Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 02 juillet 2018

Extrait de l'arrêt n° 43/2018 du 29 mars 2018 Numéro du rôle : 6595 En cause : le recours en annulation de l'article 28, § 1, 3° et 4°, et § 2, et de l'article 108, alinéa 1 er , 2°, de la loi du 17 juin 2016 relative aux m La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges L. Lavryse(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2018201803
pub.
02/07/2018
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 43/2018 du 29 mars 2018 Numéro du rôle : 6595 En cause : le recours en annulation de l'article 28, § 1, 3° et 4°, et § 2, et de l'article 108, alinéa 1er, 2°, de la loi du 17 juin 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/06/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016021053 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics fermer relative aux marchés publics, introduit par P.M. et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite E. De Groot, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 16 janvier 2017 et parvenue au greffe le 17 janvier 2017, un recours en annulation de l'article 28, § 1er, 3° et 4°, et § 2, et de l'article 108, alinéa 1er, 2°, de la loi du 17 juin 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/06/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016021053 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics fermer relative aux marchés publics (publiée au Moniteur belge du 14 juillet 2016) a été introduit par P.M., N. G.d.M. et P. V.d.S., assistés et représentés par Me P. Vande Casteele, avocat au barreau d'Anvers. (...) II. En droit (...) Quant au contexte des dispositions attaquées B.1. Il ressort de la genèse des dispositions légales antérieures à la législation actuelle sur les marchés publics que la pleine concurrence et la transparence sont les principes de base pour la passation de marchés de services par l'autorité (Doc. parl., Sénat, 1961-1962, n° 364, pp. 2-3).

B.2. L'adjudication publique était donc la règle pour la passation de marchés de services par l'autorité. Au fil des ans, le législateur a assoupli cette règle, en prévoyant également d'autres procédures de passation (Doc. parl., Sénat, 1961-1962, n° 364, pp. 4-5). Par conséquent, il existe aujourd'hui différentes procédures et prescriptions connexes pour la passation de marchés de services. Ces procédures et prescriptions sont largement influencées par le droit de l'Union européenne.

B.3. En vue de la réalisation du marché intérieur, le législateur européen a en effet adopté un cadre communautaire pour la passation de marchés de services par l'autorité publique (proposition de directive du Conseil portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, COM (90) 372, J.O.C.E., 31 janvier 1991, n° C 23, pp.1 à 25).

Ce cadre a pour but de garantir, d'une part, la libre circulation des marchandises, la liberté d'établissement et la libre prestation des services, ainsi que les principes qui en découlent, comme l'égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité, l'impartialité et la transparence et, d'autre part, la mise en concurrence effective des marchés publics (considérant 2 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services; considérant 1 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, ci-après : la directive 2014/24/UE).

La coordination, au niveau européen, des procédures de passation des marchés publics vise dès lors à supprimer les obstacles à la libre prestation des services et donc à protéger les intérêts des opérateurs économiques établis dans un Etat membre qui désirent offrir des services aux pouvoirs adjudicateurs établis dans un autre Etat membre (voy. CJUE, grande chambre, 13 novembre 2007, C-507/03, Commission c.

Irlande, point 27).

B.4. Ces procédures de passation de marchés de services ont été revues et modernisées par la directive 2014/24/UE dans le but de garantir un emploi plus judicieux des deniers publics et une meilleure concurrence. Par cette directive, le législateur de l'Union européenne a supprimé la distinction entre, d'une part, les services qui sont désignés comme prioritaires et soumis au respect de l'ensemble des règles de passation des marchés publics et, d'autre part, les services non prioritaires, qui sont simplement soumis à des obligations de transparence.

Du fait de cette suppression, les services juridiques sont en principe soumis aux règles de passation des marchés applicables à tous les services.

B.5. Le législateur de l'Union européenne a toutefois exclu certains services juridiques du champ d'application de la directive 2014/24/UE, de sorte qu'aucune harmonisation des règles de procédure n'existe en ce qui concerne ces services.

B.6. L'article 10 de la directive 2014/24/EU dispose : « Exclusions spécifiques pour les marchés de services La présente directive ne s'applique pas aux marchés publics de services ayant pour objet : a) l'acquisition ou la location, quelles qu'en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d'autres biens immeubles ou concernant des droits sur ces biens;b) l'achat, le développement, la production ou la coproduction de matériel de programmes destiné à des services de médias audiovisuels ou radiophoniques qui sont passés par des fournisseurs de services de médias audiovisuels ou radiophoniques, ni aux marchés concernant les temps de diffusion ou la fourniture de programmes qui sont attribués à des fournisseurs de services de médias audiovisuels ou radiophoniques. Aux fins du présent point, les expressions ' services de médias audiovisuels ' et ' fournisseurs de services de médias ' revêtent respectivement le même sens qu'à l'article 1er, paragraphe 1, points a) et d), de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil.Le terme ' programme ' a le même sens qu'à l'article 1er, paragraphe 1, point b), de ladite directive, mais il englobe également les programmes radiophoniques et le matériel pour programmes radiophoniques. En outre, aux fins de la présente disposition, l'expression ' matériel de programmes ' a le même sens que le terme ' programme '; c) les services d'arbitrage et de conciliation;d) l'un des services juridiques suivants : i) la représentation légale d'un client par un avocat au sens de l'article 1er de la directive 77/249/CEE du Conseil dans le cadre : - d'un arbitrage ou d'une conciliation se déroulant dans un Etat membre, un pays tiers ou devant une instance internationale d'arbitrage ou de conciliation, ou - d'une procédure devant les juridictions ou les autorités publiques d'un Etat membre ou d'un pays tiers ou devant les juridictions ou institutions internationales; ii) du conseil juridique fourni en vue de la préparation de toute procédure visée au présent point, sous i), ou lorsqu'il existe des signes tangibles et de fortes probabilités selon lesquels la question sur laquelle porte le conseil fera l'objet d'une telle procédure, pour autant que le conseil émane d'un avocat au sens de l'article 1er de la directive 77/249/CEE; iii) des services de certification et d'authentification de documents qui doivent être réalisés par des notaires; iv) des services juridiques fournis par des administrateurs légaux ou des tuteurs ou d'autres services juridiques dont les prestataires sont désignés par une juridiction de l'Etat membre concerné ou par la loi pour réaliser des tâches spécifiques sous le contrôle de ces juridictions; v) d'autres services juridiques qui, dans l'Etat membre concerné, sont liés, même occasionnellement à l'exercice de la puissance publique;e) des services financiers liés à l'émission, à la vente, à l'achat ou au transfert de titres ou d'autres instruments financiers au sens de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, des services fournis par des banques centrales et des opérations menées avec le Fonds européen de stabilité financière et le mécanisme européen de stabilité;f) des prêts, qu'ils soient ou non liés à l'émission, à la vente, à l'achat ou au transfert de titres ou d'autres instruments financiers;g) les contrats d'emploi;h) les services de défense civile, de protection civile et de prévention des risques qui sont fournis par des organisations ou des associations à but non lucratif et qui relèvent des codes CPV 75250000-3, 75251000-0, 75251100-1, 75251110-4, 75251120-7, 75252000-7, 75222000-8, 98113100-9 et 85143000-3 excepté les services ambulanciers de transport de patients;i) les services publics de transport de voyageurs par chemin de fer ou par métro;j) les services liés aux campagnes politiques, relevant des codes CPV 79341400-0, 92111230-3 et 92111240-6, lorsqu'ils sont passés par un parti politique dans le cadre d'une campagne électorale ». B.7. L'exclusion des services d'arbitrage et de conciliation du champ d'application de la directive 2014/24/UE est justifiée comme suit : « Il convient de rappeler que les services d'arbitrage et de conciliation, ainsi que d'autres modes alternatifs similaires de règlement des conflits, sont habituellement fournis par des organismes ou des personnes qui sont agréés ou sélectionnés d'une manière qui ne peut être soumise à des règles de passation des marchés publics. Il convient de préciser que la présente directive ne s'applique pas aux marchés de services portant sur la fourniture de tels services, quelle que soit leur dénomination conformément au droit national » (considérant 24 de la directive 2014/24/UE).

Cette exclusion remonte du reste à des directives antérieures et avait, à l'époque, été commentée comme suit : « Considérant que les services d'arbitrage et de conciliation sont habituellement fournis par des organismes ou des personnes qui sont désignés ou sélectionnés d'une manière qui ne peut être soumise à des règles de passation des marchés publics » (considérant de la directive 92/50/CEE du Conseil du 18 juin 1992 « portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services », ci-après « directive 92/50/CEE »).

Dans les actes préparatoires de la directive 92/50/CEE, cette exclusion a encore fait l'objet du commentaire suivant : « Les cours d'arbitrage ou les personnes qui prestent ces services sont normalement désignées conjointement par les deux parties d'un contrat qui souhaitent éviter des procédures juridictionnelles dans le cas d'un litige; elles peuvent également être désignées par les deux parties au moment du litige. Il est par conséquent, dans les deux cas, inopportun de prévoir un appel à la concurrence » (COM (90) 372, n° 35).

B.8.1. L'exclusion d'un certain nombre d'autres services juridiques du champ d'application de la directive 2014/24/UE est commentée en ces termes : « Un certain nombre de services juridiques sont fournis par des prestataires de services désignés par une cour ou un tribunal d'un Etat membre, impliquent la représentation de clients par des avocats dans le cadre de procédures judiciaires, doivent être prestés par un notaire ou sont associés à l'exercice de l'autorité publique. De tels services juridiques sont habituellement fournis par des organismes ou des personnes qui sont désignés ou sélectionnés d'une manière qui ne peut être soumise à des règles de passation des marchés publics par exemple pour la désignation de procureurs publics dans certains Etats membres. Ces services juridiques devraient dès lors être exclus du champ d'application de la présente directive » (considérant 25 de la directive 2014/24/UE).

B.8.2. En vertu de l'annexe 1B à la directive 92/50/CEE, les services juridiques entraient, à l'origine, dans le champ d'application de la réglementation européenne prescrite par les articles 16 et 18 de cette directive, lorsque le montant estimé du marché hors TVA égalait ou dépassait 200 000 écus.

Avant d'être abrogée par la loi du 15 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/2006 pub. 15/02/2007 numac 2006021341 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services fermer relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, la loi du 24 décembre 1993, portant le même intitulé, visait également au point 21 de son annexe 2B les services juridiques (Moniteur belge, 22 janvier 1994).

Par la loi du 15 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/2006 pub. 15/02/2007 numac 2006021341 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services fermer précitée, le législateur a voulu assurer la transposition de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 « relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ».

D'après l'article 7 de la directive, celle-ci devait s'appliquer aux marchés publics qui n'étaient pas exclus en vertu des exceptions prévues aux articles 10 et 11 et des articles 12 à 18 de la directive et dont la valeur estimée hors TVA était égale ou supérieure aux seuils fixés selon l'objet du marché.

Deux régimes applicables aux marchés publics de services étaient aménagés selon les articles 20 et 21 de la directive : les marchés qui avaient pour objet des services figurant à l'annexe II A devaient être passés en conformité avec la réglementation prescrite par les articles 23 à 55 de la directive; les marchés qui avaient pour objet des services figurant à l'annexe II B - parmi lesquels figuraient les services juridiques, à la catégorie 21 - étaient en revanche soumis aux seuls articles 23 et 35, § 4, de la directive, le premier consacré aux spécifications techniques qui devaient figurer dans les documents du marché, le second relatif aux règles de publicité et de transparence de ces marchés.

La loi du 15 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/2006 pub. 15/02/2007 numac 2006021341 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services fermer est entrée en vigueur le 1er juillet 2013, à la suite de l'arrêté royal du 2 juin 2013 « fixant la date d'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/2006 pub. 15/02/2007 numac 2006021341 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services fermer relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, et de ses arrêtés royaux d'exécution ».

L'arrêté royal du 15 juillet 2011 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques, qui a exécuté la loi du 15 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/2006 pub. 15/02/2007 numac 2006021341 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services fermer, prescrivait en son article 146 que les marchés de services juridiques visés à l'article 33, § 2, de la loi étaient « passés par procédure négociée avec publicité, sauf disposition contraire dans les documents du marché ».

Le recours à la procédure négociée sans publicité constituait le mode de passation « par défaut » pour les marchés de services juridiques de consultation et de représentation devant les juridictions.

B.8.3. Depuis son arrêt du 27 octobre 2005, Contse, C-234/03, point 49, la Cour de justice de l'Union européenne exige que les modalités de passation des marchés portant sur des services non prioritaires, dont les services juridiques, respectent aussi les principes de transparence, de non-discrimination en raison de la nationalité et d'égalité de traitement, pour autant que les services en cause présentent un « intérêt transfrontalier certain ». Le pouvoir adjudicateur doit donc prévoir un appel à la concurrence (publicité suffisante et accessible) sans toutefois devoir respecter les procédures formalistes de passation prévues par les directives.

B.9. Par la loi du 17 juin 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/06/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016021053 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics fermer relative aux marchés publics, le législateur a entendu réviser en profondeur les règles de passation de marchés notamment de services et rendre ces règles conformes aux dispositions et à l'objectif de la directive 2014/24/UE : « La révision de la loi du 15 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/2006 pub. 15/02/2007 numac 2006021341 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services fermer relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, fournitures et services est imposée dans le cadre de la transposition des nouvelles directives européennes en matière de marchés publics, plus particulièrement les directives 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (dénommée directive 2014/24/UE ci-après), 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (dénommée directive 2014/25/UE ci-après) et abrogeant la directive 2004/17/CE et la directive [2014/23/UE] du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative aux marchés de concession (dénommée directive 2014/23/UE ci-après). Les deux premières directives susmentionnées concernent respectivement les marchés dans les secteurs classiques et les marchés dans les secteurs spéciaux. La dernière directive concerne les marchés de concession et elle est transposée en droit belge par le biais d'une loi séparée. [...] [...] Il convient ensuite d'attirer l'attention sur l'abrogation de la distinction, existant dans l'actuelle législation, entre les services prioritaires et non-prioritaires (services repris dans les annexes II.A et II.B), et pour lesquels la directive et le présent projet prévoient un système assoupli de règles de passation en ce qui concerne certains services sociaux et autres services spécifiques. [...] [...] Un certain nombre des objectifs poursuivis par l'Union européenne à travers les nouvelles règles, ont également été pointés par les autorités politiques en Belgique, comme par exemple une participation plus importante des PME, la lutte contre le dumping social, une attention particulière pour l'efficacité énergétique, une application plus poussée des clauses sociales et environnementales et une attention réelle pour l'innovation. Les règles en la matière, imposées par les directives, ont donc été imposées également pour les marchés au-dessous des seuils. Certains assouplissements ont néanmoins été prévus.

Pour toutes ces raisons il a été opté pour la rédaction d'une nouvelle loi, plutôt que pour la modification de la législation belge actuelle.

Le présent projet reprend par ailleurs bien plus de dispositions que les lois belges actuelles en matière de marchés publics » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1541/001, pp. 4-6).

B.10. Se basant sur la directive 2014/24/UE, le législateur a considéré qu'il y avait lieu de prévoir l'exclusion spécifique d'un certain nombre de services du champ d'application des règles de passation des marchés publics fixées par la loi attaquée et d'adapter les exclusions prévues par la législation antérieure (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1541/001, p. 52), dans les secteurs classiques comme dans les secteurs de l'eau et de l'énergie.

B.11. En ce qui concerne les secteurs classiques, l'article 28 attaqué dispose : « § 1er. Ne sont pas soumis à l'application de la présente loi, sous réserve du paragraphe 2, les marchés publics de services ayant pour objet : [...] 3° les services d'arbitrage et de conciliation;4° l'un des services juridiques suivants : a) la représentation légale d'un client par un avocat au sens de l'article 1er de la directive 77/249/CEE du Conseil du 22 mars 1977 tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats, et ce dans le cadre : i d'un arbitrage ou d'une conciliation se déroulant dans un Etat membre, un pays tiers ou devant une instance internationale d'arbitrage ou de conciliation, ou ii d'une procédure devant les juridictions ou les autorités publiques d'un Etat membre ou d'un pays tiers ou devant les juridictions ou institutions internationales;b) le conseil juridique fourni en vue de la préparation de toute procédure visée au point a), ou lorsqu'il existe des signes tangibles et de fortes probabilités selon lesquels la question sur laquelle porte le conseil fera l'objet d'une telle procédure, pour autant que le conseil émane d'un avocat au sens de l'article 1er de la directive 77/249/CEE précité; [...] e) les autres services juridiques qui, dans le Royaume, sont liés, même occasionnellement, à l'exercice de la puissance publique; [...] § 2. Le Roi peut fixer les règles de passation auxquelles sont soumis les marchés visés au paragraphe 1er, 4°, a et b, dans les cas qu'Il détermine ».

B.12.1. Les travaux préparatoires de l'article 28, § 1er, 3°, attaqué précisent ce qui suit : « Le point 3° concernant les marchés publics de services ayant pour objet les services d'arbitrage et de conciliation correspond à l'article 18, 5°, de la loi du 15 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/2006 pub. 15/02/2007 numac 2006021341 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services fermer. Il convient de préciser, comme le rappelle le considérant 24 de la directive 2014/24/UE, que ' les services d'arbitrage et de conciliation, ainsi que d'autres modes alternatifs similaires de règlement des conflits, sont habituellement fournis par des organismes ou des personnes qui sont agréés ou sélectionnés d'une manière qui ne peut être soumise à des règles de passation des marchés publics '. C'est pourquoi, la présente loi ne s'applique pas aux marchés de services portant sur la fourniture de tels services, et ce, quelle que soit leur dénomination conformément au droit national » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1541/001, p. 53). Il en ressort que la disposition attaquée correspond à l'article 18, 5°, de la loi du 15 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/2006 pub. 15/02/2007 numac 2006021341 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services fermer, tel qu'il a été inséré par l'article 15 de la loi du 5 août 2011 modifiant la loi du 15 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/2006 pub. 15/02/2007 numac 2006021341 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services fermer relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services. Les travaux préparatoires de cette loi mentionnent : « L'exception pour les services d'arbitrage et de conciliation est une exception dans le cadre des services de conseil en gestion et services connexes » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1590/004, p. 17).

Il apparaît aussi que le législateur a fait sienne la motivation du législateur de l'Union européenne concernant l'exclusion de ces services du champ d'application de la directive 2014/24/UE pour justifier l'exclusion nationale.

B.12.2.1. L'exposé des motifs de l'article 28, § 1er, 4°, attaqué précise, en ce qui concerne l'exclusion de certains services juridiques : « Le point 4° est une disposition nouvelle. Il concerne les marchés publics qui ont pour objet l'un des services juridiques repris ci-dessous. Etant donné que ces derniers sont habituellement fournis par des personnes désignées ou sélectionnées d'une manière qui est difficilement compatible avec les procédures de passation de marchés publics, ceux-ci doivent dès lors être exclus du champ d'application de la présente loi » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1541/001, pp. 53-54).

Le législateur a donc fait sienne la motivation du législateur de l'Union européenne concernant l'exclusion de ces services du champ d'application de la directive 2014/24/UE, pour justifier l'exclusion nationale.

B.12.2.2. L'exclusion de certains services fournis par des avocats (article 28, § 1er, 4°, a) et b), de la loi attaquée) et la possibilité, pour le Roi, de fixer des règles de passation spécifiques en ce qui concerne ces services (article 28, § 2, de la loi attaquée) ont été justifiées comme suit : « a) Est tout d'abord exclue, la représentation légale d'un pouvoir adjudicateur par un avocat au sens de l'article 1er de la directive 77/249/CEE du Conseil dans le cadre d'une procédure contentieuse.

Cette représentation peut avoir lieu dans le cadre d'un arbitrage ou d'une conciliation se déroulant dans un Etat membre, un pays tiers ou devant une instance internationale d'arbitrage ou de conciliation, ou dans le cadre d'une procédure devant les juridictions ou les autorités publiques d'un Etat membre ou d'un pays tiers ou devant les juridictions ou institutions internationales. L'avis du Conseil d'Etat indiquant le renvoi à des dispositions de droit interne transposant la disposition de la directive concernée, n'a pas été suivi sur ce point.

Il est vrai que les articles 428 et suivants du Code judiciaire règlent la profession d'avocat (cfr. également l'article 477quinquies et suivants relatifs à la liberté d'établissement des avocats). Des dispositions précédentes, il n'appert pas spécifiquement que seule la représentation en droit est visée. L'article 428 du Code judiciaire a effectivement également trait à l'usage du titre d'avocat. Cette exception a par ailleurs également trait à la représentation en droit devant un tribunal étranger, d'où le renvoi à la directive 77/249/CEE, pour des raisons de clarté. b) Vient ensuite le conseil juridique fourni en vue de la préparation d'une procédure contentieuse visée au point a) ou lorsqu'il existe des signes tangibles et de fortes probabilités selon lesquels la question sur laquelle porte le conseil fera l'objet d'une telle procédure, pour autant que le conseil émane à nouveau d'un avocat au sens de la directive 77/249/CEE précitée. Les termes de la directive sont assez complexes mais il y a lieu d'en déduire que sera visé par cette exclusion, tant le conseil juridique antérieur à une procédure contentieuse, que celui présentant un lien avec un contentieux à venir, ce dernier ne pouvant toutefois pas être hypothétique. Ne sont dès lors pas visés, les conseils juridiques prodigués en dehors de toute procédure contentieuse.

Les exclusions visées sous a) et b) sont liées au caractère intuitu personae des services concernés, qui sont caractérisés par un certain lien de confiance entre le pouvoir adjudicateur et l'avocat. Il arrive également qu'il y ait des cas urgents, voire même très urgents, ce qui n'est évidemment pas conciliable avec l'application de toute une série de règles. Néanmoins, une délégation au Roi est prévue au deuxième paragraphe Lui permettant d'élaborer des règles de passation spécifiques pour les services exclus concernés, dans les cas qu'Il définit » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1541/001, pp. 54-55).

En ce qui concerne l'exclusion des services juridiques de règlement de litiges, le ministre a apporté les précisions suivantes : « Le ministre résume la procédure applicable en cas de désignation d'avocats et précise que la désignation d'un avocat par un pouvoir adjudicateur est actuellement toujours soumise à la législation relative aux marchés publics, même si une série de dérogations et d'assouplissements ont été prévus. Suite à la transposition des nouvelles directives ' marchés publics ' un certain nombre de modifications sont apportées dans ce domaine.

Tout d'abord, il convient de faire la distinction entre les litigation services d'avocats (services juridiques relatifs à des litiges) et les autres services dits ' de consultance '. La première catégorie sera exclue du champ d'application. La seconde catégorie demeurera, elle, soumise aux règles de passation de la législation relative aux marchés publics tout en bénéficiant d'un régime assoupli. Cette nouvelle subdivision s'inspire de la directive 2014/24/UE. En vertu de l'article 10, d), i) et ii), de cette directive, les services qui concernent la représentation de clients dans le cadre de procédures juridiques (les litigation services) sont désormais exclus du champ d'application.

Le législateur européen a estimé que l'application de règles de passation n'est pas souhaitable lorsqu'un avocat est désigné pour prester des litigation services. En effet, ces services sont caractérisés par leur caractère intuitu personae, plus précisément par le lien de confiance qui doit pouvoir exister entre le pouvoir adjudicateur et l'avocat en vue d'une procédure rapide. En outre, force est de constater que dans de nombreux cas, la gestion d'un litige revêt un caractère urgent (par exemple, la nécessité de préparer d'urgence la défense du pouvoir adjudicateur, l'introduction d'une citation à très bref délai ou d'une procédure en référé); ce qui peut empêcher l'application de procédures de passation.

Ces éléments ont mené au constat qu'appliquer un régime de règles de passation ne constitue pas une approche idoine lors de la désignation d'un avocat pour des litigation services. Aussi une exclusion du champ d'application a-t-elle été prévue.

Le ministre indique que le projet de loi a repris la subdivision précitée figurant dans la directive européenne. Une exclusion pour les litigation services concernés est donc également prévue dans le projet de loi. Toutefois, l'article 28, paragraphe 2, du projet de loi habilite le Roi à élaborer, si besoin est, des règles de passation spécifiques pour les services exclus considérés.

L'exclusion en matière de litigation services ne concerne pas uniquement la représentation légale d'un pouvoir adjudicateur par un avocat dans le cadre d'une procédure contentieuse, mais également le conseil fourni en vue de la préparation d'une procédure contentieuse ou lorsqu'il existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte le conseil fera l'objet d'une telle procédure. Toutefois, cette procédure ne peut pas être purement hypothétique » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1541/011, pp. 10-11).

B.12.2.3. En ce qui concerne l'exclusion d'« autres services juridiques qui, dans le Royaume, sont liés, même occasionnellement [,] à l'exercice de la puissance publique » (article 28, § 1er, 4°, e), de la loi attaquée), les travaux préparatoires précisent : « Sont enfin visés, conformément à l'article 51 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne, d'autres services juridiques qui, dans l'Etat membre concerné, sont liés, même occasionnellement à l'exercice de la puissance publique. Bien qu'il ne soit pas possible d'en dresser une liste exhaustive, la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne pourrait à cet égard être une source d'inspiration » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1541/001, p. 55).

B.13. En ce qui concerne les secteurs de l'eau et de l'énergie, l'article 108 de la loi attaquée dispose : « Sont applicables aux marchés publics visés par le présent titre, les exclusions suivantes : 1° l'article 27 concernant les marchés passés en vertu de règles internationales;2° l'article 28 concernant certaines exclusions pour les marchés de services;3° l'article 29 concernant les marchés de services passés sur la base d'un droit exclusif;4° l'article 32 concernant les services de recherche et de développement. Néanmoins, l'article 28, § 1er, alinéa 1er, 10°, relatif aux campagnes politiques n'est pas applicable. En ce qui concerne l'article 28, § 1er, alinéa 1er, 2°, l'exclusion ne s'applique qu'aux marchés concernant les temps de diffusion ou la fourniture de programmes qui sont attribués à des fournisseurs de services de médias audiovisuels ou radiophoniques ».

B.14. Les travaux préparatoires de l'article 108 précisent : « La présente disposition transpose les articles 20 à 22 ainsi que l'article 32 de la directive 2014/25/UE. Elle concerne les exclusions pour les marchés passés en vertu de règles internationales, une série d'exclusions spécifiques pour les marchés de services, les marchés de services passés sur la base d'un droit exclusif et, enfin, les services de recherche et de développement. Les exclusions concernées étant quasiment identiques dans les secteurs classiques et les secteurs spéciaux, l'on s'est contenté de renvoyer, à l'alinéa 1er, aux articles correspondants du titre 2 (secteurs classiques).

Comme indiqué à l'alinéa 2, deux différences sont toutefois à épingler. Tout d'abord, l'exclusion visée à l'article 28, 10°, concernant les marchés de services relatifs aux campagnes politiques ne s'applique pas dans les secteurs spéciaux. Il s'agit d'une différence purement théorique, car il est concrètement impossible de passer des marchés de services relatifs aux campagnes politiques pour les activités dans les secteurs spéciaux, lesdits services ne correspondant pas à ces activités. Par ailleurs, l'exclusion visée à l'article 28, 2°, n'est pas intégralement applicable. Dans les secteurs spéciaux, une exclusion est uniquement prévue pour les marchés concernant les temps de diffusion ou la fourniture de programmes qui sont attribués à des fournisseurs de services de médias audiovisuels ou radiophoniques.

Pour de plus amples explications concernant les exclusions en question, il est renvoyé au commentaire des articles 27 à 29 et 32 » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1541/001, p. 162).

Quant à l'intérêt des parties requérantes B.15. Le Conseil des ministres fait valoir que les parties requérantes ne justifient pas de l'intérêt requis pour introduire un recours contre les dispositions attaquées.

B.16. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.17.1. Les dispositions attaquées ont une répercussion sur les conditions auxquelles l'autorité peut attribuer aux prestataires de services les marchés de services visés par ces dispositions et sur l'accès de ces prestataires de services aux marchés publics.

L'existence ou l'absence de règles de passation de marchés de services est en effet susceptible d'influencer la position d'un prestataire de services face aux marchés publics.

Les parties requérantes doivent toutefois justifier d'un intérêt personnel et direct.

B.17.2. Les parties requérantes exercent la profession d'avocat ou des fonctions académiques. Elles peuvent, à ce titre, être directement et défavorablement affectées par les dispositions attaquées dès lors que celles-ci excluent des règles de passation des marchés publics des prestations pour lesquelles les parties requérantes auraient pu se porter candidates et pour lesquelles elles ne pourront dès lors bénéficier des garanties offertes par ces dispositions.

B.18. L'exception est rejetée.

Quant à la recevabilité des moyens B.19. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 28, § 1er, 3° et 4°, a), b) et e), et § 2, et 108, alinéa 1er, 2°, de la loi attaquée et prennent deux moyens de la violation des articles 10, 11, 23, 40, 142, 151, 160 et 161 de la Constitution, combinés ou non avec le principe de la libre prestation des services consacré par l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, avec les articles 29, 56, 57, 59, 288 et 291 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), avec la directive 2014/24/UE et avec les principes d'économie, de légalité et du raisonnable.

B.20. Le Conseil des ministres soutient que les moyens seraient partiellement irrecevables parce que les parties requérantes n'exposeraient pas clairement en quoi les dispositions ou principes cités seraient transgressés.

B.21. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

La Cour examine les moyens pour autant qu'ils satisfont aux exigences précitées.

B.22.1. Le premier moyen est dirigé contre l'article 28, § 1er, 3°, de la loi attaquée en ce qu'il exclut du champ d'application de cette loi les marchés publics de services ayant pour objet les services d'arbitrage et de conciliation, créant ainsi une différence de traitement entre les marchés publics relatifs à cette catégorie de services et ceux qui concernent les autres services. A l'estime des parties requérantes, cette différence de traitement ne reposerait sur aucune justification admissible, à l'aune du principe de libre prestation de services et du principe d'économie.

Les parties requérantes soutiennent également que cette différence de traitement ne pourrait être justifiée par l'obligation de transposer la directive 2014/24/EU dès lors que celle-ci n'obligerait pas les Etats membres à prévoir une telle exclusion nationale.

B.22.2. Le second moyen vise l'article 28 de la loi attaquée, en ce qu'il exclut du champ d'application de cette loi certains des services juridiques énumérés au paragraphe 1er, 4°. Des griefs quasi identiques sont développés à l'appui de ce moyen.

B.23. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, les parties requérantes exposent ainsi à suffisance en quoi les dispositions attaquées violeraient les règles visées par les deux moyens.

Quant au fond B.24.1. Comme il est dit en B.22, dans le premier moyen, les parties requérantes soutiennent qu'en excluant du champ d'application de la loi les marchés publics de services ayant pour objet les services d'arbitrage et de conciliation, l'article 28, § 1er, 3°, de la loi attaquée crée une différence de traitement non susceptible de justification raisonnable entre les marchés publics qui ont pour objet cette catégorie de services et les autres marchés publics qui entrent dans le champ d'application de la loi et qui, partant, sont soumis aux règles qu'elle prescrit.

B.24.2. D'après les parties requérantes, une telle exclusion ne pourrait être fondée sur le considérant 24 et l'article 10, point c), de la directive 2014/24/UE qui prévoit une exclusion identique, justifiée par le fait que ces services sont habituellement fournis par des organismes ou des personnes qui sont agréées ou sélectionnées d'une manière qui ne peut être soumise à des règles de passation des marchés publics.

B.24.3. Les parties requérantes suggèrent que dans l'hypothèse où la disposition attaquée découlerait de l'article 10, point c), précité, de la directive 2014/24/UE, la Cour interroge la Cour de justice de l'Union européenne sur la validité de la directive elle-même par rapport aux règles du droit européen primaire, en particulier les articles 29, 56, 57, 59, 288 et 291 du TFUE, ainsi que le principe de la libre prestation des services et le principe d'économie.

B.25.1. Dans le second moyen, les parties requérantes critiquent également l'article 28, § 1er, 4°, de la loi attaquée, en ce qu'il exclut les services juridiques qui y sont énumérés du champ d'application de la loi et de la réglementation relative aux marchés publics qu'elle contient.

Elles estiment qu'une telle exclusion ne peut être justifiée par le considérant 25 et l'article 10, point d), de la directive 2014/24/UE. Cette exclusion, elle-même opérée par la directive, ne serait en effet justifiée que par une pratique nationale hypothétique qui repose sur une pétition de principe et ne constituerait pas un motif d'intérêt général.

B.25.2. Les parties requérantes soutiennent, ici encore, que l'exclusion opérée par l'article 10, point d), de la directive 2014/24/UE pose la question de la validité de cette disposition par rapport au principe d'égalité, aux articles 29, 56, 57, 59, 288 et 291 du TFUE, au principe de la libre prestation des services ainsi qu'au principe d'économie et requièrent de poser à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles en ce sens.

B.26. Il ressort de ce qui est dit en B.3 et B.4 qu'en adoptant la directive 2014/24/UE, le législateur européen visait à supprimer les seuils légaux ou les règles divergentes entre les Etats membres en matière de passation de marchés de services, en fixant un cadre légal harmonisé censé garantir la libre prestation des services, la liberté d'établissement et la pleine concurrence dans le secteur des services.

Les Etats membres sont donc tenus de transposer en droit national les prescriptions et procédures harmonisées contenues dans cette directive pour la passation de marchés de services.

B.27. L'article 10, c) et d), i), ii) et v), de la directive 2014/24/UE dispose toutefois que les services d'arbitrage et de conciliation (règlement de litiges), les services d'avocats et les services juridiques « liés, même occasionnellement [,] à l'exercice de la puissance publique » sont exclus du champ d'application des règles de passation de marchés de services harmonisées par la directive, de sorte que les Etats membres ne sont pas tenus de soumettre ces services spécifiques à l'application des règles générales de passation de marchés qui découlent de la directive.

Les prestataires de ces services ne bénéficient donc pas des mêmes garanties de pleine concurrence, de libre prestation des services et de liberté d'établissement que les prestataires de services régis par la directive.

B.28. Il ressort de ce qui est dit en B.6 à B.8 que le législateur de l'Union européenne a voulu tenir compte des différences nationales pour la passation, par l'autorité, des marchés de services mentionnés en B.27.

B.29. La question se pose de savoir si l'exclusion de ces services porte ou non atteinte à l'objectif, poursuivi par le législateur européen, de pleine concurrence, de libre prestation des services et de liberté d'établissement, pour la passation de marchés de services par l'autorité et si, compte tenu du principe de subsidiarité, une harmonisation des règles ne devait pas être étendue aux services mentionnés en B.27. Du fait de cette harmonisation limitée, la directive 2014/24/UE fait donc naître une différence de traitement qui, eu égard au pouvoir discrétionnaire national qui y est lié, se répercute sur les dispositions attaquées. En effet, si le législateur européen n'avait pas prévu de les exclure, les services mentionnés dans l'article 28, § 1er, 3° et 4°, auraient été soumis à l'application des règles générales de passation des marchés, ce qui aurait obligé le législateur à mettre ces règles en oeuvre et donc à instaurer les mêmes garanties pour les prestataires des services mentionnés en B.27 que pour les prestataires d'autres services.

Pour apprécier la constitutionnalité des dispositions attaquées, il est dès lors nécessaire d'examiner si l'article 10, c) et d), i), ii) et v), de la directive 2014/24/UE viole le principe d'égalité, combiné ou non avec le principe de subsidiarité et avec les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

B.30. L'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne rend la Cour de justice compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur la validité des actes des institutions de l'Union. En vertu de son troisième alinéa, une juridiction nationale est tenue de saisir la Cour de justice si ses décisions - comme celles de la Cour constitutionnelle - ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne. En cas de doute quant à la validité d'une disposition du droit de l'Union qui présente une importance pour la solution d'un litige pendant devant cette juridiction, celle-ci doit interroger la Cour de justice à titre préjudiciel, y compris d'office.

Compte tenu de ce qui précède, il convient dès lors, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle formulée dans le dispositif.

Par ces motifs, la Cour, avant de statuer au fond, pose à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : L'article 10, c) et d), i), ii) et v), de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 « sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE » est-il compatible avec le principe d'égalité, combiné ou non avec le principe de subsidiarité et avec les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en ce que les services qu'il vise sont exclus, dans la directive précitée, de l'application des règles de passation de marchés, qui garantissent pourtant la pleine concurrence et la libre circulation pour la passation de marchés de services par l'autorité ? Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 mars 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, E. De Groot

^