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Arrêt
publié le 10 décembre 2018

Extrait de l'arrêt n° 93/2018 du 19 juillet 2018 Numéro du rôle : 6488 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 4/1, 5 et 8, § 1 er , de la loi du 30 avril 1999 relative à l'occupation des travailleurs étr La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges T. Merc(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 93/2018 du 19 juillet 2018 Numéro du rôle : 6488 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 4/1, 5 et 8, § 1er, de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer relative à l'occupation des travailleurs étrangers, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et J. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt n° 235.525 du 19 juillet 2016 en cause de la SPRL « Thalass Alif » et Mohamed Saouti contre la Région de Bruxelles-Capitale, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 28 juillet 2016, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « Interprété comme habilitant le Roi à prendre des mesures restreignant l'octroi, la validité, la prorogation ou le renouvellement des autorisations d'occupation et des permis de travail, l'article 8, § 1er, de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer relative à l'occupation des travailleurs étrangers viole-t-il les articles 10, 11 et 191 de la Constitution, ou l'une ou l'autre de ces dispositions, lues isolément ou en combinaison avec les articles 23, 105 et 108 de la Constitution, en ce que l'article 191 de la Constitution réserve au législateur la compétence de prévoir les différences de traitement qui défavorisent les étrangers en matière de protection accordée aux personnes et aux biens ? »;2. « Les articles 4/1 et 5 de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer relative à l'occupation des travailleurs étrangers violent-ils les articles 22, 23 et 191 de la Constitution, ou l'une ou l'autre de ces dispositions, lues isolément ou en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Premier protocole additionnel à cette Convention, en prévoyant que l'étranger doit justifier d'un permis de travail découlant d'une autorisation d'occupation octroyée à l'employeur potentiel de cet étranger, singulièrement lorsque celui-ci a antérieurement été autorisé au séjour, fût-ce de manière limitée ? »;3. « En cas de réponse négative à la deuxième question, les articles 4/1 et 5 de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer relative à l'occupation des travailleurs étrangers violent-ils les articles 22, 23 et 191 de la Constitution, ou l'une ou l'autre de ces dispositions, lues isolément ou en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Premier protocole additionnel à cette Convention, en prévoyant que l'étranger doit justifier d'un permis de travail découlant d'une autorisation d'occupation octroyée à l'employeur potentiel de celui-ci, singulièrement lorsque cet étranger a antérieurement été autorisé au séjour, fût-ce de manière limitée pour un an et sous le respect d'un certain nombre de conditions liées à l'autorisation d'occupation et au permis de travail temporaires initialement accordés et ayant précisément ouvert ce droit au séjour limité ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la première question préjudicielle B.1. La première question préjudicielle porte sur l'article 8, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer relative à l'occupation des travailleurs étrangers (ci-après : la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer), qui dispose : « Le Roi détermine, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres, les catégories ainsi que les conditions d'octroi, de validité, de prorogation, de renouvellement, de refus et de retrait des autorisations d'occupation et des permis de travail ».

B.2.1. Il ressort du libellé de la première question préjudicielle que la Cour est invitée à examiner la compatibilité de cette disposition avec les articles 10, 11 et 191, lus isolément ou en combinaison avec les articles 23, 105 et 108 de la Constitution, en ce que l'article 191 de la Constitution établit un principe de légalité qui réserve au législateur la compétence de prévoir les différences de traitement qui défavorisent les étrangers en matière de protection accordée aux personnes et aux biens.

B.2.2. Il peut être déduit des motifs de l'arrêt de renvoi que le Conseil d'Etat juge que, par la disposition en cause, le législateur a habilité le Roi à refuser ou à restreindre l'exercice, par un ressortissant étranger qui désire travailler en Belgique, des droits fondamentaux protégés par les articles 23 et 191 de la Constitution.

B.3.1. L'article 191 de la Constitution dispose : « Tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi ».

La protection accordée aux personnes concerne notamment les droits qu'énonce l'article 23 de la Constitution, qui dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : 1° le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle dans le cadre d'une politique générale de l'emploi, visant entre autres à assurer un niveau d'emploi aussi stable et élevé que possible, [...] ».

B.3.2. L'article 191 de la Constitution exige que toute différence de traitement défavorisant un étranger par rapport aux Belges dans la protection accordée aux personnes soit établie par une norme législative.

Toutefois, l'article 23, alinéas 2 et 3, 1°, de la Constitution oblige notamment le législateur compétent à garantir le droit au travail et à déterminer les conditions d'exercice de ce droit. Cette disposition constitutionnelle n'interdit cependant pas à ce législateur d'accorder des délégations à un organe exécutif, pour autant qu'elles portent sur l'exécution de mesures dont le législateur compétent a déterminé l'objet.

B.4.1. La disposition en cause fait partie d'un ensemble de dispositions législatives qui ont pour but de déterminer les conditions d'exercice du droit au travail des étrangers.

B.4.2. L'article 3 de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer dispose : « La présente loi s'applique aux travailleurs étrangers et aux employeurs.

Pour l'application de la présente loi, sont assimilés : 1° aux travailleurs étrangers : les ressortissants étrangers qui, autrement qu'en vertu d'un contrat de travail, fournissent des prestations de travail sous l'autorité d'une autre personne;2° aux employeurs : les personnes qui occupent les personnes visées au 1°. Pour l'application de la présente loi, les artistes de spectacle sont réputés, jusqu'à preuve du contraire, être engagés dans les liens d'un contrat de travail d'employé ».

B.4.3. L'article 4 de la même loi dispose : « § 1er. L'employeur qui souhaite occuper un travailleur étranger doit, au préalable, obtenir l'autorisation d'occupation de l'autorité compétente.

L'employeur ne peut utiliser les services de ce travailleur que dans les limites fixées par cette autorisation.

Le Roi peut déroger à l'alinéa 1er, dans les cas qu'Il détermine. § 2. L'autorisation d'occupation n'est pas accordée lorsque le ressortissant étranger a pénétré en Belgique en vue d'y être occupé avant que l'employeur ait obtenu l'autorisation d'occupation.

Le Roi peut déroger à l'alinéa précédent, dans les cas qu'Il détermine. § 3. Le Roi peut déterminer à quelles conditions une autorisation collective d'occupation peut être accordée à un employeur. Cette autorisation collective d'occupation ne peut excéder trois mois.

Il y a lieu d'entendre par ' autorisation collective d'occupation ' une autorisation d'occupation qui peut être accordée à un employeur pour l'occupation de plusieurs travailleurs étrangers en même temps pour des prestations de travail de courte durée. § 4. Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, déterminer à quelles conditions une autorisation provisoire d'occupation peut être accordée à un employeur ».

B.4.4. L'article 5 de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer dispose : « Pour fournir des prestations de travail, le travailleur étranger doit préalablement avoir obtenu un permis de travail de l'autorité compétente.

Il ne peut fournir ces prestations que dans les limites fixées par ce permis de travail ».

B.4.5. L'article 6 de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer dispose : « Le permis de travail visé à l'article 5 n'est pas requis lorsque l'employeur a obtenu : 1° une autorisation collective d'occupation prévue à l'article 4, § 3;2° une autorisation provisoire d'occupation prévue à l'article 4, § 4 ». B.4.6. L'article 7 de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer dispose : « Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, dispenser les catégories de travailleurs étrangers qu'Il détermine, de l'obligation d'obtenir un permis de travail.

Les employeurs des travailleurs étrangers visés à l'alinéa précédent sont dispensés de l'obligation d'obtenir une autorisation d'occupation ».

B.5. Les articles 4 à 7 de la loi précitée exposent les « principes généraux en matière d'autorisation d'occupation et de permis de travail » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 2072/3, p. 4) : « Le point de départ réside en ce que, lorsqu'un employeur souhaite engager un travailleur étranger, il doit préalablement obtenir une autorisation d'occupation de la Région concernée. Lorsque cette autorisation d'occupation est accordée, le travailleur étranger reçoit un permis de travail.

Cette règle connaît plusieurs dérogations ou modalités particulières : * Les autorisations d'occupation peuvent, dans certains cas, être octroyées sans qu'un permis de travail ne soit obligatoire pour le travailleur.

Ce sera notamment le cas par la délivrance de : - une autorisation collective d'occupation pour un groupe, plutôt que pour un travailleur individuel. - une autorisation provisoire d'occupation dans certains cas où il n'y a pas de clarté sur le statut définitif de séjour du ressortissant étranger concerné. * Par ailleurs, il est également possible qu'un travailleur obtienne un permis de travail sans que l'employeur ait besoin d'autorisation d'occupation. C'est le cas du permis ' A ' qui est valable pour une durée illimitée et pour l'occupation chez tout employeur. * Enfin, il y a encore la situation ou ni l'employeur, ni le travailleur étranger n'ont besoin, respectivement, d'une autorisation d'occupation et d'un permis de travail. C'est le cas quand il s'agit de ressortissants étrangers qui sont dispensés de l'obligation de posséder un permis de travail (par exemple, les ressortissants d'un Etat-membre de l'Union européenne) » (ibid., pp. 4-5).

B.6. L'article 8 de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer est commenté comme suit : « Afin de tenir compte le plus possible des situations qui évoluent parfois très vite, dans la pratique, [on] accorde au Roi la compétence : * de définir les différentes catégories de permis de travail (par exemple, A et B) et d'autorisation d'occupation, * et d'en fixer les conditions et la procédure d'octroi, de refus et de retrait.

Une indemnité forfaitaire de maximum 500 FB peut être prévue pour couvrir les frais de traitement des demandes et de délivrance des autorisations d'occupation et des permis de travail » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 2072/3, p. 5).

B.7.1. Par son arrêt n° 62/2014 du 3 avril 2014, la Cour a jugé que les dispositions législatives citées en B.4 ainsi que les travaux préparatoires de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer permettent de considérer que, en habilitant le Roi à déterminer les catégories d'autorisations d'occupation et les catégories de permis de travail ainsi que les conditions d'octroi, de validité, de prorogation, de renouvellement, de refus et de retrait de ces autorisations et permis, la disposition en cause accorde au Roi des délégations portant sur l'exécution de mesures dont la loi a déterminé l'objet.

B.7.2. Le Conseil d'Etat estime toutefois qu'au regard notamment de cet arrêt, ainsi que du contexte dans lequel les parties requérantes situent et formulent leur demande de question préjudicielle, il y a lieu de considérer que l'on ne se trouve pas dans l'une des hypothèses prévues par l'article 26, § 2, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, qui l'autoriserait à ne pas poser la question. En particulier, il estime ne pas pouvoir considérer que la Cour aurait déjà statué sur une question ayant un objet identique parce que la question qu'il pose dans la présente affaire porte spécifiquement sur la compatibilité de l'habilitation du Roi à adopter des dispositions restreignant le droit des étrangers à travailler en Belgique avec l'article 191 de la Constitution.

B.8.1. La différence de traitement créée entre les étrangers et les Belges en ce qui concerne l'accès au travail en Belgique est énoncée aux articles 4, § 1er, et 5 précités de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer, en ce que ces articles établissent le principe selon lequel l'employeur qui désire occuper un travailleur étranger doit obtenir une autorisation à cette fin et selon lequel tout étranger qui désire travailler en Belgique doit y avoir été préalablement autorisé. Il en résulte que « l'exception », au sens de l'article 191 de la Constitution, à la « protection accordée aux personnes et aux biens » dont jouissent les Belges en matière d'accès au travail est établie par ces dispositions législatives, en ce qu'elles créent la différence de traitement entre les Belges, qui peuvent travailler en Belgique et les étrangers, qui ne peuvent en principe pas travailler en Belgique sauf s'ils y ont été autorisés.

B.8.2. Le principe de l'interdiction, pour un étranger, de travailler, sans y avoir été autorisé étant établi par la loi, l'habilitation accordée au Roi Lui permet certes de déterminer les conditions de refus et de retrait des autorisations d'occupation et des permis de travail, mais elle ne L'autorise pas à restreindre davantage le droit des étrangers à travailler en Belgique. L'habilitation en cause ne porte dès lors pas sur des mesures autres que celles dont la loi a déterminé l'objet, de sorte qu'elle n'est pas incompatible avec l'article 23 de la Constitution.

B.9.1. L'article 105 de la Constitution dispose : « Le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même ».

B.9.2. L'article 108 de la Constitution dispose : « Le Roi fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution ».

B.9.3. Lorsqu'une disposition constitutionnelle particulière offre la garantie que, dans une matière donnée, l'objet des mesures à adopter sera déterminé par une assemblée délibérante démocratiquement élue, elle englobe la garantie offerte par les articles 105 et 108 de la Constitution. Il en va de même de la disposition constitutionnelle qui exige que toute différence de traitement entre Belges et étrangers soit établie par une norme législative.

De la constatation que le législateur n'a pas violé les articles 10, 11, 23 et 191 de la Constitution découle dès lors qu'il n'a pas non plus porté atteinte de manière discriminatoire aux articles 105 et 108 de la Constitution.

B.9.4. Il revient au juge compétent de contrôler, le cas échéant, que le Roi n'a pas fait un usage abusif de l'habilitation qui Lui a été accordée par le législateur.

B.10. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant aux deuxième et troisième questions préjudicielles B.11. Les deuxième et troisième questions préjudicielles portent sur les articles 4/1 et 5 de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer. L'article 4/1 ayant été introduit dans cette loi par la loi du 11 février 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/02/2013 pub. 22/02/2013 numac 2013200528 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi prévoyant des sanctions et des mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour illégal fermer, il n'est pas applicable au litige pendant devant la juridiction a quo. Par ailleurs, c'est l'article 4, § 1er, de cette loi et non son article 4/1 qui prévoit l'autorisation d'occupation de travailleurs octroyée à l'employeur et liée au permis de travail octroyé au travailleur en vertu de l'article 5 de la même loi. Il est dès lors manifeste, ainsi que le soutiennent les parties requérantes devant le Conseil d'Etat, que le renvoi à l'article 4/1 dans les questions préjudicielles procède d'une erreur matérielle et qu'il convient de lire les questions comme portant sur les articles 4, § 1er, et 5 de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer.

B.12. Il ressort des motifs de l'arrêt qui interroge la Cour que l'acte concerné par la procédure n'est pas un refus d'octroi d'un premier permis de travail à l'étranger en cause, mais bien un refus de renouvellement d'une autorisation d'occupation d'un travailleur étranger et d'un permis de travail B octroyés préalablement pour une période d'un an dans le cadre de l'opération de régularisation ayant eu lieu au cours de l'année 2009 et réglée en partie par l'arrêté royal du 7 octobre 2009 portant des dispositions particulières relatives à l'occupation de certaines catégories de travailleurs étrangers. Lors de la demande de renouvellement en cause, le travailleur étranger concerné était titulaire d'une autorisation de séjour à durée limitée, octroyée sous la condition de l'obtention d'un permis de travail B. B.13. Les deuxième et troisième questions préjudicielles invitent la Cour à examiner la compatibilité avec les articles 22, 23 et 191 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, de l'obligation, imposée par les dispositions en cause à l'étranger qui souhaite travailler en Belgique, de justifier à cette fin d'un permis de travail découlant d'une autorisation d'occupation octroyée à son employeur potentiel, lorsque l'étranger concerné a été antérieurement autorisé au séjour de manière limitée, le cas échéant à la faveur d'une mesure de régularisation du séjour conditionnée par l'octroi du premier permis de travail.

B.14.1. La protection accordée aux personnes et aux biens visée par l'article 191 de la Constitution concerne notamment le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, le droit au travail garanti par l'article 23 de la Constitution et le droit au respect des biens garanti par l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.14.2. En vertu de l'article 191 de la Constitution, une différence de traitement qui défavorise un étranger ne peut être établie que par une norme législative. Cette disposition n'a pas pour objet d'habiliter le législateur à se dispenser, lorsqu'il établit une telle différence, d'avoir égard aux principes fondamentaux consacrés par la Constitution. Il ne découle donc pas de l'article 191 que le législateur puisse, lorsqu'il établit une différence de traitement au détriment d'étrangers, ne pas veiller à ce que cette différence ne soit pas discriminatoire, quelle que soit la nature des principes en cause.

B.15. La différence de traitement au sujet de laquelle la Cour est interrogée l'invite à comparer, d'une part, les travailleurs belges et, d'autre part, les travailleurs étrangers autorisés à séjourner en Belgique pour une durée limitée, en ce que les premiers ne doivent justifier d'aucune autorisation préalable pour pouvoir travailler en Belgique, alors que les seconds doivent obtenir à cette fin un permis de travail découlant d'une autorisation d'occupation de travailleurs devant être obtenue préalablement par l'employeur potentiel.

B.16.1. D'après ses travaux préparatoires, la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer constitue un « nouveau cadre légal pour la réalisation d'une réglementation appropriée de l'occupation de travailleurs étrangers » (Doc. Parl., Chambre, 1998-1999, n° 2072/3, p. 2) et remplace l'arrêté royal n° 34 du 20 juillet 1967 relatif à l'occupation de travailleurs de nationalité étrangère. Les objectifs de la réécriture de cet arrêté et de ses arrêtés d'exécution sont : « 1. Une coordination des textes existants; 2. Une actualisation de la réglementation en matière d'occupation de travailleurs étrangers; 3. La mise le plus possible en concordance des réglementations en matière de séjour et d'occupation de ressortissants étrangers; 4. Une adaptation des textes existants à la modification du contexte constitutionnel; 5. Une adaptation des textes existants au contexte européen modifié; 6. L'amélioration des possibilités de recours; 7. [...] » (ibid., p. 3). Par ailleurs, l'obligation, pour l'employeur, d'obtenir une autorisation d'occupation de travailleurs, et, pour l'employé, d'obtenir le permis de travail correspondant répond toujours, comme l'exprimait le rapport au Roi précédant l'arrêté royal n° 34 du 20 juillet 1967, à l'objectif « d'éviter que des travailleurs migrants puissent être engagés sans égard à la situation du marché du travail et afin de conserver la priorité de l'emploi à la main-d'oeuvre disponible sur le territoire » (Moniteur belge, 29 juillet 1967).

B.16.2. L'obligation, pour l'employeur, d'obtenir une autorisation d'occuper un travailleur étranger et, pour le travailleur étranger, d'obtenir un permis de travail est une mesure pertinente pour atteindre l'objectif du législateur, à savoir ne permettre l'arrivée de nouveaux travailleurs sur le marché du travail belge que lorsque ce marché peut les accueillir.

Il ne saurait être reproché au législateur de n'avoir pas excepté de cette exigence les étrangers ayant été antérieurement autorisés au séjour, lorsque cette autorisation a été octroyée de manière limitée.

Le législateur a en effet pu considérer qu'il s'imposait en principe de s'assurer également, à l'égard des étrangers autorisés à séjourner sur le territoire de manière limitée, que les conditions pour que le marché du travail puisse les accueillir étaient réunies, avant d'octroyer à ceux-ci l'autorisation de travailler en Belgique.

B.17.1. Enfin, ainsi qu'il est dit en B.12, l'acte attaqué devant la juridiction a quo est un refus de renouvellement d'une autorisation d'occupation et d'un permis de travail B antérieurement octroyés pour une durée d'un an. L'obligation d'obtenir le renouvellement de l'autorisation d'occupation et du permis de travail procède du caractère limité dans le temps des permis de travail B. Le caractère temporaire du permis de travail B octroyé en l'espèce à l'étranger concerné découle non pas des dispositions de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer que la Cour est invitée à examiner, mais bien de l'article 3 de l'arrêté royal du 9 juin 1999 portant exécution de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer relative à l'occupation des travailleurs étrangers. Cette disposition échappe à la compétence de la Cour.

B.17.2. De même, la circonstance que les étrangers ayant bénéficié d'une mesure de régularisation « par le travail » de leur statut de séjour au cours de l'année 2009 se sont vu octroyer un permis de travail B ainsi qu'un droit de séjour à durée limitée, l'un et l'autre devant être renouvelés, ne découle pas des dispositions législatives en cause dans les deuxième et troisième questions préjudicielles, mais bien des dispositions de l'arrêté royal du 7 octobre 2009 portant des dispositions particulières relatives à l'occupation de certaines catégories de travailleurs étrangers. Il revient à la juridiction a quo d'examiner la compatibilité de cette réglementation avec les dispositions constitutionnelles et conventionnelles citées dans la troisième question préjudicielle.

B.18. Les deuxième et troisième questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 8, § 1er, de la loi du 30 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/04/1999 pub. 21/05/1999 numac 1999012338 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers fermer relative à l'occupation des travailleurs étrangers ne viole pas les articles 10, 11, 23, 105, 108 et 191 de la Constitution. - Les articles 4, § 1er, et 5 de la même loi ne violent pas les articles 22, 23 et 191 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à cette Convention.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 juillet 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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