Etaamb.openjustice.be
Décision Du Conseil De La Concurrence
publié le 17 octobre 2003

Conseil de la Concurrence. - Décision n° 2002-C/C-53 du 9 juillet 2002 Affaire CONC-C/C-02/0028 : Banque Cortal - Cortal Belgique Vu la notification de concentration déposée le 13 mai 2002 par les parties notifiantes; Vu le rapport motivé Entendu à l'audience du 9 juillet 2002 : - Monsieur Patrick Marchand pour le corps des rapporteu(...)

source
service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie
numac
2003011154
pub.
17/10/2003
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

SERVICE PUBLIC FEDERAL ECONOMIE, P.M.E., CLASSES MOYENNES ET ENERGIE


Conseil de la Concurrence. - Décision n° 2002-C/C-53 du 9 juillet 2002 Affaire CONC-C/C-02/0028 : Banque Cortal - Cortal Belgique Vu la notification de concentration déposée le 13 mai 2002 par les parties notifiantes;

Vu le rapport motivé déposé le 21 juin 2002 pour le corps des rapporteurs;

Entendu à l'audience du 9 juillet 2002 : - Monsieur Patrick Marchand pour le corps des rapporteurs; - Maître Yves Brulard, représentant commun des parties notifiantes;

I. Description des entreprises - L'acquéreur S.A. Banque Cortal (ci-après Banque Cortal) est une société anonyme de droit français, agréée au titre de banque par l'autorité de contrôle de son pays.

Elle est détenue par BNP Paribas S.A. (ci-après BNP), société anonyme de droit français, banque agréée par l'autorité de contrôle de son pays. - Le vendeur Artesia Banking Corporation S.A. (ci-après Artésia) est une société anonyme de droit belge, agréée comme banque par l'autorité de contrôle de son pays. - La société cible Cortal Belgique S.A. (ci-après Cortal Belgique) est une société anonyme de droit belge. Elle a pour activité la distribution de produits financiers sans intermédiaires, s'adressant directement à l'épargnant particulier pour des produits à court terme, des fonds d'investissement, de l'assurance-vie et du courtage en bourse.

Cortal Belgique exerce plus particulièrement l'activité d'agent délégué au sens de la circulaire B95/3 de la Commission Bancaire et financière (CBF). En vertu de cette directive, un agent délégué ne peut, à l'exception de l'activité en matière de prêt et de leasing, représenter qu'un seul établissement de crédit au niveau de l'activité bancaire. En l'espèce, Cortal Belgique représente actuellement, de manière exclusive, Artesia.

La clientèle contactée par l'intermédiaire de Cortal Belgique fait donc, selon les parties, part intégrante du fonds de commerce de Cortal Belgique, et ceci en vertu du contrat d'agent délégué conclu entre les parties.

II. Description de l'opération La notification a pour objet une opération de concentration qui concerne l'acquisition par Banque Cortal de 60 % des actions de Cortal Belgique, [CONFIDENTIEL].

Banque Cortal possède déjà 40 % des actions de Cortal Belgique. Ce pourcentage passera donc, suite à la réalisation de l'opération de concentration, à 100 %.

Le but de la concentration est de permettre à Banque Cortal de prendre le contrôle de l'agent délégué à qui elle référait, grâce à son nom et à ses techniques commerciales, les clients qu'elle parvenait à recruter, en rattachant désormais à Banque Cortal les comptes clients gérés pour eux.

Cortal Belgique restera donc l'agent délégué, au sens de la circulaire de la CBF, d'un seul établissement bancaire, en l'espèce Banque Cortal, laquelle à obtenu du CECEI l'autorisation d'établir une succursale en Belgique, ladite autorisation ayant été notifiée à la CBF. III. Instruction La notification a été effectuée le 13 mai 2002 de façon incomplète. Le rapporteur a de ce fait invité par courrier du 15 mai 2002 le représentant des parties notifiantes à compléter celle-ci.

Le 22 mai 2002, ce dernier a transmis par recommandé une partie des renseignements demandés, sans toutefois produire une copie complète de la convention qui faisait l'objet de la notification. Il argumentait que cette convention contenait des secrets d'affaires que les parties notifiantes ne souhaitaient pas révéler (et notamment le prix de la transaction). Par ailleurs, le représentant commun déclarait ne pas trouver "dans l'arrêté royal l'obligation de faire autant de copies des annexes qu'il n'y a de copies de la notification".

Par lettre du 24 mai 2002, le rapporteur réitère sa demande, en précisant les bases légales, à savoir l'article 3, de l'arrêté royal du 23 mars 1993 relatif à la notification des concentrations d'entreprises.

Le 28 mai 2002 le représentant commun transmet les documents demandés, à l'exception des annexes à la convention ainsi que des bilans 2001 des différentes filiales et succursales de BNP Paribas sur le sol belge.

Les difficultés rencontrées par le Service de la Concurrence et le corps des rapporteur pour se faire communiquer les informations et les pièces indispensables à l'analyse de la concentration notifiée ont été soulignées par le rapporteur. Celui-ci propose de ce fait au Conseil d'infliger une amende de principe aux parties notifiantes en application de l'article 37, § 1er, b, de la loi sur la protection de la Concurrence économique, coordonnée le 1er juillet 1999, pour leur manque de collaboration.

Il ressort à suffisance du dossier d'instruction, notamment les courriers échangés entre les autorités chargées de l'instruction et les parties que ces dernières ont montré très peu de bonne volonté pour fournir les informations qui leur était demandées, contrariant par la même l'instruction du dossier et perturbant le travail du rapporteur.

L'instruction d'audience n'a fait que confirmer ce manque de collaboration.

Il apparaît en conséquence opportun d'infliger une amende aux parties notifiantes. Cependant, au vu de la faible importance de l'opération concernée et dont l'admissibilité sera discutée ci-après, le Conseil de la Concurrence estime devoir fixer le montant de cette amende à la somme de 6.000 euros.

IV. Champ d'application Les sociétés précitées sont des entreprises au sens de l'article 1er de la loi sur la protection de la Concurrence économique et l'opération notifiée est une opération de concentration au sens de l'article 9 de la loi précitée.

L'article 11 de la loi dispose que la concentration tombe dans le champ d'application de la loi dès lors que les entreprises concernées totalisent ensemble en Belgique un chiffre d'affaires de plus de 40 millions d'euros et qu'au moins deux des entreprises concernées réalisent chacune en Belgique un chiffre d'affaires d'au moins 15 millions d'euros.

En vertu de l'article 46, § 3.a, de la loi, ces chiffres d'affaires sont cependant remplacés pour les banques, les établissements de crédit et autres établissements financiers, par le dixième du total des bilans.

Pour ce qui concerne l'acquéreur, même en se référant aux seules activités bancaires, les seuils sont largement dépassés.

Quant à la société cible, Cortal Belgique, le dixième du total du bilan de l'exercice 2001 n'atteint pas le seuil de 15 millions d'euros. Cependant, outre la prise de contrôle de Cortal Belgique par Banque Cortal, l'opération de concentration concerne aussi l'acquisition concomitante des comptes clients attachés aux clients de Cortal Belgique, comptes détenus actuellement par Artesia et devant, suite à la réalisation de l'opération de concentration, être transférés à l'acquéreur ou à une entité désignée par lui à la date du closing. Suivant les parties, ces comptes représentent, en 2001, 472.223.465 d'euros.

Dans la mesure où le transfert de ces comptes doit être considéré comme la cession d'une branche d'activités relative à des activités bancaires et en vue de déterminer si les seuils visés par l'article 11 de la loi sont atteints, il y a lieu de considérer le dixième de ces montants, soit 47.222.347 d'euros. En effet, l'encours total des comptes en cause serait venu s'ajouter au total du bilan relatif à l'activité transférée si un tel bilan avait existé.

V. Marchés en cause Le secteur économique concerné par la concentration est le secteur bancaire (intermédiation financière, code NACE 65). - Marché de services en cause Trois grands secteurs sont traditionnellement distingués au niveau des activités bancaires : - les services bancaires de détail à l'attention des particuliers et des ménages (" banque de détail "); - les services bancaires aux entreprises (" banque commerciale "); - et les opérations sur les marchés financiers (" banque d'investissement ").

Les services bancaires à l'attention des particuliers et des ménages constituent la " banque de détail ". Selon les parties, au sein de ces services se différencient les services de banque universelle de ceux de " private banking ", ces deux formes de services ne visant en effet pas le même type de clientèle.

L'opération de concentration ne met en cause que le marché relatif aux services prestés dans le cadre de la banque universelle. Les services entrant dans " la banque universelle " regroupent les activités liées aux systèmes de paiement (comptes à vue) et les activités connexes, les comptes courants, les comptes de dépôt, l'épargne (comptes à vue, bons de caisse, livrets et comptes à terme), l'épargne hors bilan (sicav, fonds communs de placement et fonds de pension), et les crédits aux particuliers (les prêts à la consommation et autres financements, les prêts hypothécaires). Ce marché est de dimension nationale.

VI. Analyse concurrentielle - Estimation de la valeur du marché en cause et position des parties sur ce marché L'estimation du marché belge des services de " banque universelle " peut, selon les parties, être considérée en fonction du nombre de comptes bancaires ouverts ou en fonction du volume des encours gérés sur ces comptes.

L'Association belge des banques indique qu'en 1998, le nombre de comptes ouverts était de 32.948.000.

La même association a évalué, pour l'exercice 2000, l'encours total géré sur ces comptes à 595.053 millions d'euros, et ceci pour 119 établissements bancaires. Parmi ces derniers, quatre établissements couvraient, chacun pris isolément, plus de 10 % de parts de marché en matière de banque universelle en 2000 : - Fortis Banque . . . . . (195 109 millions euro , soit 32,8 % de parts de marché); - KBC Bank . . . . . (107 248 millions euro , soit 18,2 % de parts de marché); - Dexia Banque Belgique . . . . . (93 715 millions euro , soit 15,8 % de parts de marché); - Banque Bruxelles Lambert . . . . . (62 378 millions euro , soit 10,5 % de parts de marché).

Ces quatre seules banques prises ensemble totalisaient donc, en 2000, plus de 75 % de parts de marché.

Quant aux activités bancaires de l'acquéreur en Belgique, elles sont peu importantes, BNP Paribas se classant en cinquantième position et BNP Securities Services en quatre-vingt-huitième position, en terme de volume des encours gérés, avec un total de 408 millions d'euros, soit 0,07 % de parts de marché.

Même en tenant compte du transfert d'activités lié à l'opération en cause, la part de marché cumulée des parties en cause restera nettement inférieure à 1 % et l'opération n'aura quasiment pas d'impact sur le marché. - Appréciation Une analyse des informations disponibles montre que la part de marché combinée des parties sur les marchés en cause n'atteignent pas 25 %.

Il n'y a dès lors pas de marché concerné au sens de la loi.

En outre, la modification de part de marché résultant de l'opération - part déjà très peu importante au départ- est insignifiante.

Par ces motifs, Le Conseil de la Concurrence - inflige une amende de 6.000 euros aux parties notifiantes, pour leur manque de collaboration, en application de l'article 37, § 1er, b , de la loi; - constate que la concentration en cause tombe dans le champ d'application de la loi; - constate que la concentration notifiée n'aura pas pour effet l'acquisition ou le renforcement d'une position dominante qui entrave de manière significative une Concurrence effective sur le marché belge en cause ou sur une partie substantielle de celui-ci; - la déclare admissible, conformément aux articles 33, § 1er et 33, § 2, 1, a , de la loi.

Ainsi décidé le 9 juillet 2002 par la chambre du Conseil de la Concurrence composée de Monsieur Jacques Schaar, président de chambre, de Madame Dominique Smeets, et de Messieurs Eric Balate et David Szafran, membres.

^