantes ou introduites « à tort et à travers », en ne faisant primer que les propres intérêts de ceux-ci.

B.30.2. En revanche, le législateur a pu raisonnablement considérer qu'il importait de limiter aux seuls associations et service public qu'il vise le pouvoir d'agir en qualité de représentant du groupe, en raison des particularités de l'action en réparation collective, de la spécialisation de ces associations et service public, de l'objectif de défense des consommateurs de ces associations ou de leur objet social en lien direct avec le préjudice collectif subi, ainsi que du souci de ne pas multiplier le nombre de telles actions.

En outre, les dispositions attaquées n'empêchent nullement que l'association qui intente une telle action puisse se faire assister et représenter en justice par un avocat.

B.30.3. Il ne peut être soutenu, comme le font les parties requérantes, que, de facto, une seule association sans but lucratif serait amenée à intervenir ou que de nombreuses personnes lésées ne trouveraient jamais de représentant pouvant introduire une action en justice.

S'il est vrai que l'intervention du service public autonome, visée au 3° de l'alinéa 2 de l'article XVII.39 attaqué, se limite à l'hypothèse prévue par cette disposition, les 1° et 2° de ce même alinéa visent un certain nombre d'associations sans but lucratif, soit que celles-ci disposent déjà de la qualité requise, soit qu'elles soient susceptibles d'en disposer après avoir obtenu l'agrément prévu par ces dispositions.

En ce qui concerne cet agrément - en particulier s'il s'agit d'une décision de refus ou de retrait -, il y a lieu de constater que, comme il a été relevé lors des travaux préparatoires (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3300/004, p. 18), la légalité d'une telle décision est susceptible d'être contrôlée par la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat et par les cours et tribunaux, de telle sorte que le risque d'arbitraire ou de manque d'indépendance auquel conduirait l'exigence d'un agrément, avancé par les parties requérantes, n'est pas établi. La sanction d'un refus ou d'un retrait illégal d'agrément ne relève pas de la compétence de la Cour.

Quant à l'éventualité selon laquelle un représentant du groupe ne satisferait plus, en cours de procédure, aux conditions visées à l'article XVII.39 attaqué (article XVII.40), il suffit de constater que la procédure en cours peut être reprise par un autre représentant du groupe, dans le respect des dispositions précitées.

B.30.4. La recommandation 2013/396/UE précitée de la Commission européenne relève, parmi les « principes communs aux recours collectifs en cessation et en réparation », le souci d'encadrer la qualité requise du représentant du groupe notamment afin de s'assurer que l'introduction d'une action en réparation collective soit guidée par l'intérêt des consommateurs lésés et non par des intérêts particuliers.

B.30.5. Enfin, l'action en réparation collective constitue une nouvelle action en justice qui s'ajoute aux instruments juridiques et actions en justice existants dans le domaine de la protection des droits des consommateurs, mais qui ne s'y substitue pas.

Il en résulte que, à supposer que des victimes d'un dommage collectif au sens de la loi attaquée ne trouvent pas de représentant du groupe pour en demander réparation dans le cadre d'une action en réparation collective, il leur est loisible d'agir dans le cadre d'une action individuelle.

B.30.6. La limitation des personnes morales et service public habilités à représenter un groupe de consommateurs lésés n'est dès lors pas sans justification raisonnable.

Le contrôle des dispositions attaquées au regard des autres dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées au moyen ne conduit pas à une autre conclusion.

B.30.7. La demande de poser une question préjudicielle à la Cour européenne des droits de l'homme manque en droit et est dès lors irrecevable.

B.31. Les parties requérantes allèguent aussi la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, combinés avec l'article 56 du TFUE. L'exigence d'agrément, imposée aux associations visées par l'article XVII.39, attaqué, discriminerait les associations comparables étrangères de l'Union européenne qui ne bénéficient pas d'un tel agrément.

Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes ajoutent qu'une telle exigence va également à l'encontre des articles 16 et 20 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (ci-après : la directive « services »).

Etant donné que cette directive harmonise la libre prestation des services, visée par l'article 56 du TFUE, à certains égards et dans certains secteurs, la référence à ces dispositions ne saurait être considérée comme un moyen nouveau.

B.32. Les articles 56 et 57 du TFUE disposent : « Article 56 Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation.

Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent étendre le bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissants d'un Etat tiers et établis à l'intérieur de l'Union.

Article 57 Au sens des traités, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.

Les services comprennent notamment : a) des activités de caractère industriel, b) des activités de caractère commercial, c) des activités artisanales, d) les activités des professions libérales. Sans préjudice des dispositions du chapitre relatif au droit d'établissement, le prestataire peut, pour l'exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans l'Etat membre où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses propres ressortissants ».

Les articles 16 et 20 de la directive « services » - qui s'appliquent également aux Etats membres de l'Espace économique européen en vertu de la décision du Comité mixte de l'EEE n° 45/2009 du 9 juin 2009 modifiant l'annexe X (Services audiovisuels) et l'annexe XI (Services de télécommunications) de l'accord EEE - disposent : « Article 16 - Libre prestation des services 1. Les Etats membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un Etat membre autre que celui dans lequel ils sont établis. L'Etat membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l'activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.

Les Etats membres ne peuvent pas subordonner l'accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants : a) la non-discrimination : l'exigence ne peut être directement ou indirectement discriminatoire en raison de la nationalité ou, dans le cas de personnes morales, en raison de l'Etat membre dans lequel elles sont établies;b) la nécessité: l'exigence doit être justifiée par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l'environnement;c) la proportionnalité: l'exigence doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.2. Les Etats membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre Etat membre en imposant l'une des exigences suivantes : a) l'obligation pour le prestataire d'avoir un établissement sur leur territoire;b) l'obligation pour le prestataire d'obtenir une autorisation de leurs autorités compétentes, y compris une inscription dans un registre ou auprès d'un ordre ou d'une association professionnels existant sur leur territoire, sauf dans les cas visés par la présente directive ou par d'autres instruments de la législation communautaire;c) l'interdiction pour le prestataire de se doter sur leur territoire d'une certaine forme ou d'un certain type d'infrastructure, y compris d'un bureau ou d'un cabinet d'avocats, dont le prestataire a besoin pour fournir les services en question;d) l'application d'un régime contractuel particulier entre le prestataire et le destinataire qui empêche ou limite la prestation de service à titre indépendant;e) l'obligation, pour le prestataire, de posséder un document d'identité spécifique à l'exercice d'une activité de service délivré par leurs autorités compétentes.f) les exigences affectant l'utilisation d'équipements et de matériel qui font partie intégrante de la prestation du service, à l'exception de celles nécessaires à la santé et la sécurité au travail;g) les restrictions à la libre prestation des services visées à l'article 19.3. Les présentes dispositions n'empêchent pas l'Etat membre dans lequel le prestataire se déplace pour fournir son service d'imposer des exigences concernant la prestation de l'activité de service lorsque ces exigences sont justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l'environnement et conformément au paragraphe 1.Elles n'empêchent pas non plus cet Etat membre d'appliquer, conformément au droit communautaire, ses règles en matière de conditions d'emploi, y compris celles énoncées dans des conventions collectives. 4. Le 28 décembre 2011 au plus tard, la Commission présente au Parlement européen et au Conseil, après consultation des Etats membres et des partenaires sociaux au niveau communautaire, un rapport sur l'application du présent article, dans lequel elle examine la nécessité de proposer des mesures d'harmonisation concernant les activités de services couvertes par la présente directive ». « Article 20 - Non-discrimination 1. Les Etats membres veillent à ce que le destinataire ne soit pas soumis à des exigences discriminatoires fondées sur sa nationalité ou son lieu de résidence.2. Les Etats membres veillent à ce que les conditions générales d'accès à un service, qui sont mises à la disposition du public par le prestataire, ne contiennent pas des conditions discriminatoires en raison de la nationalité ou du lieu de résidence du destinataire, sans que cela ne porte atteinte à la possibilité de prévoir des différences dans les conditions d'accès lorsque ces conditions sont directement justifiées par des critères objectifs ». B.33. Ainsi qu'il ressort de l'article 1er de la directive « services », combiné avec les considérants 2 et 5 de celle-ci, cette directive édicte des dispositions générales visant à éliminer les restrictions à la liberté d'établissement des prestataires dans les Etats membres et à la libre prestation des services entre ces derniers, afin de contribuer à la réalisation d'un marché intérieur libre et concurrentiel. Selon ses articles 2, paragraphe 1, et 4, cette directive s'applique ainsi à toute activité économique non salariée, fournie normalement contre rémunération par un prestataire établi dans un Etat membre, qu'il soit installé ou non de manière stable et continue dans l'Etat membre de destination, sous réserve des activités expressément exclues (CJUE, 11 juillet 2013, Femarbel, C-57/12, points 31 et 32).

Le Manuel relatif à la mise en oeuvre de la directive « services » (Luxemburg, 2007, p. 10) rédigé par la Commission européenne précise que la directive « services » s'applique en principe à tous les services qui n'en sont pas expressément exclus. Le simple fait qu'une activité soit fournie par l'Etat, par un organisme public ou par une association sans but lucratif ne signifie pas qu'elle ne constitue pas un service au sens du TFUE ou de la directive « services ». Que la rémunération, qui constitue la contrepartie économique de la prestation, soit payée par le destinataire du service ou par un tiers, est indifférent (CJCE, 26 avril 1988, Bond van Adverteerders c. Etat néerlandais, C-352/85, point 16; 12 juillet 2001, Smits et Peerbooms, C-157/99, points 55-58; 13 mai 2003, Müller-Fauré et van Riet, C-385/99, point 103), à condition que le service ne soit pas assuré pour l'essentiel par des fonds publics (CJCE, 7 décembre 1993, Wirth/Landeshauptstadt Hannover, C-109/92, points 15-17).

Bien que les dispositions précitées relatives à la libre prestation des services ne s'appliquent qu'aux services effectués moyennant une contrepartie économique, le considérant 32 de la directive « services » indique qu'elle est cohérente avec la législation de l'Union européenne relative à la protection des consommateurs, notamment la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs. En vertu du considérant 33, la directive « services » vise également des services aux particuliers en matière de conseil juridique.

Il est dès lors permis de considérer que l'intervention, comme représentant d'un groupe, d'une association de défense des intérêts des consommateurs visée par la disposition attaquée relève des dispositions précitées, dès lors qu'aucune des exceptions mentionnées dans l'article 2, paragraphe 2, de la directive « services » ne s'applique.

L'article 16 de la directive « services » dispose que les Etats membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un Etat membre autre que celui dans lequel ils sont établis.

L'Etat membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l'activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.

B.34. L'exigence contenue dans l'article XVII.39, alinéa 2, 1°, attaqué, selon laquelle une association de défense des intérêts des consommateurs est dotée de la personnalité juridique et qu'elle siège « au Conseil de la consommation ou qu'elle soit agréée par le ministre sur base des critères à déterminer par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres » porte atteinte à ce qui est prévu par l'article 16, paragraphe 2, b), de la directive « services » qui dispose que les Etats membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre Etat membre en imposant une « obligation pour le prestataire d'obtenir une autorisation de leurs autorités compétentes, y compris une inscription dans un registre ou auprès d'un ordre ou d'une association professionnels existant sur le territoire ». Il en va de même en ce qui concerne l'exigence de l'article XVII.39, alinéa 2, 2°, attaqué, imposant qu'il s'agisse d'une « association dotée de la personnalité juridique, agréée par le ministre, dont l'objet social est en relation directe avec le préjudice collectif subi par le groupe et qui ne poursuit pas de manière durable un but économique ».

Il n'apparaît pas que l'obstacle qui en résulte pour les associations établies dans d'autres Etats membres soit justifié par des motifs d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l'environnement.

B.35. La recommandation 2013/396/UE précitée dispose : « Litiges transnationaux 17. Les Etats membres devraient veiller à ce que, lorsqu'un différend concerne des personnes physiques ou morales ressortissantes de plusieurs Etats membres, les règles nationales en matière de recevabilité ou de qualité pour agir des groupes de demandeurs étrangers ou des entités représentatives relevant d'autres systèmes juridiques nationaux n'empêchent pas l'introduction d'une action collective unique devant une seule et même juridiction.18. Toute entité représentative à qui un Etat membre a, au préalable, officiellement conféré qualité pour agir en représentation devrait être autorisée à saisir la juridiction nationale compétente pour connaître du préjudice de masse ». B.36. Le point 4 de la recommandation précitée dispose : « Qualité pour agir en représentation 4. Les Etats membres devraient désigner des entités représentatives susceptibles d'engager des actions en représentation sur la base de conditions d'admission clairement définies.Ces conditions devraient comprendre au moins les exigences suivantes : a) il devrait s'agir d'entités à but non lucratif;b) il devrait exister un rapport direct entre les principaux objectifs des entités et les droits conférés par le droit de l'Union dont la violation est alléguée dans le cas d'espèce;et c) les entités devraient avoir une capacité suffisante, sur le plan des ressources financières, des ressources humaines et de l'expertise juridique, pour représenter plusieurs demandeurs au mieux de leurs intérêts ». En ne prévoyant pas que des entités représentatives provenant d'autres Etats membres de l'Union européenne et de l'espace économique européen, qui répondent aux conditions du point 4 de la recommandation précitée, peuvent agir comme représentant de groupe, la disposition attaquée viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 16 de la directive « services ».

B.37. Etant donné que le constat de la lacune est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application de la disposition attaquée dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution, il appartient au juge compétent, en tenant compte des critères mentionnés en B.36, de mettre fin à la violation de ces normes dans l'attente d'une intervention du législateur. En tout cas, le juge ne peut pas déclarer irrecevable une action en réparation collective si elle a été introduite par une organisation visée à l'article 4, paragraphe 3, de la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs, qui s'applique également aux Etats membres de l'Espace économique européen à la suite de la décision du Comité mixte de l'EEE n° 35/2010 du 12 mars 2010 modifiant l'annexe XIX (Protection des consommateurs) de l'accord EEE. Par ces motifs, La Cour - annule l'article XVII.39 du Code de droit économique, inséré par la loi du 28 mars 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer4 « portant insertion d'un titre 2 ' De l'action en réparation collective ' au livre XVII ' Procédures juridictionnelles particulières ' du Code de droit économique et portant insertion des définitions propres au livre XVII dans le livre 1er du Code de droit économique », dans la mesure où il ne prévoit pas que les entités représentatives provenant d'autres Etats membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, qui répondent aux conditions du point 4 de la recommandation 2013/396/UE de la Commission du 11 juin 2013 « relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectif en cessation et en réparation dans les Etats membres en cas de violation de droits conférés par le droit de l'Union » peuvent intervenir comme représentant de groupe; - rejette le recours pour le surplus.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 mars 2016.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux J. Spreutels

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