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Arrêt
publié le 14 octobre 2019

Extrait de l'arrêt n° 22/2019 du 14 février 2019 Numéro du rôle : 6760 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 14, alinéa 3, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, posée par le Tribunal de commerce de Louvain. La Cou composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman,(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 22/2019 du 14 février 2019 Numéro du rôle : 6760 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 14, alinéa 3, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 20/02/2003 numac 1999015194 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2) fermer sur les faillites, posée par le Tribunal de commerce de Louvain.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et P. Nihoul, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 26 octobre 2017 en cause de L.P. contre J.M. et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 2 novembre 2017, le Tribunal de commerce de Louvain a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 14, alinéa 3, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 20/02/2003 numac 1999015194 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2) fermer sur les faillites, en tant qu'il concerne une tierce opposition à un jugement ultérieur avançant la date de cessation de paiement, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que, d'une part, un tiers intéressé est traité autrement dans le droit des faillites que dans le droit commun ou le droit des sociétés et en ce que, d'autre part, le droit de contradiction n'est pas suffisamment garanti ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 14 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 20/02/2003 numac 1999015194 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2) fermer sur les faillites dispose : « Tout jugement déclaratif de faillite ou fixant la date de cessation de paiement est exécutoire par provision et sur minute dès la prononciation.

Les jugements prévus à l'alinéa premier sont susceptibles d'opposition par les parties défaillantes et de tierces oppositions de la part des intéressés qui n'y ont pas été parties.

L'opposition à ces décisions n'est recevable que si elle est formée dans les quinze jours de la signification du jugement. La tierce opposition n'est recevable que si elle est formée dans les quinze jours de l'insertion des extraits du jugement au Moniteur belge.

Le délai pour interjeter appel des jugements visés à l'alinéa premier est de quinze jours à compter de la publication au Moniteur belge visée à l'article 38 ou, si l'appel émane du failli, de quinze jours à compter de la signification du jugement ».

B.2. La loi sur les faillites a été abrogée à compter du 1er mai 2018, mais elle est restée applicable aux procédures de faillite en cours (article 70 de la loi du 11 août 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/08/2017 pub. 11/09/2017 numac 2017012998 source service public federal justice Loi portant insertion du Livre XX "Insolvabilité des entreprises", dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre I du Code de droit économique fermer portant insertion du Livre XX « Insolvabilité des entreprises », dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au Livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre I du Code de droit économique).

Une disposition analogue à la disposition mentionnée en B.1 figure actuellement dans l'article XX.108 du Code de droit économique.

B.3. La question préjudicielle porte sur le délai prévu pour former tierce opposition, en particulier contre un jugement fixant la date de cessation de paiement. En principe, la cessation de paiement est réputée avoir lieu à partir du jugement déclaratif de faillite, mais le tribunal peut fixer la cessation de paiement à une date antérieure si des éléments sérieux et objectifs indiquent clairement que la cessation de paiement a eu lieu avant le jugement. Le tribunal peut aussi modifier ultérieurement la date de cessation de paiement. Il le fait sur citation des curateurs, dirigée contre le failli, ou sur citation de tout intéressé dirigée contre le failli et les curateurs, dans les six mois à compter de la date du jugement déclaratif de faillite (article 12 de la loi sur les faillites).

Le délai pour former tierce opposition contre un jugement fixant la date de cessation de paiement est de quinze jours à compter de l'insertion des extraits du jugement au Moniteur belge (article 14, alinéa 3, seconde phrase, de la loi sur les faillites).

Le délai de droit commun applicable à la tierce opposition s'élève à 30 ans (article 1128, alinéa 1er, du Code judiciaire), mais lorsque le jugement a été signifié au tiers, la tierce opposition doit être formée par lui dans les trois mois à partir de la signification (article 1129 du Code judiciaire). En outre, pour certaines décisions judiciaires dans des matières relatives au droit des sociétés, un délai spécial de six mois à compter de la publication au Moniteur belge s'applique à la tierce opposition (article 1128, alinéa 3, du Code judiciaire).

Le juge a quo demande à la Cour si la différence de traitement qui en résulte est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit le droit à un procès équitable.

B.4. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.5. La tierce opposition est une voie de recours extraordinaire permettant à un justiciable, lésé dans ses droits par une décision judiciaire à laquelle il n'était ni partie ni représenté, de saisir la juridiction qui l'a rendue en vue de la faire annuler à son égard.

Elle permet au tiers à une procédure de combattre la force probante à son égard de la décision à laquelle il n'était pas partie et qui pourrait lui être opposée dans le cadre d'une autre procédure. Elle a un caractère facultatif, de sorte que le tiers qui néglige d'utiliser cette voie de recours ne perd pas le droit d'invoquer l'inopposabilité de la décision qui préjudicie à ses droits en renversant la présomption de vérité légale qui s'y attache lors d'une procédure ultérieure (voy. l'arrêt de la Cour n° 21/2017 du 16 février 2017, B.4).

B.6. Le droit d'accès au juge, qui constitue un aspect du droit à un procès équitable, peut être soumis à des conditions de recevabilité, notamment en ce qui concerne l'introduction d'une voie de recours. Ces conditions ne peuvent cependant aboutir à restreindre le droit de manière telle que celui-ci s'en trouve atteint dans sa substance même.

Tel serait le cas si les restrictions imposées ne tendaient pas vers un but légitime et s'il n'existait pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

La compatibilité de ces limitations avec le droit d'accès à un tribunal dépend des particularités de la procédure en cause et s'apprécie au regard de l'ensemble du procès.

Plus particulièrement, les règles relatives aux formalités et délais fixés pour former un recours visent à assurer une bonne administration de la justice et à écarter les risques d'insécurité juridique.

Toutefois, ces règles ne peuvent empêcher les justiciables de se prévaloir des voies de recours disponibles (CEDH, 24 février 2009, L'Erablière c. Belgique, § § 35-37; 29 mars 2011, R.T.B.F. c.

Belgique, § 69; 18 octobre 2016, Miessen c. Belgique, § § 63-66; 17 juillet 2018, Ronald Vermeulen c. Belgique, § 43).

B.7. Le jugement déclaratif de la faillite et celui qui a fixé ultérieurement la cessation des paiements doivent être, par les soins du greffier et dans les cinq jours de leur date, publiés par extraits au Moniteur belge et doivent être, par les soins des curateurs et dans ce même délai, publiés dans au moins deux journaux ou périodiques ayant une diffusion régionale (article 38, alinéa 1er, de la loi sur les faillites, avant son abrogation par la loi du 11 août 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/08/2017 pub. 11/09/2017 numac 2017012998 source service public federal justice Loi portant insertion du Livre XX "Insolvabilité des entreprises", dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre I du Code de droit économique fermer).

La publication au Moniteur belge est le moyen officiel par lequel le législateur garantit l'accès effectif aux jugements précités. La date de publication par extrait d'un jugement au Moniteur belge est dès lors la date à laquelle les tiers intéressés sont censés avoir pris connaissance de ce jugement. Elle constitue un point de départ pertinent pour faire débuter un délai de recours.

B.8. Par la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 20/02/2003 numac 1999015194 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2) fermer sur les faillites, le législateur visait à ce que la procédure de faillite soit réglée de manière rapide et fluide, afin de perturber le moins possible les mécanismes normaux du marché et afin de clarifier le plus rapidement possible la situation de toutes les personnes concernées et avant tout celle des créanciers (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/1, p. 29).

Ce souci d'un règlement rapide porte sur la procédure de faillite tout entière. Le législateur pouvait, pour cette raison, soumettre non seulement le jugement déclaratif de la faillite, mais aussi tout jugement ultérieur modifiant la date de cessation de paiement à un délai bref et uniforme en matière de tierce opposition.

B.9. Compte tenu des objectifs poursuivis par la loi sur les faillites et de la spécificité de la matière qu'elle règle, il n'apparaît pas que l'article 14, alinéa 3, seconde phrase, de cette loi, en dérogeant, en matière de faillites, aux articles 1128 et 1129 du Code judiciaire, porte atteinte de manière disproportionnée aux droits des parties concernées. Le délai de quinze jours à compter de la publication du jugement au Moniteur belge, prévu par la phrase précitée, n'empêche pas le justiciable d'exercer à temps la voie de recours extraordinaire de la tierce opposition. S'applique, en outre, dans ce cas aussi, le principe général de droit selon lequel la rigueur de la loi peut être tempérée en cas de force majeure, un principe auquel la loi attaquée n'a pas dérogé.

B.10. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 14, alinéa 3, seconde phrase, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 20/02/2003 numac 1999015194 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2) fermer sur les faillites ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 14 février 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

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