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Arrêt
publié le 19 janvier 2004

Extrait de l'arrêt n° 164/2003 du 17 décembre 2003 Numéro du rôle : 2462 En cause : le recours en annulation des articles 87 à 94 et 168 de la loi-programme du 30 décembre 2001, introduit par la s.p.r.l. Centre de médecine et de diagnostic La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, A.(...)

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Extrait de l'arrêt n° 164/2003 du 17 décembre 2003 Numéro du rôle : 2462 En cause : le recours en annulation des articles 87 à 94 et 168 de la loi-programme du 30 décembre 2001Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 30/12/2001 pub. 31/12/2001 numac 2001003669 source ministere des finances Loi-programme fermer, introduit par la s.p.r.l. Centre de médecine et de diagnostic par radioisotopes et par l'Union professionnelle belge des médecins spécialistes en médecine nucléaire.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 26 juin 2002 et parvenue au greffe le 27 juin 2002, la s.p.r.l. Centre de médecine et de diagnostic par radioisotopes, dont le siège social est établi à 1030 Bruxelles, square Vergote 31, et l'Union professionnelle belge des médecins spécialistes en médecine nucléaire, dont le siège est établi à 1050 Bruxelles, avenue de la Couronne 20, ont introduit un recours en annulation des articles 87 à 94 et 168 de la loi-programme du 30 décembre 2001Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 30/12/2001 pub. 31/12/2001 numac 2001003669 source ministere des finances Loi-programme fermer (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2001). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions entreprises B.1. Les articles 87 à 94 de la loi-programme du 30 décembre 2001Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 30/12/2001 pub. 31/12/2001 numac 2001003669 source ministere des finances Loi-programme fermer disposent : «

Art. 87.§ 1er. Les articles 87 à 94 de la présente loi ont pour but d'établir le tarif et le mode de paiement de la redevance visée à l'article 179, § 2, 11o, de la loi du 8 août 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1980 pub. 11/12/2007 numac 2007000980 source service public federal interieur Loi spéciale de réformes institutionnelles Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux propositions budgétaires 1979-1980. § 2. Pour l'application du présent chapitre, il faut entendre par : - l'Organisme : l'Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies, en abrégé : ONDRAF, créé par l'article 179, § 2, de la loi du 8 août 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1980 pub. 11/12/2007 numac 2007000980 source service public federal interieur Loi spéciale de réformes institutionnelles Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux propositions budgétaires 1979-1980; - règlement général de protection contre les radiations ionisantes : l'arrêté royal du 28 février 1963 portant règlement général de la protection de la population et des travailleurs contre le danger des radiations ionisantes, et à partir du 1er septembre 2001, l'arrêté royal du 20 juillet 2001 portant règlement général de la protection de la population, des travailleurs et de l'environnement contre le danger des rayonnements ionisants; - inventaire : l'inventaire établi et tenu à jour par l'Organisme en application de l'article 179, § 2, 2o, de la loi précitée du 8 août 1980; - redevables : les exploitants, les détenteurs ou, à défaut, les propriétaires des installations, sites, substances et matières, qui sont débiteurs de la redevance visée à l'article 179, § 2, 11o, de la loi précitée du 8 août 1980; - Comité technique permanent : le comité vise par l'article 13, § 4, de l'arrêté royal du 30 mars 1981 déterminant les missions et fixant les modalités de fonctionnement de l'organisme public de gestion des déchets radioactifs et des matières fissiles; - le ministre : le ministre ayant l'Energie dans ses attributions.

Art. 88.Sont soumis à l'obligation d'établissement et de tenue à jour d'un inventaire : 1o les installations nucléaires des classes I, II et III, autorisées sur la base du règlement général de protection contre les radiations ionisantes, et les substances et matières radioactives qu'elles contiennent; 2o d'autres sites contaminés, des sites où sont entreposés des substances radioactives, des installations contaminées et/ou activées et leurs substances et matières radioactives en quantités ou concentrations qui ne peuvent être négligées pour des raisons de radioprotection. Les installations et sites qui tombent sous l'inventaire peuvent être en exploitation, à l'arrêt ou se trouver respectivement en démantèlement ou en assainissement.

Art. 89.Le produit de la redevance, visée à l'article 179, § 2, 11o, de la loi précitée du 8 août 1980, est destiné exclusivement à couvrir la totalité des coûts liés à l'établissement et à la tenue à jour de l'inventaire.

Art. 90.§ 1er. Le montant de la redevance, visée à l'article 179, § 2, 11o, de la loi précitée du 8 août 1980, à payer annuellement, est fixé à : 1o 49.578,70 EUR par réacteur nucléaire destiné à la production d'électricité; 2o 24.789,35 EUR par installation d'entreposage de combustible irradié en dehors des bassins de réacteurs nucléaires; 3o 74.368,06 EUR par usine de retraitement de combustible irradié; 4o 49.578,70 EUR par site sur lequel se trouvent des installations autorisées, dont les activités consistent principalement dans le traitement, le conditionnement et/ou l'entreposage de déchets radioactifs; 5o 24.789,35 EUR par réacteur nucléaire destiné à la recherche, sauf quand le réacteur fait partie des installations d'un établissement d'enseignement agréé visées au point 10. Dans ce dernier cas, le montant à payer annuellement est limité à 4.957,87 EUR; 6o 24 789,35 EUR par centre de recherche qui n'est pas un établissement d'enseignement agréé et qui exploite ou possède plusieurs installations et/ou sites où des substances radioactives sont mises en oeuvre; 7o 14.873,61 EUR par usine de fabrication de combustible nucléaire; 8o 12.394,68 EUR par établissement où des substances radioactives sont produites à partir de combustible irradié et où elles sont conditionnées pour la vente; 9o 4.957,87 EUR par installation où un ou plusieurs accélérateurs de particules d'une énergie => 11 MeV sont exploités; 10o 2.478,94 EUR pour les installations d'un établissement d'enseignement où l'on fait usage de substances ou de matières radioactives pour l'exécution d'activités de recherche dans le domaine nucléaire; 11o 619,73 EUR pour chaque installation nucléaire et chaque site contenant des substances radioactives, qui appartiennent à la classe II visée au règlement général de protection contre les radiations ionisantes, mais qui n'appartiennent pas aux points 1o à 10o; 12o 123,95 EUR pour chaque installation nucléaire et chaque site contenant des substances nucléaires, qui appartiennent à la classe III visée au règlement général de protection contre les radiations ionisantes, mais qui n'appartiennent pas aux points 1o a 11o; 13o 12.394,68 EUR par installation nucléaire et par site contenant des substances radioactives et qui ne sont pas repris aux points 1o à 12o, lorsque le coût d'assainissement et de démantèlement est évalué par l'Organisme à 24.789.352,48 EUR ou plus; la redevance est de 2.478,94 EUR lorsque le coût d'assainissement et de démantèlement est évalué par l'Organisme à plus de 2.478.935,25 EUR mais moins de 24.789.352,48 EUR; la redevance est de 1.239,47 EUR lorsque le coût d'assainissement et de démantèlement est évalué par l'Organisme à 2.478.935,25 EUR ou moins. § 2. Les éléments d'article figurant à la première ligne ainsi que dans la première ou quatrième colonne des lignes suivantes du tableau ci-dessous, se rapportent à la présente loi. Pour les montants exprimés en euro dans la deuxième colonne du tableau, les montants exprimés en francs belges dans la troisième colonne sont valables à partir du 27 juillet 2000 jusqu'au 31 décembre 2001.

Art. 90 EUR BEF 1o 49.578,70 2 000 000 2o 24.789,35 1 000 000 3o 74.368,06 3 000 000 4o 49.578,70 2 000 000 5o 24.789,35 1 000 000 4.957,87 200 000 6o 24.789,35 1 000 000 7o 14.873,61 600 000 8o 12.394,68 500 000 9o 4.957,87 200 000 10o 2.478,94 100 000 11o 619,73 25 000 12o 123,95 5 000 13o 12. 394,68 500 000 24.789. 352,48 1 000 000 000 2. 478,94 100 000 2.478.935,25 100 000 000 24.789.352,48 1 000 000 000 1.239,47 50 000 2.478.935,25 100 000 000 § 3. Les installations qui disposent uniquement d'une autorisation pour les paratonnerres ne doivent pas payer de contribution. § 4. Quand plusieurs installations et/ou sites contenant des substances radioactives sont de la responsabilité d'un même exploitant, détenteur ou propriétaire, les règles suivantes sont d'application : 1o si l'une ou plusieurs de ces installations sont de la classe I, l'exploitant, le détenteur ou le propriétaire doit payer les montants suivants : - le montant mentionné au § 1er pour chacune des installations de la classe I; - un montant pour l'ensemble des autres installations et sites, notamment le montant le plus élevé mentionné au § 1er pour les installations et sites concernés; 2o si aucune de ces installations n'est de la classe I, l'exploitant, le détenteur ou le propriétaire ne doit payer qu'un seul montant, notamment le montant le plus élevé mentionné au § 1er pour les installations et sites concernés. § 5. Les montants fixés au § 1er sont d'application pour l'année 2000.

Ces montants sont indexés annuellement selon la formule suivante : Mn = M1 x (In/104,61).

Dans cette formule, les symboles ont la signification suivante : M1 : montant au 1er janvier 2000;

Mn : montant au 1er janvier de l'année n;

In : l'indice des prix à la consommation en application le 1er janvier de l'année n.

Art. 91.§ 1er. A partir de l'année 2001, l'Organisme adresse, au cours du premier trimestre de chaque année, à chaque redevable, un avertissement de paiement qui mentionne le montant de la redevance à payer. L'Organisme y ajoute un extrait de l'inventaire, contenant au moins les informations suivantes du bien à assainir auquel le paiement se rapporte : la référence à une des catégories mentionnées à l'article 90, la preuve de l'obligation d'inventaire et le mode de calcul du montant fixé. Le montant de la redevance à payer annuellement est dû au numéro de compte de l'Organisme mentionné dans l'avertissement de paiement dans les deux mois suivant la date de réception de celui-ci, sauf quand l'article 92 est d'application. Dans ce dernier cas, le paiement a lieu dans le mois après la décision du Ministre. Les avertissements de paiement échus et non satisfaits sont majorés de plein droit des intérêts légaux. § 2. Pour l'année 2000 et 2001, les avertissements de paiement, que l'Organisme a adressé en 2000 et en 2001 à chaque redevable sur base de l'article 5 de l'arrêté royal du 31 mai 2000 fixant les redevances au profit de l'Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies pour l'établissement et la mise à jour d'un inventaire de toutes les installations nucléaires et de tous les sites contenant des substances radioactives, sont considérés comme des avertissements de paiement visés au § 1er de cet article. § 3. Les redevances qui, sur base de la présente loi, sont dues pour l'année 2000 et 2001 sont compensées par les redevances déjà payées sur base de l'arrête royal du 31 mai 2000 fixant les redevances au profit de l'Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies pour l'établissement et la mise à jour d'un inventaire de toutes les installations nucléaires et de tous les sites contenant des substances radioactives, mais qui deviennent non redevables en raison de l'abrogation de l'arrêté royal précité sur base de l'article 94, § 1er.

Art. 92.Dans les 30 jours après réception de l'avertissement de paiement, le redevable peut exercer, par lettre recommandée, un recours auprès du ministre contre la redevance réclamée, s'il est d'avis que la créance n'est pas valide, que l'installation, le site, les substances ou les matières ne tombent pas sous l'inventaire ou que le montant imputé n'est pas correct. Le ministre rend une décision dans les 90 jours suivant la date d'envoi du recours.

Art. 93.L'Organisme rédige chaque année un aperçu des montants perçus l'année précédente et des dépenses liées à l'établissement et la tenue à jour de l'inventaire, ainsi qu'une description des travaux exécutés.

Il tient à cet effet une comptabilité appropriée. Il établit, à titre d'information, un rapport technique et un décompte financier à destination du Comité technique permanent.

Sur la base de ces informations, l'Organisme évalue les montants fixés à l'article 90 et formule, si nécessaire, des recommandations à l'attention du ministre visant à adapter ces montants. Au plus tard le 30 juin de chaque année, l'Organisme transmet l'aperçu, la description des travaux effectués et son évaluation au Ministre, qui les communique au Conseil des ministres.

Art. 94.§ 1er. L'arrêté royal du 31 mai 2000 fixant les redevances au profit de l'Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies pour l'établissement et la mise à jour d'un inventaire de toutes les installations nucléaires et de tous les sites contenant des substances radioactives, est abrogé. § 2. L'article 179, § 2, 11o, alinéa 3, de la loi du 8 août 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1980 pub. 11/12/2007 numac 2007000980 source service public federal interieur Loi spéciale de réformes institutionnelles Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux propositions budgétaires 1979-1980, est abroge. » L'article 168 de la même loi dispose : « La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2002, à l'exception de : [...] - les articles 87 à 94 qui produisent leurs effets le 27 juillet 2000; [...] ».

Sur le premier moyen B.2. Le premier moyen est pris de la violation par les articles 87 à 94 et 168 de la loi-programme du 30 décembre 2001Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 30/12/2001 pub. 31/12/2001 numac 2001003669 source ministere des finances Loi-programme fermer des articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 13, 33, 144, 145, 146, 160, 184 et 190 de la Constitution, avec les articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 1er de son Premier Protocole additionnel, avec l'article 14 du Pacte international du 19 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques, avec les principes de la séparation des pouvoirs, de sécurité juridique et de confiance légitime et avec l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

Les parties requérantes considèrent que les dispositions attaquées constituent, par la portée rétroactive qui leur est conférée, une validation législative de l'arrêté royal du 31 mai 2000 qui aurait pour effet d'influer sur des procédures juridictionnelles en cours alors que cette validation ne serait pas justifiée par des motifs impérieux.

B.3. La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que le justiciable puisse prévoir, à un degré raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte se réalise.

La rétroactivité peut uniquement être justifiée lorsqu'elle est indispensable pour réaliser un objectif d'intérêt général, comme le bon fonctionnement ou la continuité du service public. S'il s'avère en outre que la rétroactivité a pour effet d'influencer dans un sens déterminé l'issue d'une ou de plusieurs procédures judiciaires ou d'empêcher les juridictions de se prononcer sur une question de droit déterminée, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles justifient cette intervention du législateur qui porte atteinte, au détriment d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

B.4.1. En reproduisant le contenu de l'arrêté royal du 31 mai 2000, les articles attaqués de la loi du 30 décembre 2001 précitée ne peuvent en aucun cas mettre en cause des décisions passées en force de chose jugée. Ils pourraient cependant faire perdre l'intérêt qu'ont les parties, qui ont attaqué devant le Conseil d'Etat la décision du ministre prise sur la base de l'article 6 de cet arrêté royal, à poursuivre les procédures qui n'ont pas donné lieu à une décision sur le fond passée en force de chose jugée.

B.4.2. Il s'ensuit que les dispositions attaquées peuvent affecter des litiges en cours et porter ainsi atteinte à des garanties juridictionnelles au détriment de la catégorie de citoyens qui ont introduit de tels litiges.

B.4.3. Toutefois, il ne s'ensuit pas nécessairement que les articles 10 et 11 de la Constitution seraient violés.

B.5.1. En réglant dans une loi le financement de l'Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF) pour sa mission relative à l'établissement et à la mise à jour d'un inventaire de toutes les installations nucléaires et de tous les sites contenant des substances radioactives, le législateur a entendu exercer lui-même une compétence qui lui appartient. La seule existence d'un recours devant le Conseil d'Etat contre une mesure d'exécution de l'arrêté royal confirmé n'empêche pas que les dispositions de celui-ci puissent être refaites avant même qu'il ait été statué sur ce recours.

B.5.2. En l'espèce, le moyen dirigé contre la décision du ministre prise sur la base de l'arrêté royal du 31 mai 2000 est pris, en substance, de la violation des articles 170, 171, 172 et 173 de la Constitution en ce que les redevances prévues par ledit arrêté royal ne seraient pas valides parce qu'il ne s'agirait pas de rétributions mais d'impôts, lesquels ne peuvent être prévus que par une loi. La violation alléguée, à la supposer établie, ne peut faire naître en faveur des parties qui ont contesté la validité de l'arrêté précité le droit intangible d'être dispensées à jamais de payer une « redevance » alors même que le paiement de celle-ci serait fondé sur un acte nouveau dont la régularité serait incontestable. Cet acte nouveau ne serait inconstitutionnel que s'il violait lui-même les articles 10 et 11 de la Constitution, éventuellement combinés avec le principe général de non-rétroactivité des lois.

B.5.3. L'existence même du présent recours démontre que, si l'intervention du législateur peut avoir une influence sur le recours introduit devant le Conseil d'Etat, elle ne prive pas les parties requérantes du droit de soumettre à une juridiction l'inconstitutionnalité de la loi par laquelle le législateur a exercé la compétence qu'il avait initialement déléguée.

B.6.1. Ainsi qu'il apparaît des travaux préparatoires des dispositions attaquées, celles-ci sont justifiées, tant à propos de la technique retenue que de l'effet rétroactif, par « le souci de garantir la sécurité juridique, d'assurer la seule source de financement de l'ONDRAF pour la mission concernée, de garantir la continuité et le bon fonctionnement d'un service public, et de faire exercer, par le législateur lui-même, un pouvoir que ce dernier avait délégué au Roi » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50 1503/001, p. 38).

B.6.2. Encore faut-il que la rétroactivité n'ait pas d'effets disproportionnés. Les articles entrepris de la loi du 30 décembre 2001 reproduisent les dispositions ayant déjà fait l'objet de l'arrêté royal du 31 mai 2000. Les personnes physiques ou morales soumises à l'application des dispositions législatives attaquées ne peuvent donc pas être surprises par ces dispositions. En outre, la réintroduction, avec effet rétroactif, des dispositions ayant déjà fait l'objet de l'arrêté royal du 31 mai 2000 vise à renforcer le fondement légal de celles-ci, les personnes concernées pouvant toujours, comme rappelé en B.5.3, contester la constitutionnalité des dispositions législatives.

La rétroactivité n'a donc pas, en l'espèce, d'effets disproportionnés.

B.7. Le premier moyen n'est pas fondé.

Sur les deuxième et troisième moyens réunis B.8.1. Les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées créent plusieurs discriminations à leur égard dans la mesure où les exploitants de centres médicaux « in vivo » doivent payer la même redevance que d'autres exploitants d'installations de classe II alors que, selon elles, ces centres médicaux ne produiraient pas de déchets radioactifs et qu'il n'y aurait pas d'inventaire à établir.

Une seconde discrimination proviendrait de ce que les exploitants de centres médicaux « in vivo » paient une redevance plus élevée que les exploitants de centres médicaux « in vitro » alors que ces derniers produiraient, selon les parties requérantes, plus de déchets et que le travail d'inventaire à effectuer serait plus important. Enfin, les centres médicaux qui n'exploitent qu'une seule installation nucléaire seraient redevables du même montant que les centres hospitaliers qui en exploitent plusieurs : ceci serait constitutif d'une troisième discrimination injustifiée au regard des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.8.2.1. Dans le troisième moyen, les parties requérantes soutiennent encore que les dispositions attaquées violent les articles 10 et 11, lus isolément et en combinaison avec les articles 170 à 173, de la Constitution parce que, contrairement à la terminologie utilisée par la loi-programme, le prélèvement qui est créé par les dispositions attaquées ne peut être qualifié de « redevance » et constituerait en réalité un impôt. Les dispositions légales seraient dès lors inconstitutionnelles puisqu'elles créeraient un impôt qui serait perçu par et au profit d'une autorité qui ne ferait pas partie des autorités visées à l'article 173 de la Constitution.

B.8.2.2. La Cour doit donc d'abord examiner la nature exacte du prélèvement contesté.

B.8.3. Les parties requérantes considèrent que la contribution en cause ne peut être qualifiée de redevance puisqu'aucun service ne leur serait rendu par l'ONDRAF; que ce service, à supposer qu'il fût rendu, ne serait pas facultatif et n'aurait pas fait l'objet d'une demande de la part du redevable; qu'enfin, le montant de la contribution serait sans proportion avec le service prétendument fourni. Les parties requérantes considèrent dès lors que la contribution litigieuse constituerait un impôt au sens de l'article 170 de la Constitution.

Elles en concluent que seules les autorités visées aux articles 170 et 173 de la Constitution peuvent percevoir un impôt et que, l'ONDRAF ne faisant pas partie de ces autorités, la contribution litigieuse constituerait une atteinte discriminatoire aux articles constitutionnels susvisés puisqu'elle serait due par des contribuables au profit d'une autorité qui ne dispose pas du pouvoir de la percevoir.

B.8.4.1. Une redevance est la contrepartie d'un service accompli par l'autorité au bénéfice du redevable considéré isolément. Un prélèvement imposé d'office par les autorités visées aux articles 170 et 173 de la Constitution qui n'est pas de cette nature doit être qualifié d'impôt.

En l'espèce, les établissements visés à l'article 88 attaqué ne sont pas les bénéficiaires d'un service quelconque fourni à leur avantage personnel.

B.8.4.2. L'obligation d'établir et de mettre à jour un inventaire justifierait, selon le Conseil des ministres, le paiement de la « redevance » destinée, aux termes de l'article 89 de la loi en cause, « exclusivement à couvrir la totalité des coûts liés à l'établissement et à la tenue à jour de l'inventaire ». Cette obligation pourrait procurer un avantage à certains contributeurs de l'ONDRAF. Le Rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 31 mai 2000 expose : « Grâce à l'inventaire, chaque redevable disposera en temps voulu d'une estimation réaliste des coûts futurs de démantèlement et d'assainissement en vue de les incorporer dans le calcul du prix de ses prestations et de constituer les provisions nécessaires pour leur financement. [...] En outre, si un exploitant détenteur ou propriétaire néglige de prendre des mesures de précaution, il court le risque d'être confronté avec l'impact financier de l'assainissement à un moment inopportun, par exemple lors de l'arrêt de l'exploitation, à l'occasion de la vente du site contaminé radioactivement ou à l'occasion d'une intervention d'assainissement imposée par les autorités de sûreté. » (Moniteur belge du 27 juillet 2000, p. 25968) B.8.4.3. Cet avantage, cependant, à supposer qu'il soit établi, n'est qu'une conséquence éloignée et indirecte de l'existence du service universel et ne constitue pas la contrepartie directe du paiement des contributions à l'ONDRAF. B.8.5. Il résulte de ceci que la contribution litigieuse est un impôt au sens de l'article 170 de la Constitution. Cette qualification n'est pas remise en cause par la circonstance que le produit de cette contribution sert à réaliser un objectif spécifique, à savoir dresser et tenir à jour un inventaire de l'ensemble des installations nucléaires et sites contenant des substances radioactives, et que cette contribution est versée à cet effet à l'ONDRAF, qui a été chargé par la loi-programme du 12 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 12/12/1997 pub. 18/12/1997 numac 1997021410 source services du premier ministre Loi-programme portant des dispositions diverses fermer de cette nouvelle mission.

L'article 179, § 2, de la loi du 8 août 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1980 pub. 11/12/2007 numac 2007000980 source service public federal interieur Loi spéciale de réformes institutionnelles Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux propositions budgétaires 1979-1980, tel qu'il a été remplacé par l'article unique de la loi du 11 janvier 1991, qui dispose que l'ONDRAF est en effet chargé de la gestion de tous les déchets radioactifs « en vue de garantir et d'assurer la protection des travailleurs, de la population et de l'environnement », confirme que la mission de cet organisme public est accomplie non pas au bénéfice des entreprises contributrices mais au bénéfice de la collectivité tout entière.

B.9.1. La contribution due par les établissements visés à l'article 88 de la loi litigieuse ne constituant pas une redevance, son montant n'a pas à être proportionné au coût d'un service : l'argument tiré par les parties requérantes de l'absence de proportion des montants et des droits en cause ne peut être accueilli.

B.9.2. Le législateur prendrait cependant une mesure discriminatoire s'il soumettait, sans justification, à un même impôt des contribuables se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, seraient essentiellement différentes.

B.9.3. En l'espèce, les parties requérantes considèrent que toutes les installations de la classe II dont relèvent les laboratoires de médecine nucléaire pratiquant des analyses in vivo sont soumises à la même contribution alors que certaines d'entre elles ne produiraient pas de déchets radioactifs.

Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, il ressort de l'article 90, § 1er, de la loi litigieuse que les installations de la classe II ont été divisées en trois groupes, respectivement repris au 9o, 10o et 11o de la disposition précitée, les deux premiers groupes devant payer une contribution plus importante que le troisième auquel appartient la première partie requérante. A cet égard, le second moyen manque en fait.

Par ailleurs, les parties requérantes ne peuvent déduire du rapport établi par Controlatom (dont les missions ne sont pas les mêmes que celles de l'ONDRAF), selon lequel la s.p.r.l. Centre de médecine et de diagnostic par radioisotopes n'est plus soumise au contrôle de Controlatom, que cette s.p.r.l. ne relève plus de la compétence de contrôle de l'ONDRAF et que le démantèlement de cette exploitation ne devrait pas être opéré.

Quant à la discrimination qui résulterait, selon les parties requérantes, de ce que les centres médicaux de taille importante qui exploitent plusieurs installations nucléaires ne doivent payer qu'une redevance alors que les centres médicaux qui exploitent une seule installation doivent supporter la même charge, on peut considérer que, compte tenu des missions confiées à l'ONDRAF et rappelées en B.8.5, les frais pour l'établissement et la mise à jour d'un inventaire n'augmentent pas de façon proportionnelle au nombre d'installations dans l'hypothèse où ces exploitations relèvent de la responsabilité d'un même exploitant. En effet, les frais liés à l'inventaire sont déterminés sur la base des charges administratives et de l'analyse des garanties financières qui sont fournies par cette personne morale.

B.10. Les parties requérantes considèrent enfin que la contribution en cause n'est pas versée à l'Etat, aux communautés, aux régions, aux provinces, aux communes, aux polders ou aux wateringues, qui ont seuls compétence pour établir des impôts, mais bien à un organisme public dont la personnalité juridique se distingue de ces autorités, de sorte que les articles 170 et 173 de la Constitution auraient été violés en l'espèce et que, partant, les entreprises contributrices auraient fait l'objet d'une application discriminatoire, par rapport à l'ensemble des contribuables, du principe de la légalité des impôts.

Le fait que le prélèvement litigieux est affecté directement à l'ONDRAF en vue de réaliser des objectifs décrits dans la loi ne fait pas perdre à ce prélèvement son caractère d'impôt.

B.11. Les deuxième et troisième moyens ne sont pas fondés.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 17 décembre 2003.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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