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Arrêt
publié le 31 décembre 2020

Extrait de l'arrêt n° 122/2020 du 24 septembre 2020 Numéro du rôle : 7168 En cause : le recours en annulation totale ou partielle de la loi du 15 octobre 2018 « relative à l'interruption volontaire de grossesse, abrogeant les articles 350 et La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)

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Extrait de l'arrêt n° 122/2020 du 24 septembre 2020 Numéro du rôle : 7168 En cause : le recours en annulation totale ou partielle de la loi du 15 octobre 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/10/2018 pub. 29/10/2018 numac 2018014460 source service public federal justice Loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, abrogeant les articles 350 et 351 du Code pénal et modifiant les articles 352 et 383 du même Code et modifiant diverses dispositions législatives type loi prom. 15/10/2018 pub. 17/09/2020 numac 2020031327 source service public federal interieur Loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, abrogeant les articles 350 et 351 du Code pénal et modifiant les articles 352 et 383 du même Code et modifiant diverses dispositions législatives. - Traduction allemande fermer « relative à l'interruption volontaire de grossesse, abrogeant les articles 350 et 351 du Code pénal et modifiant les articles 352 et 383 du même Code et modifiant diverses dispositions législatives », introduit par l'association de fait « Citoyens pour la vie / Burgers voor het leven » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 26 avril 2019 et parvenue au greffe le 29 avril 2019, un recours en annulation de la loi du 15 octobre 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/10/2018 pub. 29/10/2018 numac 2018014460 source service public federal justice Loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, abrogeant les articles 350 et 351 du Code pénal et modifiant les articles 352 et 383 du même Code et modifiant diverses dispositions législatives type loi prom. 15/10/2018 pub. 17/09/2020 numac 2020031327 source service public federal interieur Loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, abrogeant les articles 350 et 351 du Code pénal et modifiant les articles 352 et 383 du même Code et modifiant diverses dispositions législatives. - Traduction allemande fermer « relative à l'interruption volontaire de grossesse, abrogeant les articles 350 et 351 du Code pénal et modifiant les articles 352 et 383 du même Code et modifiant diverses dispositions législatives » (publiée au Moniteur belge du 29 octobre 2018) a été introduit par l'association de fait « Citoyens pour la vie / Burgers voor het leven », Pascale Bultez, Jonatan Cortes, Thierry Fobe, Thierry Lethé, Henri Marechal, Georges Paraskevaidis et Vincent Piessevaux, assistés et représentés par Me L. Janssens de Varebeke et Me L. Ponteville, avocats au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.1.1. La loi du 15 octobre 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/10/2018 pub. 29/10/2018 numac 2018014460 source service public federal justice Loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, abrogeant les articles 350 et 351 du Code pénal et modifiant les articles 352 et 383 du même Code et modifiant diverses dispositions législatives type loi prom. 15/10/2018 pub. 17/09/2020 numac 2020031327 source service public federal interieur Loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, abrogeant les articles 350 et 351 du Code pénal et modifiant les articles 352 et 383 du même Code et modifiant diverses dispositions législatives. - Traduction allemande fermer « relative à l'interruption volontaire de grossesse, abrogeant les articles 350 et 351 du Code pénal et modifiant les articles 352 et 383 du même Code et modifiant diverses dispositions législatives » (ci-après : la loi attaquée) modifie notamment la législation relative à l'interruption de grossesse, précédemment réglée par les articles 348 et suivants du Code pénal.

B.1.2. La loi attaquée dispose notamment ce qui suit : « CHAPITRE 2. - Conditions et procédure

Art. 2.La femme enceinte peut demander à un médecin d'interrompre sa grossesse dans les conditions suivantes : 1° L'interruption de grossesse doit : a) sans préjudice des 3° et 5°, intervenir avant la fin de la douzième semaine de la conception;b) être pratiquée, dans de bonnes conditions médicales, par un médecin, dans un établissement de soins où existe un service d'information qui accueille la femme enceinte et lui donne des informations circonstanciées, notamment sur les droits, aides et avantages garantis par la loi et les décrets aux familles, aux mères célibataires ou non, et à leurs enfants, ainsi que sur les possibilités offertes par l'adoption de l'enfant à naître et qui, à la demande soit du médecin soit de la femme, accorde à celle-ci une assistance et des conseils sur les moyens auxquels elle peut avoir recours pour résoudre les problèmes psychologiques et sociaux posés par sa situation.2° Le médecin sollicité par une femme en vue d'interrompre sa grossesse doit : a) informer celle-ci des risques médicaux actuels ou futurs qu'elle encourt à raison de l'interruption de grossesse;b) rappeler les diverses possibilités d'accueil de l'enfant à naître et faire appel, le cas échéant, au personnel du service d'information visé au 1°, b), pour accorder l'assistance et donner les conseils qui y sont visés;c) s'assurer de la détermination de la femme à faire pratiquer une interruption de grossesse.L'appréciation de la détermination de la femme enceinte qui conduit le médecin à accepter d'intervenir, est souveraine lorsque les conditions prévues au présent article sont respectées. 3° Le médecin ne peut au plus tôt, pratiquer l'interruption de grossesse que six jours après la première consultation prévue, sauf s'il existe une raison médicale urgente pour la femme d'avancer l'interruption de grossesse.Si la première consultation a lieu moins de six jours avant l'échéance du délai visé au 1°, a), ce délai est prolongé au prorata du nombre de jours non écoulés du délai de six jours. Toutefois lorsque le dernier jour de cette prolongation est un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, l'interruption de grossesse peut être pratiquée le jour ouvrable suivant. 4° L'intervention ne peut avoir lieu qu'après que l'intéressée a exprimé par écrit, le jour de l'intervention, sa détermination à y faire procéder.Cette déclaration est versée au dossier médical. 5° Au-delà du délai de douze semaines, prolongé le cas échéant conformément au 3°, la grossesse peut, sous les conditions prévues aux 1°, b), et 2° à 4°, être interrompue volontairement seulement si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou lorsqu'il est certain que l'enfant à naître sera atteint d'une affection d'une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du diagnostic.Dans ce cas, le médecin sollicité s'assure le concours d'un deuxième médecin, dont l'avis est joint au dossier. 6° Le médecin ou toute autre personne qualifiée de l'établissement de soins où l'intervention a été pratiquée, doit assurer l'information de la femme en matière de contraception.7° Aucun médecin, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse.Le médecin sollicité est tenu d'informer l'intéressée, dès la première visite, de son refus d'intervention. Il indique dans ce cas les coordonnées d'un autre médecin, d'un centre d'interruption de grossesse ou d'un service hospitalier qu'elle peut solliciter pour une nouvelle demande d'interruption de grossesse. Le médecin qui refuse l'interruption volontaire transmet le dossier médical au nouveau médecin consulté par la femme. CHAPITRE 3. - Disposition pénale

Art. 3.Celui qui aura fait avorter une femme qui y a consenti en dehors des conditions prévues à l'article 2 sera condamné à un emprisonnement de trois mois à un an et à une amende de cent euros à cinq cents euros.

Celui qui tente d'empêcher une femme d'accéder librement à un établissement de soins pratiquant des interruptions volontaires de grossesse sera condamné à un emprisonnement de trois mois à un an et à une amende de cent euros à cinq cents euros.

La femme qui, volontairement, aura fait pratiquer un avortement en dehors des conditions prévues à l'article 2 sera punie d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante euros à deux cents euros.

Lorsque les moyens employés dans le but de faire avorter la femme auront causé la mort, celui qui les aura administrés ou indiqués dans ce but sera condamné à la réclusion de cinq ans à dix ans, si la femme a consenti à l'avortement, mais que l'intervention a été pratiquée en dehors des conditions prévues à l'article 2.

Les dispositions du livre Ier, y compris celles du chapitre VII et l'article 85 du Code pénal sont d'application aux infractions visées par la présente loi. [...] CHAPITRE 5. - Modifications du Code pénal

Art. 5.Les articles 350 et 351 du Code pénal, remplacés par la loi du 3 avril 1990 et modifiés par la loi du 26 juin 2000Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2000 pub. 29/07/2000 numac 2000003440 source ministere des finances Loi relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 26/06/2000 pub. 15/07/2000 numac 2000000537 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration et la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l'administration dans les provinces et les communes type loi prom. 26/06/2000 pub. 17/01/2001 numac 2001021025 source services du premier ministre Loi exécutant l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions fermer, sont abrogés.

Art. 6.L'article 352 du même Code, remplacé par la loi du 23 janvier 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/01/2003 pub. 13/03/2003 numac 2003009107 source service public federal justice Loi relative à la mise en concordance des dispositions légales en vigueur avec la loi du 10 juillet 1996 portant abolition de la peine de mort et modifiant les peines criminelles fermer, est remplacé par ce qui suit : '

Art. 352.Lorsque les moyens employés dans le but de faire avorter la femme qui n'y a pas consenti auront causé la mort, celui qui les aura administrés ou indiqués dans ce but sera condamné à la réclusion de dix ans à quinze ans. '.

Art. 7.Dans l'article 383 du même Code, modifié en dernier lieu par la loi du 26 juin 2000Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2000 pub. 29/07/2000 numac 2000003440 source ministere des finances Loi relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 26/06/2000 pub. 15/07/2000 numac 2000000537 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration et la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l'administration dans les provinces et les communes type loi prom. 26/06/2000 pub. 17/01/2001 numac 2001021025 source services du premier ministre Loi exécutant l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions fermer, les phrases ' Quiconque aura, soit par l'exposition, la vente ou la distribution d'écrits imprimés ou non, soit par tout autre moyen de publicité, préconisé l'emploi de moyens quelconques de faire avorter une femme, aura fourni des indications sur la manière de se les procurer ou de s'en servir ou aura fait connaître, dans le but de les recommander, les personnes qui les appliquent. ' et ' Quiconque aura exposé, vendu, distribué, fabriqué ou fait fabriquer, fait importer, fait transporter, remis à un agent de transport ou de distribution, annoncé par un moyen quelconque de publicité les drogues ou engins spécialement destinés à faire avorter une femme ou annoncés comme tels; ' sont abrogées ».

B.1.3. La loi attaquée modifie la législation sur les points suivants : l'interruption volontaire de grossesse est supprimée du Code pénal et est déplacée et inscrite dans une loi spécifique à l'interruption volontaire de grossesse, avec le maintien de sanctions pénales; la condition de « situation de détresse » de la femme enceinte est supprimée; le délai d'attente de six jours est nuancé; une obligation de renvoi est introduite; une nouvelle infraction est prévue pour celui qui empêche une femme d'accéder librement à un établissement de soins et l'interdiction de publicité est supprimée.

Les dispositions qui portent sur l'interruption volontaire de grossesse sans l'autorisation de la femme sont maintenues dans le Code pénal (voir les articles 348, 349 et 352 du Code pénal).

Quant à la recevabilité du recours B.2. La première partie requérante « Citoyens pour la vie / Burgers voor het leven » est une association de fait. Une telle association n'a pas la capacité pour introduire un recours en annulation devant la Cour.

Les sept autres parties requérantes sont des personnes physiques qui font valoir que la loi attaquée les touche directement en leur qualité d'homme marié, de père ou de mère, de grand-père ou de grand-mère, dès lors qu'elle permet à leurs filles ou petites-filles, actuelles ou futures, ou, le cas échéant, à leurs épouses de solliciter une interruption de grossesse ou qu'elle rend son accès plus aisé.

En ce qu'elle réglemente l'interruption volontaire de grossesse, la législation attaquée est susceptible d'affecter directement la vie familiale de ces parties requérantes. Celles-ci justifient de l'intérêt requis.

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.3. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 23, alinéa 1er, de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et à la lumière de l'article 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, du préambule de la Convention relative aux droits de l'enfant et de l'article 6, paragraphe 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Les parties requérantes soutiennent en substance qu'en supprimant dans certaines circonstances la protection du droit pénal prévue pour un enfant à naître, le législateur aurait porté atteinte au droit à la vie et à la dignité humaine de cet enfant à naître. Elles contestent le fait que, dans les matières éthiques, le législateur dispose d'une large marge d'appréciation.

B.4. L'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. 2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire : a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection ». L'article 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose : « La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée ».

L'article 6, paragraphe 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « Une sentence de mort ne peut être imposée pour des crimes commis par des personnes âgées de moins de 18 ans et ne peut être exécutée contre des femmes enceintes ».

B.5.1. Ni les articles 10, 11 et 23 de la Constitution ni les dispositions internationales invoquées dans le moyen n'établissent par eux-mêmes que l'être humain bénéficierait, dès sa conception, de la protection qu'ils garantissent.

Il ne peut, en particulier, être inféré des dispositions internationales conventionnelles invoquées par les parties requérantes que l'adhésion que l'Etat belge y a donnée emporte la garantie constitutionnelle de droits identiques aux personnes vivantes et aux enfants à naître. Sans doute certaines dispositions qui figurent dans plusieurs conventions invoquées par les parties requérantes imposent-elles aux Etats signataires de prendre des mesures propres à permettre qu'une grossesse puisse être normalement menée à son terme dans les meilleures conditions possibles. Il existe en outre, notamment dans le droit civil et dans le droit social belges, des dispositions législatives qui protègent les intérêts et la santé de l'enfant à naître dès sa conception.

Si l'obligation de respecter la vie impose au législateur de prendre des mesures pour protéger aussi la vie à naître, il ne peut cependant en être déduit que le législateur soit obligé, à peine de méconnaître les articles 10 et 11 de la Constitution, de traiter de manière identique l'enfant né et l'enfant à naître.

Par son arrêt Vo c. France du 8 juillet 2004, la grande chambre de la Cour européenne des droits de l'homme a jugé : « 80. Il ressort de ce rappel jurisprudentiel que dans les circonstances examinées par les organes de la Convention à ce jour, à savoir les législations régissant l'avortement, l'enfant à naître n'est pas considéré comme une ' personne ' directement bénéficiaire de l'article 2 de la Convention et que son ' droit ' à la ' vie ', s'il existe, se trouve implicitement limité par les droits et les intérêts de sa mère. Les organes de la Convention n'excluent toutefois pas que, dans certaines circonstances, des garanties puissent être admises au bénéfice de l'enfant non encore né; c'est ce que paraît avoir envisagé la Commission lorsqu'elle a considéré que ' l'article 8 § 1 ne peut s'interpréter comme signifiant que la grossesse et son interruption relèvent, par principe, exclusivement de la vie privée de la mère ' (Brüggemann et Scheuten précité, pp. 138-139, § 61), ainsi que la Cour dans la décision Boso précitée. Il résulte, par ailleurs, de l'examen de ces affaires que la solution donnée procède toujours de la confrontation de différents droits ou libertés, parfois contradictoires, revendiqués par une femme, une mère ou un père, entre eux, ou vis-à-vis de l'enfant à naître. [...] 82. [...] Il en résulte que le point de départ du droit à la vie relève de la marge d'appréciation des Etats dont la Cour tend à considérer qu'elle doit leur être reconnue dans ce domaine, même dans le cadre d'une interprétation évolutive de la Convention, qui est ' un instrument vivant, à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelles ' (voir l'arrêt Tyrer c. Royaume-Uni du 25 avril 1978, série A, n° 26, pp. 15-16, § 31, et la jurisprudence ultérieure). [...] 85. [...] la Cour est convaincue qu'il n'est ni souhaitable ni même possible actuellement de répondre dans l'abstrait à la question de savoir si l'enfant à naître est une ' personne ' au sens de l'article 2 de la Convention [...] » (CEDH, grande chambre, 8 juillet 2004, Vo c. France, § § 80, 82 et 85;voy. aussi grande chambre, 16 décembre 2010, A, B et C c. Irlande, § § 229-237).

Les articles 10, 11 et 23 de la Constitution n'imposent pas de considérer qu'un enfant à naître est juridiquement à tous égards l'égal d'une personne née et vivante.

B.5.2. Quant à l'article 5, § 4, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer « relative au mandat d'arrêt européen » qui exclut les faits d'interruption volontaire de grossesse et d'euthanasie de la qualification d'homicide volontaire, il vise, comme il est dit dans l'avis du Conseil d'Etat sur l'avant-projet de cette loi, « à prendre en compte la volonté exprimée au niveau européen d'écarter ces infractions de la liste de l'article 2, paragraphe 2 de la décision-cadre [2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 ' relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres '], même si cette volonté n'a pas été traduite explicitement dans la décision-cadre » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-279/001, pp. 14-15).

Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, il ne pourrait être déduit d'une interprétation a contrario de cette disposition que le législateur aurait voulu considérer comme un homicide une interruption volontaire de grossesse pratiquée en dehors des conditions légales.

Le même constat vaut pour l'interprétation a contrario que les parties requérantes formulent relativement à l'article 6, paragraphe 5, précité, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.6. Le premier moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le deuxième moyen B.7. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 23, alinéa 1er, de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 4, 5 et 10 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, et à la lumière des articles 1er et 3, paragraphe 2, b), de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 2, 6 et 17 de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme.

Les parties requérantes soutiennent que l'article 2, 5°, de la loi attaquée autoriserait une sélection entre les êtres humains selon qu'ils sont ou non atteints d'une affection grave et incurable, ce qui violerait l'interdiction de pratiques eugéniques ainsi que les dispositions conventionnelles protégeant les droits des personnes handicapées.

B.8. La Cour n'est pas compétente pour contrôler des normes législatives au regard de dispositions internationales qui ne lient pas la Belgique.

Tel est le cas de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme dont la violation est invoquée par les parties requérantes, de même que des recommandations du Comité des droits des personnes handicapées.

B.9.1. La Convention relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006 dispose : « [...] Article 4 Obligations générales 1. Les Etats Parties s'engagent à garantir et à promouvoir le plein exercice de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées sans discrimination d'aucune sorte fondée sur le handicap.[...] Article 5 Egalité et non-discrimination [...] 2. Les Etats Parties interdisent toutes les discriminations fondées sur le handicap et garantissent aux personnes handicapées une égale et effective protection juridique contre toute discrimination, quel qu'en soit le fondement. [...] Article 10 Droit à la vie Les Etats Parties réaffirment que le droit à la vie est inhérent à la personne humaine et prennent toutes mesures nécessaires pour en assurer aux personnes handicapées la jouissance effective, sur la base de l'égalité avec les autres. [...] ».

B.9.2. Il résulte de ce qui est dit en B.5.1 que les dispositions citées en B.9.1 ne sont pas applicables en l'espèce et qu'elles ne peuvent être invoquées comme normes de référence pour contrôler la validité de la disposition attaquée.

B.10. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, en ce qui concerne l'interdiction des pratiques eugéniques, la disposition attaquée ne vise ni à encourager ni à rendre obligatoire l'interruption de grossesse. Elle ne vise pas non plus à organiser un système de sélection des êtres humains.

La disposition attaquée permet uniquement à une femme enceinte de décider, de manière individuelle, de mettre ou non un terme à sa grossesse lorsqu'il est certain que l'enfant à naître sera atteint d'une affection d'une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du diagnostic prénatal.

B.11. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le troisième moyen B.12. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 19 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les parties requérantes reprochent en substance à l'article 2, 7°, attaqué de violer le droit à la liberté de conscience des médecins, en ce qu'il les obligerait à concourir indirectement à pratiquer une interruption de grossesse.

B.13. L'article 19 de la Constitution dispose : « La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés ».

L'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». B.14.1. Tout d'abord, il convient d'observer que l'article 2, 7°, de la loi attaquée dispose qu'« aucun médecin, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse ».

B.14.2. En prévoyant que, dans l'hypothèse où le médecin ne souhaite pas pratiquer une interruption de grossesse, il doit informer de son refus la femme qui lui demande d'intervenir et, ensuite, lui indiquer les coordonnées d'un autre médecin qu'elle pourrait consulter, le législateur respecte le droit de cette femme de demander, si elle le souhaite, une interruption de grossesse pratiquée sans risque dans un milieu médical sécurisé. Ce faisant, la disposition attaquée répond aussi à un objectif légitime de santé publique.

Les travaux préparatoires mentionnent ce qui suit : « S'agissant de la clause de conscience, le principe de base est que nul ne peut être contraint de procéder à une interruption de grossesse si cet acte va à l'encontre de sa conscience. [...] A l'heure actuelle, il existe plusieurs documents juridiques, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui soulignent l'importance d'une mise en balance minutieuse entre le respect de la clause de conscience, d'une part, et la garantie de la liberté de choix individuelle, d'autre part » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3216/003, pp. 50-51). « L'obligation pour le médecin objecteur de conscience de référer la patiente vers un collègue procède de la logique-même. La loi ne peut obliger personne à pratiquer un avortement, mais il importe, dans l'intérêt de la patiente, que celle-ci soit effectivement redirigée vers un autre praticien. Empêcher une femme d'avoir accès à une IVG sera désormais passible de sanctions » (ibid., p. 27). « L'objection de conscience du médecin ou du personnel soignant doit être respectée mais elle ne peut pas conduire à empêcher une femme d'interrompre sa grossesse dans les conditions légales. Il est dès lors important que le médecin qui refuse de pratiquer une IVG transmette à la femme les données de collègues susceptibles de la pratiquer » (ibid., p. 29).

B.14.3. Il en résulte que, par la disposition attaquée, le législateur a entendu respecter la liberté de conscience du médecin sans mettre en cause le droit à une assistance médicale de la femme qui se trouve dans les conditions fixées par la loi. Le législateur pouvait raisonnablement exiger que celui qui a l'intention de refuser de pratiquer une interruption de grossesse ne tarde pas à le dire et soit tenu de donner les informations utiles qui permettent de recourir à une interruption de grossesse avec une assistance médicale de qualité.

Cette obligation est légitime, nécessaire et proportionnée aux objectifs de la loi attaquée. Elle respecte la liberté de conscience du médecin et son choix de ne pas pratiquer l'interruption de grossesse, tout en respectant les droits de la femme.

B.15. Le troisième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le quatrième moyen B.16. Le quatrième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, et de l'article 19 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les parties requérantes reprochent à l'article 2, 7°, de la loi attaquée de ne pas mentionner les pharmaciens alors que les avortements en début de grossesse sont pratiqués au moyen de médicaments. Il en résulterait une discrimination entre les médecins et les auxiliaires médicaux visés par cette disposition qui auraient la possibilité de refuser de pratiquer un avortement ou d'y concourir et les pharmaciens qui n'en disposeraient pas.

B.17. Même si la première catégorie visée par les parties requérantes est amenée à pratiquer effectivement l'acte médical que constitue une interruption de grossesse, ce qui n'est pas le cas des pharmaciens, il suffit de constater que la liberté de conscience de ces derniers n'est en rien affectée par une disposition législative qui ne les vise pas et ne les contraint donc à aucune obligation au regard de la loi attaquée.

Du reste, l'article 35 du Code de déontologie pharmaceutique garantit une clause de conscience au bénéfice du pharmacien qui, pour ce motif, peut ne pas délivrer un médicament à un patient. Cette disposition prévoit cependant l'obligation pour le pharmacien d'informer le patient de l'officine où il peut se voir délivrer ce médicament.

B.18. Le quatrième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le cinquième moyen B.19. Le cinquième moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12, alinéa 2, et 19 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 7, paragraphe 1, et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les parties requérantes reprochent en substance à l'article 3, alinéa 2, de la loi attaquée de sanctionner pénalement celui qui tenterait de convaincre une femme enceinte de renoncer à son projet de pratiquer une interruption de grossesse, la disposition attaquée ne satisfaisant pas à l'exigence de précision, de clarté et de sécurité juridique imposée par le principe de la légalité en matière pénale.

B.20.1. L'article 12, alinéa 2, de la Constitution dispose : « Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit ».

L'article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise ».

B.20.2. En attribuant au pouvoir législatif la compétence pour déterminer dans quels cas des poursuites pénales sont possibles, l'article 12, alinéa 2, de la Constitution garantit à tout justiciable qu'aucun comportement ne sera punissable qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

En outre, le principe de légalité en matière pénale qui découle de la disposition constitutionnelle et de la disposition internationale précitée procède de l'idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable. Il exige que le législateur indique, en des termes suffisamment précis, clairs et offrant la sécurité juridique, quels faits sont sanctionnés, afin, d'une part, que celui qui adopte un comportement puisse évaluer préalablement, de manière satisfaisante, quelle sera la conséquence pénale de ce comportement et afin, d'autre part, que ne soit pas laissé au juge un trop grand pouvoir d'appréciation.

Toutefois, le principe de légalité en matière pénale n'empêche pas que la loi attribue un pouvoir d'appréciation au juge. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des lois, de la diversité des situations auxquelles elles s'appliquent et de l'évolution des comportements qu'elles répriment.

La condition qu'une infraction doit être clairement définie par la loi se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l'aide de son interprétation par les juridictions, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.

Ce n'est qu'en examinant une disposition pénale spécifique qu'il est possible de déterminer, en tenant compte des éléments propres aux infractions qu'elle entend réprimer, si les termes généraux utilisés par le législateur sont à ce point vagues qu'ils méconnaîtraient le principe de légalité en matière pénale.

B.21. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, l'article 3, alinéa 2, attaqué ne sanctionne pas la personne qui tente de convaincre une femme de ne pas recourir à l'interruption de grossesse. Il sanctionne seulement la personne qui empêche physiquement une femme d'accéder à un établissement de soins pratiquant l'interruption de grossesse. Les travaux préparatoires mentionnent : « La proposition de loi prévoit également de sanctionner la personne qui tente physiquement d'empêcher une femme d'accéder à un établissement de soins pratiquant des interruptions volontaires de grossesse » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3216/001, p. 4). « Il devient même punissable d'empêcher la femme de se rendre à l'endroit où un avortement peut être réalisé légalement. Ce qui constituait une infraction auparavant devient une faveur » (Ann., Chambre, 2017-2018, 4 octobre 2018, p. 71).

Il en résulte que les parties requérantes confèrent à la disposition attaquée une portée qu'elle n'a manifestement pas et lui donnent une interprétation contraire à son texte, tel qu'il est expliqué dans les travaux préparatoires.

B.22. Le cinquième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le sixième moyen B.23. Le sixième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 23, alinéa 1er, de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les parties requérantes soutiennent que l'abrogation, par l'article 7 de la loi attaquée, de l'interdiction de publicité pour les méthodes d'avortement serait contraire au droit à la vie. Elles considèrent que cette suppression aurait pour conséquence de contribuer à la banalisation et à la commercialisation de l'avortement et diminuerait la protection légale de la vie de l'enfant à naître.

B.24. Les parties requérantes n'indiquent pas comment la suppression de l'interdiction de la publicité pour les médicaments abortifs est susceptible d'avoir une incidence directe sur le droit à la vie, à supposer qu'il soit reconnu, de l'enfant à naître. Elles ne montrent pas davantage comment le maintien de cette interdiction aurait pour effet de restreindre le recours à l'interruption volontaire de grossesse.

La levée de l'interdiction de la publicité pour les médicaments abortifs a pour objectif de fournir aux femmes une information de qualité et ainsi de leur permettre de bénéficier de soins de qualité.

Cette abrogation procède donc d'une nécessité d'information et non de la volonté de faire de la publicité pour des médicaments au sens commercial et mercantile du terme.

Il convient enfin d'observer que la publicité relative aux produits pharmaceutiques fait l'objet d'une réglementation dans la loi du 25 mars 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/03/1964 pub. 21/06/2011 numac 2011000361 source service public federal interieur Loi sur les médicaments Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 25/03/1964 pub. 11/12/2017 numac 2017031760 source agence federale des medicaments et des produits de sante Loi sur les médicaments - Publication conformément à l'article 13bis, § 2quinquies, dernier alinéa, des montants indexés des contributions et rétributions fermer « sur les médicaments » et dans l'arrêté royal du 7 avril 1995 « relatif à l'information et à la publicité concernant les médicaments à usage humain ».

B.25. Le sixième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le septième moyen B.26. Le septième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 23, alinéa 1er, de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les parties requérantes soulèvent ce moyen à titre infiniment subsidiaire, si la Cour devait rejeter le premier moyen.

Elles soutiennent que, par la loi attaquée, le législateur a rompu le juste équilibre instauré par la loi du 3 avril 1990 « relative à l'interruption de grossesse, modifiant les articles 348, 350, 351 et 352 du Code pénal et abrogeant l'article 353 du même Code », entre le droit à la vie de l'enfant à naître et le droit à l'autodétermination de la femme.

Les parties requérantes critiquent en particulier la suppression de la condition légale de « situation de détresse » de la femme enceinte, anciennement exigée par l'article 350 du Code pénal. Elles reprochent aussi à la loi de sanctionner celui qui « tente de convaincre » une femme de renoncer à son projet et, enfin, elles critiquent la suppression de l'interdiction de la publicité pour les médicaments abortifs.

B.27.1. Par son arrêt A, B et C c. Irlande du 16 décembre 2010, la grande chambre de la Cour européenne des droits de l'homme a jugé : « 212. La Cour observe que la notion de ' vie privée ' au sens de l'article 8 de la Convention est une notion large, qui englobe notamment le droit à l'autonomie personnelle et le droit au développement personnel (Pretty, précité, § 61). Elle recouvre des éléments tels que, par exemple, l'identification sexuelle, l'orientation sexuelle et la vie sexuelle (voir, par exemple, Dudgeon c. Royaume-Uni, 22 octobre 1981, § 41, série A n° 45, et Laskey, Jaggard et Brown c.Royaume-Uni, 19 février 1997, § 36, Recueil 1997-I), l'intégrité physique et morale de la personne (TysiCxc, précité, § 107), ainsi que le droit au respect des décisions de devenir ou de ne pas devenir parent, notamment au sens génétique du terme (Evans, précité, § 71). 213. Se référant à la jurisprudence de l'ancienne Commission, la Cour a conclu dans des affaires précédentes que la législation relative à l'interruption de grossesse touchait au domaine de la vie privée de la femme enceinte.Elle a souligné que l'article 8 § 1 ne pouvait s'interpréter comme signifiant que la grossesse et son interruption relèvent exclusivement de la vie privée de la future mère, la vie privée d'une femme enceinte devenant étroitement associée au foetus qui se développe. Elle considère que le droit de la femme enceinte au respect de sa vie privée devrait se mesurer à l'aune d'autres droits et libertés concurrents, y compris ceux de l'enfant à naître (Tysiac, précité, § 106, et Vo, précité, § § 76, 80 et 82) » (CEDH, grande chambre, 16 décembre 2010, A, B et C c. Irlande, § § 212-213).

B.27.2. Les travaux préparatoires mentionnent : « L'avortement ne doit plus relever des ' crimes contre l'ordre des familles et la morale publique ' mais de la protection de la personne.

L'avortement ne doit plus être considéré comme une ' infraction sauf exception ' » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3216/001, p. 4). « Une nouvelle étape importante pourra être franchie, après tant d'années, dans la dépénalisation de l'avortement : le droit à l'avortement devient un fait, moyennant le respect de certaines conditions. Il convient en effet d'éviter l'apparition de dérives et de respecter les équilibres entre, d'une part, le droit incontestable des femmes à disposer de leur propre corps et la liberté de décider du moment d'être mère, et d'autre part, la dimension éthique.

La proposition de loi représente une grande avancée pour toutes les femmes qui choisiront un jour de recourir à l'avortement. Elle garantit également que cette décision difficile, qui n'est jamais prise à la légère, ne soit plus synonyme d'indice de culpabilité » (ibid., DOC 54-3216/003, p. 14). « Le fait de sortir l'avortement du droit pénal signifie que l'on respecte la dignité et l'autonomie des femmes, et que l'interruption de la grossesse est un droit de la femme. [...] [Grâce] à la suppression de l'exigence de la démonstration d'une situation de détresse, les femmes ne devront plus se justifier. Il s'agit là aussi d'une plus grande reconnaissance de la liberté de choix individuelle » (ibid., p. 26). « [La] proposition [...] réalise un bel équilibre entre la protection de l'enfant à naître et [...] la vie et la protection de la femme. [...] Grâce à la proposition [...], les femmes seront moins stigmatisées. Par ailleurs, la proposition de loi ne banalise pas non plus l'avortement. Celui-ci est retiré du Code pénal mais les sanctions pénales sont maintenues. Si les conditions ne sont pas remplies, l'avortement reste donc passible de sanctions pénales » (ibid., pp. 29-30).

B.27.3. Le législateur a recherché, par la loi attaquée, un équilibre entre, d'une part, les droits fondamentaux de la femme enceinte et, d'autre part, les préoccupations éthiques qu'un Etat doit garantir.

B.27.4. La suppression de la condition légale de la « situation de détresse » a été justifiée par le fait que cet élément n'était pas objectif et qu'il n'aidait pas la femme à prendre sa décision et à réfléchir à son choix.

Dans son avis L.19.407/9 donné le 27 octobre 1989 sur une autre proposition de loi relative à l'interruption de grossesse, la section de législation du Conseil d'Etat a observé : « Il convient, dès lors, de supprimer, dans les textes précités de la proposition, la notion de ' situation ou état de détresse ' qui, faute de pouvoir être définie de manière précise et objective, n'a aucune portée juridique ».

Le législateur a ainsi supprimé cette notion pour la remplacer par la seule volonté délibérée et intime de la femme désirant recourir à une interruption de grossesse.

Plusieurs passages des travaux préparatoires mentionnent les motifs pour lesquels cette condition a été supprimée et notamment : « Tout comme les auteurs de chacune de ces six propositions présentées par des partis politiques, dont [l'orateur] a connaissance, il estime que la notion d'' état de détresse ' doit être supprimée et remplacée par le constat de la détermination de la femme à vouloir, en l'absence de toute pression extérieure exercée sur elle, mettre fin à sa grossesse ». « L'orateur plaide pour que la notion d'' état de détresse ' ne soit plus utilisée, car elle n'est pas quantifiable ». « La notion d'' état de détresse ' doit être supprimée et remplacée par celle de ' parenté responsable ' - La notion d'' état de détresse ' est très imprécise sous l'angle juridique, est paternaliste et attise un sentiment de culpabilité ». « La notion d'état de détresse évoquée dans la loi de 1990 comme critère de décision pour une IVG est à la fois vague et subjective. La détresse est un continuum allant d'un sentiment de vulnérabilité, de tristesse, de peur, jusqu'à des signes plus graves comme une anxiété, des attaques de panique ou une dépression. Cette notion fait aussi appel à une notion très paternaliste. Il convient dès lors de supprimer l'état de détresse » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3216/003, respectivement, pp. 53, 74, 85 et 126-127).

B.27.5. Quant à la sanction applicable en cas d'entrave à l'accès à un établissement pratiquant l'interruption de grossesse, le moyen n'est pas fondé pour les motifs mentionnés en B.21.

B.27.6. En tant qu'il vise la suppression de l'interdiction de la publicité pour les médicaments abortifs, le moyen n'est pas fondé pour les motifs mentionnés en B.24.

B.28. Le septième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 24 septembre 2020.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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