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Décision Du Conseil De La Concurrence
publié le 27 février 2006

Conseil de la concurrence. - Décision n° 2005-P/K-57 du 21 décembre 2005. - Affaire CONC-P/K-00/0011 Vu la plainte datée du 9 mars 2000 des S.P.R.L. Eric Thiry Entreprises et S.P.R.L.U. Kilt Carburateurs transmise au Corps des rapporteurs le 14 Vu le dossier d'instruction et le rapport du rapporteur daté du 16 janvier 2003; Vu les notes d'(...)

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SERVICE PUBLIC FEDERAL ECONOMIE, P.M.E., CLASSES MOYENNES ET ENERGIE


Conseil de la concurrence. - Décision n° 2005-P/K-57 du 21 décembre 2005. - Affaire CONC-P/K-00/0011 Vu la plainte datée du 9 mars 2000 des S.P.R.L. Eric Thiry Entreprises et S.P.R.L.U. Kilt Carburateurs transmise au Corps des rapporteurs le 14 mars 2000;

Vu le dossier d'instruction et le rapport du rapporteur daté du 16 janvier 2003;

Vu les notes d'observations de l'A.S.A.F. et des S.P.R.L. Eric Thiry Entreprises et S.P.R.L.U. Kilt Carburateurs;

Vu l'audience du 25 mars 2003;

Vu notre décision du 23 octobre 2003 déclarant la plainte recevable et renvoyant le dossier au Corps des rapporteurs pour instruction au fond sur base de l'article 24, § 2, alinéa 8, de la loi sur la protection de la concurrence économique ci-après LPCE ou la loi;

Vu le dossier d'instruction complémentaire et le rapport complémentaire du rapporteur du 26 janvier 2005; 1. Vu l'audience du 3 mai 2005;Les plaignantes - La S.P.R.L. Eric Thiry Entreprises (en abrégé E.T.E.) dont le siège social est sis à 5620 Florennes, rue de la Corne 4, inscrite auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises, sous le n° 0435.212.670; - La S.P.R.L.U. Kilt Carburateurs, dont le siège social est établi à 4606 Dalhem, rue Berger Haye 7, inscrite auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises, sous le n° 0434.333.138;

Les plaignantes sont, entre autres, les distributeurs exclusifs pour la Belgique et le grand-duché de Luxembourg de pneumatiques DUNLOP destinés au karting. 2. L'entreprise incriminée L'Association sportive automobile francophone (ci-après A.S.A.F.) est une association sans but lucratif dont le siège social est établi à 5000 Namur, rue du Lombard 85, inscrite auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises, sous le n° 0418.063.070.

L'A.S.A.F. a pour objet de promouvoir, coordonner et réglementer la pratique du sport automobile dans les Communautés francophone et germanophone du pays et à cette fin, notamment de développer les activités tendant à promouvoir la pratique du sport automobile par la population et de faire tout acte, toute opération, se rapportant directement ou indirectement aux objets ci-dessus.

L'A.S.A.F. organise et gère les compétitions du sport automobile dans les Communautés francophone et germanophone du pays.

L'A.S.A.F. fixe, perçoit et gère les droits et les cotisations afférents au sport automobile communautaire et provincial. 3. Les faits L'A.S.A.F. qui jouit de l'exclusivité pour l'application de la réglementation du sport automobile sur le territoire des cinq provinces francophones, a élaboré un règlement sportif général, un règlement technique général et des règlements particuliers pour chaque type de course automobile, notamment un règlement technique vitesse et un règlement général et technique endurance qui sont concernés par la présente procédure.

L'article 21 du règlement technique vitesse et l'article 10 du règlement général et technique endurance déterminent les spécifications techniques qu'il y a lieu de respecter pour les différentes classes existantes en karting.

Le 10 janvier 2000, l'A.S.A.F. a lancé un appel d'offres afin de sélectionner un nombre de marques et types de pneus qui devront être utilisés par les pilotes des différentes catégories de karting, Le 3 février 2000, un appel d'offres concernant les pneus "pluie" est lancé.

Après lecture des cahiers de charges, les plaignantes ont dû constater que, compte tenu des spécifications techniques exigées, il leur était impossible de remettre une offre conforme (1). 4. Griefs invoqués par les plaignantes Les demanderesses font grief à l'A.S.A.F. de violer les articles 2 et 3 de la loi sur la protection de la concurrence économique. Elles reprochent notamment à celle-ci, seule détentrice du pouvoir sportif automobile régional francophone, d'abuser de sa position dominante sur le marché de l'organisation des compétitions et par induction sur le marché de l'écoulement des pneumatiques.

Elles lui reprochent : 1. de les exclure dudit marché en érigeant unilatéralement des spécifications techniques (article 3.3 de l'appel d'offres) précisant les dimensions et le nombre de shores (2) requis pour chaque catégorie; 2. de limiter les débouchés ainsi que la production au préjudice des consommateurs;3. de subordonner la conclusion du contrat à des prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec le contrat principal.En effet, l'appel d'offres de la défenderesse impose à chaque fournisseur d'accompagner son offre d'une caution de 100 000 francs belges à l'ordre de l'A.S.A.F. à titre de garantie générale pour l'application des engagements au niveau de l'homologation, la constance des prix, le stock et le soutien commercial. 4. de cadenasser les prix, la qualité ainsi que le progrès technique par le biais des clauses de constance de prix, de qualité et de disponibilité du produit, inhérentes au contrat d'appel d'offres;5. d'appliquer des conditions inégales vis-à-vis de différents fournisseurs et donc irrégulières au niveau concurrentiel;6. de rompre l'égalité entre les manufacturiers homologués par la Fédération mondiale de Karting (en abrégé FMK) et la Commission internationale de Karting (en abrégé CIK);7. de pratiquer une distribution exclusive vis-à-vis de certains tiers;8. de refuser de communiquer aux plaignantes les résultats de l'appel d'offres ce qui corrobore l'idée de sa position de "suprême décideur"; et donc de violer les articles 2 et 3 de la loi. 5. Définition de marché 5.1. Marchés de services en cause Les marchés de services en cause, proposés par le rapporteur et non contestés par l'A.S.A.F. et les plaignantes, sont : - le marché de l'organisation des compétitions officielles du sport automobile; - le marché de la fourniture des pneumatiques pour les compétitions officielles de karting. 5.2. Marché géographique Il n'est également pas contesté que le marché géographique concerné est une partie substantielle du territoire belge puisqu'il englobe les cinq provinces francophones et la Région de Bruxelles-Capitale (19 communes). 6. Champ d'application de l'article 3 de la LPCE La loi sur la protection de la concurrence économique prévoit expressément en son article 3, alinéa 1er qu'« Est interdit le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché belge concerné ou dans une partie substantielle de celui-ci.» L'alinéa 2 de cette disposition donne une énumération exemplative de comportements constitutifs de pratiques abusives.

Le législateur a précisé à l'article 1er, a, de cette loi, ce qu'il faut entendre par « entreprise », à savoir "toute personne physique ou morale poursuivant de manière durable un but économique".

Dans sa décision n° 2003-P/K-85 du 23 octobre 2003, le Conseil de la concurrence a décidé que l'A.S.B.L. A.S.A.F. était une association d'entreprises au sens de la loi sur la protection de la concurrence économique et a rappelé que des associations d'entreprises peuvent aussi être considérées comme étant des "entreprises" au sens précité, dans la mesure où elles ont elles-mêmes des activités économiques.

Attendu que dans sa décision du 6 décembre 2000 (numéro 2003-V/M-39), le président du Conseil a estimé, prima facie, suivant en cela l'avis du Service de la concurrence et du Corps des rapporteurs, que l'A.S.A.F. pouvait être considérée comme une association d'entreprises, en relevant que si toutes ces sociétés sont constituées sous la forme d'A.S.B.L., il n'en reste pas moins vrai qu'elles fournissent ensemble un service contre rémunération en organisant et en gérant des compétitions automobiles et qu'elles poursuivent donc de manière durable une activité économique.

Attendu que dans sa décision n° 2003-P/K-85 du 23 octobre 2003, le Conseil de la concurrence avait également expressément considéré que le fait que les clubs de karting et l'A.S.A.F. soient organisés sous le statut d'A.S.B.L., ne les exclut pas du champ d'application de la loi.

Qu'au contraire, les activités qu'elles développent, tels des contrats relatifs à la publicité, l'organisation de compétitions contre rémunération, la vente de tickets d'entrées, etc. sont révélatrices d'une activité durable à but économique.

Dans la mesure où l'A.S.A.F. poursuit de manière durable un but économique, elle est une entreprise au sens de la loi. 7. Position dominante et abus éventuel L'A.S.A.F. est la seule fédération officielle détentrice du pouvoir de promouvoir, coordonner et réglementer la pratique du sport automobile dans les Communautés francophone et germanophone du pays.

De ce fait, elle jouit d'une situation de monopole de fait sur le marché de l'organisation des compétitions officielles de sport automobile.

Au cours de l'audience du 3 mai 2005, le président de l'A.S.A.F. a d'ailleurs reconnu qu'une position dominante de l'A.S.A.F. peut exister en droit tout en précisant qu'en fait tout ce qui a été fait pour assurer le sport pour tous a été démoli car le prix des pneus est essentiel.

Même si l'A.S.A.F. n'est pas présente sur le marché de la fourniture des pneumatiques pour les compétitions officielles de karting (elle n'est ni vendeuse ni acheteuse), la mise en oeuvre de ses réglementations produit nécessairement des effets sur ce marché;

Un abus de position dominante de l'A.S.A.F. est donc possible. En effet, la Cour de justice des Communautés européennes considère (notamment dans son arrêt du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris c/Commission et Alpha Flight Services, aff. C82/01P, Rec. 2002, p.

I-9297) qu'une entreprise qui bénéficie d'une position dominante sur un marché peut commettre un abus sur un marché connexe sur lequel elle n'est pas présente.

Il ressort de la jurisprudence de la Commission européenne que le recours par une fédération sportive à un système d'appel d'offres pour la fourniture d'équipements sportifs utilisés dans les compétitions qu'elle organise n'est pas en soi constitutif d'une infraction à l'article 82 du Traité, bien que l'application de ce système attribue un droit exclusif de fourniture à l'entreprise ayant remporté le marché. Une violation du droit communautaire de la concurrence ne peut être affirmée que si l'organisation ou la mise en oeuvre d'un appel d'offres ne respecte pas les critères d'objectivité, de non-discrimination et de transparence. Ce raisonnement peut s'appliquer, mutatis mutandis, à l'appel d'offres de l'A.S.A.F..

Par conséquent, il y a lieu d'examiner si les prescriptions et la mise en oeuvre des appels d'offres et des règlements de l'A.S.A.F. pour les pneumatiques sont objectives, non discriminatoires et transparentes.

I. Quant à l'appel d'offres pour la saison 2000 1. Les spécifications techniques de l'appel d'offres pour la saison 2000 L'article 3 de l'appel d'offres pour la saison 2000 stipule que le fournisseur sélectionné garantira la fourniture exclusive de pneus karting homologués FMK/CIK, ou l'ayant été (3).Cet article détermine également les dimensions et indice de dureté de la gomme pour les pneus « slicks » et pour les pneus « pluie » de chaque catégorie (4) Sur cette base, les plaignantes ont conclu qu'elles ne pouvaient pas répondre à l'appel d'offres.

L'A.S.A.F. a estimé durant l'instruction dans un courrier du 14 août 2000 adressé au Service de la concurrence, que les plaignantes auraient pu proposer les pneus de types DAH, SL3, DAM, KT6W6, RH7 et RM8. Elle indique de manière générale que ces pneus rentrent dans le cahier des charges, tant en dimensions qu'en qualité de gomme (nombre de degrés shores), mais elle ne précise pas les catégories dans lesquelles ces pneus rentreraient.

E.T.E et Kilt expliquent dans un courrier du 23 août 2000 que : - les pneus RH7 et RM8 (ancienne homologation de 1996) ne sont plus au programme de fabrication de Dunlop et les fiches d'homologation de ce type de pneus ne sont plus disponibles en conséquence de quoi il eut été radicalement impossible pour les plaignantes d'émettre une quelconque proposition y relative, dans quelque catégorie que ce soit; - le pneu SL3 est à présent uniquement destiné au créneau loisirs et non destiné à la compétition;

Elles poursuivent en déclarant que leurs autres types de pneus ont un degré de dureté ne répondant pas aux exigences de l'appel d'offres (cfr. courrier du 23 août 2003 du conseil des plaignantes au Service de la concurrence partie III doc. 10 043 et 10 044). En effet, le pneu DAH a un degré de dureté variant de 47 à 61, le DAM de 44 à 58 et le KT6W6 de 41 à 55 shores.

L'article 3 de l'appel d'offres pour la saison 2000 ne précise nullement si pour que le pneu soit retenu, seul son indice moyen de dureté importe ou s'il faut prendre en compte les limites de tolérance de la FMK/CIK. Interrogée sur ce point, l'A.S.A.F. a déclaré par l'intermédiaire de son conseil, dans un courrier du 5 septembre 2000 adressé au Service de la concurrence qu'« il est évident que vu qu'il y a une tolérance dans la fiche d'homologation, il doit en être tenu compte » (cfr. partie III doc. 12 049).

Si tel est le cas, il faut conclure que le pneu « slicks » VEGA FSL n'aurait pas pu être retenu pour les catégories Cadet-Junior et Bleue puisque si on tient compte des limites de tolérance, il varie de 54 à 66° (son indice moyen de dureté étant de 60°), limites qui sortent de celles établies par l'A.S.A.F. (de 60 à 65 shores).

Il apparaît donc que l'article 3 de l'appel d'offres manque non seulement de précision mais que de plus, l'A.S.A.F. en fait une application différente selon les catégories de courses.

Les prescriptions relatives aux spécifications techniques manquent de précision et de transparence ayant empêché les plaignantes de répondre à l'appel d'offres pour la saison 2000. L'A.S.A.F. viole ainsi l'article 3 de la loi sur la protection de la concurrence économique. 2. Le cadre général de l'appel d'offres L'appel d'offres a été transmis aux distributeurs de pneus le 10 janvier 2000.Les offres devaient être effectuées pour le 28 janvier au plus tard (courrier recommandé repris au doc. 01 022 de la 1e partie). Le nouvel appel d'offres concernant les pneus pluie a été envoyé par courrier du 3 février 2000 (doc. 01 029) et les offres devaient être rendues pour le 11 février au plus tard, soit en l'espèce dans un délai manifestement très court. (doc. 01 030) Par ailleurs, l'A.S.A.F. n'a pas répondu aux interrogations des plaignantes relatives aux spécifications techniques du premier appel d'offres.

Une réponse de l'A.S.A.F. aurait permis aux plaignantes d'éventuellement soumissionner.

Au vu du cadre général dans lequel l'appel d'offres a été lancé, ce dernier ne remplit pas les conditions d'objectivité, de non-discrimination et de transparence.

Par conséquent, l'A.S.A.F. viole l'article 3 de la loi sur la protection de la concurrence économique.

II. Quant au règlement pour la saison 2001 1. Analyse du règlement pour la saison 2001 Pour la saison 2001, l'A.S.A.F. a établi un règlement comprenant la liste des pneus admis en karting. Cette liste reprend, par catégorie de courses, des marques et types de pneus qui répondent aux critères techniques préalablement retenus (homologation, dimensions, dureté).

Cette liste n'est par ailleurs pas exhaustive puisque le pilote peut présenter une autre marque ou un autre type de pneus, à charge pour lui d'apporter la preuve de son homologation et des critères techniques d'acceptation.

En ce qui concerne les degrés shore, la tolérance admise est celle figurant sur la fiche d'homologation CIK. Les pilotes ne sont autorisés à changer de marque ou de type de pneus qu'une seule fois pendant la saison, ce choix sera alors irrévocable.

Le pilote devra obligatoirement choisir la même marque, tant pour les pneus « slick » que pour les pneus « pluie ». Dès lors, tout changement de marque de pneu « slick » entraînera automatiquement un changement de la marque de pneu pluie.

Justifications de l'A.S.A.F. En ce qui concerne l'élaboration du nouveau règlement, et plus spécifiquement la procédure de fixation des spécifications de dureté des pneus par catégories de courses, l'A.S.A.F. précise dans un courrier du 11 octobre 2001 (partie II doc. 02 003) avoir dans un premier temps fixé les degrés « shore » sur base de chiffres ronds, à savoir 50, 55, 60, 65 et 70.

Pour la catégorie ICA, le chiffre de 50 « shores » initiaux a été ramené à 48 afin de permettre l'utilisation d'un maximum de marques différentes et d'inclure le pneu Bridgestone YGA régulièrement utilisé au niveau national et international (cfr. partie II doc. 02 003).

Par ailleurs, pour la catégorie Cadet/Junior, l'A.S.A.F. précise ne pas avoir voulu permettre l'utilisation d'un pneu plus tendre que celui présentant un degré « shores » de 65 et ce, afin de limiter au maximum les performances dans cette catégorie (réservée aux enfants de 11 à 15 ans), qui sont déjà à son avis, à la limite de l'acceptable (cfr. partie II doc. 02 004 :courrier du 11 octobre 2001 adressé au Service de la concurrence).

L'A.S.A.F. soutient en outre avoir inséré la prescription relative au changement unique de marque ou de type de pneus dans son règlement dans le but de maintenir les coûts de participation dans des limites raisonnables (cfr. partie II doc. 02 004).

Elle justifie l'obligation d'utiliser une marque identique pour les pneus slick et pluie en s'appuyant sur l'existence d'une prescription similaire au niveau national (R.A.C.B.) et international (C.I.K.) et sur la facilité de gestion qu'elle entraîne. La gestion du choix des pneus (à contrôler d'épreuves en épreuves représente selon l'A.S.A.F. un travail colossal. Le fait d'autoriser des pneus « slicks » et « pluie » de marques différentes doublerait selon l'A.S.A.F. le travail et le rendrait impossible à réaliser. (cfr. partie II doc. 02 005).

Analyse des justifications données par l'A.S.A.F. Deux points posent problème au regard des règles concurrentielles : - La prescription relative au changement unique des pneus en cours de saison : Cette solution a paru à l'A.S.A.F. concilier à la fois la liberté de chaque concurrent de choisir ses pneus et le souci de garder les coûts de participation dans des limites raisonnables.

Plusieurs remarques peuvent être formulées à cet égard..

Tout d'abord, le pilote doit changer régulièrement ses pneus puisqu'un set de pneus n'est performant que pour une ou deux courses. Par conséquent, le pilote doit faire l'investissement financier correspondant.

Par ailleurs, dans l'hypothèse du choix d'un pneu plus cher que le pneu initial, voire même du choix du pneu le plus cher, la différence du coût que doit supporter le pilote n'est que relative par rapport au coût total d'une saison karting. En effet, la différence de prix par set de pneus « slick » (tarifs 1999) la plus importante concerne la catégorie 1A, et se chiffre à 1 850 BEF, ce qui fait un total pour 10 courses (saison 2001) de 18 500 BEF. De plus, si dans l'absolu le pneu le plus cher est censé être le plus performant, dans la pratique une adéquation entre le style de conduite et les qualités du pneu est nécessaire. Dès lors, tous les pilotes ne retiendront pas nécessairement le pneu le plus cher.

En outre, il n'est pas impossible de penser que les pilotes, sur base de leur expérience et de la renommée des marques et types pneus, ne se lanceront pas dans une quête effrénée en essayant la totalité des pneus, mais n'en testeront que quelques-uns.

Enfin, les équipements autres que les pneus sont librement choisis par les participants; la surenchère aux équipements n'est donc limitée que pour les pneus de karting.

Les moyens mis en place par l'A.S.A.F. pour atteindre « le Sport pour tous » s'avèrent par conséquent disproportionnés par rapport au but recherché.

La clause du changement unique de pneu en cours de saison constitue par conséquent une infraction à l'article 3 de la loi sur la protection de la concurrence économique. - La prescription imposant l'utilisation d'une marque identique pour les pneus « pluie » et pour les pneus « slick » : Pour l'A.S.A.F., cette prescription est fondée sur deux raisons : - d'une part, la facilité de gestion qui en découle (le contrôle à chaque épreuve sportive qui représente déjà un travail colossal serait doublé si l'on autorisait des pneus « slick » et « pluie » de marques différentes; - d'autre part, l'existence d'une prescription similaire au niveau national (RACB) et international (CIK).

La charge de travail supplémentaire invoquée n'est pas un argument valable puisque à chaque début de compétition tant les pneus « slick » que les pneus « pluie » doivent être vérifiés, quelle que soit la marque.

A l'instar de la liste des pneus « slick », l'A.S.A.F. a déterminé les pneus « pluie » (homologués FMK/CIK) pouvant être utilisés pour chaque catégorie de courses.

Tous les pneus pluie homologués FMK/CIK sont repris, sauf le pneu Maxxis WT4 (les dimensions de ce pneu ne correspondant pas à celles imposées par l'A.S.A.F.); le pneu que présentera le pilote sera nécessairement un pneu faisant partie de la liste établie par l'A.S.A.F. Une charge de travail supplémentaire liée à la vérification de la fiche d'homologation est purement hypothétique.

Par ailleurs, vérifier que le pneu utilisé par le pilote peut être utilisé dans sa catégorie ne représenterait pas une charge de travail plus importante que vérifier si les pneus « pluie » et « slick » sont de marque identique.

De plus l'existence éventuelle d'une telle règle au niveau national comme international ne préjuge pas de son bien fondé au regard du droit de la concurrence.

La clause relative à l'utilisation d'une marque identique pour les pneus « pluie » et les pneus « slick » est disproportionnée par rapport au but poursuivi et constitue une infraction à l'article 3 de la loi sur la protection de la concurrence économique. - Suppression de la prescription relative au changement unique des pneus en cours de saison et de la prescription imposant l'utilisation d'une marque identique pour les pneus « pluie » et pour les pneus « slick » à partir du 1er janvier 2002 : Par courrier du 28 novembre 2001 (cfr. partie II doc.07 013 et 014), l'A.S.A.F. a fait part au Service qu' « à partir du 1er janvier 2002, il sera permis aux concurrents, d'utiliser des pneus « slick » et des pneus « pluie » de marques différentes. De plus, toujours à partir du 1er janvier 2002, les concurrents pourront, à chaque meeting, se présenter avec des pneus d'une autre marque. Il n'y aura donc plus d'obligation de choisir un pneu pour l'année avec une seule possibilité de changement ». 2. Analyse des règlements 2002, 2003 et 2004 Ces règlements permettent aux pilotes de choisir la marque de pneus de leur choix pour chaque catégorie de courses selon la classification établie par la FMK/CIK et selon les dimensions déterminées par l'A.S.A.F. (cfr. partie III doc. 02). Ces règlements ne présentent aucune clause restrictive de concurrence. 8. Décision du Conseil Attendu que par ses appels d'offres 2000 et règlements 2001, l'A.S.A.F. a enfreint l'article 3 de la loi en imposant : - Des spécifications techniques ne respectant pas les conditions d'objectivité, de transparence et de non-discrimination (année 2000); - la clause du changement unique de pneus en cours de saison ainsi que la clause imposant l'utilisation d'une marque identique pour les pneus « pluie » et les pneus « slick » (année 2001).

Attendu que les infractions à l'article 3 de la loi sont considérées comme des infractions très graves (voir les lignes directrices (4) pour le calcul des amendes infligées en application des articles 36 à 39 de la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 1er juillet 1999 publiées au Moniteur belge du 30 avril 2004, Ed. 2, p. 36261 à 36264).

Que le Conseil peut cependant tenir compte du fait que l'A.S.A.F. a supprimé les clauses anticoncurrentielles en cours d'instruction et a adopté à partir de 2002, des règlements conformes au droit de la concurrence;

Que la durée de l'infraction est limitée;

Que les infractions n'ont pas été commises dans le but de réaliser des gains illicites;

Qu'il convient néanmoins de condamner A.S.A.F. à une amende mais de la limiter à un montant symbolique de euro 1.000, tel que prévu au point 4) des remarques générales des lignes directrices et tel que proposé par le Corps des rapporteurs. Par ces motifs, Le Conseil de la concurrence - Constate que l'A.S.A.F. a enfreint l'article 3 de la loi sur la protection de la concurrence économique; - Condamne l'A.S.A.F. à une amende de euro 1.000 conformément à l'article 36 LPCE et aux lignes directrices du Conseil pour le calcul des amendes.

Ainsi décidé le 21 décembre 2005 par la chambre du Conseil de la concurrence composée de Mme Marie-Claude Grégoire, président de chambre, de Mme Dominique Smeets et MM. Patrick De Wolf et Eric Balate, membres. _______ Notes (1) Les faits ont été exposés de manière plus circonstanciée dans la décision n° 2003-P/K-85 du 23 octobre 2003 (2) Le degré « shores » d'un pneu est l'indicateur de sa dureté.(doc. 02 003 partie II) (3) Pour obtenir l'homologation de ses pneus, le manufacturier doit faire une demande de test pour chaque modèle à un laboratoire désigné et l'envoyer avec trois pneumatiques pour modèle afin d'établir une valeur médiane pour chaque mesure nécessaire à la description technique de la fiche d'homologation.Une fois le rapport positif sur le test reçu et après vérification de sa teneur, la CIK-FIA confirme l'homologation. Tous les trois ans a lieu une session d'homologation. (Cfr Règlement d'homologation 2004 p.21 et fiche d'homologation FIA-CIK (4) Pour la catégorie Mini, seules les dimensions du pneu sont définies. (5) Ces lignes directrices ne font qu'appliquer la loi sur la protection de la concurrence économique de sorte que les principes généraux de la légalité des peines et de la non-rétroactivité de la loi ne sont pas violés.

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