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Arrêt
publié le 20 février 2018

Extrait de l'arrêt n° 124/2017 du 19 octobre 2017 Numéro du rôle : 6533 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 28, § 2, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, com La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges A. (...)

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Extrait de l'arrêt n° 124/2017 du 19 octobre 2017 Numéro du rôle : 6533 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 28, § 2, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, combiné avec les articles 60, 62 et 64 du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres subventionnés d'encadrement des élèves, posée par le Tribunal de première instance du Limbourg, division Tongres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges A. Alen, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 25 octobre 2016 en cause de l'ASBL « Sint-Jozefsschool Hoevenzavel » contre la Communauté flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 8 novembre 2016, le Tribunal de première instance du Limbourg, division Tongres, a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 28, § 2, de la loi sur le pacte scolaire, combiné avec les articles 60, 62 et 64 du décret [de la Communauté flamande du 27 mars 1991] relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres subventionnés d'encadrement des élèves, viole-t-il les articles 10, 11 et 24, § 1er, de la Constitution dans l'interprétation selon laquelle il exclut que les pouvoirs organisateurs de l'enseignement libre subventionné puissent mettre fin, en dehors du régime des articles précités, au contrat de travail conclu avec les membres de leur personnel, par l'application des règles du droit du travail, par l'application des articles 1142, 1184 et 1780 [du Code civil] ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Il est demandé à la Cour si l'article 28, § 2, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, combiné avec les articles 60, 62 et 64 du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres subventionnés d'encadrement des élèves, est compatible avec les articles 10, 11 et 24, § 1er, de la Constitution, « dans l'interprétation selon laquelle il exclut que les pouvoirs organisateurs de l'enseignement libre subventionné puissent mettre fin, en dehors du régime des articles précités, au contrat de travail conclu avec les membres de leur personnel, par l'application des règles du droit du travail, par l'application des articles 1142, 1184 et 1780 [du Code civil] ».

B.2.1. L'article 28, § 2, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement dispose : « § 2. Si le tribunal du travail, lors d'un jugement ou arrêt passé en force de chose jugée, juge qu'une décision prise par un pouvoir organisateur de l'enseignement libre subventionné et tendant à supprimer ou à réduire la charge d'un membre du personnel qu'il a nommé à titre définitif, est contraire au décret relatif au statut des membres du personnel de l'enseignement subventionné, ce membre du personnel reçoit la subvention-traitement pour tout ou partie de la charge dont il a été privé, comme s'il était resté en activité de service, tandis que le pouvoir organisateur perd la subvention-traitement pour tout ou partie de l'emploi, tant qu'il affecte à cet emploi un membre du personnel autre que le titulaire.

La présente disposition sortit également ses effets lorsque la chambre de recours, telle que visée à l'article 69 du décret relatif au statut des membres du personnel de l'enseignement subventionné, annule le licenciement d'un membre du personnel définitif prononcé par le pouvoir organisateur par mesure disciplinaire.

La présente disposition sortit également ses effets lorsque le collège de recours, tel que visé à l'article 47septiesdecies du décret relatif au statut des membres du personnel de l'enseignement subventionné, annule une des évaluations portant la conclusion finale ' insuffisant ' et ayant conduit au licenciement tel que visé au chapitre Vter du même décret d'un membre du personnel nommé à titre définitif.

La perte de la subvention-traitement octroyée pour un emploi prend fin pour le pouvoir organisateur : 1° soit au moment où l'acte irrégulier est rectifié par le pouvoir organisateur;2° soit si le même ou un autre pouvoir organisateur reprend le membre du personnel lésé, avec l'accord de ce dernier;3° soit au moment où le membre du personnel lésé refuse sans motif valable d'accepter un emploi offert, dans la même fonction et les mêmes conditions statutaires, par le même pouvoir organisateur ou par un autre pouvoir organisateur;4° soit au moment où le membre du personnel lésé se trouve pour des raisons étrangères au litige dans les conditions requises pour la cessation définitive de ses fonctions. La subvention-traitement octroyée au cours de la période entre le licenciement illégitime et la signification aux services du Gouvernement flamand compétents en matière d'enseignement, du jugement ou de l'arrêt, ou de la décision des chambres de recours précitées ou du collège de recours précité au pouvoir organisateur, est réclamée à ce pouvoir organisateur et est ensuite attribuée au membre du personnel indûment licencié.

Dès la signification précitée, les services du Gouvernement flamand compétents en matière d'enseignement paient la subvention-traitement directement au membre du personnel indûment licencié jusqu'au moment où il est satisfait à une des quatre conditions précitées ».

B.2.2. Les articles 60, 62 et 64 du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres subventionnés d'encadrement des élèves (ci-après : le « décret du 27 mars 1991 relatif au statut ») disposent : «

Art. 60.Sans préjudice des dispositions de l'article 21 relatives à la fin de la désignation temporaire, les membres du personnel désignés à titre temporaire ou nommés à titre définitif sont, sauf disposition contraire, démis sans préavis de leurs fonctions : 1° s'ils ne satisfont plus à une des conditions suivantes : a) être ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou de l'Association européenne de Libre-Echange, sauf dispense accordée par le Gouvernement flamand;b) jouir des droits civils et politiques, sauf dispense accordée par le Gouvernement flamand qui est compatible avec celle visée au point a);c) satisfaire aux obligations des lois sur la milice;2° quand, après une absence autorisée, ils ne reprennent pas leur service sans raison valable, sauf cas de force majeure, et restent absents pendant une période ininterrompue de dix jours civils;3° s'ils quittent sans raison valable leur emploi et s'absentent pendant une période ininterrompue d'au moins dix jours civils;4° s'ils se trouvent dans les cas où l'application des lois civiles et pénales entraîne la cessation des fonctions;5° si, après épuisement de la procédure, ils refusent de mettre fin à une situation constatée et maintenue d'incompatibilité;6° s'ils sont admis à une pension de retraite anticipée définitive pour motif de santé ou d'inaptitude physique;7° quand, après le rappel en service actif, ils refusent sans raison valable d'occuper l'emploi désigné par le pouvoir organisateur; 8° [...] 9° à partir du moment où le pouvoir organisateur, à la demande de l'instance compétente du culte concerné ou de l'instance compétente de la morale non confessionnelle, met fin à la charge de l'enseignant de cours philosophiques;10° à partir du moment où pour un membre du personnel désigné à titre temporaire dans une fonction de recrutement à durée déterminée ou désigné à titre temporaire dans une fonction de sélection ou de promotion, les conditions pour un licenciement en application des articles 47quaterdecies, 47quinquiesdecies ou 47sexiesdecies, § 3, sont remplies;11° à partir du moment où pour un membre du personnel nommé à titre définitif ou un membre du personnel désigné temporairement à durée ininterrompue, les conditions d'un licenciement en application des articles 47terdecies, 47quinquiesdecies ou article 47sexiesdecies, § 1er, sont remplies ». «

Art. 62.Pour les membres du personnel nommés à titre définitif et pour les temporaires avec une désignation à durée ininterrompue, donnent également lieu à cessation de fonctions définitive : 1° la démission offerte par le membre du personnel.Sauf si de commun accord un autre délai a été convenu, le membre du personnel ne peut quitter son service qu'après avoir respecté un préavis de quinze jours civils au moins; 2° du fait d'avoir atteint la limite d'âge;3° du licenciement ou de la révocation par mesure disciplinaire en vertu de l'article 64, 6° ou 7°;4° de la mise à la retraite définitive;5° de la fin du prolongement de la désignation telle que prévue à l'alinéa deux du présent article. Par dérogation au point 2°, le fait d'avoir atteint la limite d'âge ne donne pas lieu à la cessation définitive des fonctions si le membre du personnel intéressé et son pouvoir organisateur conviennent de prolonger la désignation.

Une telle prolongation n'est possible qu'aux conditions suivantes : 1° la prolongation vaut chaque fois pour une durée d'une année scolaire au maximum;2° dans l'établissement où le membre du personnel reste désigné, aucun membre du personnel n'est à ce moment mis en disponibilité par défaut d'emploi dans la même fonction tel que visé dans la réglementation relative à la mise en disponibilité par défaut d'emploi, la réaffectation et la remise au travail, à moins que ce membre du personnel ne puisse être réaffecté dans un emploi vacant.». «

Art. 64.Si les membres du personnel manquent à leurs devoirs, ils peuvent encourir une des sanctions suivantes : 1° le blâme;2° la retenue sur traitement;3° la suspension par mesure disciplinaire;4° la mise en disponibilité par mesure disciplinaire;5° le retour à la désignation temporaire pour le membre du personnel qui est nommé définitivement dans une fonction de recrutement, la rétrogradation pour le membre du personnel qui est nommé définitivement dans une fonction de sélection ou de promotion ou le report limité de la nomination définitive du membre du personnel qui est désigné temporairement pour une durée ininterrompue.La rétrogradation n'est pas d'application aux membres du personnel des services d'encadrement pédagogique; 6° le licenciement.Selon la nature des motifs pour lesquels le licenciement est prononcé, le pouvoir organisateur peut décider que ce licenciement concerne un, plusieurs ou l'ensemble de ses établissements ou centres. 7° la révocation.Selon la nature des motifs pour lesquels il est procédé à la révocation, le pouvoir organisateur peut décider que la révocation porte sur un, plusieurs ou tous ses établissements ou centres.

Une mesure disciplinaire est définitive après l'expiration du délai de recours ou après qu'en recours une décision définitive a été prise.

S'il s'agit d'un enseignant de cours philosophiques, la peine disciplinaire ne peut être imposée que sur proposition ou avec l'accord de l'instance compétente de la religion concernée ou de la morale non confessionnelle ».

B.3.1 Le litige soumis au juge a quo porte sur la réclamation par la Communauté flamande, à un pouvoir organisateur de l'enseignement libre subventionné, d'une subvention-traitement octroyée pour un membre du personnel nommé à titre définitif, après que la Cour du travail a constaté de manière définitive que le licenciement de ce membre du personnel nommé à titre définitif était irrégulier. Le juge a quo ne doit donc pas se prononcer sur l'irrégularité du licenciement, qui a déjà été constaté de manière définitive dans une procédure judiciaire antérieure.

La question préjudicielle a été posée à la demande de la partie demanderesse devant le juge a quo. Toutefois, la décision de renvoi ne fait pas référence aux articles 60, 62 et 64 du décret du 27 mars 1991 relatif au statut, qui précisent les circonstances dans lesquelles un membre du personnel de l'enseignement subventionné peut être démis de ses fonctions. Elle ne fait pas non plus état de l'application du droit commun du travail ou des articles 1142, 1184 et 1780 du Code civil. Au vu des pièces déposées devant la Cour, ces dispositions étaient effectivement en cause dans l'affaire antérieurement soumise aux juridictions du travail, dans laquelle la régularité du licenciement était contestée, mais il n'apparaît pas que ces dispositions soient également en cause en l'espèce. Il ressort au contraire de la motivation de la décision de renvoi que le juge a quo doit se prononcer exclusivement sur la subvention-traitement que le pouvoir organisateur perd en vertu de l'article 28, § 2, de la loi du 29 mai 1959, en cause, à la suite du licenciement jugé irrégulier par une juridiction du travail, dans une décision passée en force de chose jugée. Le litige devant le juge a quo concerne plus précisément la répétition par la Communauté flamande de la subvention-traitement payée au pouvoir organisateur pour le membre du personnel licencié à tort.

Dans la mesure où la Cour est interrogée sur l'impossibilité pour les pouvoirs organisateurs de l'enseignement libre subventionné de licencier les membres de leur personnel en excluant l'application des articles 60, 62 et 64 du décret du 27 mars 1991 relatif au statut, et en appliquant le droit commun du travail et les articles 1142, 1184 et 1780 du Code civil, la réponse à la question préjudicielle n'est manifestement pas utile à la solution du litige soumis au juge a quo.

B.3.2. La Cour n'inclut donc pas dans son examen les articles 60, 62 et 64 du décret du 27 mars 1991 relatif au statut.

B.4. Comme l'observent le Gouvernement flamand et le Gouvernement de la Communauté française, le libellé de la question et les motifs de la décision de renvoi n'indiquent nullement entre quelles catégories de personnes l'article 28, § 2, en cause, de la loi du 29 mai 1959 instaurerait une différence de traitement et en quoi consisterait la prétendue discrimination.

La question préjudicielle n'est dès lors pas recevable en tant qu'elle vise une violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5.1. Selon le Gouvernement de la Communauté française, la question préjudicielle n'appelle pas davantage de réponse en tant que la Cour est interrogée sur une prétendue violation de l'article 24, § 1er, de la Constitution, parce que le juge a quo n'exposerait pas en quoi la disposition en cause violerait cette norme.

B.5.2. Il ressort de la procédure au fond que la question préjudicielle peut être comprise en ce sens que la Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 28, § 2, en cause, de la loi du 29 mai 1959 avec la liberté d'enseignement garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution, en ce que la disposition en cause prive le pouvoir organisateur d'une subvention-traitement octroyée pour l'emploi d'un membre du personnel irrégulièrement licencié et porterait donc atteinte à la liberté des pouvoirs organisateurs de l'enseignement libre subventionné de choisir leur personnel.

B.5.3. En vertu de l'article 28, § 2, en cause, de la loi du 29 mai 1959, un membre du personnel d'un pouvoir organisateur de l'enseignement libre subventionné nommé à titre définitif qui, selon les termes d'un jugement ou arrêt d'une juridiction du travail passé en force de chose jugée, a été irrégulièrement licencié, reçoit du Gouvernement flamand la subvention-traitement pour tout ou partie de la charge dont il a été privé, comme s'il était resté en activité de service. En même temps, le pouvoir organisateur concerné perd la subvention-traitement pour tout ou partie de l'emploi, tant qu'il affecte à cet emploi un membre du personnel autre que le titulaire.

Cette disposition sortit ses effets dès la signification du jugement ou de l'arrêt aux services compétents du Gouvernement flamand. La subvention-traitement qui a été allouée au cours de la période qui s'est écoulée entre le licenciement irrégulier et cette signification au pouvoir organisateur est réclamée à ce pouvoir organisateur et est ensuite attribuée au membre du personnel irrégulièrement licencié. A partir de cette signification, les services du Gouvernement flamand paient la subvention-traitement directement au membre du personnel irrégulièrement licencié.

L'attribution de la subvention-traitement au membre du personnel licencié et la perte de cette subvention-traitement par le pouvoir organisateur prennent fin si l'acte irrégulier est rectifié par le pouvoir organisateur, si le même ou un autre pouvoir organisateur reprend le membre du personnel lésé, avec l'accord de ce dernier, si le membre du personnel lésé refuse sans motif valable d'accepter un emploi offert, dans la même fonction et les mêmes conditions statutaires, par le même ou par un autre pouvoir organisateur, ou si le membre du personnel lésé se trouve, pour des raisons étrangères au litige, dans les conditions requises pour la cessation définitive de ses fonctions.

B.5.4. L'article 28, § 2, en cause, qui a été introduit par l'article 10 du décret du 5 juillet 1989 et remplacé par l'article VI.1 du décret du 13 juillet 2007, a été justifié comme suit : « Lors de l'adoption d'un statut pour les membres du personnel de l'enseignement subventionné, il convient d'utiliser comme cadre de référence l'article 17, § 4 [actuellement l'article 24, § 4,] de la Constitution. Un facteur important de cette égalité est l'opposabilité du statut pour les membres du personnel.

Dans l'enseignement officiel (enseignement officiel subventionné et enseignement de la Communauté), en cas de litige sur l'application du statut, c'est le Conseil d'Etat qui est compétent in fine.

Lorsque le Conseil d'Etat, à la demande du membre du personnel lésé, annule, pour cause d'irrégularité, ce licenciement, qui constitue un acte administratif unilatéral, cet arrêt rétroagit jusqu'au moment où la décision a été prise, ce qui équivaut à une annulation ab initio.

Ce licenciement n'a pour ainsi dire jamais existé. Il y a donc une réintégration effective du membre du personnel indûment licencié.

Dans l'enseignement libre subventionné, la relation entre l'employeur et le travailleur est, même après l'entrée en vigueur du statut, de nature contractuelle. En cas de licenciement irrégulier, le pouvoir organisateur peut tout au plus être condamné à des dommages-intérêts.

Dans l'état actuel de la législation, une réintégration du membre du personnel est impossible.

Il y a dès lors une différence de statut manifeste entre les membres du personnel de l'enseignement libre et ceux de l'enseignement officiel, et en particulier en ce qui concerne un des aspects les plus fondamentaux du statut, qui est son opposabilité. [...] L'article à l'examen permet d'éviter cette inégalité » (Doc. parl., Conseil flamand, 1988-1989, n° 222/1, pp. 15-16).

B.6. La Cour doit examiner si l'article 28, § 2, de la loi du 29 mai 1959, en cause, porte atteinte à l'article 24, § 1er, de la Constitution, en ce qu'il prive le pouvoir organisateur de l'enseignement libre subventionné d'une subvention-traitement pour l'emploi d'un membre du personnel qui, selon un jugement ou un arrêt de la juridiction du travail passé en force de chose jugée, a été irrégulièrement licencié.

La Cour limite son examen à cette situation.

B.7.1. L'article 24, § 1er, de la Constitution dispose que l'enseignement est libre. Cette liberté d'enseignement suppose que les pouvoirs organisateurs qui ne relèvent pas directement de la communauté puissent, sous certaines conditions, prétendre à des subventions à charge de celle-ci. Le droit aux subventions est limité, d'une part, par la possibilité pour la communauté de lier celles-ci à des exigences tenant à l'intérêt général, entre autres celles d'un enseignement de qualité et du respect de normes de population scolaire, et, d'autre part, par la nécessité de répartir les moyens financiers disponibles entre les diverses missions de la communauté.

La liberté d'enseignement connaît dès lors des limites et n'empêche pas que le législateur décrétal impose des conditions de financement et de subventionnement qui restreignent l'exercice de cette liberté.

De telles mesures ne sauraient être considérées, en tant que telles, comme une atteinte à la liberté d'enseignement. Il en irait autrement s'il devait apparaître que les limitations concrètes qu'elles apportent à cette liberté ne sont pas adéquates ou sont disproportionnées à l'objectif poursuivi.

B.7.2. La liberté d'enseignement implique la liberté, pour le pouvoir organisateur, de choisir le personnel qui sera chargé d'atteindre les objectifs pédagogiques propres qu'il s'est fixés. La liberté de choix a donc des répercussions sur la relation de travail entre ce pouvoir organisateur et son personnel. La liberté d'enseignement ne s'oppose pas à ce que le législateur compétent y apporte des restrictions, en vue notamment de garantir la qualité de l'enseignement, à condition qu'elles soient raisonnablement justifiées et proportionnées au but et aux effets de la mesure.

B.7.3. La liberté d'enseignement ne saurait être dissociée des autres garanties énoncées par l'article 24 de la Constitution, dont le principe, garanti par l'article 24, § 4, de l'égalité de traitement des établissements d'enseignement et des membres de leur personnel.

B.8.1. La disposition en cause apporte une restriction au libre choix du personnel, en ce qu'elle attache une sanction financière au licenciement irrégulier d'un membre du personnel, nommé à titre définitif, par un pouvoir organisateur de l'enseignement libre subventionné, en privant ce pouvoir organisateur de la subvention-traitement octroyée pour cet emploi tant qu'il y affecte un membre du personnel autre que le titulaire.

Il ressort des travaux préparatoires cités en B.5.4 que cette mesure vise précisément à éliminer une différence de statut entre les membres du personnel de l'enseignement officiel et ceux de l'enseignement libre subventionné, en ce qui concerne l'opposabilité de leur statut.

Cette différence de traitement est la conséquence de la nature juridique différente des pouvoirs organisateurs, qui, dans l'enseignement officiel, sont des institutions de droit public, et, dans l'enseignement libre subventionné, sont des institutions de droit privé ou des personnes morales de droit privé. L'opposabilité différente de leurs statuts réside dans le fait que les membres du personnel de l'enseignement officiel doivent attaquer leur licenciement devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, qui est habilitée à annuler avec effet rétroactif la décision de licenciement, ce qui implique l'obligation, pour le pouvoir organisateur, de réintégrer le membre du personnel concerné, alors que les membres du personnel de l'enseignement libre subventionné doivent attaquer leur licenciement devant la juridiction du travail, ce qui peut donner lieu à des dommages-intérêts mais ne peut entraîner une obligation de réintégration.

Par la disposition en cause, le législateur entendait répondre à cette différence d'opposabilité de statut en prévoyant pour l'enseignement libre subventionné une « obligation de réintégration indirecte, par la poursuite, en vertu d'une décision prononcée par une juridiction du travail, de l'attribution des subventions-traitements au membre du personnel indûment licencié » (Doc. parl., Conseil flamand, 1988-1989, n° 222/1, p.16).

B.8.2. La mesure en cause vise donc à réaliser l'égalité de traitement des membres du personnel des établissements d'enseignement, qui est garantie par l'article 24, § 4, de la Constitution. Elle ne saurait en soi être considérée comme une atteinte à la liberté d'enseignement, sauf s'il devait s'avérer que les restrictions concrètes mises à cette liberté par la disposition en cause ne seraient pas raisonnablement justifiées.

B.8.3. Le législateur décrétal peut attacher des sanctions financières au non-respect par les pouvoirs organisateurs de l'enseignement libre subventionné des dispositions décrétales impératives qui règlent le statut des membres de leur personnel. Il n'est en outre pas sans justification raisonnable de prévoir la récupération et la retenue de la subvention-traitement pour un emploi dont un membre du personnel nommé à titre définitif a été licencié irrégulièrement et l'attribution directe de cette subvention-traitement au membre du personnel irrégulièrement licencié. Cette mesure a donc pour effet de rendre le pouvoir organisateur financièrement responsable lorsqu'il met fin de façon irrégulière à une nomination définitive et de renforcer en même temps le statut des membres du personnel nommés à titre définitif dans l'enseignement libre subventionné.

Cette perte de la subvention-traitement sortit ses effets pour autant seulement que la juridiction du travail ait jugé que le licenciement du membre du personnel nommé à titre définitif est irrégulier. En outre, le pouvoir organisateur peut mettre fin lui-même à la perte de la subvention-traitement en rectifiant l'acte irrégulier ou en offrant au membre du personnel concerné un emploi dans la même fonction et aux mêmes conditions statutaires.

B.8.4. La mesure en cause ne porte pas atteinte de manière disproportionnée à la liberté d'enseignement garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution.

B.9. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 28, § 2, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement ne viole pas les articles 10, 11 et 24, § 1er, de la Constitution.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 octobre 2017.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, E. De Groot

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