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Arrêt
publié le 19 décembre 2005

Extrait de l'arrêt n° 179/2005 du 7 décembre 2005 Numéro du rôle : 3360 En cause : le recours en annulation des articles 302 et 308 de la loi-programme du 9 juillet 2004, introduit par C. De Wolf. La Cour d'arbitrage,

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Extrait de l'arrêt n° 179/2005 du 7 décembre 2005 Numéro du rôle : 3360 En cause : le recours en annulation des articles 302 et 308 (marchés publics) de la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, introduit par C. De Wolf.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges M. Bossuyt, A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 17 janvier 2005 et parvenue au greffe le 18 janvier 2005, C. De Wolf, Etikhovestraat 6 à 9680 Maarkedal, a introduit un recours en annulation des articles 302 et 308 (marchés publics) de la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer (publiée au Moniteur belge du 15 juillet 2004, deuxième édition).

Le 8 février 2005, en application de l'article 71, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juges-rapporteurs A. Alen et J.-P. Snappe ont informé le président qu'ils pourraient être amenés à proposer à la Cour, siégeant en chambre restreinte, de rendre un arrêt constatant que le recours est manifestement irrecevable. (...) II. En droit (...) B.1. Le requérant demande l'annulation des articles 302 et 308 de la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, qui a été publiée au Moniteur belge du 15 juillet 2004 (deuxième édition) et qui insère un chapitre IIbis - De l'information - dans la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services.

Ces dispositions énoncent : «

Art. 302.Au Livre Ier, Titre II, de la même loi [la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services], il est inséré un chapitre IIbis, rédigé comme suit : ' CHAPITRE IIbis. - De l'information

Art. 21bis.- § 1er. Le pouvoir adjudicateur informe les candidats non sélectionnés et les soumissionnaires dont l'offre a été jugée irrégulière ou n'a pas été choisie dans les moindres délais après la prise de décision les concernant. Cette disposition n'est pas applicable pour certains marchés passés par procédure négociée sans publicité dont le Roi arrête la liste.

Le Roi fixe les règles relatives à la communication aux candidats et aux soumissionnaires des motifs de la décision qui les concernent. Il peut prévoir des exceptions pour certains marchés passés par procédure négociée sans publicité. § 2. Lorsque le marché public atteint le montant estimé fixé par le Roi pour la publicité européenne lors du lancement de la procédure, le pouvoir adjudicateur communique par lettre recommandée à la poste en même temps que l'information prévue au § 1er : 1° à tout candidat ou soumissionnaire non sélectionné, les motifs de sa non-sélection;2° à tout soumissionnaire dont l'offre a été jugée irrégulière, les motifs de son éviction;3° à tout soumissionnaire dont l'offre n'a pas été choisie, la décision motivée d'attribution du marché. Le pouvoir adjudicateur accorde aux candidats et soumissionnaires un délai qu'il précise et qui doit être d'au moins dix jours à compter du lendemain du jour de l'envoi des motifs, afin de leur permettre d'introduire éventuellement un recours auprès d'une juridiction, et ce exclusivement selon le cas dans le cadre d'une procédure en référé devant le juge judiciaire ou, devant le Conseil d'Etat, par une procédure d'extrême urgence. En l'absence d'une information écrite au pouvoir adjudicateur en ce sens, parvenue dans le délai accordé à l'adresse qu'il a indiquée, la procédure peut être poursuivie.

Le respect des dispositions du présent paragraphe ne s'impose pas : - dans les cas de procédure négociée sans publicité au sens de l'article 17, § 2, de la loi, lorsqu'il n'est pas possible de consulter plusieurs concurrents et en cas d'application de l'article 17, § 2, 1°, b et c, de la loi; - dans le cas de marchés en matière de défense au sens de l'article 296, § 1er, b, du Traité; - dans les cas exceptionnels et dûment motivés où l'urgence impose une réduction du délai de réception des demandes de participation à moins de vingt jours et du délai de réception des offres à moins de quinze jours dans le cadre d'une procédure accélérée au sens du § 1er, alinéa 2, des articles 6, 32 et 58 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics. § 3. Certains renseignements peuvent ne pas être communiqués lorsque leur divulgation ferait obstacle à l'application d'une loi, serait contraire à l'intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d'entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre entreprises. ' ». «

Art. 308.Dans l'article 41 de la même loi du 24 décembre 1993, les mots ' 21bis, §§ 1er et 3, ' sont insérés entre les mots ' 19, ' et ' 22 ' ».

Quant à la recevabilité B.2. Le Conseil des Ministres conteste l'intérêt du requérant à l'annulation des articles 302 et 308 de la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer.

B.3. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise; il s'ensuit que l'action populaire n'est pas admissible.

B.4.1. Le requérant se prévaut d'abord d'un intérêt en sa qualité d'avocat dont la pratique consiste principalement à conseiller et à accompagner des procédures relatives à l'attribution de marchés publics. Son intérêt concernerait la sécurité juridique qui est souhaitable et même nécessaire pour prêter conseil.

B.4.2. La situation du requérant n'est pas affectée directement et défavorablement par la réglementation en vertu de laquelle la procédure de protection juridique s'applique uniquement à une certaine catégorie de marchés publics pour lesquels, en sa simple qualité d'avocat et de conseiller en matière de marchés publics, il dit rechercher « une sécurité juridique souhaitable et même nécessaire ».

L'intérêt qu'il invoque, en sa seule qualité d'avocat ou de conseiller juridique en matière de marchés publics, ne se distingue pas de l'intérêt qu'a toute personne au respect de la légalité en toute matière et, en l'espèce, à ce qu'il soit remédié au traitement inégal, dénoncé, de personnes qui participent à des procédures d'adjudication de différents types de marchés publics. Admettre un tel intérêt pour agir devant la Cour reviendrait à admettre le recours populaire, ce que le Constituant n'a pas voulu.

B.5.1. Le requérant se prévaut toutefois aussi de l'intérêt qu'il a, en sa qualité de conseiller juridique, à participer lui-même, le cas échéant, à des marchés publics portant sur des services juridiques, auxquels la première disposition attaquée ne pourrait s'appliquer par suite du montant du marché à attribuer. Il se verrait ainsi privé du droit d'invoquer la réglementation relative à la protection juridique en matière de marchés publics, instaurée par cette disposition.

B.5.2. Les pièces produites par le requérant font apparaître qu'il a participé dans le passé à des procédures d'adjudication de marchés publics portant sur des services juridiques. Pour les marchés publics de services juridiques qui n'atteignent pas le « montant estimé fixé par le Roi pour la publicité européenne », le requérant ne pourra recourir à la procédure prévue à l'article 21bis, § 2, de la loi du 24 décembre 1993, telle qu'elle a été instaurée par l'article 302 attaqué de la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer. Dans cette mesure, sa situation peut être affectée de manière suffisamment directe et défavorable par la norme entreprise et il justifie donc de l'intérêt requis pour demander l'annulation de cette disposition.

B.6.1. Dans la deuxième branche du moyen, le requérant dénonce également la différence de traitement entre les personnes qui participent à des marchés publics dans les secteurs classiques et celles qui participent à des marchés publics d'adjudication de travaux, de fournitures et de services dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux, en raison de l'absence du principe de standstill dans la procédure relative aux marchés publics dans ces derniers secteurs.

B.6.2. Le requérant, qui du point de vue professionnel n'exerce pas d'activité dans ces secteurs spéciaux, ne saurait être affecté directement et défavorablement, dans la qualité qu'il invoque, par l'absence du principe de standstill dans le régime de protection juridique des marchés publics relatifs aux secteurs spéciaux.

Son intérêt ne diffère donc pas de l'intérêt considéré comme insuffisant en B.4.2.

B.7. Le recours en annulation introduit par le requérant n'est donc recevable qu'en tant qu'il dénonce, en sa qualité de participant actif à l'adjudication de marchés publics portant sur des services juridiques, l'absence du principe de standstill dans la procédure relative aux marchés publics en matière de services juridiques qui n'atteignent pas le montant estimé, fixé par le Roi, pour la publicité européenne.

La Cour examinera le recours dans cette seule mesure.

Quant au fond B.8. Selon le requérant, le principe d'égalité et de non-discrimination est violé en ce que la réglementation insérée dans la loi du 24 décembre 1993 à l'article 21bis, § 2, en vertu de laquelle le pouvoir adjudicateur doit procéder à une notification particulière et respecter un délai d'attente avant de poursuivre la procédure d'adjudication (le principe de standstill ), s'applique exclusivement aux marchés publics qui atteignent le montant estimé, fixé par le Roi, en vue de la publicité européenne, alors que cette mesure de protection juridique ne s'applique pas aux marchés publics dont le montant estimé n'atteint pas cette valeur seuil à partir de laquelle la publicité européenne est obligatoire. Pour le requérant, il n'existe pas de motif valable à cette différence de traitement.

B.9. La différence de traitement dénoncée entre les différentes catégories de participants et de soumissionnaires à des adjudications de marchés publics est fondée sur un critère objectif, à savoir le montant du marché public.

B.10.1. La modification apportée à la loi du 24 décembre 1993 par la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer concernait « l'information des candidats et des soumissionnaires, et plus particulièrement l'instauration pour les marchés relevant du régime général et atteignant les seuils fixés pour la publicité européenne d'un délai avant la conclusion du marché » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-1139/001, p. 161). Cette modification a été justifiée comme suit : « Le § 2 détermine cependant un régime adapté pour les marchés publics dont le montant estimé HTVA atteint le montant fixé par le Roi pour la publicité au niveau européen lors du lancement de la procédure. Ces marchés sont dès lors soumis à l'application des directives européennes actuelles 92/50/CEE, 93/36/CEE et 93/37/ CEE relatives à la coordination des procédures de passation des marchés publics. Le pouvoir adjudicateur doit dans ce cas non seulement informer dans les moindres délais mais également communiquer aux candidats ou soumissionnaires non sélectionnés et aux soumissionnaires dont l'offre a été jugée irrégulière ou n'a pas été retenue la décision motivée les concernant. Un délai d'au moins dix jours à compter du lendemain de l'envoi doit ensuite être respecté pour permettre aux candidats et soumissionnaires d'examiner la motivation de la décision et d'introduire, s'ils estiment être lésés par cette décision, un recours auprès d'une juridiction. Le Conseil d'Etat propose, dans son avis, d'allonger le délai minimum de dix jours. Il ne convient pas de retenir cette proposition car il s'agit du délai minimum raisonnable admis par la Commission européenne et appliqué dans d'autres Etats membres. L'article 2, § 1er, de la directive 89/665/CEE, traitant des voies de recours, exige par ailleurs que des mesures provisoires puissent être prises dans les délais les plus brefs. S'agissant en outre d'un délai minimum, chaque pouvoir adjudicateur devra apprécier, en fonction notamment de la complexité du marché, s'il ne convient pas d'accorder un délai plus long. [...] Dans son arrêt ' Alcatel ' du 28 octobre 1999 (affaire C-81/98) relatif à l'interprétation de la directive 89/665/CEE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics, la Cour de Justice des Communautés européennes a en effet conclu que les Etats membres doivent prévoir une procédure de recours permettant aux candidats non sélectionnés et aux soumissionnaires dont l'offre a été jugée irrégulière ou n'a pas été choisie de demander, avant la conclusion du marché, l'annulation de la décision en cas d'illégalité de celle-ci, et ce indépendamment de la possibilité d'obtenir des dommages-intérêts lorsque le marché a été conclu » (ibid., pp. 163-165).

B.10.2. Comme le font apparaître les travaux préparatoires précités, le législateur a uniquement voulu mettre en oeuvre des directives européennes et a, pour cette raison, limité la réglementation de la protection juridique aux marchés publics qui entrent dans le champ d'application de ces directives.

Le législateur ne devait pas, à cette occasion, justifier spécialement la raison pour laquelle il n'a pas étendu ce régime de protection juridique aux participants ou soumissionnaires d'autres marchés publics. Il n'est pas douteux que des arguments pertinents en faveur de cette extension peuvent être avancés, comme le fait le requérant.

Il n'appartient toutefois pas à la Cour de substituer en l'espèce son jugement à celui du législateur, lequel, en cas d'une éventuelle extension du régime de protection juridique, ne doit pas seulement tenir compte des éventuels effets qui pourraient découler d'une application illimitée du principe de standstill, aussi bien au niveau du déroulement de la procédure et de sa durée qu'au niveau de l'efficacité nécessaire de l'intervention des pouvoirs adjudicateurs.

Cette préoccupation générale ressort d'ailleurs des travaux préparatoires. C'est ainsi qu'il a été observé lors de l'examen des modalités de la procédure actuelle : « La solution retenue dans le projet de loi, après avis de la Commission des marchés publics, a été d'établir un équilibre entre le respect des droits des entreprises concurrentes et la nécessité de sauvegarder la continuité du service au travers de la passation des marchés. Le projet entend donc trouver une solution pour les situations dans lesquelles les irrégularités sont manifestes et qui ne souffrent pas de délais de procédure plus longs » (ibid., p. 165).

Il découle de ce qui précède que la mesure attaquée n'est pas dépourvue de justification raisonnable.

B.11. Le moyen unique ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 7 décembre 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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