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Arrêt
publié le 02 août 2016

Extrait de l'arrêt n° 81/2016 du 2 juin 2016 Numéro du rôle : 6035 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 2, c) à e), 35, § 2, 49 et 57 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, avant La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)

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Extrait de l'arrêt n° 81/2016 du 2 juin 2016 Numéro du rôle : 6035 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 2, c) à e), 35, § 2, 49 et 57 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises, avant sa modification par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer, posées par la Cour du travail de Liège, division Namur.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt du 9 septembre 2014 en cause de la SA « Agrimat » contre Jean-Claude Clementz, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 16 septembre 2014, la Cour du travail de Liège, division Namur, a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. Les articles 2, c) à e), 35, § 2, 49 et 57 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises, dans leur version applicable au cas d'espèce, c'est-à-dire avant l'adoption de la modification introduite par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer introduisant un article 49/1, alinéa 4, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution et introduisent-ils une discrimination en ce que la créance sursitaire d'un travailleur licencié avant le jugement d'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire peut être réduite ou soumise à des délais de paiement au même titre que n'importe quelle autre créance sursitaire, alors que les créances nées de prestations de travail antérieures à l'ouverture de la procédure devraient subir un traitement distinct et spécifique, c'est-à-dire ne pas subir de réduction ni de délais de paiement et ce, au même titre que les créances nées de prestations de travail en cours de procédure, comme le prévoit la nouvelle mouture de la loi relative à la continuité des entreprises modifiée par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer ? La question appelle-t-elle une réponse positive dans la mesure où l'article 49/1 introduit par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer n'a pas d'effet rétroactif aux procédures qui ne sont pas encore clôturées ? 2. Dans la version de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises antérieure à sa modification par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises, l'article 49 de la première loi, lu en combinaison avec les articles 2, c) à e), et 57 de la même loi, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il traite de la même manière, notamment en autorisant sans restriction délais de paiement et abattements de créance en capital et intérêts, tous les créanciers sursitaires ordinaires, alors que les titulaires de créances nées de prestations de travail antérieures à l'ouverture de la procédure se trouvent dans une situation distincte des autres créanciers, appelant un traitement également distinct ? Cette situation distincte découle des considérations de protection de la rémunération qui ont justifié, notamment, l'adoption de la convention l'Organisation internationale du travail n° 95 du 1er juillet 1949 sur la protection du salaire, celle de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs et des dispositions de nature pénale qu'elle comporte et celle de l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution qui garantit le droit à une rémunération équitable.3. Dans la version de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises antérieure à sa modification par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises, les articles 49 et 57 de la première loi, lus en combinaison avec l'article 2, c) à e), de la même loi, en ce qu'ils permettent que soit imposé à un travailleur titulaire d'une créance née de prestations de travail antérieures à l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, une réduction de sa créance ou un étalement de son paiement, violent-ils l'article 23 de la Constitution, en ce compris l'effet de ' stand still ' qu'il comporte, qui garantit le droit à une rémunération équitable ? 4.La réponse à ces questions doit-elle être différente selon que le non-paiement de la créance en cause est pénalement sanctionné ? ». (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause B.1. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution des articles 2, c) à e), 35, § 2, 49 et 57 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer « relative à la continuité des entreprises » (ci-après : LCE).

Il ressort de la motivation de la décision de renvoi que le problème sur lequel la Cour est interrogée porte exclusivement sur les articles 2, c) à e), 49 et 57 de cette loi, de sorte que la Cour limite son examen à ces dispositions.

Dans leur version applicable devant le juge a quo, ces articles disposaient : « Art.2. Pour l'application de la présente loi, on entend par : [...] c) ' créances sursitaires ' : les créances nées avant le jugement d'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire ou nées du dépôt de la requête ou des décisions prises dans le cadre de la procédure;d) ' créances sursitaires extraordinaires ' : les créances sursitaires garanties par un privilège spécial ou une hypothèque et les créances des créanciers-propriétaires;e) ' créances sursitaires ordinaires ' : les créances sursitaires autres que les créances sursitaires extraordinaires;». «

Art. 49.Le plan indique les délais de paiement et les abattements de créances sursitaires en capital et intérêts proposés. Il peut prévoir la conversion de créances en actions et le règlement différencié de certaines catégories de créances, notamment en fonction de leur ampleur ou de leur nature. Le plan peut également prévoir une mesure de renonciation aux intérêts ou de rééchelonnement du paiement de ces intérêts, ainsi que l'imputation prioritaire des sommes réalisées sur le montant principal de la créance.

Le plan peut également contenir l'évaluation des conséquences que l'approbation du plan entraînerait pour les créanciers concernés.

Il peut encore prévoir que les créances sursitaires ne pourront être compensées avec des dettes du créancier titulaire postérieures à l'homologation. Une telle proposition ne peut viser des créances connexes.

Lorsque la continuité de l'entreprise requiert une réduction de la masse salariale, un volet social du plan de réorganisation est prévu, dans la mesure où un tel plan n'a pas encore été négocié. Le cas échéant, celui-ci peut prévoir des licenciements.

Lors de l'élaboration de ce plan, les représentants du personnel au sein du conseil d'entreprise ou, à défaut, du comité pour la prévention et la protection au travail, ou, à défaut, la délégation syndicale ou, à défaut, une délégation du personnel, seront entendus ». «

Art. 57.L'homologation du plan de réorganisation le rend contraignant pour tous les créanciers sursitaires.

Les créances sursitaires contestées, mais reconnues judiciairement après l'homologation, sont payées conformément aux modalités prévues pour les créances de même nature. En aucun cas, l'exécution du plan de réorganisation ne peut être totalement ou partiellement suspendue du fait des décisions rendues sur les contestations.

Les créances sursitaires qui n'ont pas été portées dans la liste visée à l'article 17, § 2, 7°, modifiée, le cas échéant, par application de l'article 46, et qui n'ont pas donné lieu à contestation, sont payées après l'exécution intégrale du plan conformément aux modalités prévues pour les créances de même nature. Si le créancier n'a pas été informé dûment au cours du sursis, il sera payé selon les modalités et dans la mesure prévues par le plan homologué pour des créances similaires.

A moins que le plan n'en dispose autrement de manière expresse, l'exécution complète de celui-ci libère totalement et définitivement le débiteur pour toutes les créances y figurant.

Sans préjudice des articles 2043bis à 2043octies du Code civil, le plan ne profite pas aux codébiteurs ni aux personnes ayant constitué des sûretés personnelles ».

B.2.1. La loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer « modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises », publiée au Moniteur belge du 22 juillet 2013, a modifié l'article 2, c), en cause : l'article 2 de cette loi insère dans l'article 2, c), de la LCE le mot « judiciaires » entre les mots « des décisions » et « prises dans le cadre ».

B.2.2. La même loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer a inséré dans la LCE un article 49/1, alinéa 4, qui dispose : « Le plan ne peut contenir de réduction ou d'abandon des créances nées de prestations de travail antérieures à l'ouverture de la procédure ».

B.2.3. En vertu de l'article 62 de cette loi, ces modifications entrent en vigueur dix jours après la publication de la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer au Moniteur belge.

Ces modifications sont donc sans incidence sur le litige qui a donné lieu aux questions préjudicielles, de sorte que la Cour examine les dispositions en cause, ainsi que le texte de la LCE, dans leur version applicable au litige pendant devant le juge a quo.

B.3. La loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer précitée, dans sa version applicable au litige devant le juge a quo, prévoit une procédure dite « de réorganisation judiciaire » qui a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de tout ou partie de l'entreprise en difficulté ou de ses activités (article 16, alinéa 1er, de la LCE); cette procédure permet d'accorder un sursis (dont la durée est fixée par le juge en vertu de l'article 24, § 2, de la LCE) au débiteur en vue soit d'aboutir à une réorganisation judiciaire par accord amiable entre créanciers et débiteur, visé à l'article 43, ou par accord collectif des créanciers, visé aux articles 44 et suivants, soit de permettre le transfert à des tiers de tout ou partie de l'entreprise ou de ses activités, visé aux articles 59 et suivants (article 16, alinéa 2, de la LCE).

Outre l'interdiction de poursuivre les voies d'exécution, la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer prévoit qu'aucune saisie autre que conservatoire ne peut être pratiquée du chef des créanciers sursitaires au cours du sursis (article 31 de la LCE). Elle ne met cependant pas en cause les droits du créancier gagiste lorsqu'il s'agit de créances spécifiquement gagées (article 32 de la LCE), ne fait pas obstacle au paiement volontaire de créances sursitaires par le débiteur, ni à l'action directe (article 33 de la LCE), ni à la compensation des créances connexes (article 34 de la LCE), ni à la possibilité de déclarer le débiteur en faillite ou de provoquer la dissolution judiciaire de la société débitrice (article 30 de la LCE) et ne met pas fin, en principe, aux contrats en cours (article 35, § 1er, de la LCE).

Quant aux première et deuxième questions préjudicielles B.4. Il ressort des faits de l'instance principale et des motifs de la décision de renvoi que le litige porté devant le juge a quo concerne un travailleur licencié quelques jours avant le dépôt de la requête en réorganisation judiciaire, à la suite d'une restructuration du personnel pour raisons économiques. Ce travailleur licencié revendique devant la juridiction a quo le paiement d'une indemnité de congé qui, en application de l'article 39, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative aux contrats de travail » (ci-après : la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer), est due en raison de la décision de l'employeur de mettre fin, sans préavis, à un contrat de travail.

B.5. Avant sa modification par les articles 14 et 27, 1°, de la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer « concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement », l'article 39, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer disposait : « Si le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, la partie qui résilie le contrat sans motif grave ou sans respecter le délai de préavis fixé aux articles 59, 82, 83, 84 et 115, est tenue de payer à l'autre partie une indemnité égale à la rémunération en cours correspondant soit à la durée du délai de préavis, soit à la partie de ce délai restant à courir. L'indemnité est toutefois toujours égale au montant de la rémunération en cours correspondant à la durée du délai de préavis, lorsque le congé est donné par l'employeur et en méconnaissance des dispositions de l'article 38, § 3, de la présente loi ou de l'article 40 de la loi sur le travail du 16 mars 1971.

L'indemnité de congé comprend non seulement la rémunération en cours, mais aussi les avantages acquis en vertu du contrat ».

B.6. Par les première et deuxième questions préjudicielles, le juge a quo souhaite savoir si les dispositions en cause violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que la créance sursitaire d'un travailleur licencié avant le jugement d'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire peut être réduite ou soumise à des délais de paiement au même titre que les autres créances sursitaires et sans aucune limitation, alors que les titulaires de créances nées de prestations de travail antérieures à l'ouverture de la procédure se trouvent dans une situation distincte des autres créanciers, appelant un traitement également distinct.

B.7. Dans la première question préjudicielle, le juge a quo ajoute qu'il n'est pas possible de réduire ou soumettre à des délais de paiement des créances nées de prestations de travail en cours de procédure et, depuis l'ajout de l'article 49/1 à la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer, des créances nées de prestations de travail effectuées avant l'ouverture de la procédure.

Le juge a quo fait également une comparaison entre la première catégorie de travailleurs et les travailleurs qui bénéficient de l'application, depuis son entrée en vigueur, de l'article 49/1, alinéa 4, de la LCE, inséré par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer, en raison de l'absence d'effet rétroactif de cette disposition pour les procédures qui ne sont pas encore clôturées.

Le fait que l'article 49/1, alinéa 4, de la LCE prévoie, à dater de l'entrée en vigueur de la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer, une protection particulière à l'égard de certaines créances sursitaires, dans le contexte d'une adaptation globale de la LCE, ne permet pas de conclure que les dispositions en cause, dans leur version applicable devant le juge a quo, méconnaissent les articles 10 et 11 de la Constitution. En outre, il ressort des pièces de la procédure que l'homologation par le tribunal de commerce a fait l'objet d'un jugement définitif du tribunal de commerce avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer.

B.8. La Cour a déjà été interrogée sur la compatibilité avec la Constitution des articles 2, c) à e), 49 et 57, en cause, de la LCE, avant sa modification par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer.

Par son arrêt n° 162/2013 du 21 novembre 2013, la Cour a jugé que la différence de traitement dans le plan de réorganisation entre un travailleur licencié avant le dépôt, par son employeur, d'une requête en réorganisation judiciaire et un travailleur licencié pendant la période de sursis ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Par son arrêt n° 8/2012 du 18 janvier 2012, la Cour a jugé que lorsque le plan de réorganisation prévoit un règlement différencié pour certaines catégories de créances, le tribunal de commerce doit examiner s'il existe une justification raisonnable à ce règlement différencié. Si tel n'est pas le cas, il doit en principe refuser l'homologation du plan de réorganisation parce qu'il viole l'ordre public.

B.9.1. L'article 49 de la LCE, avant sa modification par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer, laisse une grande latitude au débiteur pour déterminer dans le cadre de son plan de réorganisation le statut et la répétibilité concrète de toutes les créances sursitaires.

B.9.2. En vertu du même article, avant sa modification par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer, le plan de réorganisation indique les délais de paiement et les abattements de créances sursitaires en capital et intérêts proposés. Il peut entre autres prévoir la conversion de créances en actions, ainsi qu'un règlement différencié de certaines catégories de créances, notamment en fonction de leur ampleur ou de leur nature.

B.9.3. Le plan de réorganisation devient contraignant pour tous les créanciers sursitaires lorsqu'il est homologué par le tribunal de commerce qui, en vertu de l'article 55, alinéa 2, de la LCE, avant sa modification par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer, ne peut refuser cette homologation qu'« en cas d'inobservation des formalités requises par cette loi ou pour violation de l'ordre public ».

Le jugement d'homologation est en substance un constat par le tribunal que le plan déjà approuvé par les créanciers n'entraîne aucune violation de l'ordre public et respecte les formalités requises par la LCE. B.10. La créance relative à une indemnité de préavis d'un travailleur, qui est née préalablement au dépôt d'une requête en réorganisation judiciaire, est une créance sursitaire ordinaire.

B.11. La possibilité, dans le plan de réorganisation judiciaire, de réduire une créance sursitaire ordinaire ou de la soumettre à des modalités de paiement étalées dans le temps est liée au contenu du plan de réorganisation.

Les créances sursitaires ordinaires relatives à une indemnité de congé peuvent donc, en application de l'article 49 de la LCE, faire l'objet d'un règlement particulier dans le plan de réorganisation judiciaire.

B.12. En adoptant l'article 49 précité, qui peut toucher aux espérances légitimes de créanciers, le législateur a cherché à « poursuivre le développement durable des entreprises et leur assainissement » (Doc. parl., Chambre, 2007-2008, DOC 52-160/002, p. 39).

Le législateur a entendu, par cette procédure, élargir la portée de la réglementation relative au concordat judiciaire qu'elle remplace (ibid., DOC 52-0160/002, pp. 39 et 82). Il a tenté de concilier l'objectif de préserver la continuité de l'entreprise avec celui de sauvegarder les droits des créanciers : « [La matière relative aux conséquences de la réorganisation judiciaire] est l'une des plus difficiles qui soient, parce qu'une législation sur l'insolvabilité doit tenir compte d'intérêts très divergents : les intérêts des créanciers qui souhaitent être payés le plus vite possible, et la nécessité de donner une chance à la réorganisation (y compris une réorganisation par transfert d'entreprise). La règle est que la continuité de l'entreprise et des contrats est conservée, mais il va de soi que le maintien des droits sera menacé pendant une période de difficultés financières importantes » (ibid., DOC 52-0160/005, p. 10).

B.13. Conformément à l'article 55 de la LCE, avant sa modification par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer, le tribunal de commerce doit toutefois refuser l'homologation d'un plan de réorganisation en cas de violation de l'ordre public.

B.14.1. Les questions préjudicielles concernent le traitement, dans le plan de réorganisation, d'une créance qui trouve son fondement dans une indemnité de congé d'un travailleur licencié avant l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire.

B.14.2. S'il est mis fin à une relation de travail de durée indéterminée à l'initiative de l'employeur, le travailleur a droit, sur la base du régime prévu par la loi relative aux contrats de travail, mentionnée en B.5, à un préavis raisonnable ou à une indemnité de substitution qui dépend notamment de la durée des prestations de travail déjà effectuées. En cas de résiliation, l'employeur est donc redevable soit du salaire aux échéances pendant le préavis, soit d'une indemnité de congé immédiate correspondant au salaire qu'un travailleur obtiendrait pendant le préavis à respecter.

B.14.3. Le législateur n'a pas estimé souhaitable de toujours obliger l'employeur qui licencie un travailleur de continuer à l'employer pendant toute la durée du préavis. Les éventuelles difficultés liées à une telle situation ont pu être évitées en respectant les intérêts du travailleur, par le paiement d'une indemnité de congé forfaitaire correspondant au salaire que le travailleur aurait mérité pendant la période de préavis.

B.14.4. Sauf dans des conditions de licenciement particulières, le droit à une indemnité de congé tend à limiter les conséquences sociales et financières de la fin du contrat de travail à durée indéterminée pour un travailleur qui perd son emploi stable, en garantissant un revenu pendant un certain temps, ce délai devant lui permettre de retrouver un emploi. Le législateur a donc cherché, au demeurant conformément à l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution, à assurer au travailleur les moyens financiers nécessaires pour garantir sa sécurité d'existence (Doc. parl., Sénat, SE, 1991-1992, n° 100-2/3°, p. 17).

B.15.1. Comme il est dit en B.11, les créances sursitaires qui trouvent leur fondement dans un contrat de travail, dont celles liées à une indemnité de congé, peuvent, en raison de leur nature, faire l'objet d'un règlement particulier dans le plan de réorganisation judiciaire.

B.15.2. Si l'indemnité de congé du travailleur licencié avant le jugement d'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire est une créance sursitaire ordinaire, cette qualification ne signifie donc pas que les intérêts des travailleurs ne sont pas pris en compte dans les modalités du plan de réorganisation judiciaire, au regard de l'objectif de continuité poursuivi par la loi en cause.

B.16.1. La possibilité qu'offre l'article 49, alinéa 1er, de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer de prévoir dans le plan de réorganisation un régime différencié pour certaines catégories de créances ne peut pas être interprétée en ce sens qu'elle permettrait des différences de traitement qui ne sont pas raisonnablement justifiées. A contrario, le principe d'égalité et de non-discrimination interdit de traiter de manière identique sans justification raisonnable des catégories de personnes se trouvant dans des situations essentiellement différentes.

B.16.2. Au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, et compte tenu de ce qui est dit en B.14.4, il y a lieu d'interpréter l'article 49, alinéa 1er, de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer, tel qu'il était applicable avant l'insertion de l'article 49/1 dans la même loi, en ce sens que lors de l'élaboration du plan de réorganisation, le débiteur doit tenir compte de la nature particulière de la créance qui se rapporte à une indemnité de congé née avant l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, et en ce sens que ledit article ne permet pas de réduire cette créance au point de compromettre la sécurité d'existence du travailleur.

B.16.3. Le principe d'égalité et de non-discrimination est d'ordre public. Le tribunal de commerce doit donc refuser l'homologation du plan de réorganisation si la protection du travailleur n'a pas été garantie conformément à l'interprétation mentionnée en B.16.2.

B.17. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.16, les première et deuxième questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Quant à la troisième question préjudicielle B.18. Par la troisième question préjudicielle, la Cour est invitée à examiner la compatibilité, au regard de l'article 23 de la Constitution, en ce compris l'effet de « standstill » qu'il comporte, qui garantit le droit à une rémunération équitable, des articles 49 et 57 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer, lus en combinaison avec les articles 2, c) à e), de la même loi, en ce qu'ils permettent que soit imposé à un travailleur titulaire d'une créance née de prestations de travail antérieures à l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, une réduction de sa créance ou un étalement de son paiement.

B.19. Eu égard à la réponse donnée aux deux premières questions préjudicielles et à l'interprétation mentionnée en B.16, la troisième question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Quant à la quatrième question préjudicielle B.20. La quatrième question préjudicielle demande à la Cour de dire si la réponse aux trois premières questions préjudicielles serait différente si l'absence de paiement d'une indemnité de congé était une infraction pénale.

B.21. Le caractère punissable ou non du non-paiement d'une indemnité de congé ne modifie pas les réponses données aux première, deuxième et troisième questions préjudicielles.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.16, les articles 2, c) à e), 49 et 57 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises, avant sa modification par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises, et avant l'insertion par cette loi de l'article 49/1 dans la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution. - La troisième question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 2 juin 2016.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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