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Arrêt
publié le 21 janvier 2019

Extrait de l'arrêt n° 168/2018 du 29 novembre 2018 Numéros du rôle : 6810 et 6870 En cause : les recours en annulation des articles 77 et 79 de la loi du 25 décembre 2017 portant réforme de l'impôt des sociétés, introduits par Michel Maus et La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 168/2018 du 29 novembre 2018 Numéros du rôle : 6810 et 6870 En cause : les recours en annulation des articles 77 et 79 de la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer portant réforme de l'impôt des sociétés, introduits par Michel Maus et par l'ASBL « Vereniging van accountants, bedrijfsrevisoren, belastingconsulenten, boekhouders en fiscalisten » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 janvier 2018 et parvenue au greffe le 8 janvier 2018, Michel Maus a introduit un recours en annulation des articles 77 et 79 de la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer portant réforme de l'impôt des sociétés (publiée au Moniteur belge du 29 décembre 2017).b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 2 mars 2018 et parvenue au greffe le 5 mars 2018, un recours en annulation des articles 77 et 79 de la même loi a été introduit par l'ASBL « Vereniging van accountants, bedrijfsrevisoren, belastingconsulenten, boekhouders en fiscalisten », Johan Van Haeverbeke, José Haustraete et Jacques Hellin, assistés et représentés par Me T.Lauwers, avocat au barreau de Gand.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 6810 et 6870 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Les dispositions attaquées prévoient de nouvelles règles en ce qui concerne le calcul du taux des intérêts de retard et des intérêts moratoires à l'impôt sur les revenus.

B.1.2. L'article 77 de la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer portant réforme de l'impôt des sociétés (ci-après : la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer) modifie l'article 414, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992) et instaure à cet égard un nouveau mode de calcul en ce qui concerne le taux des intérêts de retard que doivent payer les contribuables lorsqu'ils s'acquittent tardivement de leurs dettes fiscales en matière d'impôts sur les revenus. En vertu de la disposition attaquée, le taux d'intérêt résultant de ce mode de calcul ne peut toutefois ni être inférieur à 4 % ni être supérieur à 10 % .

L'article 414, § 1er, ainsi modifié, dispose : « § 1er. A défaut de paiement dans les délais fixés aux articles 412, 413 et 413/1, les sommes dues sont productives au profit du Trésor pour la durée du retard, par dérogation à l'article 2, § 2, de la loi du 5 mai 1865Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/1865 pub. 06/09/2011 numac 2011000565 source service public federal interieur Loi relative au prêt à intérêt fermer relative au prêt à intérêt, d'un intérêt au taux tel que déterminé conformément à l'alinéa 2, calculé par mois civil.

Ce taux est adapté annuellement, et correspond à la moyenne des indices de référence J relative aux obligations linéaires à 10 ans des mois de juillet, août et septembre de l'année précédant celle au cours de laquelle le taux est applicable, sans que celui-ci ne puisse être inférieur à 4 p.c., ni supérieur à 10 p.c. Ces indices sont publiés par l'Agence fédérale de la Dette, tels que visés à l'article 8 de l'arrêté royal du 14 septembre 2016 relatif aux coûts, aux taux, à la durée et aux modalités de remboursement des contrats de crédit soumis à l'application du livre VII du Code de droit économique et à la fixation des indices de référence pour les taux d'intérêt variables en matière de crédits hypothécaires et de crédits à la consommation y assimilés.

Le Service public fédéral Finances fait connaître, via un avis au Moniteur belge, au courant du dernier trimestre de chaque année le taux applicable pour l'année civile qui suit en vertu des dispositions de l'alinéa 2.

Cet intérêt est calculé par mois civil pour chaque cotisation sur la somme restant due, arrondie au multiple inférieur de 10 euros, à partir soit du premier jour du mois qui suit celui de l'échéance, soit à partir du premier jour du mois qui suit celui du paiement précédent pour autant qu'une somme ait été imputée sur la dette en principal, jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel a lieu le paiement.

Toutefois, lorsque le précompte professionnel n'est pas payé dans le délai fixé, il est dû en outre pour le mois de l'échéance : - un demi-mois d'intérêt dans les cas visés à l'article 412, alinéas 2, 3 et 5; - un sixième de mois d'intérêt dans le cas visé à l'article 412, alinéa 4.

L'intérêt de retard n'est pas dû lorsque son montant n'atteint pas 5 EUR par mois ».

B.1.3. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur avait l'intention d'adapter le taux des intérêts de retard, qui était auparavant de 7 %, à la situation économique actuelle et, en même temps, d'inciter les contribuables à s'acquitter de leurs dettes fiscales à temps : « Actuellement, le taux d'intérêt légal en matière fiscale est fixé par l'article 2 de la loi du 5 mai 1865Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/1865 pub. 06/09/2011 numac 2011000565 source service public federal interieur Loi relative au prêt à intérêt fermer relative au prêt à l'intérêt, tel qu'il a été remplacé par l'article 87 de la loi-programme du 27 décembre 2006 à 7 p.c. par an. En 2006, les auteurs avaient décidé, que dans le cadre de la lutte contre l'arriéré judiciaire, et afin d'éviter certaines formes de spéculation, qu'il était nécessaire de ramener le taux d'intérêt légal de 7 p.c. à 5 p.c., à l'exception précisément des dettes fiscales, dont le taux a été fixé à 7 p.c., avec la possibilité de le modifier par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Or, ce taux n'a jamais fait l'objet de révision, alors que les réalités économiques ont changé, depuis la crise des subprimes, et l'on a par conséquent assisté à une baisse d'année en année du taux d'intérêt légal, et qui est actuellement de 2 p.c. pour 2017. Il était dès lors impérieux d'adapter les taux des intérêts de retard et des intérêts moratoires aux réalités économiques, et de prévoir la possibilité de les adapter, annuellement, en fonction de l'évolution du taux des obligations linéaires sur 10 ans. Le taux des intérêts de retard a dès lors été fixé à 4 p.c., de manière à constituer un incitant pour s'acquitter de ses dettes fiscales. Il est en effet à craindre que si le taux des intérêts de retard est aligné exactement sur le taux d'intérêt légal, que les entreprises et les particuliers pourraient ne pas s'acquitter de leurs dettes fiscales et utiliser ces sommes comme un crédit de caisse » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2864/001, pp. 115-116).

B.1.4. L'article 79 de la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer modifie les règles de calcul en ce qui concerne le taux des intérêts moratoires dus par l'Etat au contribuable en cas de remboursement d'impôts, de précomptes, de versements anticipés, d'intérêts de retard, d'accroissements d'impôts ou d'amendes administratives et il remplace pour ce faire l'article 418 du CIR 1992. Le nouvel article 418 renvoie, en ce qui concerne le calcul des intérêts moratoires, au calcul du taux des intérêts de retard, tel qu'il est prévu par l'article 414, § 1er, mais il précise que le taux des intérêts moratoires doit toujours être inférieur de deux points de pourcentage au taux des intérêts de retard.

L'article 418 ainsi modifié dispose : « En cas de remboursement d'impôts, de précomptes, de versements anticipés, d'intérêts de retard, d'accroissements d'impôts ou d'amendes administratives, un intérêt moratoire est alloué au taux tel que déterminé conformément à l'alinéa 2, à compter du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel l'administration a été mise en demeure par sommation ou par autre acte équivalent.

Ce taux est égal au taux calculé conformément à l'article 414, § 1er, alinéa 2, diminué de 2 points de pourcentage.

Cet intérêt est calculé par mois civil sur le montant de chaque paiement arrondi au multiple inférieur de 10 euros; le mois pendant lequel le remboursement est liquidé est négligé ».

B.1.5. Les travaux préparatoires font apparaître que cette disposition repose sur des considérations budgétaires ainsi que sur la nécessité de lutter contre toute forme de spéculation du contribuable aux dépens de l'Etat : « La différence entre le taux de l'intérêt de retard et le taux de l'intérêt moratoire tient à des considérations budgétaires; l'Etat belge devant assainir ses finances publiques, et arriver à terme à l'équilibre budgétaire. Or, ces dernières années, le montant des intérêts moratoires a pesé lourdement sur le budget de l'Etat, ceci d'autant que le taux actuel de 7 p.c. a permis à certains contribuables de réaliser des placements intéressants, alors que les taux des comptes d'épargne ne dépassent plus 1 p.c. Dès lors, la baisse du taux des intérêts moratoires répond à l'impératif de lutter contre toute forme de spéculation » (ibid., pp. 117-118).

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen dans l'affaire n° 6810 B.2. Le premier moyen dans l'affaire n° 6810 est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, par l'article 77 de la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer. Le moyen comporte trois branches. La troisième branche, qui concerne la compatibilité du taux d'intérêt minimum avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, est examinée en premier lieu.

Troisième branche B.3.1. La troisième branche est prise de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, par l'article 77, 2°, de la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer, en ce que le taux d'intérêt minimum fixé à 4 % rend les intérêts de retard disproportionnés lorsque le calcul basé sur la moyenne des indices de référence J relative aux obligations linéaires à 10 ans des mois de juillet, août et septembre de l'année précédant celle au cours de laquelle le taux est applicable aboutit à un pourcentage plus faible.

B.3.2. Comme il est dit en B.1.3, la disposition attaquée a pour objectif d'adapter le taux des intérêts de retard à la réalité économique et d'inciter les contribuables à payer leurs dettes fiscales dans le délai imparti. Un tel objectif est légitime. Par ailleurs, la fixation d'un taux d'intérêt minimum est pertinente pour atteindre cet objectif. En effet, en vue de sauvegarder les intérêts du Trésor et de garantir un recouvrement efficace de l'impôt, le législateur a pu estimer qu'il était nécessaire de prévoir un pourcentage minimum en ce qui concerne le taux des intérêts de retard dus par le contribuable en matière d'impôts sur les revenus, afin d'encourager les contribuables à payer leurs dettes fiscales dans le délai imparti. La Cour doit toutefois examiner si les modalités du calcul relatif au taux des intérêts de retard n'entraînent pas d'effets disproportionnés pour les contribuables.

B.3.3. Le choix de calculer le taux des intérêts de retard en se basant sur la moyenne des indices de référence J relative aux obligations linéaires à 10 ans des mois de juillet, août et septembre de l'année précédant celle au cours de laquelle le taux est applicable tient largement compte de la situation économique actuelle et permet de prendre en considération d'éventuelles évolutions des taux d'intérêt. Enfin, la disposition attaquée prévoit également un taux d'intérêt maximum de 10 %, même lorsque le calcul basé sur la moyenne des indices de référence J relative aux obligations linéaires à 10 ans des mois de juillet, août et septembre de l'année précédant celle au cours de laquelle le taux est applicable, aboutit à un pourcentage supérieur. La disposition attaquée n'a pas d'effets disproportionnés pour les contribuables.

B.3.4. Le premier moyen, en sa troisième branche, n'est pas fondé.

Première branche B.4.1. La première branche est prise de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 77, 2°, de la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer, en ce que le calcul des intérêts de retard basé sur la moyenne des indices de référence J relative aux obligations linéaires à 10 ans des mois de juillet, août et septembre de l'année précédant celle au cours de laquelle le taux d'intérêt est applicable, sans que celui-ci soit inférieur à 4 % ou supérieur à 10 %, permet que les intérêts de retard soient, dans certains cas, supérieurs aux intérêts de retard prévus en droit commun, lesquels sont fixés sur la base de l'intérêt légal.

B.4.2. La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir la qualité du créancier, qui est, dans un cas, l'Etat, lequel défend l'intérêt général, et qui, dans l'autre, peut être un particulier, lequel peut ne défendre qu'un intérêt personnel.

La différence de traitement n'est pas dénuée de justification raisonnable. Ainsi qu'il a déjà été exposé en B.3.2, en vue de sauvegarder les intérêts du Trésor et d'assurer une perception efficace de l'impôt, le législateur a pu estimer qu'il était nécessaire de soumettre les contribuables redevables de l'impôt sur les revenus à des intérêts de retard dont le taux ne peut être inférieur à 4 % .

Bien qu'un autre système soit tout à fait envisageable, l'on ne peut pas raisonnablement soutenir, dans cette optique, qu'il est injustifié qu'un contribuable qui n'a pas acquitté ses dettes fiscales dans le délai imparti doive payer des intérêts de retard dérogeant aux règles de droit commun.

B.4.3. Le premier moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.

Deuxième branche B.5.1. La deuxième branche est prise de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, par l'article 77, 2°, de la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer, en ce que le nouveau mode de calcul des intérêts de retard fondé sur l'article 77, et en particulier l'augmentation des intérêts à 4 % lorsque le calcul basé sur les indices de référence J aboutit à un résultat inférieur à 4 %, a pour effet que ces intérêts de retard n'indemnisent plus uniquement le préjudice résultant du paiement tardif des dettes fiscales, mais ils constituent une sanction pénale au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, sans que l'accès à un juge de pleine juridiction soit garanti.

B.5.2. En vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, une mesure constitue une sanction pénale au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme si elle a un caractère pénal selon sa qualification en droit interne ou s'il ressort de la nature de l'infraction, à savoir la portée générale et le caractère préventif et répressif de la sanction, qu'il s'agit d'une sanction pénale ou encore s'il ressort de la nature et de la sévérité de la sanction subie par l'intéressé qu'elle a un caractère punitif et donc dissuasif (CEDH, grande chambre, 15 novembre 2016, A et B c. Norvège, § § 105-107; grande chambre, 10 février 2009, Zolotoukhine c. Russie, § 53; grande chambre, 23 novembre 2006, Jussila c. Finlande, § § 30-31).

B.5.3. La perception d'intérêts de retard en cas de paiement tardif des impôts (article 417 du CIR 1992, anciennement l'article 305 du CIR 1964) a été motivée par un souci d'équité : « La perception des intérêts de retard repose sur la considération qu'il est équitable d'exiger une réparation civile, consistant en la récupération d'un profit que le redevable retire de la détention de fonds revenant de droit à l'Etat.[...] Par identité de motifs, il n'est que juste d'accorder des intérêts moratoires aux contribuables, chaque fois que l'Etat restitue un impôt payé, même dans le cas où la restitution est la conséquence d'une erreur imputable au contribuable » (Doc. parl., Chambre, 1952-1953, n° 277, p. 10).

B.5.4. Comme il est dit en B.1.3, la disposition attaquée a également pour but d'adapter le taux des intérêts de retard à la réalité économique et d'inciter les contribuables à payer leurs dettes à temps. On ne peut toutefois pas, sur la base de ces objectifs supplémentaires, considérer les intérêts de retard comme une sanction pénale au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme.

Une augmentation limitée du taux des intérêts de retard par rapport à un mode de calcul basé sur la moyenne des indices de référence J relative aux obligations linéaires à 10 ans des mois de juillet, août et septembre de l'année précédant celle au cours de laquelle le taux d'intérêt est applicable, qui, en outre, va de pair avec une limitation des intérêts de retard à 10 % lorsque le résultat de ce calcul est supérieur à 10 %, n'est pas de nature à donner un caractère punitif aux intérêts de retard.

Enfin, ainsi qu'il a été constaté en B.3.3, cette augmentation n'a pas d'effets disproportionnés à l'égard des contribuables.

B.5.5. La mesure attaquée ne revêt pas un caractère pénal, ni au sens du droit interne, ni au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. Il s'ensuit que les garanties prévues par cette disposition en ce qui concerne les contestations en matière pénale ne lui sont pas applicables.

B.5.6. Le premier moyen, en sa deuxième branche, n'est pas fondé.

En ce qui concerne la première branche du second moyen dans l'affaire n° 6810 et le premier moyen dans l'affaire n° 6870 B.6.1. La première branche du second moyen dans l'affaire n° 6810 et le premier moyen dans l'affaire n° 6870 sont pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution par l'article 79 de la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer, en ce qu'en vertu de cette disposition, le taux des intérêts moratoires dus par l'Etat est toujours inférieur de deux points de pourcentage au taux des intérêts de retard dus par le contribuable.

B.6.2. L'octroi d'intérêts moratoires en cas de remboursement d'impôts (article 418, alinéa 1er, du CIR 1992, anciennement l'article 308, alinéa 1er, du CIR 1964) était, tout comme l'octroi d'intérêts de retard, motivé par un souci d'équité, même si le remboursement fait suite à une erreur imputable au contribuable (Doc. parl., Chambre, 1952-1953, n° 277, pp. 9 et 10).

Par la disposition attaquée, le législateur avait l'intention, d'une part, d'adapter les taux des intérêts de retard et des intérêts moratoires au taux d'intérêt légal en vigueur et à la baisse des taux d'intérêt et, d'autre part, de mettre fin à la spéculation de la part des contribuables (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2864/001, pp. 117-118).

B.6.3. La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir la qualité du créancier, qui est, dans un cas, l'Etat, lequel défend l'intérêt général, et qui, dans l'autre, peut être un particulier, lequel peut ne défendre qu'un intérêt personnel.

B.6.4. Dans l'arrêt Viaropoulou e.a. c. Grèce du 25 septembre 2014, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé qu'il n'était pas injustifié que l'Etat fixe, en ce qui concerne les intérêts moratoires dont il est redevable dans l'exécution de ses missions d'intérêt général, un taux inférieur de quatre points de pourcentage au taux d'intérêt applicable aux intérêts de retard que les particuliers doivent payer. Une différence à ce point limitée ne viole pas l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.6.5. Pour éviter, dans un même temps, que les contribuables spéculent au détriment du Trésor public sur la différence qui existe entre l'intérêt légal et les intérêts moratoires en matière d'impôts sur les revenus, il est également justifié que la disposition attaquée limite le taux de ces intérêts moratoires par rapport au taux des intérêts de retard. En outre, tant les intérêts de retard que les intérêts moratoires restent largement basés sur un mode de calcul visant à refléter la réalité économique.

B.6.6. Le second moyen, en sa première branche, dans l'affaire n° 6810 et le premier moyen dans l'affaire n° 6870 ne sont pas fondés.

En ce qui concerne le second moyen dans l'affaire n° 6870 B.7.1. Le second moyen est pris de la violation de l'article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, par l'article 79 de la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer, en ce que cette disposition prévoit, en ce qui concerne les intérêts moratoires, un taux inférieur à celui des intérêts de retard.

B.7.2. Comme il est dit en B.6.4, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé, dans l'arrêt Viaropoulou e.a. c. Grèce du 25 septembre 2014, qu'il n'était pas injustifié que l'Etat fixe, en ce qui concerne les intérêts moratoires dont il est redevable dans l'exécution de ses missions d'intérêt général, un taux inférieur de quatre points de pourcentage au taux d'intérêt applicable aux intérêts de retard que les contribuables doivent payer. Dans le même sens et pour les motifs qui ont été mentionnés en B.6.4, il n'est pas injustifié que le législateur instaure, en matière d'impôts sur les revenus, une différence de deux points de pourcentage entre le taux des intérêts moratoires dont l'Etat est redevable et le taux des intérêts de retard que le contribuable doit payer.

B.7.3. Le second moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne la seconde branche du second moyen dans l'affaire n° 6810 B.8.1. La seconde branche est prise de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution par l'article 79 de la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés fermer, en ce que cette disposition a pour effet qu'en matière d'impôts sur les revenus, le taux des intérêts moratoires déroge aux règles de droit commun, alors que tel n'est pas le cas en vertu de l'article 91 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après : le Code de la TVA) et en vertu de l'article 2043 du Code des droits et taxes divers.

B.8.2. L'article 91 du Code de la TVA dispose : « § 1er. Un intérêt de 0,8 % par mois est exigible de plein droit si la taxe n'a pas été payée : 1° dans le délai fixé en exécution des articles 52, 53, § 1er, alinéa 1er, 3°, 53ter, 2°, et 53octies;2° dans le délai fixé en exécution de l'article 53nonies;3° dans le délai fixé en exécution de l'article 54, pour les assujettis visés à l'article 8;4° dans le délai fixé en exécution des articles 367, alinéa 1er et 369decies, alinéa 1er de la directive 2006/112/CE. Cet intérêt est calculé mensuellement sur le total des taxes dues arrondi au multiple inférieur le plus proche de 10 euros. Toute fraction de mois est comptée pour un mois entier.

L'intérêt d'un mois n'est dû que s'il atteint 2,50 euros. § 2. Lorsqu'il résulte de la procédure visée à l'article 59, § 2, que la taxe a été acquittée sur une base insuffisante, un intérêt de 0,8 % par mois, calculé conformément au § 1er, est exigible de plein droit à partir de l'acte introductif de cette procédure. § 3. Un intérêt de 0,8 % par mois est exigible de plein droit sur les sommes à restituer : 1° en vertu de l'article 76, § 1er, alinéas 1er et 3, à compter de l'expiration du délai prévu par cette disposition. Cet intérêt est calculé mensuellement sur le total des taxes à restituer arrondi au multiple inférieur le plus proche de 10 euros.

Toute fraction de mois est comptée pour un mois entier.

L'intérêt d'un mois n'est dû que s'il atteint 2,50 euros; 2° en vertu des dispositions de la Directive 2008/9/CE du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'Etat membre du remboursement, mais dans un autre Etat membre, à partir de l'expiration du délai prévu par l'article 22, paragraphe 1er, de cette directive.Toutefois, aucun intérêt n'est dû lorsque l'assujetti n'a pas satisfait à son obligation de fournir, dans les délais prévus à l'article 20, paragraphe 2, de cette directive les renseignements complémentaires exigés sur la base des articles 10 et 20, paragraphe 1er, de ladite directive.

Cet intérêt est calculé mensuellement sur le total des taxes à rembourser arrondi au multiple inférieur le plus proche de 10 euros.

Toute fraction de mois est comptée pour un mois entier.

L'intérêt d'un mois n'est dû que s'il atteint 2,50 euros. § 4. Les intérêts moratoires sur les sommes à recouvrer ou à restituer qui ne sont pas visées aux § § 1er, 2 et 3, sont dus au taux fixé en matière civile et selon les règles établies en la même matière. [...] ».

B.8.3. L'article 2043 du Code des droits et taxes divers dispose : « Les intérêts moratoires sur les sommes à recouvrer ou à restituer sont dus au taux fixé en matière civile et, sauf disposition contraire des présentes lois coordonnées, selon les règles établies en la même matière ».

B.8.4. Le législateur ne peut, sans violer le principe d'égalité et de non-discrimination, instaurer une différence entre des catégories comparables de contribuables, si cette différence n'est pas objectivement et raisonnablement justifiée. En matière fiscale, ce principe n'impose toutefois pas au législateur d'uniformiser complètement les procédures fixées pour les divers impôts.

B.8.5. Une différence de traitement entre certaines catégories de contribuables qui découle de l'application de régimes fiscaux différents, y compris pour une même opération imposable, et des procédures qu'ils contiennent, dans des circonstances différentes, n'est pas discriminatoire en soi. Il ne saurait y avoir discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.8.6. Comme il est dit en B.6.5, la disposition attaquée n'impose pas une charge disproportionnée au contribuable auquel l'Etat doit allouer des intérêts moratoires.

B.8.7. Le second moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour, rejette les recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 novembre 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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