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Arrêt
publié le 14 juin 2004

Extrait de l'arrêt n° 99/2004 du 2 juin 2004 Numéro du rôle : 2729 En cause : le recours en annulation de l'article 437 de la loi-programme du 24 décembre 2002 (retenue sur le montant de la prime Copernic), introduit par J. Lizen. La(...) composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, (...)

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14/06/2004
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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 99/2004 du 2 juin 2004 Numéro du rôle : 2729 En cause : le recours en annulation de l'article 437 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 (retenue sur le montant de la prime Copernic), introduit par J. Lizen.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 juin 2003 et parvenue au greffe le 25 juin 2003, J. Lizen, faisant élection de domicile à 1000 Bruxelles, place Fontainas 9-11, a introduit un recours en annulation de l'article 437 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 (retenue sur le montant de la prime Copernic) (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2002). (...) III. En droit (...) B.1.1. La prime Copernic a été instaurée afin d'aligner le pécule de vacances des membres du personnel des niveaux 4, 3 et 2 des services publics fédéraux et parastataux sur le pécule de vacances des travailleurs du secteur privé. L'arrêté royal du 10 juillet 2002 accordant une prime Copernic à certains agents des administrations de l'Etat complète le pécule de vacances, en ce sens que le montant que les fonctionnaires se voient allouer au titre de pécule de vacances est porté à 92 p.c. du traitement mensuel brut.

B.1.2. L'article 6, alinéa 2, de l'arrêté royal précité dispose : « Une retenue de 13,07 % est effectuée sur le montant de la prime. » Ce pourcentage correspond à celui qui est retenu sur le pécule de vacances originaire en vertu de l'article 11bis de l'arrêté royal du 30 janvier 1979 relatif à l'octroi d'un pécule de vacances aux agents de l'administration générale du Royaume.

B.1.3. Le requérant a introduit un recours devant le Conseil d'Etat contre l'arrêté royal précité du 10 juillet 2002, arguant notamment de son inconstitutionnalité eu égard à l'article 170 de la Constitution, la « retenue » de 13,07 p.c. effectuée sur la prime Copernic étant, selon lui, un impôt qui ne pouvait être levé que par une loi.

B.2.1. L'article 437, actuellement attaqué, de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 énonce : « A partir de 2002, une retenue de 13,07 % est effectuée sur le montant de la prime Copernic accordée à certains agents des services publics selon les modalités fixées par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres. » L'article entrepris reproduit ainsi une disposition déjà contenue dans un arrêté royal.

B.2.2. L'objectif du législateur est expliqué comme suit dans les travaux préparatoires : « Pour conserver le parallélisme absolu entre le pécule de vacances et la prime Copernic, il est proposé d'instaurer une retenue semblable de 13,07 % sur la prime [...]. » (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-2124/029, p. 12) En ce qui concerne la nature du prélèvement, il a été déclaré qu'elle était purement budgétaire (ibid., p. 21).

B.2.3. La prétendue retenue ne présente aucune caractéristique d'un impôt ou d'une cotisation de sécurité sociale. Elle n'est rien d'autre qu'un abaissement du montant de la prime initialement prévue. La « retenue » n'a jamais fait partie du patrimoine des bénéficiaires. Son montant n'est ni accordé à un établissement de sécurité sociale ni attribué comme recette fiscale au Trésor public, au titre de précompte professionnel.

Les deuxième et troisième moyens, qui postulent que la retenue est un impôt, manquent de fondement.

B.3. Bien que l'on puisse considérer qu'il serait souhaitable, du point de vue de la cohérence de la réglementation, d'accorder directement la prime correspondant au montant visé et budgétisé, ce qui rend un prélèvement superflu, la Cour doit se limiter à contrôler le respect des dispositions constitutionnelles invoquées.

B.4. Dans le premier moyen, le requérant reproche à l'article 437 attaqué de se substituer à des dispositions réglementaires dont l'illégalité est dénoncée devant le Conseil d'Etat, empêchant celui-ci de statuer sur le litige qui lui est soumis. L'article 437 violerait ainsi les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 6.1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à ladite Convention.

B.5.1. En reproduisant le contenu de l'article 6, alinéa 2, de l'arrêté royal du 10 juillet 2002, la disposition attaquée ne peut en aucun cas mettre en cause des décisions passées en force de chose jugée. Elle pourrait cependant faire perdre l'intérêt qu'ont les parties qui ont attaqué devant le Conseil d'Etat l'article 6, alinéa 2, précité, à poursuivre les procédures qui n'ont pas donné lieu à une décision sur le fond passée en force de chose jugée.

B.5.2. Il s'ensuit que la disposition attaquée peut affecter les litiges en cours et porter ainsi atteinte à des garanties juridictionnelles au détriment de la catégorie de citoyens qui ont introduit de tels litiges.

B.5.3. Toutefois, il ne s'ensuit pas nécessairement que les articles 10 et 11 de la Constitution seraient violés.

B.6.1. La seule existence d'un recours devant le Conseil d'Etat contre une disposition d'un arrêté royal n'empêche pas que les dispositions de celui-ci puissent être refaites avant même qu'il ait été statué sur ce recours. C'est le cas en particulier lorsque le législateur entend exercer une compétence qui lui appartient.

B.6.2. Le législateur règle cependant en l'espèce une matière qui relève de la compétence du Roi. Les articles 37 et 107, alinéa 2, de la Constitution Lui réservent effectivement la compétence pour régler le statut des fonctionnaires de l'administration générale.

Certes, cette réserve de compétence fondée sur la Constitution ne vaut pas pour les fonctionnaires des services publics parastataux, mais, étant donné que le Roi pouvait Se fonder, pour ce faire, sur des dispositions législatives organiques qui Lui confient le soin de régler le statut de ces membres du personnel, il n'est pas nécessaire de prévoir une base légale distincte pour la « retenue » en cause.

B.6.3. L'objectif invoqué dans les travaux préparatoires (B.2.2) visant à donner une base légale à l'article 6, alinéa 2, de l'arrêté royal du 10 juillet 2002 ne saurait dès lors justifier la différence de traitement en ce qui concerne la garantie juridictionnelle accordée par l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

Une telle « base légale » est du reste superflue dès lors que la Constitution elle-même, en ce qui concerne les emplois d'administration générale, et les lois organiques, en ce qui concerne les membres du personnel des autres établissements publics, habilitent le Roi à fixer le statut pécuniaire des agents des pouvoirs publics et, partant, à déterminer le montant de la prime.

Enfin, la Cour n'aperçoit pas d'autres motifs impérieux d'intérêt général de nature à justifier, en l'espèce, l'intervention du législateur dans un litige pendant.

B.7. Le moyen doit être accueilli.

Par ces motifs, la Cour annule l'article 437 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 2 juin 2004.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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