Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 03 avril 2020

Extrait de l'arrêt n° 143/2019 du 17 octobre 2019 Numéro du rôle : 6929 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 153, § 3, alinéas 1 er et 3, de la loi relative à l'exercice des professions des soins de santé, La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges T. Merckx-V(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2020201125
pub.
03/04/2020
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 143/2019 du 17 octobre 2019 Numéro du rôle : 6929 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 153, § 3, alinéas 1er et 3, de la loi relative à l'exercice des professions des soins de santé, coordonnée le 10 mai 2015, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 241.445 du 8 mai 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 22 mai 2018, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 153, § 3, alinéas 1er et 3, de la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l'exercice des professions des soins de santé, interprété en ce sens que les personnes susceptibles de bénéficier de la dérogation à la nécessité de l'agrément sur la base des droits acquis ne seraient autorisées qu'à exécuter certains actes de la profession de technologue de laboratoire médical, et non tous les actes de cette profession, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 23, en ce que cette interprétation aboutirait à limiter de manière disproportionnée le droit au travail de personnes qui sont pourtant aptes à exercer la même activité que les technologues de laboratoire médical dûment agréés ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause et à son contexte B.1.1. L'article 153, § 3, de la loi relative à l'exercice des professions des soins de santé, coordonnée le 10 mai 2015 (ci-après : loi coordonnée du 10 mai 2015), contient un régime transitoire au bénéfice des personnes qui exercent des professions paramédicales sans remplir les conditions de qualification requises, mais qui peuvent faire valoir une expérience professionnelle utile pour la profession concernée.

Il dispose : « Par dérogation à l'article 72, § 1er, les personnes qui ne satisfont pas aux conditions de qualification prévues à l'article 72, § 2, alinéa 2, mais qui, au moment de la publication de la liste des prestations ou la liste des actes de la profession paramédicale dont elles relèvent, ont exécuté ces prestations ou ces actes pendant au moins trois ans, peuvent continuer les mêmes activités dans les mêmes conditions que les praticiens des professions paramédicales effectuant ces prestations ou ces actes.

Par dérogation à l'article 72, § 1er, les personnes qui ne satisfont pas aux conditions de qualification prévues à l'article 72, § 2, alinéa 2, pour leur profession paramédicale, pour laquelle il n'existe pas une formation au sens des conditions de qualification, visées ci-dessus, peuvent continuer les mêmes activités dans les mêmes conditions que les praticiens des professions paramédicales effectuant ces prestations ou ces actes, pour autant qu'ils exécutent ces prestations ou ces actes au moment où les premiers diplômes ont été délivrés, sanctionnant une formation qui correspond aux conditions, visées à l'article 72, § 2, alinéa 2.

Par dérogation à l'alinéa 1er et par dérogation à l'article 72, § 1er, les personnes qui ne satisfont pas aux conditions de qualification prévues à l'article 72, § 2, alinéa 2, pour les professions de technologue en imagerie médicale ou de technologue de laboratoire médical, mais qui, au 1er octobre 2017, ont exécuté des actes de la profession de technologue en imagerie médicale ou de technologue de laboratoire médical pendant au moins trois ans, peuvent continuer à exercer les mêmes actes dans les mêmes conditions que les technologues en imagerie médicale ou les technologues de laboratoire médical effectuant ces actes. [...] Sous peine de perdre le bénéfice de la disposition de l'alinéa 1er ou de l'alinéa 2 de ce paragraphe, elles sont tenues de se faire connaître au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions, selon une procédure fixée par le Roi; à cette occasion, elles font connaître les activités pour lesquelles elles invoquent le bénéfice des droits acquis. La procédure fixée par le Roi déterminera notamment la manière dont la preuve de l'exécution des prestations ou des actes visés à l'alinéa 1er, sera rapportée ».

La date du 1er octobre 2017 figurant dans l'alinéa 3 précité a été insérée par l'article 54 de la loi du 11 août 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/08/2017 pub. 28/08/2017 numac 2017030984 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de santé fermer « portant des dispositions diverses en matière de santé », suite à l'annulation, par la Cour, dans son arrêt n° 148/2016 du 24 novembre 2016, des termes « , au 2 décembre 2013 ».

B.1.2.1. L'article 72 de la loi coordonnée du 10 mai 2015, auquel l'article 153 précité renvoie, dispose : « § 1er. Nul, en dehors des praticiens, visés à l'article 3, § 1er, et aux articles 4, 6, 43, 68/1 et 68/2, pour ce qui concerne les prestations liées à leur art respectif, ne peut accomplir des prestations précisées en exécution de l'article 71, § 1er, ou des actes visés à l'article 69, 2° et 3°, s'il n'est titulaire d'un agrément délivré par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions. § 2. Le Roi fixe, sur avis du Conseil fédéral des professions paramédicales, les conditions et les règles pour l'obtention, le maintien et le retrait de l'agrément visé au paragraphe 1er.

Cet agrément ne peut être accordé qu'aux personnes qui répondent aux conditions de qualification exigées, précisées en exécution de l'article 71, § 1er, ou des actes visés à l'article 69, 2° et 3°. [...] ».

Cette disposition fait partie du chapitre 7 de la loi coordonnée du 10 mai 2015, intitulé « L'exercice des professions paramédicales » qui contient également les articles 69, 70, 71 et 73 de cette loi.

B.1.2.2. L'article 69 de la loi coordonnée du 10 mai 2015 dispose : « Au sens du présent chapitre, on entend par exercice d'une profession paramédicale : 1° l'accomplissement habituel par des personnes autres que celles visées aux articles 3, § 1er, 4, 6, 43, 45, 68/1 et 68/2 de prestations techniques auxiliaires liées à l'établissement du diagnostic ou à l'exécution du traitement, telles qu'elles pourront être précisées en exécution de l'article 71.2° l'exécution habituelle des actes visés à l'article 23, § 1er, alinéa 1er et § 2, alinéa 3;3° l'exécution des actes visés à l'article 24 ». L'article 70 de la même loi dispose : « Le Roi établit la liste des professions paramédicales ».

L'article 71 de la même loi porte : « § 1er. Le Roi peut, conformément aux dispositions de l'article 141, alinéa 2, préciser les prestations visées à l'article 69, 1°, et fixer les conditions de leur exécution.

Il peut en outre, conformément aux dispositions de l'article 141, alinéa 2, définir les conditions de qualification auxquelles doivent répondre les personnes qui accomplissent ces prestations. § 2. Le Roi peut, sur avis du Conseil fédéral des professions paramédicales, déterminer les titres professionnels sous lesquels les intéressés accomplissent les prestations et actes visés à l'article 69 ».

Enfin, l'article 73 de la même loi dispose : « § 1er. Nul ne peut porter un titre professionnel se rapportant à une des prestations précisées en exécution de l'article 71, § 1er ou à des actes visés à l'article 69, 2° et 3°, s'il n'est titulaire de l'agrément visé à l'article 72, § 1er. [...] ».

B.1.3. La pratique de la « technologie de laboratoire médicale » figure dans la liste des professions paramédicales établie par l'arrêté royal du 2 juillet 2009 « établissant la liste des professions paramédicales » (article 1, 6°), telle qu'elle a été modifiée par un arrêté royal du 15 janvier 2019.

B.1.4.1. Les conditions requises pour exercer la profession de technologue de laboratoire médical ont été fixées par l'arrêté royal du 2 juin 1993 « relatif à la profession de technologue de laboratoire médical », publié le 10 juillet 1993.

Cet arrêté a ensuite été abrogé par l'arrêté royal du 17 janvier 2019 « relatif à la profession de technologue de laboratoire médical », publié le 12 février 2019.

Tant l'arrêté royal du 2 juin 1993 que l'arrêté royal du 17 janvier 2019 règlent le port du titre professionnel de « technologue de laboratoire médical », fixent les conditions de qualification à remplir pour exercer la profession de technologue de laboratoire médical, notamment les conditions de diplôme, de stage et de formation continue, et établissent, dans leurs annexes respectives, la liste des actes qu'un technologue de laboratoire médical peut poser.

B.1.4.2. Par ailleurs, l'article 7 de l'arrêté royal du 17 janvier 2019 instaure une nouvelle disposition transitoire au profit de personnes qui ont effectué pendant au moins trois ans les actes relevant de la profession de technologue de laboratoire médical qu'il détermine.

Il dispose : « § 1er. Les personnes qui à la date d'entrée en vigueur du présent arrêté ont effectué pendant au moins trois ans les actes suivants : 1° analyses de laboratoire : la préparation, l'exécution et la mise au point d'analyses in vitro sur des échantillons d'origine humaine : a) analyses de biologie moléculaire;b) analyses de matériel corporel humain;2° préparation et manipulation de matériaux biologiques utilisés à des fins thérapeutiques; peuvent continuer à exercer les mêmes actes dans les mêmes conditions que les praticiens de la profession de technologue de laboratoire médical effectuant ces actes. § 2. Les personnes qui souhaitent bénéficier des dispositions visées au paragraphe 1er doivent se faire connaître auprès de l'autorité compétente, dans les sept ans à dater de l'entrée en vigueur du présent arrêté royal ».

B.1.5. Ensuite, comme cela ressort de l'article 72, § 1er, de la loi coordonnée du 10 mai 2015, outre les qualifications décrites plus haut, les personnes qui souhaitent exercer la profession de technologue de laboratoire médical doivent être titulaires d'un agrément délivré par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions.

Les conditions d'obtention de cet agrément ont été établies par l'arrêté royal du 18 novembre 2004 « relatif à l'agrément des praticiens des professions paramédicales », dont l'article 20 a chargé le Roi de fixer la date d'entrée en vigueur, par profession paramédicale concernée.

Un arrêté royal du 7 novembre 2013 a fixé cette date au 2 décembre 2013 pour la profession de technologue de laboratoire médical.

B.2.1. L'article 153 de la loi coordonnée du 10 mai 2015 est issu de l'article 54ter de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 « relatif à l'exercice des professions des soins de santé » (ci-après : l'arrêté royal n° 78).

L'article 54ter a été inséré dans l'arrêté royal n° 78 par l'article 16 de la loi du 19 décembre 1990 « modifiant l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales en vue de protéger les titres professionnels des médecins et des auxiliaires paramédicaux » (ci-après : la loi du 19 décembre 1990). Il a été remplacé ensuite par l'article 180 de la loi du 25 janvier 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/01/1999 pub. 06/02/1999 numac 1999021025 source services du premier ministre Loi portant des dispositions sociales fermer « portant des dispositions sociales » et modifié par l'article 57 de la loi du 10 août 2001 « portant des mesures en matière de soins de santé ».

B.2.2. L'objectif général de la loi du 19 décembre 1990 était de « protéger le statut des professions paramédicales face au grand marché européen » (Doc. parl., Chambre, 1989-1990, n° 1256/3, p. 10) et de veiller à la qualité des prestations paramédicales. Pour atteindre cet objectif, l'exercice de professions paramédicales a été réservé aux personnes qui disposent des qualifications requises. Pour le législateur, il convenait de garantir que les personnes qui effectueraient des prestations paramédicales seraient compétentes pour ce faire et auraient, dès lors, reçu une formation suffisante.

Dans un même temps, le législateur a estimé qu'il était opportun d'instaurer un régime transitoire au profit des personnes qui ne satisfont pas aux qualifications requises, mais qui ont effectué par le passé des actes relevant de la profession paramédicale protégée et, de ce fait, acquis le droit de continuer les mêmes activités dans les mêmes conditions que les praticiens des professions paramédicales effectuant ces prestations.

A cet égard, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 19 décembre 1990 que : « Comme il a été fait pour les professions de l'art infirmier, il convient de prendre les dispositions qui permettent d'accorder des droits acquis aux personnes qui, ne possédant pas les conditions de qualification requises, exécutent des actes qui seraient réservés aux titulaires de professions paramédicales.

Ces personnes pouvant être actives en dehors des établissements de soins, des cabinets médicaux ou dentaires, il ne peut être exigé d'elles qu'elles aient travaillé en ces lieux. Il s'impose dès lors de donner au Roi le pouvoir de fixer la procédure qui permettra d'accorder ces droits acquis [...] » (Doc. parl., Sénat, 1988-1989, n° 779-2, p. 14); et : « Selon le Ministre, il est indiqué de donner la possibilité aux personnes qui exercent leur activité depuis un certain temps, de continuer cet exercice.

Le problème se pose notamment pour les kinésithérapeutes, les masseurs, les pédicures et les podologues.

A cet égard, on pourra s'inspirer de la solution intervenue à l'époque pour les infirmiers » (ibid., p. 16).

B.2.3. L'article 54ter, tel qu'il a été inséré dans l'arrêté royal n° 78 par la loi du 19 décembre 1990, a ensuite été remplacé par l'article 180 de la loi du 25 janvier 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/01/1999 pub. 06/02/1999 numac 1999021025 source services du premier ministre Loi portant des dispositions sociales fermer « portant des dispositions sociales », entré en vigueur, pour les technologues de laboratoire médical, le 1er décembre 2013 (arrêté royal du 7 novembre 2013 « fixant la date d'entrée en vigueur des articles 177, 179 et 180 de la loi du 25 janvier 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/01/1999 pub. 06/02/1999 numac 1999021025 source services du premier ministre Loi portant des dispositions sociales fermer portant des dispositions sociales, pour la profession de technologue en imagerie médicale »).

La loi du 25 janvier 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/01/1999 pub. 06/02/1999 numac 1999021025 source services du premier ministre Loi portant des dispositions sociales fermer a inséré, dans l'article 24 de l'arrêté royal n° 78, l'exigence d'un agrément délivré par le ministre de la Santé publique pour pouvoir accomplir des prestations ou exécuter des actes qui relèvent d'une profession paramédicale.

Le texte initial de l'article 54ter de l'arrêté royal n° 78 a dès lors été adapté et complété, afin qu'un agrément puisse être accordé, à titre de mesure transitoire, aux personnes mentionnées dans cette disposition (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1722/1, p. 70) et que puissent être dispensées d'un agrément les personnes qui, dans le régime transitoire tel qu'il avait été instauré par la loi du 19 décembre 1990, ne remplissent pas les conditions de qualification instaurées conformément à l'article 23 de l'arrêté royal n° 78. « En correspondance à une modification de la façon sur laquelle se fait l'accès à une profession paramédicale, les dispositions transitoires de l'article 54ter de l'arrêté royal n° 78 sont modifiées, ainsi ces dispositions correspondent mieux à la réalité des professions paramédicales » (ibid., p. 34).

B.2.4. Enfin, l'actuel alinéa 3 de l'article 153, § 3, de la loi coordonnée du 10 mai 2015 a été inséré par l'article 77 de la loi du 17 juillet 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/07/2015 pub. 17/08/2015 numac 2015024189 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions divers en matière de santé fermer « portant des dispositions divers [es] en matière de santé ». Il contient un régime spécifique de droits acquis pour les professions de technologue en imagerie médicale et de technologue de laboratoire médical.

Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/07/2015 pub. 17/08/2015 numac 2015024189 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions divers en matière de santé fermer précitée que : « la présente disposition crée, dans l'article 54ter, § 3, de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, une nouvelle mesure transitoire, sous forme de ' droits acquis '. Les personnes qui exercent la profession de technologue en imagerie médicale ou de technologue de laboratoire médical alors qu'ils ne satisfont pas aux conditions de qualification définies pour ces professions, mais qui, à la date d'entrée en vigueur de l'agrément des praticiens des professions paramédicales pour leurs professions spécifiques, à savoir le 2 décembre 2013, ont exécuté des actes de l'une de ces professions pendant au moins trois ans, ont la possibilité de continuer à exercer cette profession dans les mêmes conditions.

Cette nouvelle mesure transitoire accordée aux personnes qui exercent la profession de technologue en imagerie médicale ou de technologue de laboratoire médical se justifie au regard du principe d'égalité.

Le personnel paramédical ne forme pas un tout.

Chaque profession paramédicale est une profession à part entière qui peut faire l'objet de dispositions particulières, en raison des spécificités propres à cette profession.

Les spécificités particulières des secteurs professionnels propres aux technologues en imagerie médicale et aux technologues de laboratoire médical justifient objectivement et raisonnablement l'adoption de la disposition légale projetée, afin d'éviter à un très grand nombre de praticiens de ces secteurs de perdre leur emploi et à leurs employeurs, hôpitaux, de ne plus pouvoir répondre à leurs besoins en personnel.

Vu l'écoulement d'une durée de plus ou moins vingt ans depuis la publication des arrêtés royaux fixant les conditions de qualification pour ces deux professions, une partie des mesures transitoires prévues à l'article 54ter de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé n'est plus efficace, particulièrement les ' droits acquis ' qui sont une dérogation à la condition de nécessité d'un agrément et qui sont visés à l'article 54ter, § 3, de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 précité.

De ce fait, si la disposition projetée n'est pas adoptée, les hôpitaux seront pour leur part dans une situation particulièrement difficile, parce que trop peu de praticiens de ces professions obtiendront leur agrément pour répondre aux besoins en personnel.

D'autre part, il sera impossible aux écoles dispensant les formations de technologue en imagerie médicale et de technologue en laboratoire médical de dispenser dans les temps les formations nécessaires, pour pourvoir à ces besoins en personnel » (Doc. parl., Chambre, 2014-2015, DOC 54-1161/001, pp. 60-62).

Quant aux exceptions B.3. Depuis la saisine de la Cour par le juge a quo, les conditions de qualification des technologues de laboratoire médical ont été modifiées par l'arrêté royal du 17 janvier 2019 « relatif à la profession de technologue de laboratoire médical ». Par ailleurs, comme il ressort des B.1.4.1 et B.1.4.2, cet arrêté abroge l'arrêté royal du 2 juin 1993 « relatif à la profession de technologue de laboratoire médical » et comporte, en son article 7, une disposition transitoire permettant à des personnes ayant accompli certains actes relevant de la profession de technologue de laboratoire médical pendant trois années au moins avant l'entrée en vigueur de l'arrêté, de continuer à poser ces mêmes actes dans les mêmes conditions.

Indépendamment de la question de savoir si cette nouvelle disposition a une incidence sur le litige devant le juge a quo, qu'il appartient à celui-ci de trancher, l'article 7 de l'arrêté royal du 17 janvier 2019 n'affecte pas la disposition en cause, de sorte que la question préjudicielle n'est pas sans objet.

B.4.1. Le Conseil des ministres soutient que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse en ce qu'elle vise l'alinéa 1er de l'article 153, § 3, de la loi coordonnée du 10 mai 2015, étant donné que seul l'alinéa 3 de cette disposition serait applicable au litige devant le juge a quo.

B.4.2. Il revient en règle au juge a quo qui interroge la Cour de déterminer les normes applicables au litige dont il est saisi et, plus généralement, d'apprécier si la réponse à une question préjudicielle est utile à la solution de ce litige. Ce n'est que lorsque la réponse n'est manifestement pas utile à la solution du litige, notamment parce que la norme en cause n'est manifestement pas applicable à celui-ci, que la Cour peut décider que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

B.5. La Communauté française soutient que la question préjudicielle reposerait sur une prémisse erronée, selon laquelle les personnes pouvant bénéficier d'une dérogation à l'obligation de disposer d'un agrément sur la base des droits acquis sont aptes à accomplir les mêmes actes que les technologues de laboratoire dûment agréés.

C'est dans le cadre de l'examen de la question préjudicielle qu'il convient de vérifier si ces deux catégories de personnes sont suffisamment comparables et si elles disposent de la même compétence pour poser les mêmes actes. L'examen de cette exception est donc lié à l'examen de la question au fond.

Quant à la question préjudicielle B.6. La Cour est invitée à examiner si l'article 153, § 3, alinéas 1er et 3, de la loi coordonnée du 10 mai 2015 viole les articles 10 et 11, lus en combinaison avec l'article 23 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle, pour les technologues de laboratoire médical susceptibles de bénéficier, sur la base des droits acquis, de la dérogation à l'obligation de disposer d'un agrément, l'autorisation à poursuivre l'activité professionnelle peut être limitée à certains actes relevant de cette profession.

Dans cette interprétation, la disposition en cause crée une différence de traitement entre, d'une part, les technologues de laboratoire médical qui ne répondent pas aux conditions de qualification requises pour être agréés, mais qui peuvent bénéficier de la dérogation à l'obligation de disposer d'un agrément sur la base des droits acquis et, d'autre part, les technologues de laboratoire médical qui répondent aux conditions de qualification requises et qui sont dûment agréés. Dans l'interprétation soumise au contrôle de la Cour, l'autorisation accordée aux premiers de poursuivre leur activité professionnelle peut être limitée à l'exécution de certains actes relevant de la profession de technologue de laboratoire médical, alors que les seconds sont toujours autorisés à accomplir tous les actes relevant de cette profession.

B.7.1. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 19 décembre 1990 cités en B.2.2 que le législateur visait à garantir la qualité des prestations paramédicales en imposant aux praticiens des professions paramédicales de disposer à des qualifications professionnelles déterminées, tout en tenant compte de la situation des personnes qui ont exercé une profession paramédicale par le passé sans être titulaire du diplôme requis.

B.7.2. A propos de la mesure transitoire spécifique aux technologues de laboratoire médical et aux technologues en imagerie médicale, contenue dans l'alinéa 3 de l'article 153, § 3, de la loi coordonnée du 10 mai 2015, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/07/2015 pub. 17/08/2015 numac 2015024189 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions divers en matière de santé fermer cités en B.2.4 que le législateur a entendu éviter, d'une part, qu'un grand nombre de praticiens perdent leur emploi dès lors qu'ils ne remplissent pas les conditions de qualification définies pour leur profession alors qu'ils peuvent se prévaloir d'une expérience suffisante et, d'autre part, de faire en sorte que les hôpitaux puissent continuer à répondre à leurs besoins en personnel.

Le législateur a estimé qu'il était nécessaire de créer ce régime spécifique pour les professions de technologue de laboratoire médical et de technologue en imagerie médicale « vu l'écoulement d'une durée de plus ou moins vingt ans depuis la publication des arrêtés royaux fixant les conditions de qualification pour ces deux professions » (Doc. parl., Chambre, 2014-2015, DOC 54-1161/001, p. 61). En effet, sans ce régime spécifique, les praticiens concernés n'auraient, avant la publication de l'arrêté royal du 17 janvier 2019, pu bénéficier du régime des droits acquis que sur la base de l'article 153, § 1er, alinéa 1er, de la loi coordonnée du 10 mai 2015. Ainsi, ils auraient dû, après l'entrée en vigueur, le 2 décembre 2013, de l'obligation de disposer d'un agrément apporter la preuve d'une expérience professionnelle utile de trois ans à la date du 10 juillet 1993, qui correspond à la date de la publication de l'arrêté royal du 2 juin 1993 « relatif à la profession de technologue de laboratoire médical ».

B.8. Eu égard à l'objectif qui consiste à garantir la qualité des prestations paramédicales tout en évitant que des personnes qui ont accompli par le passé des actes relevant de la profession de technologue de laboratoire médical doivent cesser leur activité professionnelle parce qu'elles ne satisfont pas aux nouvelles qualifications requises, il est pertinent d'autoriser ces personnes à continuer à poser les actes dont elles apportent la preuve qu'elles les ont réellement accomplis pendant au moins trois ans, au cours de la période de référence. En effet, l'autorité compétente ne peut s'assurer que l'objectif de garantir la qualité des prestations paramédicales est atteint que pour ces seuls actes.

B.9.1. La limitation de l'autorisation à poursuivre l'activité professionnelle aux seuls actes dont les personnes concernées apportent la preuve qu'elles les ont réellement accomplis par le passé n'entraîne pas des effets disproportionnés. D'une part, ces personnes peuvent continuer à exercer les mêmes actes que ceux qu'elles ont accomplis pendant au moins trois ans au cours de la période de référence sans être contraintes de se conformer à terme aux exigences de qualification requises. D'autre part, la disposition en cause ne s'oppose pas à ce que ces personnes puissent obtenir une autorisation portant sur l'ensemble des actes relevant de la profession de technologue de laboratoire médical, si elles apportent la preuve qu'elles ont accompli tous les actes de la profession pendant au moins trois ans. Les éventuelles difficultés que ces personnes peuvent éprouver à apporter la preuve de ce qu'elles ont accompli par le passé tous ou certains actes relevant de la profession de technologue de laboratoire médical ne découlent pas de la disposition en cause, mais relèvent de l'application de la loi.

B.9.2. La disposition en cause n'est donc pas incompatible avec les articles 10 et 11, lus en combinaison avec l'article 23, de la Constitution.

B.10. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 153, § 3, alinéas 1er et 3, de la loi relative à l'exercice des professions des soins de santé, coordonnée le 10 mai 2015, ne viole pas les articles 10 et 11, lus en combinaison avec l'article 23, de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 octobre 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût

^